Algérie / Psychologie du sport : rôle et influence de la préparation mentale sur la performance sportive

       

 

Par Belkacem Lalaoui

«Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don.»
(A. Einstein)

Remise en question permanente et adaptation continue, la performance sportive s’intègre dans une approche multifactorielle comprenant des aspects liés à la formation des capacités physiques, techniques, tactiques et mentales. Produit complexe d’une équipe pluridisciplinaire, elle nécessite en particulier l’intervention d’un psychologue du sport ou d’un préparateur mental.

En effet, et alors qu’elle entre dans les exigences de la formation sportive de haut niveau, la composante psychologique n’est pas intégrée dans la formation de nos athlètes toutes disciplines sportives confondues. Dans les clubs professionnels, les staffs techniques et médicaux ont été renforcés pendant que les spécialistes de la psychologie sportive n’ont pas été intégrés. Aucune fédération sportive n’a su jeter les bases concrètes d’une assistance psychologique durable dans la compétition sportive de haut niveau. Si bien que la prise en charge du facteur psychologique par nos entraîneurs est insuffisante, voire inexistante dans les aspects technico-tactiques de la performance sportive.
L’athlète ne bénéficie pas du soutien d’un préparateur mental pour l’aider à progresser dans la gestion de sa performance. Dans le sport de haut niveau, la préparation mentale est devenue un élément indispensable à l’optimisation de la performance. C’est une préparation à la compétition par l’apprentissage et la maîtrise d’un ensemble de techniques et de méthodes de régulation psychique, qui permettent aux athlètes de développer leurs capacités mentales et d’améliorer leurs performances. Au même titre que la préparation physique s’appuie sur la biologie et la physiologie, la préparation mentale s’appuie sur la psychologie.

La pratique mentale est généralement définie comme «la répétition d’une tâche sans mouvement avec l’intention d’apprendre». Pour les psychologues Vealey et Greenleaf, la pratique mentale c’est «le fait d’utiliser tous les sens pour créer ou reproduire une expérience dans son esprit». Dans le sport de haut niveau, il s’agit pour l’athlète de décomposer mentalement un geste technique ou une situation de jeu pour mieux en identifier les étapes. Le rôle de l’imagerie mentale (des termes différents sont utilisés pour parler de la notion d’imagerie mentale : préparation mentale, répétition mentale, pratique mentale, etc.) dans le développement de la performance sportive a fait l’objet de nombreuses recherches. La diversité de ces études a clairement identifié le rôle que jouent les aspects mentaux sur la performance sportive. En effet, l’image mentale joue un rôle important dans la mémorisation du mouvement humain. Les premiers effets de l’image mentale sur le mouvement humain ont été vérifiés par les travaux d’Edmund Jakobson, «qui ont montré que, lorsqu’un homme s’imagine courant ou se prépare à courir, les muscles de son corps associés au fait de courir se contractent un peu», c’est-à-dire qu’un potentiel d’action apparaît dans les muscles concernés.

Des recherches ont, en effet, confirmé que l’accroissement de l’activité électrique dans les muscles est associé à la pratique mentale. Produisant des sensations neuromusculaires identiques à celles qui accompagnent les véritables mouvements, la répétition mentale aide le cerveau à développer des images kinesthésiques appropriées à l’exécution du mouvement. Elle permet à l’athlète de réguler le niveau d’activation musculaire approprié et faciliterait ainsi la focalisation de l’attention et le blocage des pensées négatives. Elle participe également à la régulation des états précompétitifs et compétitifs, c’est-à-dire les deux temps forts pendant lesquels l’athlète a besoin d’accompagnement psychologique. Un suivi psychologique du début à la fin de la saison est indispensable à la bonne gestion de la performance sportive. En effet, l’évaluation psychologique de l’athlète ne peut s’admettre que dans une perspective essentiellement longitudinale, c’est-à-dire dans le contexte d’un suivi. Sur le «plan du facteur émotionnel», l’évaluation porte sur les capacités d’adaptabilité de l’athlète, c’est-à-dire sur son aptitude à s’ajuster aux demandes émotionnelles de la compétition. Sur le «plan du facteur relationnel», l’évaluation porte sur la capacité de l’athlète à communiquer avec autrui sur un mode direct et affectif, en particulier avec l’entraîneur.

