France / Mayotte : l’arme migratoire pour déstabiliser le territoire. Entretien avec Estelle Youssouffa

 

PHOTO : A YOUNG MIGRANT ARRIVED BY KWASSA FROM ANJOUAN. (PHOTO BY ARNAUD ANDRIEU/SIPA PRESS)/ANDRIEUARNAUD_084114/CREDIT:ANDRIEU ARNAUD/SIPA/1506250904

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Aux confins de l’océan Indien, Mayotte concentre de nombreuses difficultés qui fragilisent le lien social et nuisent au développement du territoire. Entretien avec la députée Estelle Youssouffa pour comprendre les enjeux de Mayotte.

    Estelle Youssouffa est députée de la 1ère circonscription de Mayotte. Propos recueillis par Pierre Camus. Entretien initialement paru le 10 décembre 2022.

Mayotte concentre aujourd’hui une partie de l’actualité française et des chaînes d’informations à la suite des évènements violents qui s’y déroulent. Comment en tant que députée de ce département d’outre-mer, décrieriez-vous la situation actuelle à Mayotte ?  

L’actualité ne résume pas ce qu’il se passe à Mayotte. Nous sommes face à une explosion de violence qui est quotidienne et qui va croissante depuis plusieurs années. Je considère pour ma part qu’il s’agit d’une violence organisée pour déstabiliser le territoire et que le principal outil de cette violence est l’arme migratoire qui est utilisée par notre voisin, les Comores, qui revendiquent Mayotte. On observe depuis plusieurs années une augmentation de cette violence qui vise en particulier nos enfants dans les établissements scolaires, nos agriculteurs pour l’accaparement des terres et nos entrepreneurs dans les zones industrielles et commerciales. On est passé d’une violence de petits larcins pour la survie à une violence gratuite, barbare, avec des actes de torture, dans des zones spécifiques pour terroriser et chasser la population mahoraise.

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Nous avons vu il y a peu des affrontements entre Kaweni et Koungou ou à Majicavo Dubaï ainsi qu’à Majicavo Lamir, notamment avec des incendies ou plus récemment l’intrusion d’une vingtaine d’individus cagoulés dans un lycée de Sada. Quelles sont les origines de ces violences entre bandes, est-ce que ce sont seulement des Comoriens, et quelles sont leurs revendications ?   

La violence a de nombreuses sources, mais la principale ce sont les mineurs isolés, des jeunes qui sont complètement abandonnés sans supervision d’adultes et qui se sont constitués en bandes.

Mais ces bandes sont maintenant manipulées par des systèmes quasi mafieux avec une dimension politique importante. Ces bandes coordonnent le trafic humain en organisant par exemple des émeutes d’un côté de l’île pour laisser passer les kwassa-kwassas (bateaux utilisés pour transporter les migrants) de l’autre côté du territoire. Les forces de l’ordre sont déployées pour ramener le calme dans une zone pendant qu’ailleurs les passeurs ont le champ libre. Ces bateaux arrivent chargés de migrants à Mayotte et repartent avec tout ce qui a été pillé et volé sur notre île : cela va du véhicule, du scooter volé à des particuliers au matériel informatique pillé dans les administrations, au matériel médical qui est pillé à l’hôpital comme les masques pendant l’épidémie de Covid…

Il faut comprendre cette violence comme un outil de chantage politique, puisque certains adultes ont intégré qu’en organisant des violences, ils obtenaient la création d’emplois sociaux pour des associations pour « acheter » la paix civile. Certains politiciens locaux ont ainsi créé des emplois et chaque fois que ces emplois aidés sont menacés, les violences repartent. Ce que l’on constate de manière objective c’est un accroissement de cette violence, une « montée en gamme » dans la barbarie, une certitude d’impunité pour les bandes qui opèrent et un sentiment d’abandon pour la population.

Donc de ce que l’on peut comprendre, il n’y a pas de revendication particulière de la part de ceux qui organisent cette violence ? 

Je pense que cette violence est politique et j’en veux pour preuve les mises en scène des bandes violentes sur les réseaux sociaux avec des discours anti-mahorais clairs, des propos à visage découvert qui contestent la présence de la France et que Mayotte soit française etc. Ce sont des discours qui rejettent l’autorité, ce sont des revendications claires pour renverser l’ordre établi. Et de fait, ces bandes créent des zones de non-droit, c’est pour cela que nous, élus, réclamons le retour de la République.

