La stratégie de la France au Sahel : le tonneau des Danaïdes ?

Par Mostefa Zeghlache, ancien diplomate

I- Le bourbier sahélien
Le11 janvier 2013, le président français François Hollande, après avoir réuni un conseil de défense, donne l’ordre aux armées françaises d’engager les combats, en soutien de l’armée malienne, dans le cadre de l’opération militaire Serval. Forte de 2 300 soldats dont 500 commandos et associant les 3 armes, l’intervention militaire était destinée à «sauver l’État malien» de l’effondrement en raison de l’avancée des groupes terroristes vers la capitale Bamako et répondre ainsi à l’appel à l’aide lancé par le président malien par intérim, Dioncounda Traoré. Le président français était certainement loin de prévoir que cet engagement militaire, qui devait être au départ une simple opération de sauvetage d’un État sur le point de s’écrouler, allait se transformer en bourbier pour les forces françaises et leurs alliées du Sahel et de l’Union européenne. Cette situation dure depuis près de 9 ans.
Prétextant l’incapacité de l’armée malienne à faire face efficacement au danger — ayant été mise en déroute tant par les groupes terroristes que par les irrédentistes azawads et le pays coupé en deux durant 9 mois — et la crainte de l’extension de la menace des groupes armés à certains pays voisins du Mali, la France a décidé de prolonger et d’étendre sa présence militaire en transformant, le 1er août 2014, le «corps expéditionnaire» de Serval en une force permanente de lutte contre les «Groupes armés terroristes» (GAT) dans l’ensemble du Sahel (plus seulement au Mali), appelée Barkhane.
L’opération Barkhane, qui a succédé alors à Serval, avait un effectif de 4 500 soldats, porté à 5 100 lors du sommet du G5 Sahel à Pau, le 13 janvier 2020. La force Barkhane déploie ses soldats sur onze bases dont 6 au Mali. La France a décidé récemment d’évacuer ses éléments armés de Barkhane de trois bases situées à Gao, Kidal et Tombouctou, au nord du Mali. Ils seront remplacés par des forces de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) et de l’armée malienne (Fama).
Pour rappel, les forces françaises ne sont pas à leur premier déploiement au Sahel, si toutefois elles l’auraient quitté un seul jour depuis l’indépendance des pays sahéliens francophones. En 2008, déjà, la France avait déployé dans la région une task force, baptisée «Sabre». Composée de 350 éléments commandos des forces spéciales, elle avait pour mission de mener des «opérations-éclair et ciblées contre les terroristes» et de reconnaissance. Ces forces ont constitué le fer de lance de l’opération Serval.
En sus de l’armée française, opèrent au Sahel d’autres forces militaires dont la Minusma. Avec un effectif d’environ 15 000 Casques bleus, elle est chargée d’appuyer la mise en œuvre de l’accord de paix d’Alger et d’assister les autorités maliennes dans leurs efforts visant la protection des civils, la réduction des tensions intercommunautaires et le rétablissement de l’autorité de l’État. Son mandat a été prorogé par le Conseil de sécurité jusqu’au 30 juin 2022. Elle avait remplacé, en juillet 2013, la Mission internationale de soutien au Mali (Misma), créée en décembre 2012 sous l’égide de l’Union africaine et conduite par la Cedeao.
Après l’engagement des forces africaines et onusiennes au Mali et à l’initiative de la France, une task force est constituée le 15 juillet 2020 sous le nom de «Takuba». Placée sous le commandement d’un général français, Takuba est dotée d’un effectif de près de 700 hommes de l’Union européenne (UE), majoritairement des Français, mais également des Estoniens, des Italiens, des Suédois et des Tchèques… Elle est chargée de «conseiller, assister et accompagner au combat les unités conventionnelles de l’armée malienne dans la lutte contre les groupes armés terroristes». Enfin, l’UE forme les militaires sahéliens et, eu égard à la corruption qui mine ces armées, elle s’investit, depuis la création conjointe du Partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel, dans le renforcement de la «gouvernance dans le secteur de la sécurité et à améliorer les capacités de défense nationale».
L’accession de nombreux pays africains à l’indépendance n’a pas été toujours suivie du départ des armées des anciennes puissances coloniales qui, en recourant à une panoplie d’accords de défense, ont installé sur le sol africain de nombreuses bases militaires. La France en est l’exemple.
La fin de la Guerre froide a aiguisé l’intérêt de nouvelles puissances, le plus souvent émergentes, pour les bases militaires en Afrique. À la défense d’intérêts géostratégiques et économiques, s’est intégrée la lutte antiterroriste. Cette dernière a ouvert de larges perspectives à l’implantation militaire étrangère.
Aujourd’hui, le «gendarme de l’Afrique» français entretient 2 bases logistiques à Djibouti et en Côte d’Ivoire et dispose de 2 autres au Sénégal et au Gabon (réservoirs de troupes). Ce à quoi s’ajoute une mission maritime dans le golfe de Guinée pour lutter contre la piraterie. Sur son site, le ministère des Armées justifie la présence militaire française au Sahel par le fait que «l’Afrique sub-saharienne est un espace stratégique important pour la France en raison de notre proximité géographique et culturelle, de nos intérêts stratégiques… et des crises ouvertes qui en menacent la stabilité», de la France ou du Sahel ?
