L’Afghanistan dans son contexte régional (1) : Pakistan et Inde

L’Afghanistan a concentré sur son territoire les principaux enjeux de sécurité et de criminalité des soixante-dix dernières années. L’opposition des blocs soviétique et occidental a précédé le développement du terrorisme transnational. La culture extensive du pavot a conduit le pays à en devenir le premier producteur mondial et le carrefour des trafics. L’insurrection islamiste née au cœur des montagnes afghanes a servi de modèle et de centre névralgique pour toutes celles qui ont suivi, la « génération du djihad afghan » ayant par la suite couvert tous les théâtres du djihad, de la Bosnie au Sahel en passant par le Levant. Aujourd’hui encore, les grandes puissances s’affrontent en jeux d’influence et démonstrations de force pour s’assurer un contrôle relatif de la situation en Afghanistan. Territoires des confins et marches des empires historiques, la richesse de son sous-sol, sa situation géographique ou la composition ethno-religieuse de sa population sont autant d’enjeux de contrôle pour les pays de sa région.
Au premier rang des pays intéressés par la situation afghane se trouvent l’Inde et le Pakistan. Héritiers d’une histoire ancienne marquée par plusieurs siècles d’invasions successives arrivant de l’Hindu Kush [1], mais aussi d’une histoire coloniale imprégnée de la diplomatie du « Grand Jeu » [2] et de l’ombre des trois guerres anglo-afghanes, l’Inde et le Pakistan portent encore aujourd’hui un regard inquiet sur l’Afghanistan. Depuis leur indépendance en 1947, le contexte géopolitique régional et mondial a rendu incontournable la politique afghane de ces deux États. Gilles Bocquerat qualifie de « continuum historique » le regard porté sur le territoire afghan à travers l’histoire par les autorités indiennes puis pakistanaises [3].
Comprendre la crise actuelle et ses enjeux implique de se plonger dans cette géopolitique régionale et de s’interroger sur les intérêts des États voisins de l’Afghanistan à s’impliquer dans ce conflit. Commencer cette série d’articles par le Pakistan est par ailleurs tout indiqué au regard du caractère incontournable du pouvoir pakistanais dans la gestion de la politique afghane. Loin de prétendre dresser un tableau exhaustif des motivations de ces États dans leur politique afghane, l’objectif est de fournir des clés de compréhension du contexte régional qui rend la crise afghane particulièrement complexe.
Les conflits du Pakistan
Depuis sa création en 1947, le Pakistan est confronté à des situations conflictuelles avec ses deux principaux voisins. Cet état de fait l’a poussé à accorder progressivement une place majeure à son appareil militaire.
La frontière afghano-pakistanaise a été établie à l’issue de la deuxième guerre anglo-afghane (le 12 novembre 1893) pour séparer les possessions britanniques et le royaume indépendant d’Afghanistan. Nommée après son créateur « ligne Durand », cette frontière qui divise les zones de peuplement pachtouns et baloutches a été à peine remise en question lors de la troisième et dernière guerre anglo-afghane en 1919. Elle est devenue de fait la frontière du nouvel État pakistanais en 1947. L’État afghan du début du XXe siècle a très peu revendiqué l’appartenance des zones frontalières contrôlées par les Britanniques. Mais face au nouvel État fragilisé par le contexte violent de sa création, le roi Zaher Shah voit une opportunité d’affirmer son statut de puissance régionale et refuse de reconnaitre au Pakistan la continuité des traités signés avec les Britanniques. La non-reconnaissance de leur frontière commune et l’instabilité relative des zones tribales pakistanaise sont encore à ce jour des éléments de confrontation diplomatique et militaire entre les deux pays. La monarchie afghane a notamment choisi dans les années qui ont suivi d’encourager les mouvements sécessionnistes baloutches et pachtouns en accueillant sur le sol afghan des groupes armés menant une insurrection contre l’État pakistanais.
Dans le même temps, l’Inde et le Pakistan se sont disputés la possession de la région du Cachemire, chacun refusant de reconnaitre les frontières fixées au moment de l’indépendance. Le conflit ouvert et difficilement maitrisé entre ces deux États devint rapidement l’élément principal de la grille de compréhension des autorités pakistanaises en matières diplomatique et militaire. Se considérant comme perpétuellement menacé par l’Inde sur sa frontière est, le Pakistan a fait le choix de mettre l’accent sur le développement d’une armée moderne et efficace. Cette crainte de la confrontation avec l’Inde est également un facteur d’explication des nombreux renversements de situation politique qui ont régulièrement marqué la vie publique pakistanaise, entre aspirations démocratiques et domination de l’appareil militaire [4].
Dans cet environnement conflictuel, chacun des deux États cherche à obtenir de Kaboul l’assurance, a minima, de sa neutralité ou, si possible, de son soutien. Le contexte de la Guerre Froide entérine la rupture et les choix divergents. L’Inde se revendique dans sa constitution de 1950 laïque et socialiste et se rapproche de l’Union soviétique. L’Afghanistan lui aussi, malgré une volonté de ne pas s’aligner dans un premier temps, se rapproche progressivement des Soviétiques avec l’arrivée au pouvoir en 1953 du Premier ministre et beau-frère du roi, Mohammad Daoud Khan, qui initie les grandes politiques de modernisation industrielle et sociale de la société afghane. Face à ses deux rivaux, le Pakistan se rapproche des États-Unis, notamment pour se garantir l’équilibre géostratégique en cas de confrontation armée.
Jusqu’à l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979, l’Inde entretenait donc des relations privilégiées avec l’Afghanistan. Les deux États ont notamment signé en 1950 un traité d’amitié et se sont reconnus partenaires commerciaux privilégiés quelques mois plus tard. Toutefois l’Inde, en conflit avec le Pakistan et la Chine, n’a pas souhaité approfondir davantage ces relations, notamment sur le plan militaire. Toute tentative de coopération militaire en matière d’armement ou de partenariat stratégique aurait été perçue par Islamabad comme une menace directe à son égard. L’entrée de l’armée Rouge sur le sol afghan en décembre 1979 ne fut pas condamnée par l’Inde du fait de ses propres relations avec l’URSS. Elle marqua néanmoins une perte de terrain dans le jeu géopolitique indien. Le Pakistan, allié des États-Unis et principal vecteur de l’aide matérielle allouée à l’insurrection afghane, est sorti indirectement vainqueur de la guerre civile afghane et en a tiré profit. Il a notamment gardé la main sur la situation afghane à travers sa mainmise sur l’insurrection, et notamment depuis 1994 sur les Taliban.
Le conflit afghan vu du Pakistan
Le Pakistan est depuis 2001 dans une position délicate vis-à-vis de la crise afghane. Souvent désigné comme élément moteur de l’instabilité, sa position l’oblige à maintenir un statu quo qui repose sur le double jeu diplomatique et militaire.