Le ministre de la Santé, François Braun, s’est rendu à la Réunion et à Mayotte fin novembre pour évaluer la situation du secteur de la santé sur l’île, on connait aujourd’hui la situation compliquée dans ce secteur en métropole. Mayotte est-elle une exception à ce triste constat ?

Mayotte est un désert médical. Il faut savoir que 80% des personnes qui sont soignées à l’hôpital sont des étrangers en situation irrégulière. Nous sommes dans une situation où le système de santé, qui était déjà faible, est absolument saturé et monopolisé par la santé périnatale. En effet, Mayotte compte 12 000 naissances par an et notre seul hôpital est la plus grosse maternité d’Europe… ce qui fait que tous les autres soins ne sont pas développés. Donc il faut imaginer un hôpital qui a la plus grosse maternité d’Europe, où 80% des patients sont des étrangers en situation irrégulière et 88% des évacuations sanitaires concernent un étranger en situation irrégulière. C’est intenable parce que cela discrimine les assurés sociaux que nous sommes : nous Mahorais sommes exclus de notre propre système de santé.

Le petit « secret » administratif de cette injustice, c’est que l’Aide Médicale d’État (AME) n’existe pas à Mayotte. Et ce, par exception, par décret ministériel. Le CHM est le seul hôpital de France à fonctionner avec une enveloppe unique et sans AME, ce qui fait que l’on masque la dépense pour la santé des étrangers. De fait, à Mayotte, sur 1 euro dédié à la santé, 80 centimes vont à la santé des étrangers. Le ministre Braun est venu à Mayotte en novembre et il a réussi l’exploit de ne pas évoquer le sujet…

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Pour moi, nous restons un désert médical à cause d’un blocage au niveau du gouvernement, c’est-à-dire que l’AME permet l’accès des étrangers aux soins, cependant elle chiffre son coût. Avec l’AME, nous gagnerions en clarté et l’on pourrait répartir la dépense publique en toute connaissance de cause et réorganiser l’offre de soins à Mayotte. Il y a urgence, car nous avons de nombreux manques.

Mayotte est régie systématiquement par l’exception, lorsque vous allez voir les statistiques de l’INSEE, il y a toujours un astérisque « Hors Mayotte », même chose dans les décrets d’application et les lois que je vote à l’Assemblée, mais qui ne s’appliquent pas à Mayotte. Ce n’est pas par anomalie, mais par décision de l’État. Ce n’est pas Mayotte qui est inadaptée, c’est l’État qui ne veut pas appliquer les mesures nationales. Le discours sur le fait que Mayotte est une « particularité » résulte d’une particularité créée et organisée par l’État. Notre combat pour la départementalisation consiste à imposer la norme, la règle et le droit national à Mayotte, car cela nous protège. L’État remet la question statutaire sur la table, car la départementalisation induit pour appliquer le droit et la norme, de déployer les services idoines, chose que l’État refuse de faire à Mayotte.

À Mamoudzou, le conseiller d’opposition Jacques Martial Henry réclame une réponse économique et sociale contre les violences et incivilités commises par la population, notamment concernant la vente d’alcool qu’il juge trop libre, contrairement au sénateur Thani Mohamed Soilihi qui a demandé à Gérald Darmanin d’envoyer le RAID à Mayotte pour enrayer ces violences ou a vous-même qui avez demandé des renforts de l’armée. Jacques Martial Henry considère également que c’est irresponsable de la part des autorités locales d’attendre une résolution complète de la part de l’État, chacun devant prendre ses responsabilités. Quelles sont vont opinions sur ces questions ?   

Le discours de Jacques Henry, qui est le discours de la majorité, fait écho à une politique qui est en place depuis plus de 10 ans qui est de dire que la sécurité est l’affaire de tous…

Premièrement je rappelle que la sécurité est une compétence régalienne, comme la protection des frontières. Donc ce n’est pas l’affaire de tous : c’est l’État qui a le monopole de la violence et ce n’est pas pour rien. Le maintien de l’ordre public est une compétence de l’État et non pas de tout un chacun.