Avec la France, les États-Unis sont présents au Sahel où ils déploient des Forces spéciales dont on ignore pratiquement tout de leurs activités et 5 centres opérationnels au Niger dont un pour les drones. Ils assurent surtout une mission de surveillance du territoire et de collecte d’informations sécuritaire et de logistique dont tirent profit la France et ses alliés. C’est l’Africom qui coordonne, depuis 2007, les opérations militaires américaines en Afrique. La stratégie américaine au Sahel diffère de celle de la France, comme l’a souligné le commandant des forces américaines Africom S. J. Townsend lors d’une visite au Burkina Faso en septembre 2019 : «… Les forces extérieures ou les partenaires peuvent soutenir le pays, mais la solution doit venir des forces de défense et de sécurité du Burkina.»
Aux forces occidentales, africaines et onusiennes présentes militairement en Afrique s’ajoutent, depuis quelques années, celles de nouvelles puissances comme la Chine, la Russie et la Turquie. Ces pays ne traînent pas avec eux l’héritage colonial de la France et ne s’embarrassent pas de préjugés politiques en relation avec la nature des régimes africains en place ou leur respect des droits de l’Homme. L’intérêt porté par ces pays à la région est, certes, économique, mais également géostratégique.
La Russie est active en Centrafrique grâce à un accord de coopération militaire avec ce pays où elle déploie des conseillers militaires et à la société privée de sécurité Wagner présente aussi dans d’autres pays africains. Cette dernière serait sur le point de s’installer au Mali. Cette perspective irrite le président français qui avertit que sa présence au Mali n’est pas compatible avec la présence européenne.
Pour certains analystes politiques, Wagner serait le «couteau suisse de la Russie» et une «armée de l’ombre du Kremlin». Mais ce dernier nie tout lien avec cette société.
Pour le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, la présence (probable) de Wagner au Mali se limite à une transaction commerciale entre les autorités maliennes et une société militaire privée russe et que «tout cela se fait… entre un gouvernement légitime et des entités qui fournissent des services à travers des spécialistes étrangers…». Il ajoute que «nous n’avons rien à voir avec cela» et rappelle que la Russie se consacre «au renforcement des capacités militaires du Mali». Sans plus.
La Chine, qui a inauguré, en 2017, sa première base militaire africaine à Djibouti, fonde sa stratégie sur le volet économique en devenant, depuis 2009, le 1er partenaire commercial de l’Afrique. Les échanges commerciaux se sont élevés à plus de 200 milliards de dollars en 2019. S’agissant de la lutte contre le terrorisme, les Africains sont demandeurs de l’assistance chinoise, comme le souligne le MAE sénégalais lors du forum sino-africain de Dakar (29-30 novembre). Il a déclaré notamment : «Dans notre coopération au Sahel, nous voudrions que la voix de la Chine, compte tenu de son influence, soit une voix forte pour soutenir le Sénégal et tous les pays engagés dans le problème de l’insécurité au Sahel.» En guise de première contribution à l’effort de lutte antiterroriste au Sahel, la Chine a versé à la force militaire conjointe du G5 S, en janvier 2019, 300 millions de yuans (26 milliards FCFA).
Parmi les pays non occidentaux engagés dans le domaine de la coopération militaire avec l’Afrique, la Turquie a installé en septembre 2017, à Mogadiscio, en Somalie, une base qui sert de centre d’entraînement pour les troupes somaliennes. Au Sahel et sur le front sécuritaire, la Turquie, qui forme depuis 2018 des officiers maliens, a fait un don de 5 millions de dollars à la force du G5 Sahel et signé en 2020 un accord de coopération militaire avec le Niger dont les clauses restent secrètes.
En octobre 2021, le président turc Erdogan a effectué une tournée au Nigéria, en Angola et au Togo où il a signé, avec son homologue togolais, un accord de coopération militaire. Les échanges commerciaux avec l’Afrique sont passés de 3 milliards de dollars au début des années 2000 à plus de 26 en 2019.
Russie, Chine et Turquie, trois pays qui s’implantent progressivement au Sahel. Ce qui préoccupe Washington et Paris. D’ailleurs, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, qui a effectué sa première tournée en Afrique de 5 jours, à partir du 15 novembre 2021, a eu certes l’occasion d’évoquer la relation «stratégique» de son pays avec l’Afrique, mais aussi d’exprimer sa méfiance à l’égard du déploiement russo-chinois sur ce continent. Par ailleurs, il est utile de noter que l’Afrique a été le dernier continent visité par le chef de la diplomatie américaine.
Face à cette panoplie d’armées étrangères et locales se dresse une noria de groupes terroristes-djihadistes dont les plus importants sont le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM-coalition de 4 groupes), l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) et le Front de libération du Macina.
Malgré l’important déploiement des forces armées conventionnelles et spéciales, la situation sécuritaire au Sahel, voire en Afrique de l’Ouest ne cesse de se détériorer avec son lot quotidien de victimes civiles et militaires, de déplacements de populations, de conflits interconfessionnels et de destructions économiques et sociales.
