LIVRES / LEADERS !

       par Belkacem Ahcene-Djaballah 

                                                                            Livres

Mes missions confidentielles. Le dossier Boumédiène/Houphouët-Boigny. Récit de Ghoulem Berrah (Dr), Casbah Editions, Alger 2023, 206 pages, 1.300 dinars

Des conversations (en réalité des échanges épistolaires) plus que fascinantes. Au-delà des problèmes politiques et économiques abordés au fil du temps et selon les événements, à travers un émissaire fidèle aux deux leaders et surtout à leurs idées et avis, on plonge dans la réalité de l’exercice -difficile- du pouvoir, car faisant face à des équations quasi impossibles (en apparence et sur le moment) à résoudre. La réalité des discussions hautement confidentielles, à la limite secrètes et pourtant décisives quant à la marche du monde.

Houari Boumédiène, l’Algérien. Houphouët-Boigny, l’Ivoirien, deux monstres politiques africains d’une époque alors très bousculée par des problèmes et obstacles entravant l’indépendance vraie, totale, c’est-à-dire économique, industrielle et financière et pas seulement politique, de l’Afrique et du tiers-monde. Ceci sans omettre les questions liées à la Palestine et aux restes du colonialisme, avec même le risque de voir Israël s’installer en Afrique. Tout ceci, aussi, pour éviter d’être pris entre le marteau soviétique et l’enclume américaine, la Chine ne s’étant pas encore totalement réveillée. (A noter qu’au départ, les deux présidents défunts, en l’occurrence, Houari Boumediene et Félix Houphouët-Boigny, étaient deux personnalités aux convictions, a priori, opposées. On peut dire que grâce au Dr Berrah, on passe de relations méfiantes et glaciales dans les années 1969, (rappel de l’ambassadeur d’Algérie en Côte d’Ivoire) à une grande amitié entre les deux chefs d’Etat, amitié scellée dès leur première rencontre en mai 1973 au Xe Sommet de l’OUA à Addis-Abeba et confirmée quelques mois plus tard au Sommet des non-alignés en septembre 1973 à Alger).

En même temps, au-delà de l’importance immédiate des contenus des messages échangés, on se retrouve avec des leçons de sciences politiques, stratégies et tactiques confondues, toujours adaptées aux situations rencontrées ou à venir.

On relève, aussi, combien est difficile la tâche d’un émissaire dans lequel est placée une confiance absolue des deux côtés. Un émissaire discret, rapide et, surtout, efficace qui, à travers ses «confidences», a fait montre, en tant qu’artisan infatigable de la paix, d’un talent exceptionnel qui a eu, tout de même, la chance de côtoyer des «leaders qui inspirent», des leaders prônant le «compter sur ses propres forces». Cinquante ans après, pour lui, la situation en Afrique, ne s’est guère améliorée et, écrit-il avant son décès, en 2022, «il est temps d’arrêter de blâmer la colonisation pour tous les maux de l’Afrique, de prendre le taureau par les cornes et d’avancer résolument dans la voie du progrès». Certains l’ont certes entendu, mais bien d’autres non. Hélas !

L’Auteur : Né en mai 1938 à Aïn Beïda et décédé en mars 2011 à Miami (USA). Membre fondateur de l’UGEMA, études de médecine, professeur de virologie (Université de Yale), membre de l’Académie des sciences de New York, émissaire, ambassadeur et conseiller spécial (1965-1993) du premier président de Côte d’Ivoire, Houphouët-Boigny. Il s’est retiré de la vie politique après le décès du président Houphouët-Boigny en 1993.

Sommaire : Remerciements (Vve Dr Ghoulem Berrah/Avant-propos/ Introduction/16 chapitres/Epilogue.