L’armée pakistanaise est aujourd’hui sous perfusion financière américaine par le biais notamment du fonds de soutien de la coalition et des aides dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. En janvier 2018, Donald Trump a suspendu ces aides en demandant à Islamabad de cesser sa politique permissive en matière de terrorisme. Dans son rapport de juin 2017 au Congrès américain, le Département de la défense des États-Unis (DoD) désignait le Pakistan comme « le facteur extérieur de plus grande influence sur la stabilité de l’Afghanistan et le résultat des missions » menées par la coalition [5]. Poussé par la volonté de se garantir une profondeur stratégique sur le territoire afghan dans son conflit avec l’Inde, le Pakistan tient à s’assurer que le pouvoir afghan qui émergera du conflit lui sera favorable.
Le Pakistan entretient des relations complexes avec le terrorisme et les groupes armés radicaux qui évoluent sur son sol ou dans les États voisins. En conflit depuis des dizaines d’années dans les zones tribales au nord-ouest et dans le Baloutchistan au sud avec des groupes séparatistes plus ou moins liés à l’Islam radical, il bénéficie du soutien de groupes du même ordre, qu’il instrumentalise dans sa lutte pour le Cachemire. Là encore, avant toute chose, le Pakistan analyse la situation au prisme de son conflit avec l’Inde. Pour Islamabad, un rapprochement entre Dehli et Kaboul serait désastreux et entrainerait une situation d’encerclement qui permettrait notamment à l’Inde de soutenir les groupes baloutches et pachtouns, tout comme l’ISI pakistanais soutient les groupes armés au Cachemire. Entretenir l’instabilité en Afghanistan faute de pouvoir y installer un gouvernement favorable a donc longtemps été la solution privilégiée.
Sur le plan économique cependant, le Pakistan se rêve en carrefour des routes commerciales et a besoin de stabilité sécuritaire pour développer son économie dans ce sens. Le projet TAPI (Turkmenistan Afghanistan Pakistan India Pipeline) qui aurait dû entrer en service en 2020 après déjà de nombreux retards n’a pas été mis en fonctionnement en raison de l’instabilité du tracé en Afghanistan [6]. De même, le corridor sino-pakistanais qui doit rejoindre le Xinjiang chinois au port de Gwadar en passant par le Cachemire contesté et le Baloutchistan représente une manne économique importante pour l’économie pakistanaise. Entouré par l’Inde hostile, l’Afghanistan instable et l’Iran sous sanctions internationales, le Pakistan a désespérément besoin de stabilité dans la région pour profiter notamment de sa situation géographique.
En définitive, le Pakistan doit obtenir la paix en Afghanistan, mais pas à n’importe quel prix. D’une manière ou d’une autre, le Pakistan veut voir les Taliban revenir au pouvoir, au moins partiellement, afin de se garantir un allié dans un contexte qu’il perçoit comme hostile. Du reste, la signature de l’accord de Doha en février 2020, le retour progressif des Taliban dans l’espace public afghan, et le retrait américain semblent conduire vers cette issue. Soutenue par la Chine, elle-même en conflit avec l’Inde, l’ingérence du Pakistan dans la résolution du conflit afghan est telle que le président Karzai lors de son départ du pouvoir en 2014 l’a dénoncée en affirmant que le Pakistan ne soutiendra jamais les efforts de paix tant que la reconnaissance de la ligne Durand n’aura pas été consentie. De notoriété publique, l’ingérence pakistanaise est source d’un ressentiment important dans toutes les classes de la société afghane.
L’Inde de la diplomatie économique
Évincée du territoire afghan lors de l’arrivée des Taliban alors qu’elle soutenait le gouvernement de Rabbani et l’Alliance du Nord, l’Inde n’a cependant pas renoncé à s’impliquer dans la résolution de la crise afghane. Elle l’a fait cependant sans jamais s’impliquer militairement, ou de façon trop ouverte dans les négociations, afin de ne pas froisser le Pakistan. L’outil de prédilection de l’influence indienne sur le terrain afghan reste donc les investissements économiques.
Lors de la chute des Taliban en 2001, l’Inde dépêcha immédiatement un envoyé spécial dans l’objectif de rétablir un bureau de liaison préalable à la réouverture de l’ambassade en décembre 2001, jour même de la prise de pouvoir d’Hamid Karzai comme président intérimaire. Dès l’année suivante, les quatre consulats généraux de l’Inde à Mazar-e-Sharif, Hérat, Djalalabad et Kandahar avaient rouvert [7]. Entre 2002 et 2011, l’Inde a contribué largement aux fonds de développement accordés à l’Afghanistan, et a mené plusieurs projets d’infrastructures et d’assistance dans le pays [8]. Elle s’est ainsi placée comme premier pourvoyeur d’aide financière à l’échelle régionale, et le cinquième mondial. L’Afghanistan était en 2015 le second pays destinataires d’aide humanitaire indiens. Cette aide s’est organisée en quatre axes principaux : aide humanitaire (aide alimentaire, hôpital indien à Kaboul), projets majeurs d’infrastructures (construction de route principales, de lignes à hautes tensions et de barrages hydroélectriques), projets locaux de développement communautaires (accès à la propriété foncière, gestion agricole, santé élémentaire), et enfin éducation et aide au développement (reconstruction d’école, fourniture de manuels scolaires) [9]. Plutôt bien perçue par la population, l’aide indienne a amélioré sensiblement la perception de l’Inde en Afghanistan.
En octobre 2011, l’Inde est devenue le premier pays étranger à signer avec l’Afghanistan un accord de partenariat stratégique. Celui-ci s’intéresse aux domaines culturel, économique, éducatif et scientifique, mais aussi sécuritaire. L’Inde était pourtant restée jusque-là en dehors des considérations militaires du conflit afghan, notamment en refusant de s’impliquer dans la Force d’intervention et de sécurité (FIAS). Dans les faits, malgré quelques livraisons d’armement, le soutien de l’Inde à l’Armée Nationale Afghane est resté limité à des programmes de formation des militaires afghans en Inde jusqu’en 2008. Par la suite, l’Inde a apporté un effort supplémentaire dans le partage de connaissances en matière de contre-insurrection/contre-terrorisme, ainsi que dans le domaine de l’aéronautique. Malgré une tendance à des positions plus militaristes depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi, s’engager directement dans la résolution du conflit afghan par le biais d’un renforcement de la coopération militaire aurait des impacts trop directs sur la situation au Cachemire pour que le gouvernement indien s’y risque. Toutefois, le retrait américain d’Afghanistan inquiète l’Inde qui tient à rester impliquée dans le pays. Lorsqu’en mars 2020 le secrétaire d’État américain Mike Pompeo annonçait la réduction de l’aide financière américaine à destination du gouvernement afghan [10], le Premier ministre indien et Ashraf Ghani communiquaient sur leur volonté de « renforcer la coopération » [11].
L’Inde poursuit donc plusieurs objectifs dans sa politique afghane. Stratégiquement, il est important pour elle de ne pas laisser à la Chine et au Pakistan la mainmise sur la région nord-ouest. Sans exacerber les tensions, l’implication économique de l’Inde permet par des actions de soft-power d’affirmer la présence indienne et de garantir ses intérêts. Économiquement, cette implication est en elle-même moins directe. L’Afghanistan représentait 0,09% du commerce global indien en 2015 [12]. Toutefois, l’ouverture de couloirs aériens de façon régulière permettant un contournement du Pakistan [13], ou le développement du port de Chabahar au sud-est de l’Iran et de sa liaison routière et ferroviaire avec le territoire afghan devraient permettre à l’Inde de concurrencer le port sino-pakistanais de Gwadar [14] et de se connecter à la fois à l’Iran et à l’ensemble de l’Asie centrale. L’Inde avec ses besoins croissants en matière d’hydrocarbures devrait ainsi pouvoir accéder plus facilement à la ressource iranienne, mais aussi aux marchés des États centrasiatiques avides de désenclavement [15]. Contrairement au TAPI, ces projets ne sont pas dépendants du Pakistan, ce qui présente un intérêt majeur pour l’Inde.