Dans ce contexte, l’intervention de la France est loin d’être une sinécure. Elle lui a coûté, à ce jour, 53 de ses soldats et aux pays alliés du G5 S quelques milliers de militaires et de civils, outre le fardeau financier — 40 millions d’euros par an uniquement pour la force conjointe du G5 S, un vrai gouffre — et ses répercussions économiques et sociales sur les populations des pays engagés avec la France dans une structure militaire connue sous le nom de G5 Sahel qui regroupe, depuis sa création en février 2014 à Nouakchott, le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Le G5 S a constitué en 2017 une force conjointe de lutte antiterroriste. Un fidèle allié de la France, le Tchad, a retiré, en août 2021, 50% de ses 1 200 hommes de la force du G5 S et ce, invoquant la situation interne du pays.
Sur le terrain et quoi qu’en dise le responsable du département de Défense et Sécurité du G5 Sahel, le général mauritanien Mohamed Znagui Sid Ahmed Ely, en février 2019, à savoir que «le travail fourni par Barkhane est fabuleux, sans lui, la situation serait beaucoup plus grave», le nombre de victimes de l’insécurité violente est en augmentation constante. Le Centre d’études stratégiques de l’Afrique indique que l’année 2020 a été la plus violente au Mali, au Niger et au Burkina Faso depuis 2013. Le nombre de victimes civiles et militaires s’est élevé à 4 250 tués dont 2 400 au Mali, en augmentation de 60% par rapport à 2019. La force de frappe des terroristes se concentre désormais dans la zone de frontière du Mali, du Niger et du Burkina Faso, appelée «zone des 3 frontières».
Alors que le Tchad qui abrite le QG de la task force Barkhane est régulièrement la cible de meurtrières attaques terroristes menées essentiellement par Boko Haram et le GSIM, la Mauritanie est le seul membre du G5 S à être épargné par le cycle de violence en cours dans les autres pays. Aucun attentat n’a été enregistré sur son territoire depuis le début de l’année 2021.
Aux attaques terroristes et aux affrontements intercommunautaires s’ajoutent les bévues de l’armée française qui a fait de nombreuses victimes civiles. Ce fut le cas de la frappe sur Bounti, au Mali, en janvier 2021, qui a fait 22 morts. Paris affirme qu’il s’agit de terroristes islamistes, alors que les témoins oculaires et les enquêteurs de la Minusma affirment le contraire.
À l’incapacité de la France et de ses alliés à venir à bout du terrorisme, se joint un problème de financement de l’effort de guerre. Au sommet de Pau avait été mise en place la «Coalition pour le Sahel regroupant les pays du G5 Sahel, les partenaires traditionnels et tous les États, organisations et bailleurs de fonds intéressés par la problématique du Sahel» pour œuvrer à la collecte de fonds au profit de la force du G5 S. L’Union européenne, qui est l’un des principaux bailleurs de fonds au Sahel, a versé en 2021 le montant de 188,6 millions d’euros d’aide humanitaire et, pour la période 2014-2020, celui de 4,5 milliards €.
L’objectif non déclaré de l’UE est d’endiguer les flux migratoires. Et dire que, comme l’écrivait le journaliste de Paris Match Raymond Cartier, en novembre 1953, «sans l’Afrique, l’Europe n’est qu’une petite presqu’île surpeuplée et dépendante» !
Dans le sillage, la France tente, en vain, de faire placer cette force sous le parapluie du chapitre 7 de la Charte de l’ONU, ce qui devrait se traduire par un financement onusien que refusent les États-Unis.
La menace terroriste qui s’est répandue dans les pays du G5 S depuis la chute du régime de Kadhafi en Libye en 2011 et la dissémination des armes libyennes dans la région a été précédée d’une autre source d’instabilité politique et sécuritaire au Mali, à savoir le conflit de l’Azawad, au nord, qui dure depuis l’indépendance de ce pays et demeure une source importante d’insécurité et d’instabilité.
En 2014 et 2015, des négociations de paix à Alger entre le gouvernement malien et les représentants des groupes rebelles armés aboutissent à la signature, à Bamako, en mai et juin 2015, de l’accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger. Cet accord demeure source de désaccord entre Bamako et la rébellion touarègue.
À la complexité de la situation sécuritaire au Sahel, aggravée par le conflit de l’Azawad au Mali, s’ajoutent la pandémie de coronavirus, le réchauffement climatique et la misère. Est-il nécessaire de rappeler que les 5 pays du G5 S sont classés par le PNUD parmi les pays les plus pauvres de la planète ? Parmi eux, le Mali est 184e sur 189 pays. La population, lasse et excédée par la persistance et l’aggravation de l’insécurité, remet en cause la présence militaire française dans la région.
Dans un geste pour tenter d’apaiser les critiques, le président Français a annoncé au sommet de Pau sa décision d’envoyer 600 soldats supplémentaires pour renforcer «temporairement» les effectifs de Barkhane. Et en réponse aux manifestations antifrançaises, il a déclaré : «La France, en effet, n’est pas comme, parfois, certains… essaient de manipuler cette information, impliquée dans des guerres ethnico-communautaires. Non. Notre présence sur place a été sollicitée par les États.»
Alors que le sommet de Pau donnait l’impression que la France allait renforcer son poids militaire, un an plus tard, c’est la remise en cause de cette option.