Deuxièmement, cette politique tournée vers le social et la prévention est inopérante et nous sommes très nombreux à questionner cette politique publique : des millions d’euros ont été versés à des associations qui ont promis de gérer ces mineurs étrangers, d’effectuer un travail de prévention et force est de constater leur échec puisque nous en sommes là aujourd’hui. Quand nous sommes face à des actes de barbarie, nous ne sommes plus dans la prévention. Notre discours est simple : il faut cesser de minorer le problème. Il y a un fossé extrêmement important entre la réalité de la situation et la réponse qui est donnée. Et je voudrais même aller plus loin concernant les discours de certains élus à Mayotte, comme celui de représentant de l’État à Mayotte, le préfet, et des autorités. D’une part ils minorent les violences à Mayotte en parlant de délinquance alors qu’il s’agit de criminalité, et d’autre part par ce discours qui dit que c’est de la responsabilité de tous, leur permet de fuir leurs responsabilités – celles de l’État – et de faire porter aux victimes la responsabilité de la situation. Il ne faut pas se tromper, les bourreaux ne sont pas des victimes. Le discours qui laisse entendre que ces enfants qui sont dangereux, qui commettent des actes graves, sont d’abord des victimes est scandaleux.

Nous demandons une réponse de l’État, avec le déploiement de forces d’élite, non pas de manière temporaire, mais de manière permanente. Car les évènements s’accélèrent, et l’île étant minuscule, dès que le RAID ou GIGN repartent, les violences reprennent. La présence de ces forces de manière pérenne est indispensable. De la même manière, il faut regagner les territoires perdus que sont ces zones de non-droit, c’est-à-dire que nous devons détruire les bidonvilles et les centaines d’hectares de terres occupées illégalement. Pour cela, nous demandons la mobilisation des forces de l’Armée parce que l’ampleur de la tâche dépasse largement les capacités de la Police et de la Gendarmerie à Mayotte.

Nous n’avançons pas avec le gouvernement qui multiplie les réunions sans conclusion alors qu’il y a le feu à la maison. La période de discussions stériles et des débats sur les méthodes à employer avec des consultations interminables n’est plus d’actualité. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps à Mayotte. Continuer à être dans le déni de la gravité de la situation, c’est déjà une aggravation de la situation. Je rappelle que cela fait des années que nous appelons à l’aide, et qu’en 2018 il y avait déjà eu une grève générale sur notre île à cause de la violence. Le président était venu en 2019 pour dire que « la France c’est la sécurité », nous sommes en 2022 et l’insécurité a explosé. Nous avons eu la concertation, nous avons eu la prévention, nous avons eu le « c’est l’affaire de tous » et ça ne fonctionne pas. Il faut maintenant employer la manière forte et que la peur change de camp. Sans quoi nous basculerons dans la guerre civile.

Mayotte n’est un département français que depuis 2011 et malgré un refus de l’indépendance en 1974 alors que l’archipel des Comores avait voté ‘’oui’’ à majorité, reste-t-il encore aujourd’hui des indépendantistes ou certains qui souhaitent que Mayotte fasse de nouveau partie des Comores ?  

La question du conflit avec les Comores est sous-jacente, mais omniprésente dans les évènements qui se déroulent à Mayotte. La violence qui est à l’œuvre à Mayotte est instrumentalisée, sinon orchestrée par Moroni. Toutes les discussions entre les Comores et Paris ont un écho sur place à Mayotte, avec des pics d’émeutes ou un refus des reconduites à la frontière de la part des autorités comoriennes pour recueillir leurs propres ressortissants. Cette violence et l’afflux migratoire sur notre territoire sont des outils dans la politique étrangère comorienne pour le président Azali, comme le président turc ou le président biélorusse. Il a un levier de déstabilisation. Et ceci est très important pour comprendre ce qu’il se passe à Mayotte. Il faut absolument sortir de la naïveté et d’une lecture de la situation comme de faits divers ou d’une violence qui serait endogène alors que les statistiques montrent bien qu’il n’y avait pas un acte de violence sur des personnes il y a 10 ans, pas un vol.