Conclusion
L’Afghanistan occupe une position particulière dans le conflit indo-pakistanais qui en fait un objet de compétition entre les deux puissances. De façon sensiblement similaire aux exigences du Grand Jeu russo-britannique du XIXe siècle, chacune cherche à disposer à Kaboul d’une influence suffisante pour garantir a minima la neutralité du pouvoir afghan, et si possible une position favorable.
Le Pakistan a, dans ce jeu d’influence, l’avantage de la continuité territoriale et culturelle qui lui garantit une capacité d’action directe en Afghanistan. Les liens entretenus par les Taliban avec l’Inter Services Intelligence depuis les années 1990 et maintenus malgré les pressions exercées par les États-Unis garantissent aux autorités pakistanaises le maintien de l’instabilité en Afghanistan jusqu’à ce qu’une sortie de crise qui leur soit favorable arrive sur la table des négociations. C’est probablement chose faite avec l’accord de Doha qui entérine le retrait des troupes américaines et laisse le gouvernement de Kaboul dans une position peu enviable pour d’hypothétiques négociations inter-afghanes.
L’Inde toutefois est parvenue à recréer des relations soutenues avec l’Afghanistan par le biais de l’aide financière consentie lors des différentes conférences de donneurs pour l’Afghanistan, mais aussi en devenant un partenaire commercial privilégié du pays. N’étant pas directement frontalier de l’Afghanistan, la préoccupation de l’Inde pour l’instabilité sécuritaire dans ce pays ne vaut qu’au prisme de son conflit avec le Pakistan. L’outil d’influence économique est donc tout indiqué puisqu’aucun discours pakistanais ne peut entamer la légitimité de l’Inde à apporter son aide à un État de la région. De surcroit, l’économie défaillante du Pakistan empêche toute concurrence dans ce domaine. De fait, la perception de l’Inde par les Afghans est globalement positive, tandis que le Pakistan est souvent désigné comme directement responsable de la longueur du conflit.
GABRIEL ROMANCHE
Gabriel Romanche est diplômé du master de Relations internationales et action à l’étranger (MRIAE) de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Il est actuellement analyste au ministère de l’Intérieur, spécialisé sur la zone afghano-pakistanaise. Il a auparavant occupé un poste similaire dans un service interministériel et a servi à l’État-major de l’armée de Terre.
Notes
[1] Michael BARRY, Le Royaume de l’insolence, Flammarion, 2012.
[2] Apparue à la fin du XIXe siècle dans la correspondance d’un officier britannique en poste à Kandahar, cette expression désigne la concurrence diplomatique et militaire qui a opposé les couronnes russe et britannique pour la domination de la région occupée aujourd’hui par l’Afghanistan.
[3] Gilles BOCQUERAT (dir.), L’Afghanistan dans son environnement régional, Fondation pour la Recherche Stratégique, 2016.
[4] Pour aller plus loin : Christophe JAFFRELOT, Le Syndrome Pakistanais, Fayard, 2013.
[5] US Department of Defense, « Enhancing Security and Stability in Afghanistan”, Report to Congress, juin 2017 (https://dod.defense.gov/Portals/1/Documents/pubs/June_2017_1225_Report_to_Congress.pdf)
[6] Tolo News, “TAPI Pipeline Project Faces More Delays in Afghanistan”, 27 janvier 2020 (https://tolonews.com/business/tapi-pipeline-project-faces-more-delays-afghanistan)
[7] L’Afghanistan dans son environnement régional, op. cit.
[8] The Diplomat, « India’s Development Aid to Afghanistan : Does Afghanistan Need What India Gives ?”, 24 novembre 2018 (https://thediplomat.com/2018/11/indias-development-aid-to-afghanistan-does-afghanistan-need-what-india-gives/)
[9] The Diplomat, « India’s Development Aid to Afghanistan : Does Afghanistan Need What India Gives ?”, 24 novembre 2018 (https://thediplomat.com/2018/11/indias-development-aid-to-afghanistan-does-afghanistan-need-what-india-gives/)
[10] En raison des désaccords post-électoral à la présidence afghane entre le président sortant Ashraf Ghani et le chef de l’exécutif Abdullah Abdullah : NY Times, « Afghan Rivals Sign Power-Sharing Deal as Political Crisis Subsides », 17 mai 2020 (https://www.nytimes.com/2020/05/17/world/asia/afghanistan-ghani-abdullah.html)
[11] The Week India, « After US cut aid to Afghanistan, India reach out to Ghani to discuss ’evolving situation’”, 24 mars 2020 (https://www.theweek.in/news/world/2020/03/after-us-cut-aid-to-afghanistan-india-reach-out-to-ghani-to-discuss-evolving-situation.html)
[12] L’Afghanistan dans son environnement régional, op. cit.
[13] AA, « L’Afghanistan et l’Inde inaugurent un couloir de fret aérien », 27 décembre 2017 (https://www.aa.com.tr/fr/monde/l-afghanistan-et-l-inde-inaugurent-un-couloir-de-fret-aérien/1016563)
[14] Christophe Jaffrelot, « Alliances insolites autour de la mer d’Oman », Le Monde Diplomatique, septembre 2019 (https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/JAFFRELOT/60374)
[15] Isabelle Saint-Mézard, « Amitiés particulières entre New Delhi et Téhéran », Le Monde Diplomatique, novembre 2010.
L’Afghanistan dans son contexte régional (2) : Chine

Conformément à son rejet affiché de toute forme d’impérialisme, la Chine a longtemps refusé de s’impliquer de façon directe dans le conflit afghan. Concentrée sur son littoral oriental, la République populaire ne s’est ainsi que très peu investie jusqu’en 2001 dans les évolutions politiques de l’Afghanistan. Les deux États ne partagent du reste qu’une très courte portion de frontière au bout du corridor du Wakhan (93 kilomètres) [1]. Sous le régime communiste d’Afghanistan, les relations distantes mais courtoises qui existaient depuis 1955 sont devenues franchement hostiles en raison de la rupture sino-soviétique. L’invasion soviétique de 1979 a ainsi été condamnée officiellement par la Chine qui a réduit à son minimum sa présence diplomatique et commerciale dans le pays. L’ambassade de Chine à Kaboul ne rouvrit ses portes qu’en février 2002, sous le gouvernement intérimaire d’Hamid Karzai.