Un revirement que les autorités militaires françaises expliquent par la nécessité de «parfaire» leur stratégie par la concentration des forces dans la zone des 3 frontières, devenue un vrai cauchemar pour les forces armées de la France et de ses alliés. Lors de la cérémonie de vœux aux armées, le 19 janvier 2021, Emmanuel Macron confirme que la France allait «ajuster ses efforts au Sahel» et que cela se ferait en les conjuguant avec «l’intervention plus importante de nos partenaires européens», faisant allusion à la task force européenne Takuba.
Pour Macron, l’objectif de la France serait l’internationalisation de la lutte antiterroriste au Sahel devant aboutir au «passage du témoin aux armées nationales». Mais ce serait compter sans les réticences des alliés européens qui voient mal l’intérêt de s’impliquer dans une stratégie française pour laquelle ils n’ont pas été consultés au préalable. De plus, l’argument des dirigeants français sur une potentielle extension de la menace terroriste du Sahel à l’Europe ne les convainc guère. Pour preuve, de toutes les attaques terroristes qui ont touché l’Europe, pas une seule n’est partie du Sahel.
Lors du 7e sommet du G5 S tenu à N’Djamena les 15-16 février 2021, le président français, qui a participé aux travaux par visioconférence, a informé les dirigeants sahéliens que «des évolutions, sans doute significatives, seront apportées à notre dispositif militaire au Sahel en temps voulu». Il a ajouté : «Retirer massivement les hommes, qui est un schéma que j’ai étudié, serait une erreur.»
Ce fut aussi l’occasion pour lui de rappeler que la stratégie française au Sahel, qualifiée d’«esprit de Pau», repose sur 4 piliers : la lutte contre le terrorisme, le renforcement des capacités militaires sahéliennes avec la force conjointe G5, le retour de l’État et de l’administration dans toutes ses composantes et la politique de développement. La réalité est autre, car ces objectifs ne sont pas atteints.
C’est le 10 juin 2021 que le président français a annoncé que la poursuite de l’engagement de son pays au Sahel impliquera la fin de Barkhane en tant qu’opération extérieure (Opex ou engagement militaire hors-frontières) au motif que «la France ne peut pas se substituer au choix des États souverains» sans se priver pourtant d’accuser ces États de ne pas «prendre leurs responsabilités» !
Poursuivant sa logique, Macron a révélé au sommet en visioconférence du G5 S de N’Djamena le 9 juillet 2021 qu’avant la fin de 2021, la France entamera une réduction de ses effectifs militaires qui passeront de 5 100 hommes à 3 500 d’ici un an et 2 500 à 3 000 à l’horizon de 2 023 et retirera ses forces de Barkhane des bases de Kidal, Tessalit et Tombouctou au nord du Mali pour «consacrer ses efforts vers le sud du pays où les ‘’djihadistes’’ ont un projet de dissémination de la menace… à l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest». La consultation des dirigeants sahéliens n’apparaît nulle part.
Nonobstant le caractère unilatéral de la décision de Macron, de Paris où il se trouvait, aux côtés du président français, le président du Niger Mohamed Bazoum, qualifié par Macron de «président, partenaire et ami», s’est singularisé par cette déclaration : «Nous ne pouvons que souscrire avec ce que la France est en train de faire.» Il a salué la «rationalisation» de l’engagement français «avec lequel les autres pays du Sahel sont d’accord». Le 26 novembre 2021, le président Bazoum réédite son appui à la présence française au Sahel de façon on ne peut plus élogieuse.
Lors d’un point de presse organisé à l’arrivée au Niger d’un convoi de Barkhane qui était bloqué pendant plus d’une semaine au Burkina Faso par des manifestants menés par la «Coalition des patriotes africains du Burkina Faso» dans la localité de Kaya, Bazoum a salué l’engagement de la France en ces termes : «De tous les pays qui sont engagés à nos côtés dans la lutte contre le terrorisme, la France est le pays qui consent le plus de sacrifices… Moi, je suis sûr que le jour où les Français plieront bagage de Gao, ce sera le chaos.» Dans ces conditions, on est tenté de déduire que malgré toutes ses vicissitudes, la présence politique, économique, culturelle et militaire de la France au Sahel a devant elle encore de beaux jours. Mais, encore une fois, c’est compter sans la ténacité de la population dans son rejet de la présence française.
En effet, dès son entrée au territoire nigérien, alors qu’il traversait Téra, dans l’ouest du Niger, le convoi de l’armée française en route pour le Mali a de nouveau été pris à partie, selon l’état-major français, par un millier de manifestants hostiles. La répression a fait 7 morts et 18 blessés parmi les manifestants. Qui se souciera d’eux ? Une fois encore, on constate que les positions des dirigeants et des populations du Sahel demeurent éloignées l’une de l’autre et souvent contradictoires.
La déclaration du président du Niger paraît en décalage non seulement vis-à-vis de l’opinion publique nationale, mais également par rapport à la position de certains dirigeants de la région.
En témoigne la tension en cours entre les dirigeants français et les nouvelles autorités maliennes.