C’est une violence qui est politique avec une arme migratoire : l’afflux de population comorienne a été orchestré et savamment alimenté. L’objet est de changer, à terme, l’issue d’une énième consultation de Mayotte sur son souhait de rester au sein de la République française. Historiquement, Mayotte vote encore et encore pour rester française, mais le doute persiste à Paris alors ce n’est pas un sujet qui habite la population mahoraise. Le fait de poser la question systématiquement ne vient pas du fruit de notre imagination. Ce discours d’une Mayotte illégitimement française a été construit par les Comores et il est relayé par certains de nos diplomates, par certains politiciens français et par une partie de l’écosystème à Paris. Ce n’est pas le discours de Mayotte et ça ne l’a jamais été. En changeant la population, en espérant à terme un énième référendum sur le statut de Mayotte, les Comores espèrent gagner avec l’arme démographique ce qu’elles n’ont pas réussi à gagner sur la scène internationale à l’ONU ni par le vote.


Pierre Camus


             À Mayotte : l’angoisse des uns, l’espoir des autres

L’opération « Wuambushu », annoncée comme la plus vaste campagne de lutte contre l’immigration clandestine de France, s’apprête à se déployer sur l’île. Renforts massifs, expulsions records, destruction d’habitats informels… L’intervention suscite l’espoir d’une amélioration vis-à-vis de problématiques persistantes, mais aussi la crainte de voir celles-ci s’aggraver.

À Mayotte : l’angoisse des uns, l’espoir des autres
Dans le bidonville de Kawéni à Mayotte, le 17 avril 2023, à quelques jours du début de l’opération « Wuambushu » visant à arrêter et expulser des sans-papiers comoriens de l’île de Mayotte.       © Louis Witter et Cyril Castelliti.

 

Sur l’un des rares coins d’ombres offert par la plage de Koungou, Zakia manipule ses feuilles de brick tel un origami. En ce mois de ramadan, elle et ses cinq enfants s’apprêtent à rompre le jeûne dans leur quartier Barakani. Les portions qui garnissent ses samoussas sont millimétrées. « Ici, quasiment tous les hommes ont déjà été expulsés. Ceux qui restent se cachent dans la forêt. Le peu d’argent qu’ils nous ont laissé, on l’économise au maximum. Même l’Aïd, je ne sais pas comment nous allons pouvoir le fêter. »

Une préoccupation sérieuse, qui semble pourtant illusoire au regard de son inquiétude première. « Une grosse opération de police va avoir lieu et je n’ai rien préparé. Je ne sais même pas où aller. Mes enfants sont scolarisés à Mayotte. C’est ici qu’ils sont nés. Ils ont le droit de vivre ici et d’être éduqués comme n’importe quel enfant », déplore-t-elle.

Wuambushu : c’est le nom de cette « grosse opération » évoquée par Zakia. Annoncée fin février dans les colonnes du Canard enchaîné, l’événement s’annonce comme l’une des plus vastes campagnes de lutte contre l’immigration clandestine de France. Objectif : raser plusieurs quartiers informels, dont celui de la mère de famille. Et pour y arriver, un renfort de 500 policiers et gendarmes a débarqué sur l’île ces derniers jours.

À quelques jours de l’hypothétique coup d’envoi, la jeune adulte rapporte que certains habitants ont pris les devants en effectuant eux-mêmes le travail des tractopelles. « Ils ont détruit leur maison et disparu. Nous avons perdu le contact. Ça me fait mal au cœur. C’étaient des amis, des voisins, des gens avec qui on s’entraidait. Maintenant qu’ils sont partis ça va être dur pour nous, comme pour eux. »

Amputé d’une partie de ses habitants, le cœur de ce village informel est déjà presque un champ de ruines. Sur cette terre ocre et sèche, les jouets des enfants côtoient les châles de leurs mères. L’accumulation de gravats, de poussière et de meubles délabrés soulignent la précipitation du départ. Sur les tôles ondulées qui jonchent le sol, comme sur celles des habitations encore debout, des inscriptions sont encore visibles : « Oui » pour les cases à détruire, « Non » pour les autres.

Ils ont détruit leur maison et disparu. Nous avons perdu le contact. Ça me fait mal au coeur.

Selon l’arrêté préfectoral à l’origine de l’opération, des « propositions d’habitats adaptés » ont été faites aux habitants en situation régulière. Ils sont nombreux. « Ici, il y a des Français et des gens avec des titres de séjours. Nous vivons mélangés même si moi, je n’ai pas de papiers », rappelle Zakia. Comme le rappellent plusieurs voix du village, ces propositions de relogement sont bien minces. « À Koungou, les décasages et les menaces d’expulsion sont courants. Ça me perturbe, me traumatise et me torture de subir ça. Personne n’est jamais venu nous consulter ou nous proposer quoi que ce soit », déplore une voisine de Zakia.