La Chine a vu dans la « Guerre contre la terreur » et l’intervention américaine en Afghanistan une absurdité potentiellement dangereuse, mais également une opportunité géopolitique. La présence d’un nombre important de militaires américains à proximité de la frontière chinoise est perçu comme une menace à plus ou moins long termes pour Pékin. Mais la déstabilisation de l’Asie centrale par le conflit et l’exacerbation des tensions religieuses internes, sont surtout propices à la mobilisation des populations musulmanes de Chine. Les enjeux politiques de contrôle du Xinjiang et des populations Ouïghours à l’ouest de la Chine ont ainsi contribué au renouveau de l’intérêt chinois pour l’Afghanistan. Enfin, le conflit afghan est le théâtre indirect des rivalités chinoises avec l’Inde ou les États-Unis, et se trouve ainsi aujourd’hui au cœur des préoccupations sécuritaires et économiques à l’ouest de la République populaire.
La Chine est aujourd’hui un acteur régional d’un poids certain dans le processus de paix en Afghanistan. Certes, elle se réjouit du prochain départ des troupes américaines, mais elle s’inquiète de l’appel d’air sécuritaire que pourrait produire ce retrait sans garanties significatives. Nous verrons donc dans un premiers temps les relations entretenues par les autorités chinoises avec le gouvernement de Kaboul et les insurgés (I), puis nous nous intéresserons aux intérêts économiques poussant Pékin à s’investir dans le pays (II), avant d’aborder le positionnement diplomatique chinois (III). Cet article n’a pas pour objectif de développer de manière exhaustive la relation sino-afghane et ses enjeux, mais de donner des pistes de compréhension des équilibres géopolitiques qui pèsent sur le futur processus de paix inter-afghan.
I. Relations équilibrées et médiation
La stabilité sécuritaire est le premier but poursuivi par la Chine dans la zone afghane. Seule cette garantie pourrait permettre à Pékin de limiter l’expansion des groupes jihadistes du Turkestan oriental (principalement le Xinjiang) et de s’assurer de la rentabilité de ses projets économiques dans la région. Ce statu quo était jusque-là partiellement garanti par la présence américaine, pis-aller tout juste acceptable pour le Parti communiste chinois mais offrant des éléments de langage opportun pour justifier la politique de coercition au Xinjiang [2] et la lutte contre le triptyque « terrorisme, extrémisme religieux et séparatisme » [3]. La question récurrente du retrait des forces américaines depuis 2014 a conduit la Chine à lier des relations croissantes aussi bien avec l’insurrection qu’avec le gouvernement afghan.
La Chine n’a jamais souhaité s’impliquer militairement dans le cadre de la coalition internationale afin notamment de ne pas engager ses militaires sous commandement américain. En revanche, l’aide financière pour le développement des capacités de l’Armée nationale afghane (ANA) et du reste des forces de sécurité du pays s’est élevée à plus de 70 millions de dollars entre 2015 et 2018 [4]. Plus directement, et malgré les démentis des autorités chinoises, la l’Armée de libération du Peuple (PLA) est présente dans le corridor du Wakhan pour mener des patrouilles conjointes avec les forces afghanes et pour contribuer à la création d’une brigade de montagne de l’ANA [5]. Après la création de la base navale de Djibouti, officiellement inaugurée le 1er août 2017, et la multiplication des engagements extérieures de l’armée chinoise, la présence de ces unités sur le sol afghan témoigne de la rupture stratégique consommée au niveau du haut commandement et des autorités politiques du pays [6]. Sans aller jusqu’à se compromettre avec une administration sous contrôle américain et souvent critiquée pour sa corruption systémique, Pékin a donc entretenu des relations régulières avec Kaboul dans les domaines de la lutte contre le terrorisme. C’est également la Chine qui, sur le plan diplomatique, a permis à l’Afghanistan de rejoindre l’Organisation de coopération de Shangaï comme pays observateur en 2012 [7].
Dans le même temps, comme d’autres états de la région, la Chine a pris acte de l’évolution des rapports de force sur le terrain et de l’implantation durable des Taliban comme acteur politique du futur Afghanistan pacifié. La Chine a donc approfondi sa relation avec l’Émirat islamique d’Afghanistan et continuera probablement dans cette voie. Depuis quelques années, des représentants des Taliban se sont ainsi rendus à plusieurs reprises en Chine. En septembre 2019, une délégation menée par le mollah Baradar [8] a été accueillie à Pékin au lendemain de l’annonce par Donald Trump de la suspension des négociations avec les Taliban. Exploitant ce revirement de position des États-Unis, les Taliban ont pu faire publicité de leur nouvelle acceptabilité internationale. La Chine, dont la relation avec les États-Unis est en détérioration croissante depuis 2017 se place par la même occasion en acteur régional à même de se substituer à la prééminence de la première puissance mondiale. Quelques semaines plus tard en octobre 2019, la Chine accueille des discussions directes entre Taliban et autorités afghanes pour la présentation par Ashraf Ghani d’un plan de paix en sept points [9]. Cette position de médiateur et de puissance régionale neutre entre les deux principaux belligérants est relativement unique et garantit à la Chine la préservation de ses intérêts dans l’avenir.
II. Un potentiel d’échanges économiques difficilement exploitable
L’Afghanistan n’a jamais été un partenaire commercial de premier ordre pour la Chine. Situé à l’opposé de la « Chine utile » du littoral oriental, le pays n’est pas réellement intégré aux réseaux commerciaux chinois. Les provinces occidentales de la Chine ont longtemps été considérées comme des espaces lointains, riches en ressources naturelles mais peu développés sur le plan des infrastructures et des industries, contrairement au centre industriel et au littoral tourné vers les échanges commerciaux [10]. Progressivement désenclavées par la construction d’un important réseau ferroviaire et par la politique « vers l’ouest » du gouvernement chinois, ces provinces sont aujourd’hui destinées à être les points d’entrée et de sortie des « Nouvelles routes de la soie » de la Belt and Road Initiative. Toutefois jusqu’à présent, les tentatives d’investissements chinois en Afghanistan ont été très ponctuelles et peu satisfaisantes sur le long terme. En 2018, le volume total des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afghanistan s’élevait à 690 millions de dollars [11]. En comparaison, sur l’année fiscale 2017/2018, le volume des échanges sino-pakistanais correspond à 13,2 milliards de dollars [12].
Particulièrement en besoin de matières premières, notamment en minerais et en hydrocarbure, l’industrie chinoise espère se tailler une part importante dans l’exploitation des ressources afghanes. En 2008, la China Metallurgical Group Corporation (MCC), une entreprise gouvernementale chinoise, a signé un bail de trente ans pour l’exploitation de la principale réserve de cuivre du territoire à Mes Aynak, dans la province de Logar au sud de Kaboul. Outre les multiples controverses qui ont entouré ce projet en raison de la présence d’une antique cité bouddhiste en surface du lieu d’extraction [13], l’exploitation du cuivre à Mes Aynak n’a jamais pu commencer réellement en raison d’une situation sécuritaire particulièrement détériorée dans la région et des attaques fréquentes menées par les insurgés contre les infrastructures et la main d’œuvre chinoise [14]. Le 17 mai 2020, une attaque contre un check-point proche de la mine a ainsi causé la mort de huit personnels de sécurité [15]. Certaines sources les rattachent directement aux équipes de surveillance de la mine [16]. De la même manière, fin 2011, la China National Petroleum Corp a obtenu les droits de prospection et d’exploitation sur une partie du bassin de l’Amu Darya à l’est de la ville de Faizabad dans la province de Badakshan. Principal bassin gazier de la région, à la frontière du Turkménistan, le bassin de l’Amu Darya représente une importante réserve d’hydrocarbure à proximité immédiate du territoire chinois [17]. Toutefois là encore, les prospections et l’exploitation n’ont pas encore pu être menées à bien faute de conditions de sécurité suffisantes pour garantir la rentabilité de l’ensemble.