M. Z.
(A suivre)


Quelques références de web graphie :
1- https://www.seuil.com/ouvrage/l-empire-qui-ne-veut-pas-mourir-collectif/9782021464160
2- https://reseauinternational.net/emmanuel-macron-senferre-dans-sa-solitude-sahelienne/
3-https://www.aps.dz/monde/125489-mali-la-mediation-internationale-appelle-a-mettre-en-oeuvre-les-actions-prioritaires-de-l-accord-de-paix
4- https: //artofuss .blog/2021/06/16/comment-la-russie-defie-la-france-au-sahel/
5- https://www.jeuneafrique.com/mag/ 1062328/ politique/turquie-le-soft-power-savamment-distille-derdogan-en-afrique/
6- https:// www. fratmat.info/article/214677/politique/forum-sur-le-developpement-et-la-cooperation-dinternet-chine-afrique-la-chine-et-lafrique-vont-elaborer-et-mettre-en-uvre-un-plan-de-partenariat


II- La crise malienne et l’élection présidentielle française
Deux coups d’État militaires se sont produits au Mali entre août 2020 et mai 2021, tous deux menés par des militaires dirigés par le colonel Assimi Goïta. Le premier a entraîné la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta le 19 août et la constitution d’un Comité national pour le salut du peuple (CNSP) pour diriger une transition avant de passer le témoin aux civils en février 2022. Le second s’est manifesté par la destitution, le 25 mai 2021, du président de la transition, Bah N’Daw, désigné par le CNSP le 21 septembre 2020 et dont Goïta était vice-président et Moctar Ouane Premier ministre. La constitution du deuxième gouvernement d’Ouane le 24 mai 2021 exclut certains membres du CNSP dont le colonel Goïta. Ce dernier annonce alors avoir démis de leurs fonctions le président de la transition et le Premier ministre accusés de «sabotage de la transition». Le 28 mai, la Cour constitutionnelle, constatant la vacance de la Présidence, déclare Goïta président de la transition.
Prises apparemment au dépourvu par le premier putsch et malgré les condamnations d’usage, les autorités françaises ont dû accepter le fait accompli. Preuve en est la déclaration de Macron au 7e sommet du G5 S soulignant que «la mise en place des autorités de transition ouvre très clairement une nouvelle fenêtre d’opportunité». Mieux encore, il charge le gouvernement du président Keïta et encense les autorités de transition qui, selon lui, «en quelques mois, ont donné plus de gages que les autorités précédentes en 3 ans». Il invite même le président de la transition Bah N’Daw à Paris.
Mais le nouveau président malien a temporisé près de 5 mois avant de donner suite à cette invitation qu’il effectue du 1er au 3 février 2021. Le site «theworldnews.net» informe que N’Daw, qui avait interdit «officiellement toutes actions militaires de la force Barkhane sans l’aval des autorités maliennes», avait reçu de Macron «une feuille de route, contenant des propositions fortes».
Ce n’est qu’après la survenue du second coup d’État en août 2021, une fois que les autorités maliennes ont critiqué la décision unilatérale de la France d’évacuer les 3 bases au nord du pays et qu’elles ont fait part de leur détermination à initier le dialogue avec certaines formations terroristes, que les critiques du Président français et de la ministre des Armées ont commencé à fuser.
L’attitude de Paris a été dénoncée par le Premier ministre malien Choguel Maïga, à l’ONU, le 25 septembre 2021.
En effet, Maïga, prenant à témoin la communauté internationale, a déclaré que «la nouvelle situation née de la fin de Barkhane est la conséquence d’un fait accompli qui expose le Mali à une espèce d’abandon en plein vol» par la France dont il déplore le manque de concertation avec l’ONU et le gouvernement malien. Il a rappelé que le Mali a un accord avec la France et «qu’on ne peut se désengager sans même nous aviser». Cette déclaration a eu l’effet d’une bombe et provoqué l’ire des dirigeants français «offusqués par une telle ingratitude», dénoncée en termes peu courtois. En effet, lors d’un dîner de clôture, le 30 septembre, à l’Élysée, de la saison «Africa 2020», créée à Ouagadougou en 2017, Macron réplique en termes peu amènes au Premier ministre malien : «J’ai été choqué.
Ces propos sont inacceptables… c’est une honte et ça déshonore ce qui n’est même pas un gouvernement.» Et sans retenue due à son rang et à celui dont il critique l’attitude, il estime que «la légitimité du gouvernement actuel est démocratiquement nulle». Il «somme» les dirigeants maliens de «respecter leurs engagements : qu’il y ait des élections en février, qu’ils arrêtent de mettre en prison leurs opposants, qu’ils fassent leur travail, c’est-à-dire le retour de l’État…». Un «programme» dicté avec ostentation, mais resté lettre morte à Bamako, pour l’instant.
Même son de cloche chez Florence Parly, la ministre des Armées qui évoque les pertes humaines françaises avant de parler «d’hypocrisie, de mauvaise foi» et de «beaucoup d’indécence» (des autorités maliennes) Néanmoins, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères tempère ces propos et assure que «la transformation de notre dispositif militaire au Sahel ne constitue ni un départ du Mali ni une décision unilatérale…L’adaptation de ce dispositif a fait l’objet de consultations avec les autorités sahéliennes au sommet de Pau». Mais le ministre Le Drian n’a pas manqué de lancer le 29 septembre un appel à l’ONU en faveur de la tenue des élections législatives et présidentielle à la date prévue en 2022.