Extraits : «J’étais son conseiller spécial et son émissaire. Lui, était un leader, un virtuose. Lorsqu’on lui donnait la première note d’une partition, il la jouait mieux que tout le monde. Une bougie ne pouvant éclairer une autre bougie, le président Houphouët-Boigny était un phare» (p 15), «On ne reste pas dans la fourmilière pour se débarrasser des fourmis, il faut une stratégie. La guerre peut durer longtemps, mais même la guerre de Cent ans n’a pas duré cent ans, il y a eu des répits» (p 31), «L’Afrique a d’autres atouts, mais elle manque de confiance en elle. Les Arabes ont davantage d’atouts, cependant, ils ont jusqu’ici manqué de confiance en eux-mêmes» (Houphouët-Boigny, p 50), «L’Afrique est encore vierge et n’a pas dit son dernier mot. L’Europe et l’Amérique vieillissent, s’épanouissent et s’essoufflent. L’Afrique détient les cartes maîtresses de l’humanité» (Houphouët-Boigny, p.53), «Israël est et restera un corps étranger qui sera appelé à s’intégrer ou à disparaître. Il en est de même pour l’Afrique du Sud qui constitue le même problème qu’Israël, un corps étranger qui sera phagocyté» (Houphouët-Boigny, p61), «La paix qu’on nous impose est une paix rentable seulement pour ceux qui suscitent la guerre afin de continuer à placer leurs armes. Seuls les ateliers des engins meurtriers ne fermeront jamais leurs portes. Ils reprennent par la vente d’armes ce qu’ils sont obligés de céder pour obtenir les matières premières et le pétrole» (Houphouët-Boigny, p 135), «Nous sommes partisans de ce qui peut paraître une vue de l’esprit; un Etat démocratique et laïc, où chacun trouvera sa place. C’est la solution idéale, sinon la contradiction demeure. Les Etats-Unis sont les amis des Arabes, mais aussi d’Israël. Si le choix s’impose, ils seront toujours du côté d’Israël» ( Houphouët-Boigny, p 140), «Cet Etat (note : Israël) subira le sort de l’Afrique du Sud, des blancs d’Afrique du Sud; cet État finira éventuellement par s’intégrer dans la région, et il s’y dissoudra; dans le cas contraire, il sera complètement rejeté, il fait laisser faire le temps» (Houphouët-Boigny, p 152), «Tant que les Palestiniens n’auront pas de patrie, la place qui leur revient en Palestine, il n’y aura pas de paix» (Houphouët-Boigny, p 171).

Avis : Un ouvrage du genre documentaire de première main. Pour mieux comprendre la personnalité politique du président H. Boumédiène et de Houphouët-Boigny, mais aussi et surtout pour mieux comprendre les évolutions de bien des problèmes africains et internationaux (dont celui de la Palestine).

Citations : «Dans la vie, les amis les plus sûrs ne sont pas toujours ceux qui vous donnent raison. Dans la vie, les mieux considérés sont souvent les ennemis du bien» (Houphouët-Boigny, p 44) «Quand on aime une femme, on l’aime telle qu’elle est. Dès que l’on commence à lui dire les raisons pour lesquelles on l’aime, ses yeux, ses cheveux, son corps ou autre, c’est qu’on ne l’aime plus» (Houphouët-Boigny, p55), «Pour être quoi que ce soit, il faut d’abord exister. Et on n’existe pas en chantant, en pleurant ou en quémandant. On n’existe que si l’on est indépendant économiquement, et que l’on n’est pas obligé de tendre la main continuellement» (Houari Boumédiène, p84), «On n’est jamais seul quand on a raison» (Houari Boumédiène, p98), «Par nationalisation, j’entends donner une carte d’identité à la matière première produite dans chaque pays. Chaque pays doit être propriétaire de toutes ses richesses naturelles. Je ne crois pas que cela veuille dire socialisme» (Houari Boumédiène, p179), «La véritable richesse se trouve dans la terre inépuisable. Le pétrole, en revanche, semble abrutir ceux qui le possèdent. Il pousse à la paresse et il est toxique» (Houari Boumédiène p181).

La politique étrangère de l’Algérie, 1962-2022. Des idéaux de la révolution aux exigences de la realpolitik. Essai de Amar Abba (Préface de Abdelaziz Rahabi). Editions Frantz Fanon, Boumerdès 2022, 440 pages, 1.500 dinars

La couleur est annoncée dès le départ : «La politique étrangère de l’Algérie depuis 60 ans a été, dans son style comme dans son contenu, durant longtemps, plus une diplomatie de mouvement de libération au service d’une idéologie qu’une diplomatie d’Etat». Quelques causes : «la génération qui a lutté pour l’indépendance est restée (trop) longtemps au pouvoir», l’affirmation des principes, l’«intérêt» étant devenu un «gros mot». Bref, une approche idéologique, doctrinaire et même idéaliste. Soixante ans après l’indépendance, il y a plus de souplesse et de réalisme chez les Algériens qui semblent avoir adouci les arêtes les plus saillantes de leur démarche sur le plan international : «En un mot, ils sont passés (surtout et entre autres avec les Etats-Unis) d’une diplomatie des idéaux à une diplomatie des intérêts». L’Algérie possède aujourd’hui l’un des appareils diplomatiques les plus denses pour un pays à revenu intermédiaire.

