
L’État africain du Niger devient un nouveau point de tension sur le continent. La nouvelle situation du Niger est un problème pour la France qui y extrait de l’uranium. Ainsi, Paris tentera de négocier avec les nouvelles autorités.
Le président Mohamed Bazoum, qui a été renversé par les militaires, a appelé dans son article publié dans le Washington Post le gouvernement américain et l’ensemble de la communauté internationale «à rétablir l’ordre constitutionnel en luttant pour le pluralisme démocratique et le respect de l’État de droit» car «c’est le seul moyen de progresser durablement contre la pauvreté et le terrorisme» alors que le pays et l’un des plus pauvres de la Terre même avec l’exploitation française d’uranium.
Le Niger, un dernier domino du Sahel pro-occidental qui échappe à la France. Dans sa lettre au Washington Post, Mohamed Bazoum, avertit que «Boko Haram et d’autres mouvements terroristes profiteront sûrement de l’instabilité du Niger, utilisant notre pays comme base de départ pour attaquer les pays voisins et saper la paix, la sécurité et la liberté dans le monde. Ils intensifieront leurs efforts pour cibler nos jeunes avec un endoctrinement anti-occidental haineux, les retournant contre les partenaires mêmes qui nous aident à construire un avenir plus prometteur». «Reconnaissant la menace que la chute potentielle du Niger fait peser sur la région, nos voisins de la CEDEAO ont annoncé des sanctions sans précédent, notamment une interdiction des exportations et des importations de pétrole et une suspension des transactions financières transfrontalières», rappelle-t-il.
Observateur Continental faisait savoir que «le président Mohamed Bazoum a été renversé le 26 juillet par sa propre garde, lors du troisième putsch de la région en autant d’années après les prises de pouvoir au Mali et au Burkina Faso voisins». Actuellement, le nouveau pouvoir au Niger détient l’ancien président dans une villa.
Le Niger, pays névralgique pour l’uranium français. Observateur Continental notait que «la France» a très vite fermement condamné toute tentative de prise de pouvoir par la force et déclarer s’associer aux appels de l’Union africaine et de la CEDEAO pour rétablir l’intégrité des institutions démocratiques nigériennes» tout comme, citant le média africain Arabia Africa que «le Niger est le quatrième producteur mondial d’uranium et la principale source d’uranium utilisé pour produire de l’électricité en France».
Le Niger, un pays pauvre qui enrichit la France. La prise du pouvoir par le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) «qui se confond désormais avec l’armée nigérienne dans sa quasi-totalité» est un acte symbolique. Le pays, où la population est majoritairement pauvre et éloignée des grandes villes et qui n’a pas accès à l’électricité, est un fournisseur d’uranium de la France depuis de nombreuses années pour sa production d’énergie électrique. Le Niger est, en effet, l’un des pays africains les plus pauvres, avec plus de 10 millions de personnes vivant dans la pauvreté, soit 41,8% de la population, selon la Banque mondiale. «Le Niger, pays sahélien de 20 millions d’habitants est l’un des plus pauvres du monde, en dépit de ses ressources en uranium», complète Euractiv.
BFMTV a rappelé que «le pays fournit ainsi plus de 25% de l’uranium européen» et qu’à «l’échelle nationale, le Niger a été le troisième fournisseur d’uranium de la France, contribuant pour 19% de ses approvisionnements entre 2005 et 2020, derrière le Kazakhstan et l’Australie, selon le comité technique Euratom». La société française de technologie nucléaire Orano exploite de l’uranium au Niger depuis 1970. Environ 35% de l’uranium utilisé dans les réacteurs français en 2020 provenait du Niger.
Dans les années 2000, le Niger fait la une des médias américains grâce à son uranium. Le gouvernement de George W. Bush y a envoyé le diplomate américain, Joseph Wilson, censé découvrir des informations sur un éventuel achat d’uranium dans ce pays par le gouvernement irakien de Saddam Hussein. Joseph Wilson a publié une lettre ouverte à la presse indiquant que les données pourraient être délibérément falsifiées par le gouvernement américain pour justifier l’invasion de l’Irak.