La réaction officielle de Bamako est intervenue le 5 octobre, lorsque le MAE malien, Abdoulaye Diop, a convoqué l’ambassadeur de France pour lui signifier, selon un communiqué du ministère, «l’indignation et la désapprobation du gouvernement du Mali», élever «une vive protestation contre ces propos regrettables qui sont de nature à nuire au développement de relations amicales entre nations» et appelé la France à «se concentrer sur l’essentiel, la lutte contre le terrorisme au Sahel».
Le 1er novembre, dans une interview à l’agence de presse Novosti, Maïga n’a pas mâché ses mots en révélant que «la France a créé une enclave à Kidal» où «elle a formé et entraîné une organisation terroriste (CMA ?)». Il dénonce «l’ingérence française dans les affaires internes du mali» et un «chantage» qui ne «peut affaiblir notre détermination à protéger notre territoire» ni «sera une raison pour mettre fin à la coopération avec des partenaires fiables comme la Russie». Le message a certainement été bien reçu par Moscou. D’ailleurs, les manifestants du 27 mai 2021 à Bamako scandaient des slogans anti-français et arboraient des drapeaux malien et russe.
Le Premier ministre malien souffle le chaud et le froid sur les relations de son pays avec la France.
Après ses propos à Novosti et selon le site RFI, Maïga, en visite à Genève le 7 octobre 2021, dans le cadre de la Journée mondiale du coton, est revenu à de meilleurs sentiments avec la France avec laquelle, selon lui, le Mali constitue «un vieux couple» qui connaît «par moments des scènes de ménage» qui ne mèneront pas «au divorce». Il admet seulement qu’il y a eu «beaucoup de perte de sang-froid». Quant à la rumeur sur l’appel à Wagner, il se contente de dire : «Lorsque nous signons quelque chose, nous la rendons publique… Nous n’avons pas honte de coopérer avec qui que ce soit pour assurer la sécurité de nos citoyens.» Il s’agit peut-être d’un message destiné à rassurer Macron.
La situation au Mali et la hantise d’une présence russe dans le «pré-carré» français (l’ambassadeur russe aurait été le premier diplomate étranger reçu à Bamako en août 2020) ont plus perturbé la stratégie française au Sahel que déterminé sa réorientation. En fait, le dialogue qu’initie la junte et l’éventuelle ingérence de Wagner dérangent l’ambition électorale du potentiel candidat Macron.
La crise malienne est apparue au «mauvais moment» dans l’agenda électoral de Macron. Cet agenda se complique davantage avec le renversement d’Alpha Condé par le colonel Mamady Doumbouya en Guinée Conakry, le 5 septembre 2021. Pour tenter d’évacuer le spectre d’une Afrique francophone livrée à l’instabilité politique chronique, Macron ne cesse de présenter l’alternance au pouvoir au Burkina Faso et au Niger, ses principaux alliés avec le Tchad, comme un modèle à suivre.
Les autorités maliennes actuelles ont un agenda politique qu’elles sont déterminées à mettre en œuvre, malgré les «remontrances» de Paris. Un des éléments-clés de cet agenda est donc la relance du dialogue avec certaines formations terroristes opérant au Mali. Et pourtant, ce dialogue n’est ni nouveau ni spécifique au Mali.
Le Niger l’avait expérimenté il y a quelques années. Lors du 30e Sommet de l’UA, en janvier 2018, l’ancien président du Niger, Mahamadou Issoufou, avait déclaré : «Nous privilégions des approches complémentaires et je crois qu’il faut promouvoir des négociations, quand on le peut.»
Au Mali, le pouvoir actuel s’engage dans la voie qui avait déjà été tentée par l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta. Le dialogue en cours ou en perspective au Mali concerne les rebelles touaregs du nord du pays et certains groupes terroristes armés.
D’abord concernant l’accord pour la paix et la réconciliation de 2015, le CNSP et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) ont tenu, le 2 septembre, une réunion consacrée à la mise en œuvre de cet accord. Le Premier ministre malien Maïga, interrogé sur la lenteur de l’application de l’accord de paix, a répondu, lors d’un entretien avec l’AFP à New York, le 26 septembre 2021, qu’il n’y a pas eu «de dividendes de la paix et la situation a empiré». Il a ajouté qu’à l’époque, «l’insécurité était à Kidal. Aujourd’hui, ce sont les deux tiers du pays qui sont envahis par les terroristes». Il conclut que «le peuple malien se demande : ‘’Qu’est-ce que cette ordonnance qu’on nous a prescrite alors qu’au bout de six ans, le corps ne guérit pas, la maladie s’est même métastasée ?’’.»
Le 15 février 2021 s’est tenue une réunion du Comité de suivi de l’accord, présidé par l’Algérie, dans la ville symbole de Kidal, sous contrôle de la rébellion depuis 2012.
Une autre réunion a suivi en juillet à Bamako. Mais pour l’instant, les deux parties continuent de parler d’«absence de progrès notables dans la mise en œuvre des actions retenues».