Dans le bidonville de Koungou, des maisons en tôle ont été marquées par les autorités par « Oui » ou « Non » pour afficher leur destruction prochaine.           (Photo : Louis Witter et Cyril Castelliti.)

Des rêves et des risques

Censée débuter le 22 avril, Wuambushu suscite à la fois inquiétude et espoir sur l’île. Département le plus pauvre de France et historiquement délaissé, Mayotte se retrouve soudainement au cœur d’une mobilisation exceptionnelle. Laquelle s’inscrit comme une réponse radicale face à deux problématiques omniprésentes dans les débats publics : l’immigration irrégulière et la délinquance.

De quoi susciter l’engouement des élus locaux sur un territoire encore marqué par la grève générale contre l’insécurité de 2018. Face à l’opposition de l’État comorien qui revendique toujours sa souveraineté sur l’île, défendre Wuambushu relève ainsi d’un enjeu protectionniste pour une partie de la population. Sur les plateaux de télévision et les réseaux sociaux, le débat se radicalise entre ceux accusés de soutenir « la propagande de Moroni » et les « défenseurs des intérêts de Mayotte ».

Dans ce débat manichéen, difficile d’évoquer publiquement des inquiétudes pourtant partagées par une large partie de la population locale. D’abord, le déséquilibre entre le nombre d’habitations détruites et les places de logements disponibles. Ensuite, les risques quant à la séparation des familles d’enfants français et de parents irréguliers. Une conséquence redoutée au regard des 10 000 expulsions envisagées, ainsi que de nombreuses pratiques déjà constatées sur le territoire.

Dans le quartier de Kaweni, également ciblé, les répercussions de l’offensive sont omniprésentes dans les discussions : « On galère à garder les enfants avec nous. Une fois les maisons démolies, ça va être pire ! Je suis en situation irrégulière. Si je suis renvoyée à Anjouan, mes enfants vont se retrouver à la rue », confie une mère de famille. Fort de sa réputation de « plus grand bidonville de France », le quartier s’inscrit comme un point sensible, où la colère pourrait vite le faire s’embraser.

Je ne suis pas un animal. Je n’ai pas à me cacher.

Une crainte partagée par des parents sans-papiers : « Je ne pense pas que cette opération va régler les choses. Au contraire. Après les démolitions, ça va être le bordel dans les rues. Tout le monde va avoir peur de sortir ! Les Comoriens comme les Mahorais. Moi, je n’ai aucun abri où me mettre avec mes enfants qui sont français. Je ne suis pas un animal. Je n’ai pas à me cacher », s’insurge Saïd, père de famille de 48 ans, dont plus d’une vingtaine passées à Mayotte.

Vigilance au respect des droits humains

Dans les quartiers précaires comme sur l’ensemble du territoire, l’anxiété est renforcée par le flou des autorités quant aux contours du dispositif. Après plusieurs semaines d’attente sans confirmation officielle, les quartiers ciblés ont finalement été dévoilés à demi-mots dans la presse, sans pour autant préciser les dates d’intervention.

Dans le doute, les sacs d’affaires sont déjà ficelés chez certaines familles. Quant aux habitants des quartiers plus privilégiés, certains nous confirment leur décision de quitter le territoire le temps de l’opération. Une opportunité qui coïncide avec la période des vacances scolaires, qui permet à certains fonctionnaires de s’éloigner des risques potentiels de Wuambushu.

Si certains enseignants ont décidé de lever l’ancre, d’autres préfèrent rester sur place pour veiller au respect des droits de leurs élèves. Samedi 15 avril à Mamoudzou, un collectif interprofessionnel, intersyndical et interassociatif s’est réuni pour partager ses inquiétudes et s’organiser face au rouleau compresseur de l’État.

« Les risques sont multiples, nous craignons des atteintes aux droits fondamentaux, aux droits de l’enfants aussi avec des cas d’élèves qui pourraient être expulsés, des atteintes au droit au logement, au droit à la santé, au droit effectif au recours ou encore des violences policières », souligne sous couvert d’anonymat une avocate mobilisée sur la question.