III. Positionnement diplomatique régional
L’implication de la Chine dans la résolution du conflit afghan a donc des finalités diplomatiques et économiques évidentes au regard des besoins chinois en matière première et de la volonté de s’assurer de la stabilité des régions situées à ses frontières. Toutefois, au-delà de ces éléments pratiques, la Chine porte également un projet politique régional et tient à se montrer comme active dans la résolution de conflit, d’autant plus si elle se substitue en cela à l’armée américaine.
La Belt and Road Initiative (BRI) a pour objectif, on l’a vu, de désenclaver l’ouest de la Chine et d’ouvrir le territoire chinois aux marchés centre-asiatiques. Mais ce grand programme qui regroupe des projets d’investissements et d’infrastructures pour certain préexistants, mais aussi des partenariats politiques avec les pouvoirs locaux dans les pays partenaires a également une vision que certains considèrent comme intrinsèquement impérialiste en raison des déséquilibres économiques. Les États partenaires de la Chine se retrouvent ainsi contraints à des relations de dépendance, d’endettement et de domination face à la puissance économique et politique chinoise. Malgré les dénégations de la Chine, ces rapports qui existent depuis longtemps avec des pays d’Afrique ou des États producteurs d’hydrocarbures [18], ont tendance à se reproduire avec les grands projets de la BRI. Les ports sri-lankais de Hambantota ou pakistanais de Gwadar vont ainsi échapper totalement à la gestion de leurs États au regard du poids de l’investissement chinois [19]. Développer les « corridors » des nouvelles routes de la Soie assure la Chine de la pérennité de ses investissements à l’étranger, de ses approvisionnements en ressources, mais aussi de relations de domination sur les États de son entourage. L’Afghanistan, jusque-là sous perfusion américaine et tributaire de l’aide internationale pour son budget national ne pourra pas se prémunir longtemps de ce type de relations une fois que le retrait américain sera consommé, et que Donald Trump aura achevé de supprimer les aides actuelles au gouvernement de Kaboul pour le punir de sa corruption et de ses luttes intestines [20].
Toutefois, la Chine tient à se garder, au moins au premier regard, de toute intervention directe dans la résolution du conflit. Le scénario le plus probable est qu’elle s’appuie sur des instances multilatérales pour limiter le risque de détérioration de la situation en Afghanistan et de basculement dans la guerre civile. Une mission de maintien de la paix sous mandat des Nations unies et comprenant une part importante de troupes chinoises est une solution qui ferait également le bonheur du partenaire pakistanais, déjà grand pourvoyeur de troupes pour les missions sous casque bleu, et trop heureux de pouvoir s’impliquer directement en Afghanistan. L’Organisation de coopération de Shangaï est également un cadre qui pourrait permettre à la Chine de conserver la gestion de l’Afghanistan post-États-Unis à un niveau régional [21]. Encore faut-il convaincre les Afghans du bien-fondé d’une nouvelle présence militaire étrangère sur leur sol. En tout état de cause, la probabilité d’une intervention directe de l’armée chinoise de façon unilatérale est à exclure. Plus cohérente avec les pratiques actuelles chinoises, la stabilisation par le développement et les investissements massifs semble être l’option choisie. C’est également celle qui fonde la création du corridor économique sino-pakistanais (CPEC), qui par ses retombées économiques vise à stabiliser aussi bien le Xinjiang chinois que le Kashmir et le Baloutchistan pakistanais, tout en offrant un contournement de l’Inde [22] pour l’accès chinois à la mer d’Arabie. La création d’une ligne ferroviaire reliant la ville afghane de Kandahar au port de Gwadar, intégrant de fait l’Afghanistan au CPEC, vise ainsi à élargir cette dynamique à l’Afghanistan.
Conclusion
Depuis la fin des années 2000, la Chine s’investit progressivement dans le jeu politique, économique et diplomatique de l’Afghanistan. Les politiques successives d’ouverture vers l’ouest et de développement des nouvelles routes de la soie qui ont pour objectif de désenclaver et de développer l’ouest du pays se sont heurtées jusque-là à l’instabilité engendrée par le conflit afghan. Ce constat pousse les autorités chinoises à tisser des liens avec les différentes parties prenantes afin de se positionner en médiateur neutre, à même de favoriser un processus de paix tout en garantissant ses propres intérêts. De surcroit, le départ américain qui entérine la position de force des Taliban et marque une perte d’influence importante pour les États-Unis en Asie central laisse un vide que la Chine a l’intention de combler rapidement. Tant sur le plan économique que sécuritaire, Pékin ne pourra se réjouir de la « débandade » américaine en Afghanistan [23] qu’en assurant par ses propres moyens la poursuite du processus de paix et la stabilisation de la région. Elle peut pour cela compter sur le soutien de l’allié pakistanais, et sur la toute-puissance de son stock de devises et de ses investissements directs.
GABRIEL ROMANCHE
Gabriel Romanche est diplômé du master de Relations internationales et action à l’étranger (MRIAE) de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Il est actuellement analyste au ministère de l’Intérieur, spécialisé sur la zone afghano-pakistanaise. Il a auparavant occupé un poste similaire dans un service interministériel et a servi à l’État-major de l’armée de Terre.
Notes
[1] Excroissance géographique montagneuse très largement inaccessible et héritage du « Grand Jeu » et du partage de l’Asie centrale entre Russes et Britanniques. Voir : National Geographic, « Stranded on the Roof of the World”, février 2013, (https://www.nationalgeographic.com/magazine/2013/02/wakhan-corridor/)
[2] The Guardian, “China’s hi-tech war on its Muslim minority”, 11 avril 2019 (https://www.theguardian.com/news/2019/apr/11/china-hi-tech-war-on-muslim-minority-xinjiang-uighurs-surveillance-face-recognition) ; The Wall Street Journal, “Twelve Days in Xinjiang : How China’s Surveillance State Overwhelms Daily Life”, 19 décembre 2017 (https://www.wsj.com/articles/twelve-days-in-xinjiang-how-chinas-surveillance-state-overwhelms-daily-life-1513700355)
[3] Les « trois maux » identifiés par les autorités chinoises au Xinjiang et justifiant toute la politique de contrôle des populations et de répressions subies par les populations musulmanes Ouïghours. Pour aller plus loin : Andrew Small, The China-Pakistan Axis : Asia’s New Geopolitics, New York, Oxford University Press, 2015.
[4] South China Morning Post, « China is helping Afghanistan set up mountain brigade to fight terrorism”, 28 août 2018 (https://www.scmp.com/news/china/diplomacy-defence/article/2161745/china-building-training-camp-afghanistan-fight)
[5] Ibid.