L’Auteur : Né en 1948 à Ighil Mahni (Azeffoun). Etudes à l’ENA (Alger). Longue carrière dans la diplomatie (dont plusieurs postes au MAE) et ambassades en Afrique et en Europe. Retraite depuis 2019. Enseigne à l’Idri (MAE)

Table des matières : Avant-propos/ Préface/ Introduction/ Première partie : L’action bilatérale et régionale et la gestion des priorités stratégiques et des partenariats (5 chapitres)/Deuxième partie : L’action multilatérale sur la gestion commune de l’interdépendance et des défis globaux (7 chapitres)/ Troisième partie : Les moyens de l’action extérieure : ressources, structures et instruments (2 chapitres/ En guise de conclusion/ Acronymes, sigles et abréviations/ Index/ Bibliographie

Extraits : (…) «Sur le front diplomatique, la Chine a été le premier pays non arabe et la seule grande puissance à reconnaître le GPRA de jure, le 20 décembre 1958, quelques semaines seulement après la proclamation de ce dernier, en septembre 1958» (p 109), «Sur le plan géostratégique, la Syrie est la première défaite occidentale au Moyen-Orient» (p 203). «L’Algérie détient aujourd’hui le triste record de la candidature la plus ancienne à l’OMC (35 ans)» (p 296), «Le mensonge n’a pas de place en diplomatie. Il discrédite et démonétise rapidement celui qui le pratique. Que cela soit avec les autorités de son pays ou avec celles du pays où il exerce. Le diplomate doit leur préférer la mesure, la nuance et la sobriété» (p 390).

Avis: Un outil didactique (car très documenté et bien structuré) pour tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la politique extérieure de notre pays et au fonctionnement de l’appareil diplomatique national.

Citations : «Les expériences humaines, dans nombre de régions du monde, ont démontré que les liens spirituels, qu’ils soient islamiques ou chrétiens, n’ont pu résister devant les coups de boutoir de la pauvreté et de l’ignorance, pour la simple raison que les hommes ne veulent pas aller au paradis le ventre creux» (Houari Boumediene, à la Conférence islamique au sommet de Lahore au Pakistan, le 23 février 1974 cité, p 259), «Force est de reconnaître que comme l’histoire est écrite par les vainqueurs, la justice est rendue par eux» (p 346). «Le corps diplomatique est un véritable marché de l’information et que pour en obtenir, il faut savoir en donner» (p 392).


                  Ecrivaine d’origine algérienne

                                 Amina Damerdji reçoit le prix «Transfuge»

L’écrivaine franco-algérienne Amina Damerdji vient d’être primée pour son nouveau roman sorti il y a à peine une dizaine de jours.

 

En effet, l’écrivaine d’origine algérienne a été récompensée pour son roman intitulé «Bientôt les vivants» paru aux éditions Gallimard. Amina Damerdji devient ainsi la lauréate de l’année 2024 du prix Transfuge du roman français.
Le roman d’Amina Damerdji primé se déroule en Algérie et revient sur la décennie noire.
L’auteure y dépeint l’ambiance ayant régné durant cette période tragique de l’histoire de notre pays tout en y injectant des notes d’espoir à travers des personnages optimiste, ayant choisi la vie, l’espoir et la beauté même si le contexte n’y était guère favorable.
La romancière Amina Damerdji a eu un parcours de vie assez particulier. De parents algériens, elle est née aux Etats Unis et grandi en Algérie, plus précisément dans la capitale Alger. Elle a vécu en Espagne et à Cuba avant de s’établir en France où elle vit actuellement. Depuis son enfance, très influencée par ses lectures innombrables, elle a commencé à écrire d’abord des poèmes. Son premier texte a été rédigé quand elle avait à peine 12 ans.
Durant toute son enfance, la lecture, de romans principalement, avait été son occupation et passion principale. En plus des livres que ses parents lui achetaient, elle fréquentait également les bibliothèques de manière assidue. Très fane de la légendaire romancière Virginia Woolf, Amina Damerdji a toutefois puisé chez une infinité d’écrivains comme Gabriel Garcia Marquez et son roman culte «Cent ans de solitude», Stendhal, Balzac, André Gide, Marcel Proust… Les poètes l’ont également abreuvér. Elle s’est ainsi longuement délectée des vers de Baudelaire, Aragon, Rimbaud et tant d’autres. D’ailleurs, la poésie a été sa première école et elle s’y est adonnée jusqu’à la trentaine. Mais, comme il fallait s’y attendre un peu, elle finit par se mettre à la rédaction de son premier roman qui a été édité en 2021 chez Gallimard. Il s’agit de «Laissez-moi vous rejoindre».
Amina Damerdji, qui est née en 1987, est l’auteure d’un recueil de poésie, paru en 2015, et intitulé «Tambour-machine». Elle est co-éditrice de la revue «La Seiche», dédiée à la poésie. Amina Damerdji est, en outre, chargée de recherche au Fnrs (Fonds de la Recherche scientifique). Elle a codirigé La Fabrique de la race dans la Caraïbe (Classiques Garnier, 2021), deux numéros de la revue Tracés (ENS éditions) et publié une dizaine d’articles dans des revues scientifiques. Elle est ancienne membre de l’Ecole des hautes études hispaniques et ibériques de la Casa de Velazguez.


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