A l’étranger, la préparation mentale s’est solidement ancrée dans les clubs professionnels allemands, anglais, italiens, espagnols et français. Dans ces pays, la préparation mentale a pris une place importante dans la formation du sportif de haut niveau. Dans les séances quotidiennes d’entraînement, elle est traitée sur un pied d’égalité avec la préparation physique, technique et tactique. Pour les jeunes inscrits en filières d’accès au haut niveau, une loi impose un suivi et deux bilans psychologiques annuels.
En Algérie, et bien que les centres de formation soient soumis à un cahier des charges en matière d’encadrement technique, médical et psychologique, la prise en compte de la préparation mentale chez les jeunes athlètes est inexistante. Les fédérations sportives et les directions techniques nationales n’ont pas créé de postes de psychologues du sport ou de préparateurs mentaux au sein des sélections nationales de jeunes, des espoirs et des équipes nationales toutes disciplines sportives confondues. La formation de nos sportifs d’élite est défaillante en matière de préparation mentale.

La préparation mentale dans le sport de haut niveau nécessite l’utilisation de techniques et de méthodes spécifiques de régulation psychique. Le rôle principal du psychologue du sport ou du préparateur mental est de procéder à l’analyse des composantes psychologiques qui influencent chaque discipline sportive, et de proposer des techniques et des méthodes d’adaptation aux contraintes spécifiques de la compétition. Plusieurs batteries d’épreuves sont utilisées pour améliorer le potentiel psychologique de l’athlète, en renforçant notamment certaines capacités psychiques et en restaurant les facteurs défaillants. Orientée vers l’amélioration des résultats sportifs, la préparation mentale s’adresse autant à l’athlète qu’à l’entraîneur.
En effet, l’information recueillie sur l’athlète par le psychologue ou le préparateur mental peut favoriser chez l’entraîneur la prise de conscience du type de fonctionnement affectif de l’athlète, et dans certaines conditions favoriser un réaménagement de sa relation aux athlètes et modifier ainsi l’ambiance du groupe dans un sens favorable à la réussite sportive. Les sujets d’études les plus travaillés dans le domaine de la préparation mentale sont : la confiance en soi, la concentration, l’état motivationnel, l’anxiété, l’agressivité, etc.

La confiance en soi se définit comme l’image que l’athlète se fait de lui-même et ce qu’il croit être. C’est un système de relations de l’athlète à lui-même et aux autres. La confiance en soi dans le sport de haut niveau est la perception développée par un athlète de son aptitude et de son auto-efficacité à réussir. Dans son essai sur la psychologie du sport, R. S. Vealey définit la confiance en soi dans le sport de haut niveau comme «la croyance ou le degré de certitude que possèdent les individus à propos de leurs capacités à réussir en sport».
En effet, les athlètes extrêmement motivés tendent à afficher une solide confiance en leurs aptitudes et capacités. Pour le psychologue américain A. Bandura, la confiance en soi en sport est la perception développée par un athlète en sa «capacité à organiser et appliquer les plans d’action nécessaires pour réaliser des performances données».
Indéniablement, la compétition sportive stimule la connaissance de soi, l’estime de soi et la confiance en soi ; elle forge les capacités d’auto-analyse et d’auto-évaluation du sportif de haut niveau. L’athlète disposant d’une faible confiance en soi est sujet à des accès d’anxiété. Avant d’avoir confiance en ses possibilités en match, l’athlète doit avoir connu la réussite à l’entraînement. Pour cela, l’entraîneur doit promouvoir auprès de l’athlète une pédagogie de la réussite et du succès qui le stimule constamment. Car, le développement de la confiance en soi dans le sport de haut niveau est lié à la persévérance et à la volonté de travailler dur durant les séances d’entraînement.

La concentration, appelée aussi «attention sélective», représente le versant psychologique de la «vigilance», c’est-à-dire la faculté à ignorer les informations non pertinentes et à fixer son attention sur des éléments importants. On retrouve une vigilance et une attention sélective élevée chez les escrimeurs. Le terme de «vigilance», introduit par le neuropsychiatre britannique Head, correspond à l’état comportemental traduisant l’activité des structures nerveuses centrales. Une variation du tonus des centres nerveux entraîne une variation du niveau de vigilance, cette variation correspond à ce que l’on appelle l’activation : c’est un changement d’état, un passage d’un niveau d’activité à un autre. Si l’activation est haute ou trop basse, la performance est mauvaise.
Les athlètes sont souvent ignorants de la sur-activation qui se produit en eux, jusqu’au moment où la performance s’en trouve affectée. Dans les moments importants de la compétition, certains athlètes s’adonnent à une auto-activation en se donnant des tapes sur leur corps (joues, cuisses, etc.).