Les mouvements touaregs de l’Azawad dénoncent le manque de volonté politique de Bamako qui, de son côté, craint un précédent pouvant nuire à l’unité nationale et subit de violentes critiques du centre et du sud du pays, à majorité noire sédentaire. Certains rappellent que les scissionnistes rebelles ne sont qu’une minorité parmi les Touaregs, eux-mêmes minoritaires au nord du Mali. Ils se réfèrent au dernier recensement de 2009 de la Direction nationale des statistiques du Mali qui révèle que «pour l’ensemble des régions du Nord, 70% de la population est sédentaire et noire». Enfin, ils expliquent les difficultés de mise en œuvre de l’accord de 2015 par le fait qu’il ait été discuté et signé par «des hommes en armes», non pas avec les représentants légitimes des populations du Nord.
La France, qui ne s’implique pas particulièrement dans ce processus de dialogue dont elle n’est pas l’instigatrice, est accusée par les autorités et certaines voix du centre et du sud du Mali d’avoir livré le nord du pays, notamment Kidal, à des rebelles sécessionnistes pour saper l’unité nationale.
Néanmoins, et malgré l’implication de nombreux acteurs internationaux et régionaux et les efforts du Comité de suivi présidé par l’Algérie pour accompagner l’application de cet accord, force est de constater que le résultat est en deçà des espoirs investis dans cet accord par la population, l’ONU, l’Union africaine (UA) et les États soutenant le processus, notamment l’Algérie.
Les autorités de transition font aussi face au défi du dialogue avec les djihadistes maliens. Une guerre non conventionnelle et asymétrique au Sahel ne peut aboutir par le recours à la seule stratégie du tout sécuritaire. Ses conséquences sont insupportables pour la population qui manifeste pour demander à ses dirigeants une issue nationale basée sur le dialogue et la réconciliation. C’est la voie proposée en 2017 par la Conférence nationale du Mali et en 2019 par celle sur le dialogue national exclusif.
Partant des recommandations de ces deux instances, le dialogue avait donc été initié sous la présidence d’IB. Keïta qui en avait révélé l’existence au début de 2020 constatant que «le nombre de victimes (du terrorisme) au Sahel devient exponentiel et qu’il est temps que certaines voies soient explorées». L’appel au dialogue avait été accepté par certains groupes armés comme la katiba Macina d’Amadou Koufa et le GSIM, dont le leader, Iyad ag Ghaly, est considéré comme «cible prioritaire par l’armée française». Mais les groupes armés, à l’image du GSIM, font monter les enchères.
En effet, le GSIM avait exprimé, dans un communiqué daté du 9 mars 2020, sa disponibilité à «engager des négociations avec le gouvernement malien… afin de discuter des moyens de mettre fin au conflit sanglant entré dans sa 7e année à cause de l’invasion des croisés français…». Il conditionne néanmoins cette disponibilité par «la fin de l’occupation raciste et arrogante des croisés français». Il est prévisible qu’en pareilles circonstances, chaque protagoniste élève le niveau de ses exigences. C’est la raison pour laquelle le pouvoir central parle de dialogue et non de négociation.
Le dialogue en question a été relancé par les autorités actuelles de Bamako, au grand dam des autorités françaises qui le rejettent. Le Président français s’était exprimé à ce sujet à N’Djamena, au sommet du G5 S de février 2021 : «Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa sont des ennemis et en aucun cas des interlocuteurs. Ils sont des chefs terroristes qui ont la mort de milliers de civils sur leurs responsabilités et de nos militaires sahéliens, européens et internationaux.» S’agissant des militaires au pouvoir à Bamako, Macron ne se prive pas de les qualifier de «soldats obnubilés par le pouvoir, alors que les terroristes gagnent du terrain et pire, des soldats putschistes prompts à négocier avec les mêmes terroristes».
Plus récemment, Emmanuel Macron est passé de l’irritation à la menace : «L’islamisme radical au Mali avec nos soldats en place ? Jamais de la vie !… Si cela va dans ce sens, je me retirerai !» Sa ministre des Armées lui emboîte le pas et déclare : «Il n’est pas question de négocier avec des groupes qui répondent au commandement d’Al-Qaida et qui poursuivent un agenda de diffusion du djihadisme dans la région. » En fait, le général Lecointre, chef d’état-major, révèle, lors d’une audition au Sénat, que «la France n’a en rien été impliquée dans des négociations d’aucune sorte avec ce groupe terroriste que nous continuerons à combattre avec la dernière détermination». La crainte de la France d’un ressac politique au Sahel peut expliquer cette sorte de panique que manifeste Paris.
C’est le Haut-Conseil islamique du Mali (HCIM), une instance regroupant des chefs et des autorités religieuses, qui a été chargé de mener le dialogue. Le négociateur en chef du HCIM, Moupha Haidara, souligne qu’«il est impérieux d’explorer la voie du dialogue pour parvenir à une paix durable au Mali. L’option militaire a montré ses limites».
Pour l’instant, les contours et la teneur de ce dialogue qui débute ne sont pas connus. La majorité de la population semble soutenir ce processus à l’image de l’imam Dicko, personnalité religieuse influente du Mali ayant contribué à la chute d’IBK, qui avait confié à La Croix qu’il n’était pas opposé à l’instauration d’une République islamique au Mali.