[6] Fabien Delheure, CHINE – Synthèse documentaire, Centre de documentation de l’École militaire (CDEM), mai 2019 (https://www.dems.defense.gouv.fr/sites/default/files/2019-10/dossier_22_chine_2019.pdf)
[7] Voir la page dédiée à l’organisation sur le site Géoconfluences : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/organisation-de-cooperation-de-shanghai-ocs
[8] Principal négociateur des Taliban dans toutes les instances de discussions liées au processus de paix en Afghanistan. Il est également celui qui a signé l’accord de Doha avec Zalmai Khalizad en février 2019. Al Jazeera, “US-Taliban talks : Who is Mullah Baradar ?”, 1er mai 2019 (https://www.aljazeera.com/news/2019/05/us-taliban-talks-mullah-baradar-190501184035063.html)
[9] Radio Free Europe, « Report : Taliban Delegation Touches Down In China For Peace Talks”, 28 octobre 2019 (https://www.rferl.org/a/report-taliban-delegation-touches-down-in-china-for-intra-afghan-peace-talks/30239673.html)
[10] Schéma des « trois Chine » décrit par Claude CHANCEL le 11 mars 2017 lors d’une conférence dans le cadre du festival de géopolitique de Grenoble (https://www.youtube.com/watch?v=dkbl_JGRSPY&feature=youtu.be)
[12] Mofcom.cn, « B riefings on China-Pakistan Bilateral Economic and Trade Cooperation in 2017”, 12 octobre 2018, (http://english.mofcom.gov.cn/article/statistic/lanmubb/ASEAN/201810/20181002795331.shtml)
[13] Voir à ce propos le documentaire de 2014 Saving Mes Aynak (http://www.savingmesaynak.com)
[14] CNBC, « China’s plan to mine for copper beneath an ancient city gets thrown off by corruption charges”, 6 avril 2017 (https://www.cnbc.com/2017/04/06/mes-aynak-chinese-copper-mine-disrupted-by-corruption-charge.html)
[15] Xinhua.net, « Militants attacks kill 8 Afghan security personnel in Logar province”, 17 mai 2020 (http://www.xinhuanet.com/english/2020-05/17/c_139063942.htm)
[16] MENAFN, « Insurgents kill guards of Logar copper mine”, 17 mai 2020 (https://menafn.com/1100175881/Insurgents-kill-guards-of-Logar-copper-mine)
[17] Oil & Gas Journal, “CNPC gets three Afghanistan Amu Darya blocks”, 16 janvier 2012 (https://www.ogj.com/exploration-development/article/17273275/cnpc-gets-three-afghanistan-amu-darya-blocks)
[18] Michael Klare, « La Chine est-elle impérialiste ? », Le Monde Diplomatique, septembre 2012 (https://www.monde-diplomatique.fr/2012/09/KLARE/48110)
[19] France 24, « Au Sri Lanka, la nouvelle route de la soie chinoise est une déception », 23 mars 2019 (https://www.france24.com/fr/20190322-sri-lanka-italie-chine-port-nouvelle-route-soie-port-trieste-echec-hambantota-colombo)
[20] Georges Lefeuvre, « Débandade américaine en Afghanistan », Le Monde Diplomatique, avril 2020 (https://www.monde-diplomatique.fr/2020/04/LEFEUVRE/61638)
[21] War on the Rocks, « China’s strategic assessment of Afghanistan”, Texas National Security Review, 8 avril 2020 (https://warontherocks.com/2020/04/chinas-strategic-assessment-of-afghanistan/)
[22] Sarah Davison, « Inde et Chine se disputent l’Afghanistan », Le Monde Diplomatique, décembre 2009 (https://www.monde-diplomatique.fr/2009/12/DAVISON/18581)
[23] Georges Lefeuvre, op. cit.
Que peut-on vraiment attendre des négociations intra-afghanes ?

Prévues pour le mois de mars 2020 et repoussées régulièrement depuis lors, les négociations directes entre le gouvernement de Kaboul et les insurgés devraient commencer sous peu à Doha. Les Taliban et le Haut Conseil pour la Réconciliation Nationale (HCNR) ont en effet annoncé la composition de leurs délégations et leur départ pour le Qatar dès le 3 septembre 2020 [1]. Quant à la paix, malgré les affirmations politiques et la communication de chaque camp, elle parait encore lointaine au regard de l’incompatibilité des projets politiques des belligérants.
Dans le cadre de l’accord de Doha signé le 29 février 2020, les États-Unis se sont engagés à faire libérer 5 000 prisonniers détenus par le gouvernement afghan contre 1 000 prisonniers capturés par les Taliban. Ces libérations étaient alors présentées comme un prérequis avant toute négociation directe entre les différents partis du conflit afghan. Cet échange de détenus a toutefois été ajourné et retardé de part et d’autre et ne s’est achevé que difficilement en ce début septembre. La convocation au début du mois d’août une « loya jirga » pour entériner la libération des 400 derniers prisonniers insurgés n’a pas réellement permis de résoudre le problème, et les enjeux diplomatiques ont compliqué jusqu’à aujourd’hui ce processus.
Par-delà la question de la libération des prisonniers et des pressions exercées de part et d’autre sur les autorités afghanes à ce propos, le fond même des négociations intra-afghanes est à questionner. Quelles seront réellement les sujets abordés ? Comment envisager une sortie de la crise politique ? Quelles sont les marges de manœuvre de chacun ? S’agit-il d’une véritable recherche du compromis ou d’une marche progressive vers une reddition sans condition de l’État afghan ?
Les enjeux des libérations croisées
Consenties par les Américains sans que les autorités afghanes aient été réellement consultées sur le sujet, les libérations de prisonniers ont dans un premier temps fait l’objet d’un refus catégorique de la part du président afghan Ashraf Ghani et de son gouvernement [2]. Ils estiment en particulier qu’il ne relevait pas de « l’autorité des États-Unis de décider » de ces libérations, et auraient préféré négocier cet échange directement avec les Taliban en introduction de négociations bilatérales.
Toutefois, après plusieurs semaines de pressions régulières exercées par l’administration américaine, trop attachée à son « deal » pour accepter que Ghani puisse le remettre en cause, les libérations croisées ont eu lieu. Entamées début mai, elles se sont poursuivies à un rythme régulier jusqu’à la fin du mois de juillet, chaque partie attribuant à l’autre les manquements et les obstacles entravant le processus.
A l’occasion de la trêve annoncée par les Taliban pour la fête de l’Eid al-Adha, le gouvernement a validé la libération de 2 000 prisonniers, portant le total des libérations à 4 600 à la fin du mois de juillet. Suite au discours du 29 juillet du président Ghani affirmant ne pas avoir le pouvoir de décider seul de la libération des 400 combattants restants, une assemblée consultative de 3 000 membres, la loya jirga, a été convoquée afin de garantir la légitimité de la décision présidentielle [3]. Si les justifications juridiques de Ghani quant à l’étendu du pouvoir présidentiel en matière de libération de prisonniers sont discutables [4], cette démarche visait avant tout à se prévaloir d’une certaine légitimité démocratique dans sa gestion du processus de négociation tout en soulignant le déséquilibre des exigences réciproques. L’aval de la loya jirga a conduit à la signature du décret de libération des derniers prisonniers, libérations de nouveau bloquées par l’intervention diplomatique de la France et de l’Australie, s’inquiétant de voir dans cette liste des hommes condamnés pour le meurtre de plusieurs de leurs citoyens, humanitaires et militaires. Enfin, au terme des négociations qui ont conduit le gouvernement à exiger la libération de plusieurs commandos capturés par les insurgés en échange des derniers prisonniers, il semble que la question de ces libérations soit enfin réglée.