Une concentration satisfaisante est indispensable pour aider l’athlète à bien maîtriser une situation sportive, et développer un sentiment d’efficacité et de confiance en soi. Mais, pour que l’auto-efficacité et les sentiments de compétence personnelle et de confiance en soi se développent, l’athlète doit connaître le succès. Chaque athlète possède son «style de concentration» particulier, et chaque sport demande une «stratégie de concentration» particulière. Le champ de concentration peut être «large» ou «étroit», selon les demandes et stimulations de la situation sportive ou les caractéristiques de la tâche. La faculté de l’athlète à fixer son attention sur les bons stimuli pendant la compétition est désignée sous le terme de «focalisation de l’attention» ou «concentration», ce qui sous-tend que l’athlète est capable, si besoin est, de «rétrécir» ou «d’élargir» son attention. La «flexibilité attentionnelle» est la capacité du sportif à transférer son attention rapidement d’un point à un autre. Selon le psychologue américain R. M. Nideffer, les athlètes de haut niveau disposent d’une importante capacité à contrôler leur concentration, et à modifier le type d’attention requis en fonction des multiples adaptations aux fluctuations de la situation sportive ou de la tâche à accomplir. Dans les sports collectifs, le joueur a besoin de centrer sa concentration sur un «mode large et externe», pour pouvoir décoder le système de jeu de l’adversaire et s’y adapter instantanément ; tandis qu’un haltérophile focalise sa concentration uniquement sur l’acte de soulever le poids, c’est-à-dire sur un «mode étroit et interne». Chez le sportif de haut niveau, la «concentration» c’est la capacité à orienter, déplacer et fixer son «attention» sur des points multiples d’une situation de jeu. La modification des processus de concentration améliore la performance athlétique. Les sportifs de haut niveau disposent d’une grande capacité à modifier leur concentration, en fonction de la situation sportive à laquelle ils sont confrontés.
Les différences individuelles dans le fonctionnement psychologique des athlètes permettent de repérer des styles particuliers de concentration.

Dans le sport de haut niveau, tout le monde parle de motivation, mais peu d’entraîneurs savent comment la développer, l’entretenir et la contrôler chez leurs athlètes. La motivation est en définitive l’analyse des facteurs qui incitent les individus à agir, qui les poussent à exploiter des situations et à modeler leur destinée. Les sportifs de haut niveau extrêmement motivés tendent à afficher une solide confiance en leurs aptitudes et capacités. Un athlète efficace est un athlète motivé, disposé à faire tous les efforts nécessaires pour connaître le succès.
La motivation d’accomplissement est basée sur le sentiment de compétence personnelle de l’athlète. Plus on est motivé, plus on tend à travailler intensément durant les séances d’entraînement et plus on apprend rapidement. Une faible motivation conduit souvent les jeunes athlètes à abandonner le sport. On a identifié deux orientations motivationnelles, l’orientation vers la tâche et l’orientation vers l’ego. Dans l’orientation vers la tâche, le but est de maîtriser un geste technique ou une situation de jeu particulière. Dans l’orientation vers l’ego, le geste technique ou la situation de jeu se mesure par comparaison aux performances réalisées par autrui et non par rapport aux progrès réalisés personnellement.
A l’inverse d’une orientation vers l’ego, une orientation vers la tâche s’accompagne d’un meilleur apprentissage et d’une plus grande sportivité. La meilleure combinaison pour les jeunes athlètes est de présenter une forte orientation vers la tâche et vers l’ego. La fixation de buts dans l’entraînement est une théorie de la motivation qui donne à l’athlète toute l’énergie nécessaire pour devenir plus productif, plus compétent et plus efficace. Grâce à la fixation de buts, l’athlète focalise son attention sur la tâche à accomplir et sur l’atteinte de l’objectif lié à cette même tâche. La fixation de buts dans les séances d’entraînement motive l’athlète à l’effort et à la persévérance, encourage le développement de la performance et favorise de nouvelles stratégies d’entraînement. Pour maintenir la motivation, les buts spécifiques fixés à l’équipe et aux joueurs individuellement doivent être régulièrement contrôlés.