L’exemple de la République islamique de Mauritanie est souvent cité en référence comme un modèle d’État islamique modéré. Pendant que d’autres citoyens rejettent tout dialogue avec les groupes armés, craignant «l’installation d’un État islamique» extrémiste au Mali à l’image de ce qui se déroule en Afghanistan. De même, le chercheur L. Diarra du Timbuktu Institute croit fermement que «la discussion avec les djihadistes ne peut pas aboutir. Les djihadistes ont dans leur logiciel la volonté de construire un État islamique et cela touche tant au fondement qu’à l’existence même de ce que peut être l’État moderne».
Pour sa part, le Secrétaire général de l’ONU a parlé en septembre de «vrai danger que ces terroristes se sentent enthousiasmés par le succès des Talibans et aient des ambitions au-delà de ce qu’ils pensaient il y a quelques mois».
Ancien diplomate français et auteur du Grand Livre de l’Afrique, Nicolas Normand estime que «les responsables maliens ou autres savent bien qu’une négociation dans les conditions actuelles serait en fait une capitulation». Paris refuse cependant de reconnaître que c’est la décision des nouvelles autorités de Bamako d’engager un dialogue avec les mouvements Azawads et certains islamistes qui lui pose problème, comme l’a révélé le Premier ministre malien à l’ONU, convaincu que la décision de la France de retrait des bases au nord du pays a été prise «au motif que le gouvernement dialoguait avec les terroristes».
Quant à l’échéance de février 2022 pour la remise du pouvoir aux civils, elle paraît de plus en plus impossible à appliquer. Dans une déclaration à l’AFP à New York, le 26 septembre, le Premier ministre malien a annoncé que «les élections législatives et présidentielles pourraient être repoussées de quelques semaines ou mois… Nous le dirons à l’issue des assises nationales de la réconciliation». Prévues à la fin d’octobre, elles sont reportées à la période du 21- 26 décembre 2021.
Par ailleurs, le Président français, qui aspire certainement à un deuxième mandat, ne doit pas ignorer que le déploiement militaire français au Sahel revient cher à la France tant au plan humain qu’à celui des finances publiques. Les citoyens le font savoir, comme le révèle notamment un sondage publié en janvier 2019 qui indique que «51% des Français ne soutiennent pas l’intervention» au Sahel.
En effet, et dans la perspective d’une candidature à la présidentielle d’avril 2022, Macron, qui a hérité de l’intervention militaire française au Sahel de son prédécesseur François Hollande, doit réfléchir à «réduire la vulnérabilité politique qu’engendre» sa stratégie au Sahel et faire comprendre aux électeurs français qu’il ne fait que gérer un héritage.
Elie Tenebaum, directeur à l’IFRI, écrit sur le site «géopolitique» du 4 novembre : «En réduisant l’empreinte militaire au Sahel, l’Élysée (Macron) réduit la visibilité et donc d’une certaine manière la responsabilité (de Macron) à l’égard des développements qui sont aujourd’hui négatifs.» En somme, Macron ne veut, apparemment, pas assumer seul l’entière responsabilité de l’échec militaire et le coût de l’intervention de la France au Sahel.
Le Président français tente, à sa manière, de rallier à lui les suffrages de la diaspora africaine. Il a organisé un «sommet» à Montpellier le 8 octobre 2021 avec la «société civile africaine», en l’absence des chefs d’État africains. L’analyste Fadel Dia réduit le sommet de Montpellier à sa juste proportion en écrivant que «son annonce la plus spectaculaire» a été d’affecter «à la société civile (africaine), soit les 54 pays totalisant 1,2 milliard d’habitants, le montant de… 30 millions d’euros sur 3 ans, soit 6% du budget du PSG pour la saison 2021-2022» !
De même que l’on se rappelle le précédent show que Macron, nouvellement élu, avait organisé à Ouagadougou, le 28 novembre 2017, avec de jeunes universitaires au cours duquel il avait déclaré se démarquer de la pratique de ses prédécesseurs de la Françafrique, mais, dans les faits, il la perpétue.
La crise malienne semble avoir pris de court le candidat Emmanuel Macron, faisant ainsi entrer la prochaine élection présidentielle française de 2022 par effraction sur la scène politique au Sahel.
M. Z.


Quelques références de webgraphie :
1- «Situation au Sahel : l’imbroglio» notre article paru sur Le Soir d’Algérie du 17-18.3.2018.
2- https://www.lepoint.fr/afrique/sahel-le-djihadiste-iyad-ag-ghali-pret-a-negocier-mais-sous-condition-10-03-2020–[Newsletter-lepoint-afrique]-20200310
3- http://mali-web.org/nord-mali/mali-les-autorites-de-la-transition-engagent-des-negociations-avec-iyad-ag-aghali-et-amadou-
4- https://www.la-croix.com/Mali-Macron-qualifie-honte-propos-Premier-ministre-abandon-France-2021-09-30-1301178277
5- https://www.lepoint.fr/afrique/au-sahel-les-regards -sont-braques-vers-kaboul-18-08-2021-
6- kounfa https://www. parismatch. com/Actu/International/Abandon-du-Mali-des-propos-inacceptables-pour-la-France-1760247
7- https://www.lepoint.fr/afrique/fin-de-barkhane-le-changement-va-dans-le-bon-sens-11-06-2021


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Un véhicule français SOUVIM 2 pour la détection d’engins explosifs improvisés et de mines, photographié à Gao, au Mali le 13 décembre (image d’illustration).        © THOMAS COEX Source: AFP

 

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