Si ce collectif en est, dans l’urgence, à ses premiers balbutiements, « il émerge car il y a un besoin vital d’informer les personnes de leurs droits, de les protéger aussi car les souffrances seront importantes pour les personnes visées », ajoute-t-elle. Dans celui-ci, les soignants, qui ont il y a peu alerté sur le risque sanitaire que ferait courir des décasages massifs. Des enseignants également, qui s’inquiètent du suivi pédagogique de leurs élèves dont les situations sont les plus précaires. Mais également des magistrats et des avocats, qui pour leur part tirent la sonnette d’alarme quant au risque réel de non-respect des lois.

Il y a un besoin vital d’informer les personnes de leurs droits.

Jusque dans l’Hexagone, c’est le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) qui a très solennellement demandé au ministre de l’Intérieur de renoncer. Au cœur de toutes ces inquiétudes, la crainte que l’opération provoque l’inverse des effets escomptés, à savoir l’embrasement d’un climat social déjà caniculaire.


      MAYOTTE ! un rapport explosif !

Révélé par Médiapart, un rapport si explosif qu’il est caché par le gouvernement depuis janvier 2022.

Un rapport intrinsèquement objectif… complètement à l’opposé de ce que pense et dit Edwy Plenel (mais nous ne sommes pas à une outrance près de sa part, quand bien même le ton serait départi, souriant, pédagogique même). Que dit-il ce monsieur invité par la télé bienpensante ? Dans l’esprit « On a volé un morceau à une entité, à l’archipel des Comores… » c’est tout sauf un argument… dans ce cas Gibraltar est un morceau volé à l’Espagne, les enclaves espagnoles des morceaux volés au Maroc, les Îles Anglo-Normandes devraient appartenir à la France et la Corse à l’Italie à en croire Mussolini !

Qu’est-ce qu’il raconte encore le trotskiste ? Que le territoire occupé par la France, parce que c’est l’Europe, attire l’immigration comorienne… certes sauf que les gouvernements successifs ont bien pris soin de transformer l’île en cul-de-sac : ce n’est pas un marchepied pour la Réunion, pour la métropole et l’UE, l’île est déjà un camp de rétention ! A quoi sert en même temps d’invoquer une solidarité nationale qui non seulement ne trouve pas à s’appliquer mais qui en plus, débouche sur de la non-assistance à territoire en danger !

Et avec ça ? plus grand chose comme il y a longtemps que je n’écoute plus ces émissions boboïsantes à tendance wokiste. Néanmoins, Joseph Krasny, le pseudo renié de Plenel, le solidaire de septembre noir dans l’assassinat, à Münich, en 1972, des sportifs israéliens, en tire des prolongements douteux lorsqu’il évoque un racisme anti-mahorais à la Réunion. Pourtant, en proférant « Band Komor », la Réunion n’est pas plus raciste et venimeuse qu’une France jacobine d’il n’y a pas si longtemps… même s’ils n’ont pas voulu donner de l’eau lors de la grave pénurie d’eau de 2017. Mieux que chez les Etatsuniens, le « melting pot  » (que les profs propagandistes nous ont vendu sans bémols dans les années 60) consiste plus à vivre à côté qu’ensemble… Sinon, comme bien des Français, ils sont contre l’immigration.

Du temps du gouverneur, ses mensonges et ceux de l’État étaient d’un autre ordre. Photo autorisée wikimedia commons

Alors, ce rapport qui ne permet pas à Plenel d’attaquer bille en tête ? Il suffit de le lire sans se dire de qui ça vient, vu qu’il sert autant les contre que les pour Mayotte française.

Notons (je me permets de prolonger…) :

* il émane des inspections générales de six ministères (santé, justice, éducation, affaires sociales, affaires étrangères, intérieur). 300 personnes entendues sur plusieurs semaines.

* Mayotte, département le plus pauvre de France aux moyens plus faibles que dans les autres outremers (la dotation par élève, par exemple, ne faisait qu’à peine plus de la moitié de ce qui est la norme [je crois l’avoir déjà évoqué sur Avox).

* l’État est débordé par une situation sur le fil du rasoir par rapport à l’acceptable, une offre de santé insuffisante et fragile (même avec le titre de première maternité de l’UE !), un problème migratoire submergeant les capacités de l’État, en retard de deux dizaines d’années, qui a failli à sa mission.