L’approche d’une compétition entraîne chez l’athlète de l’anxiété, c’est-à-dire la peur de l’échec. Plusieurs auteurs insistent tout particulièrement sur le contrôle de l’anxiété dans la pratique du sport de haut niveau. L’anxiété qui apparaît avant une situation de compétition est connue sous le nom d’anxiété situationnelle précompétitive. C’est un état émotionnel, immédiat, qui se caractérise par l’appréhension, l’irritabilité, la peur, la tension et une augmentation de l’éveil physiologique. Le psychologue R. Lazarus de l’université de Californie considère l’anxiété comme une réaction «face à une menace existentielle et incertaine». C’est l’une des émotions susceptibles d’avoir un impact considérable sur la performance de l’athlète. Dans son sens le plus courant, le terme «anxiété» correspond à un état émotionnel déplaisant comprenant des composantes psychologiques, physiologiques et comportementales. Les «traits» d’anxiété distinguent les sujets entre eux, et correspondant à une façon habituelle et prévisible de percevoir le monde et de se comporter.
Dans le sport de performance, on a observé qu’un niveau modéré d’anxiété apparaît comme un facteur de réussite et un niveau élevé ou faible d’anxiété comme un facteur limitant. L’anxiété est par nature multidimensionnelle, avec une composante «cognitive» et une composante «somatique». La tension musculaire est un bon indicateur de l’anxiété. La relaxation, en contrôlant volontairement et en diminuant l’état de tension musculaire, conduit au contrôle de l’anxiété. Elle réduit l’élévation émotionnelle provoquée par la compétition et améliore les capacités de concentration. L’utilisation des techniques de relaxation (la relaxation progressive de Jacobson, le traîning autogène de Schultz, la méditation et le biofeedback) diminue l’état d’anxiété de l’athlète avant la compétition. Toutes ces techniques de relaxation reposent sur de nombreux principes (importance de la respiration qui sert de mécanisme de contrôle) mais l’un d’eux est essentiel : l’état de contraction musculaire s’accompagne d’une tension psychologique intérieure et réciproquement le relâchement musculaire s’accompagne d’une détente psychique.
L’entraînement modelé est destiné à lutter contre l’anxiété. Il s’efforce d’introduire, avec une certaine périodicité dans les séances d’entraînement, des éléments de stress destinés à provoquer une élévation des réactions émotionnelles, rapprochant ainsi les conditions de l’entraînement des conditions émotionnelles de la compétition.

L’agressivité est la «disposition à agresser», elle vise à nuire à autrui, le contraindre, l’humilier, le soumettre, le dominer. Pour le biologiste et éthologiste autrichien Konrad Lorenz, l’agressivité est définie comme «une pulsion innée destinée à assurer un rôle positif d’autoconservation ou de préservation de l’espèce». Aujourd’hui, de nombreux psychologues du sport distinguent «l’agressivité dynamique ou combativité évoluant vers des structures de paix et l’agressivité statique, finie en soi, évoluant souvent en destructivité». Dans le sport de haut niveau, on a observé un trait d’«agressivité» dans la personnalité de l’athlète ; c’est-à-dire une disposition à agir d’une certaine manière dans la compétition. L’agressivité est une stratégie adoptée par un athlète ou une équipe pour amoindrir et mettre en état d’infériorité l’adversaire, pour l’amoindrir et le dominer. Lorsqu’un entraîneur demande à ses joueurs d’être plus agressifs, il souhaite que ses joueurs s’imposent avec plus de vigueur dans le jeu. L’agressivité est considérée par de nombreux auteurs comme l’un des principaux éléments psychologiques de la pratique sportive de haut niveau et comme l’une des caractéristiques dominantes de la personnalité de l’athlète. Le sport pratiqué participe à la structuration de l’agressivité de l’athlète, en lui donnant notamment des formes et des significations particulières. C’est ainsi, que les pratiquants des sports collectifs où les interactions motrices et les contacts corporels sont multiples manifestent plus d’agressivité que ceux des sports individuels sans interactions motrices. L’agressivité sportive renferme des «comportements agressifs codifiés» et des «comportements agressifs non codifiés» qui relèvent de la «passion».

En conclusion, le monde du sport de haut niveau algérien présente une coloration technique, affective et relationnelle particulière. En effet, pour plusieurs acteurs du monde du sport de haut niveau algérien, la psychologie sportive semble relever de la simple «magie». Aussi, nous avons tenu à mettre à jour que dans le sport moderne, les aptitudes et les capacités psychiques de l’athlète sont, aujourd’hui, travaillées et façonnées au moyen de techniques et de méthodes psychologiques spécialisées riches et variées.
Dans le domaine du sport moderne, la production d’une performance sportive optimum sollicite de plus en plus l’utilisation d’un ensemble de techniques et de méthodes de régulation psychique et d’adaptation aux contraintes spécifiques de la préparation à la compétition.
Ces techniques et méthodes de régulation psychique peuvent être classées en trois groupes, que nous avons tenté de décrire succinctement : un premier groupe a pour objectif d’améliorer la concentration de l’athlète, c’est-à-dire l’attention sélective ou le niveau de vigilance ; un deuxième est destiné à réduire l’anxiété et à élever le facteur dynamique de la motivation et enfin un troisième groupe est destiné à améliorer les relations entre l’entraîneur et les joueurs, et entre les joueurs eux-mêmes, et à bien maîtriser les «comportements agressifs codifiés» dans le jeu sportif.
B. L.

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