Au-delà des données comptables et de la portée symbolique de ces libérations croisées, il est important de rappeler qu’il s’agissait en premier lieu d’assurer un terrain de confiance mutuelle dans l’optique de démarrer les négociations intra-afghanes. L’étude de la communication des deux camps au cours des derniers mois ne semble guère prouver le succès de cette entreprise. Très à l’aise, les communicants de l’Émirat islamique ont renvoyé systématiquement les responsables du gouvernement afghan à leurs obligations tout en dénonçant les « excuses » retardant le début des négociations. Pendant ce temps, le mouvement a lancé son offensive de printemps comme chaque année, augmentant significativement le niveau de violence par rapport à la période de négociation avec les États-Unis. Comme le souligne Kate Clark dans son rapport pour Afghanistan Analysts Network, l’année 2020 n’a pas été moins violente que l’année 2019, et les victimes civiles causées par les actions de l’Emirat islamique ont augmenté cette année [5]. Si l’Emirat islamique s’en est tenu strictement à l’accord de Doha et n’a pas mené d’attaque majeure contre les forces internationales, ses opérations contre l’armée afghane maintiennent celle-ci dans un état de siège permanent [6] et renforcent ses positions dans les zones rurales [7].
Le gouvernement s’est opposé de façon systématique aux exigences démesurées des insurgés, sans pour autant avoir la moindre marge de manœuvre. Coincées entre le marteau des Taliban et l’enclume de l’administration Trump [8], les autorités afghanes se sont débattues sans succès et ont finalement dû consentir à chacune des exigences de leurs ennemis. Au-delà de l’impasse militaire dans laquelle la place l’inaction des forces étrangères depuis l’accord de Doha (en particulier en matière d’appui aérien), l’administration afghane subit sa propre désunion. La querelle politique entre Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah (qui se sont tous deux déclarés présidents d’Afghanistan le 9 mars 2020) n’a trouvé de solution que le 17 mai 2020 [9].
et laisse encore à ce jour des séquelles durables dans la crédibilité du gouvernement à incarner un projet politique crédible face aux Taliban.
Peut-on réellement parler de « négociations de paix » ?
Face à ce constat, la position de force dans laquelle les Taliban abordent les négociations oblige à s’interroger sur la teneur des échanges qui auront lieu à Doha entre les deux parties. Des États-Unis à Kaboul, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer la sauvegarde de ce qui est présenté comme les « acquis » de ces dernières années, notamment en matière de démocratie et de droits sociaux pour les femmes afghanes. Dans une tribune publiée le 28 août 2020 sur The Khaama Press, l’auteur, Tahera Azizi, affirme que les Afghans veulent « la paix plus que tout autre chose », mais sont « inquiets des compromis qui pourraient être fait pour y parvenir » [10]. Elle rappelle également que les Taliban « veulent la création d’un émirat islamique dans lequel la démocratie, la constitution, les droits humains, et particulièrement les droits des femmes » n’auront pas leur place, et s’inquiète des libérations de combattants insurgés sans aucune garantie que ces hommes ne reprendront pas les armes. Elle touche là le principal obstacle de ces négociations, à savoir l’opposition absolue entre le projet politique des Taliban et l’ordre démocratique et libéral hérité de la présence américaine depuis 2001 et incarné par le gouvernement.
Malgré les affirmations de changement et le rejet des erreurs de gouvernance commises au cours de la période qu’ils ont passé au pouvoir entre 1996 et 2001, il est utopique de penser que les Taliban sont prêts à partager le pouvoir et à s’insérer dans un jeu démocratique. C’est pourtant ainsi qu’Ashraf Ghani semble voir les choses. Le 31 août 2020, il exhortait les Afghans à ne pas « avoir peur de la paix » qui ne serait pas « un accord de partage du pouvoir politique ». Son premier vice-président, Amrullah Salleh a renchéri en affirmant que « ce que notre peuple a acquis dans les récentes années ne sera pas perdu » [11]. Mais par-delà ces affirmations politiques, quels sont réellement les moyens de négociation à la disposition des autorités afghanes ? Rappelons que les États-Unis ont négocié durant plusieurs mois avec les Taliban pour aboutir à un accord de retrait qui leur permette de retirer leurs unités sans leur faire courir un risque excessif.
Face à eux, les Taliban n’ont fait aucun compromis qui soit réellement significatif. Ils ne se privent d’ailleurs pas de faire référence ouvertement à la défaite des États-Unis et de renvoyer leurs ennemis à cet accord si arrangeant pour eux. Dans un communiqué du 14 août 2020, l’Émirat islamique d’Afghanistan fixe les objectifs des futurs négociations en ces termes : « La nation afghane espère que tous les torts matériels et spirituels qu’elle a endurée durant les 19 années d’occupation et de gouvernance étrangère – une période au cours de laquelle la plupart des décisions ont été prises à l’étranger et imposées à notre peuple – seront réparés. […] Notre Nation a été dépossédée de sa gouvernance islamique par l’occupation. Les Afghans y ont perdu leur liberté politique, et leur souveraineté nationale et territoriale. Leur culture islamique, leur éducation et leurs lois autant que leur propre héritage social et culturel ont été remplacés par des valeurs étrangères et de grands efforts ont été déployés pour modifier leur identité culturelle et intellectuelle en les remplaçant par des structures anti-afghanes et anti-islamiques. […] Il est désormais de la responsabilité de tous les partis de délibérer de la meilleure manière d’éliminer les effets négatifs qui ont marqué la pure identité islamique de notre peuple et patrie. […] L’Émirat islamique a toujours répondu aux aspirations de sa nation et n’a reculé devant aucun sacrifice requis pour les protéger, il voit désormais une solution aux problèmes afghans en honorant les espoirs purs de notre peuple et en lui assurant l’opportunité de vivre sa vie dans un système conforme à leur foi, leurs idéaux et leur culture. » [12]. La participation d’Anas Haqqani à l’équipe de négociation de l’Émirat, frère de Sirajuddin Haqqani [13] qui incarne la branche radicale des Taliban, confirme le peu de flexibilité de la position du mouvement.
Comment, face à ce tableau, envisager que les Taliban soient disposés au compromis ? Ils sont à ce jour en position de force sur le plan politique. Leurs efforts diplomatiques paient, les récents déplacements en Chine, en Iran, et au Pakistan et les contacts réguliers avec d’autres dirigeants internationaux le prouvent. L’Émir Akhunzada se place en figure de rassemblement, commandeur des croyants. Il a adressé officiellement ses condoléances au peuple libanais après l’explosion dans le port de Beyrouth. La situation militaire est à leur avantage et contraint l’armée afghane, privée du soutien américain, à une position défensive qui rappelle celle de l’armée du régime communiste entre 1990 et 1994. Si le contrôle effectif du territoire n’a pas évolué depuis le début de l’année 2020, les Taliban renforcent leur position et assurent leur mainmise sur les populations dans les zones qu’ils contrôlent [14]. L’impuissance du gouvernement à assurer la sécurité jusque dans la ville de Kaboul joue en sa défaveur et les querelles politiques fragilisent sa position [15].