Aujourd’hui, c’est la France, premier producteur d’énergie nucléaire de l’UE, qui est le principal bénéficiaire de l’extraction d’uranium au Niger. Selon Politico, le Niger fournit 15% des besoins en uranium de la France et représente un cinquième des importations totales d’uranium de l’UE. Cependant, un responsable français a martelé au média anglophone que la situation au Niger n’affectera pas les centrales nucléaires françaises puisque l’État ne dépend pas d’un seul fournisseur.
Pour la France et Emmanuel Macron, il s’agit également du prestige de la politique étrangère du pays. L’influence française dans plusieurs pays africains est pratiquement en train de s’estomper, ce qui inquiète l’Elysée. C’est le cas pour le Mali, également une ancienne colonie de la France où jusqu’en août 2022, où s’y trouvait un contingent militaire français. Les militaires arrivés au pouvoir au Mali ont adopté une ligne de distanciation vis-à-vis de Paris. Et, le Mali vient de retirer le français comme langue officielle du pays.
Selon des observateurs, il est peu probable que Paris décide de rétablir le pouvoir du président déchu par la force des armes car, selon eux, la France n’a pas les ressources pour une intervention militaire à part entière. Ils peuvent essayer de faire un contre-coup d’État pour qu’un groupe plus fidèle à eux arrive au pouvoir, mais ils essaieront très probablement de négocier avec ceux qui y sont dorénavant. D’ailleurs, l’action militaire tant vantée par la France qui devrait être menée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) piétine dans la semoule. «Une intervention militaire serait la dernière option sur la table», informe Le Figaro citant le commissaire de la Cédéao chargé des Affaires politiques et de la Sécurité, Abdulfatar Musa.
Pierre Duval
Paris désormais en retrait sur la crise au Niger

Paris semble rétropédaler sur le dossier nigérien, optant désormais pour des moyens diplomatiques dans la résolution de la crise au lieu d’une intervention militaire, selon une source diplomatique française citée par l’AFP.
La France s’était montrée «intransigeante» face aux militaires qui ont pris le pouvoir au Niger, elle apparaît désormais «en retrait» au moment où le spectre d’une intervention militaire des pays d’Afrique de l’Ouest semble s’éloigner, soulignent des experts.
«Nous soutenons pleinement (…) les efforts des pays de la région pour restaurer la démocratie au Niger», a déclaré mardi à l’AFP une source diplomatique française, près de deux jours après l’expiration de l’ultimatum lancé par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Les dirigeants ouest-africains avaient donné jusqu’à dimanche soir aux militaires nigériens pour rétablir le président élu Mohamed Bazoum, retenu prisonnier depuis le 26 juillet.
Les chefs d’état-major de la région avaient même dessiné les «contours» d’une éventuelle intervention armée. Paris avait appuyé «avec fermeté et détermination» les efforts de la CEDEAO pour faire pression sur Niamey.
Mais l’intervention n’a pas eu lieu et n’est pas envisagée à ce stade, selon une source proche de la CEDEAO. Un sommet se tiendra jeudi au Nigeria.
«C’est à la CEDEAO de prendre une décision sur la manière de restaurer l’ordre constitutionnel au Niger, quelle qu’elle soit», a souligné la source diplomatique. Le sommet «permettra d’aborder ce sujet».
Pour Bertrand Badie, professeur à Sciences-Po Paris, «cette déclaration est très pesée et très prudente (…) en retrait par rapport à ce qui était annoncé au départ».
«Il n’est plus question d’intervention militaire, il n’est plus question de dénier toute base réelle à ce gouvernement, il est question de diplomatie», dit-il.
source : Sputnik Afrique
« Si la France perd le Niger, elle perd tout », selon le vice-président d’APAISE-Niger

« Manipulée par la France »
Le dimanche 6 août, a pris fin l’ultimatum établi aux nouveaux pouvoirs nigériens par la CEDEAO demandant de restituer le Président Mohamed Bazoum renversé le 26 juillet. Le cas échéant, l’organisation régionale avait menacé de déclencher une opération militaire contre les autorités autoproclamées. Le 8 du même mois, le représentant du Président nigérian qui dirige actuellement la CEDEAO, a déclaré que la communauté opte pour une solution diplomatique mais n’exclut pas d’autres issues.
Paris « est en train de sortir de l’histoire de l’Afrique », estime un politologue français