* une insécurité grandissante avec des agressions mortelles (le 15 février dernier, un jeune de 19 ans mort des suites d’une attaque avec barre de fer) (je ne fais pas le lien avec l’immigration…)

* Dard Malin (pardon de garder des réflexes pour échapper à la censure facebouquienne (ils m’ont même interdit de dire « faux-jeton » ! faut pas dire non plus que les Français sont des moutons ou des veaux…) en premier, veut le cacher, ce rapport, lui qui pourtant s’est montré quelques fois dans l’île contrairement à d’autres (Vous le connaissez vous, le délégué aux Outre-mer ?). Sauf que le ministre de l’Outre-Mer est un peu tête en l’air… Quelle idée d’aller dire à la télé locale qu’on ne pouvait rien contre des mineurs ? Ce qui ne peut que conforter ceux qui n’avaient pas encore franchi le pas de la délinquance…

* presque la moitié des logements sont illégaux avec les plus grands bidonvilles de France, qui plus est sur des zones à risques.

* 80% de la population est en dessous du seuil de pauvreté.

* 75 ans d’espérance de vie.

* 1/3 actif au chômage…

* Mais comme c’est huit fois pire aux Comores (1/4 de la population en extrême pauvreté) le mouvement migratoire n’arrête pas malgré les conditions difficiles de traversée, la fermeté nouvelle des contrôles qui ajoutent aux infortunes de mer. Des centaines de gendarmes devraient arriver dès avril, pour renvoyer un maximum de personnes et en priorité celles versées dans la délinquance délictueuse.

* La situation est si alarmante que même l’INSEE n’appliquant que les subtilités de calcul qu’on lui ordonne habituellement (n’avait-elle pas pour consigne de ne pas recenser toute la population, en vue de faire des économies dans la dotation globale ?) prévoit près de 800.000 habitants en 2050 (deuxième parenthèse : est-ce que cela sous-entend que le chiffre officiel des 280.000 habitants actuels est sous-évalué ?).

* les journalistes informant de ce rapport caché mettent l’accent sur l’enfance en danger dont au premier rang ceux qui sont privés d’école (les locaux n’étant pas à l’origine du manque de place, font passer les nôtres, bien que pénalisés par le surnombre, avec une salle de classe pour deux divisions pet un niveau qui s’en ressent, par exemple, les 3/4 au collège ayant des difficultés de lecture [9 x plus qu’en métropole).

* Inquiétude aussi, l’alimentation insuffisante nous ramenant à l’épineuse question des rythmes scolaires imposés de force sous un climat tropical… si encore c’était pour assurer aux enfants un minimum de nourriture, de protéines mais peut-être que les autorités préfèrent se faire valoir en aidant des pays tiers, il est vrai que l’exemple de Mayotte fait tache pour un pays qui se veut dans le peloton de tête des États évolués !

* les jeunes de l’île sont en moins bonne santé qu’ailleurs en France… une situation dont les effets se ressentent dans la délinquance violente (81 % de prévalence des mineurs dans les vols avec violence… ce n’est pas moi qui le dis !). Et une tendance à l’autodéfense quand les cambrioleurs sortent du commissariat avant le cambriolé embourbé dans la paperasse s’il porte plainte (le nombre de plaintes, en lui-même, ne veut plus rien dire.

* en prime, une désorganisation des services, des personnels sans expérience, une faible attractivité du territoire.

Tout va donc tourner autour du renvoi massif aux Comores…

Merci Médiapart, merci Krasny Plenel, si ce rapport n’arrive plus à fourbir vos arguments contre Mayotte, merci d’avoir donné du grain à moudre à Mayotte française.

Bien charitablement à vous qui ne dites rien sur la biodiversité perdue par le déboisement, sur le pillage des ressources halieutiques par les bateaux-usines… et pas que chinois, russes ou coréens…

crédit photo : anonyme de 1975 parue dans le n°29 de 1993 Jana na Leo

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Mayotte : Darmanin, le nettoyeur de la République
À Majicavo, une femme déménage ses effets dans le bidonville « Talus 2 », dont la démolition était prévue par l’opération Wuambushu, avant que la justice ne suspende son évacuation le mardi 25 avril.                        © Morgan Fache / AFP.

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