La population afghane et la communauté internationale sont épuisées par un conflit qui dure depuis trop longtemps. Mais les Afghans sont également fatigués de célébrer la paix à chaque cessez-le-feu plus ou moins éphémère. Or c’est précisément ce qui semble être à l’ordre du jour pour le début de ces négociations. Abdullah Abdullah, président du Haut Conseil pour la Réconciliation Nationale, l’a affirmé [16]. Il faut donc certes se réjouir de cette ouverture historique du dialogue entre deux factions qui ne se sont presque jamais parlé depuis 2001, mais garder en mémoire le fait que les deux partis n’abordent pas ces négociations avec la même disponibilité au compromis. Le contexte laisse davantage l’image d’une conférence de paix consacrant la victoire de l’un des deux camps, malgré les illusions maintenues par tous. Selon Marvin G. Weinbaum, directeur des études afghano-pakistanaises au Middle East Institute de Washington DC, le conflit afghan est aujourd’hui « une confrontation de valeurs, le type de conflit que l’histoire a toujours vu se terminer sans compromis, par l’inévitable imposition de la volonté de l’un des camps » [17]. Le processus de négociation n’est ainsi qu’une étape, un moyen dans la stratégie globale d’affaiblissement de l’administration de Kaboul. Il ajoute toutefois que le pays est aujourd’hui bien plus fragmenté qu’il ne l’était lors de la première montée en puissance des Taliban. De nombreux acteurs locaux ne seront pas disposés à renoncer à leur propre pouvoir, même en cas de chute ou de disparition progressive du gouvernement central. La probabilité d’un nouveau basculement dans une guerre civile balkanisée augmente à mesure que la crédibilité nationale et internationale de Kaboul décroit.
En définitive, s’il faut se réjouir d’une potentielle réduction de la violence en marge des négociations, il ne faut pas pour autant confondre celle-ci avec une paix durable. L’ensemble des acteurs nationaux et internationaux a aujourd’hui intérêt à obtenir un cessez-le-feu et un statu quo territorial. Néanmoins si celui-ci se révèle n’être qu’un prétexte au désengagement de la communauté internationale et à la consolidation des positions des acteurs nationaux, la perspective d’une reprise des hostilités semble encore l’issue la plus probable de ce « processus de paix ».
GABRIEL ROMANCHE
Gabriel Romanche est diplômé du master de Relations internationales et action à l’étranger (MRIAE) de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Il est actuellement analyste au ministère de l’Intérieur, spécialisé sur la zone afghano-pakistanaise. Il a auparavant occupé un poste similaire dans un service interministériel et a servi à l’État-major de l’armée de Terre.
Notes
[1] Khaama Press Agency, « Prisoners swap aimed to end today : HCNR », 2 septembre 2020 (https://www.khaama.com/prisoners-swap-aimed-to-end-today-hcnr-9798776/)
[2] Reuters, « Afghan President Ghani rejects Taliban prisoner release under U.S. deal », 1er mars 2020 (https://www.reuters.com/article/us-usa-afghanistan-taliban/afghan-president-ghani-rejects-taliban-prisoner-release-under-us-deal-idUSKBN20O1BE)
[3] L’utilisation de cette assemblée traditionnelle dans ce genre de contexte est fréquemment critiquée par les Taliban qui dénoncent un détournement de la culture traditionnelle afghane et refusent de reconnaitre la légitimité du gouvernement à convoquer ce type de rassemblement. Voir le communiqué des Taliban sur la question : (http://alemarahenglish.net)
[4] Afghanistan Analysts Network, « To release, or not to release ? Legal Questions around Ghani’s consultative loya jirga on Taleban prisoners », 7 août 2020 (https://www.afghanistan-analysts.org/en/reports/war-and-peace/to-release-or-not-to-release-legal-questions-around-ghanis-consultative-loya-jirga-on-taleban-prisoners/)
[5] Afghanistan Analysts Network, « War in Afghanistan in 2020 : Just as much violence, but no one wants to talk about it », 16 août 2020 (https://www.afghanistan-analysts.org/en/reports/war-and-peace/war-in-afghanistan-in-2020-just-as-much-violence-but-no-one-wants-to-talk-about-it/)
[6] The New York Times, « With delay in afghan peace talks, a creeping sense of ‘Siege’ around Kaboul », 23 août 2020 (https://www.nytimes.com/2020/08/23/world/asia/afghanistan-taliban-attacks-kabul.html)
[7] Afghanistan Analysts Network, « War in Afghanistan in 2020 : Just as much violence, but no one wants to talk about it », 16 août 2020 (https://www.afghanistan-analysts.org/en/reports/war-and-peace/war-in-afghanistan-in-2020-just-as-much-violence-but-no-one-wants-to-talk-about-it/)
[8] Khaama Press Agency, « U.S. Official stresses need for quick launch of intra-afghan talks », 1er septembre 2020 (https://www.khaama.com/u-s-official-stresses-need-for-quick-launch-of-intra-afghan-talks-7675543/)
[9] https://www.france24.com/fr/20200517-présidentielle-afghane-ashraf-ghani-et-son-rival-abdullah-abdullah-signent-un-accord-de-partage-du-pouvoir
[10] Khaama Press Agency, « The dilemma of peace in Afghanistan », 28 août 2020 (https://www.khaama.com/the-dilemma-of-peace-in-afghanistan-8767865/)
[11] Khaama Press Agency, « Peace not power-sharing deal : Ghani », 31 août 2020 (https://www.khaama.com/peace-not-power-sharing-deal-ghani-235346/)
[12] Alemarahenglish, « Intra-afghan negotiations and Afghans aspirations », 14 août 2020 (http://alemarahenglish.net)
[13] Chef actuel du réseau Haqqani, branche particulièrement dure du mouvement Taliban et proche d’Al Qaïda. Fiche biographique du Conseil de sécurité des Nations Unies : https://www.un.org/securitycouncil/sanctions/1988/materials/summaries/individual/sirajuddin-jallaloudine-haqqani
[14] Afghanistan Analysts Network, « War in Afghanistan in 2020 : Just as much violence, but no one wants to talk about it », 16 août 2020 (https://www.afghanistan-analysts.org/en/reports/war-and-peace/war-in-afghanistan-in-2020-just-as-much-violence-but-no-one-wants-to-talk-about-it/)
[15] The New-York Times, « With delay in afghan peace talks, a creeping sense of ‘Siege’ around Kaboul », 23 août 2020 (https://www.nytimes.com/2020/08/23/world/asia/afghanistan-taliban-attacks-kabul.html)
[16] Khaama Press Agency, « Intra-afghan talks to begin next week : Abdullah », 27 août 2020 (https://www.khaama.com/intra-afghan-talks-to-begin-next-week-abdullah-23556/)
[17] The National Interest, « The Taliban know Afghanistan’s peace negotiations end in an Islamic emirate », 15 août 2020 (https://nationalinterest.org/blog/middle-east-watch/taliban-know-afghanistans-peace-negotiations-end-islamic-emirate-166914)