LIVRES / SOUFFRANCES DE FEMMES

     par Belkacem Ahcene-Djaballah   

                                                                 Livres

Je te pardonne. Roman de Jamila Rahal. Chihab Editions, Alger 2024, 359 pages

(Note : prix de vente public non indiqué en quatrième de couverture)

Un roman -réaliste- qui commence sur un temps de détresse et de grande colère, mais qui se termine sur une note plus optimiste qui est la recherche de paix intérieure. Le personnage central de l’ouvrage est une maman confrontée à l’hostilité de son entourage, à commencer par sa propre famille, ni bourgeoise, ni démunie (le père est un moudjahid réputé et considéré)… une famille qui peut s’avérer parfois la source de tous les tourments. Une femme qui baigne dans un climat de haine, de jalousie et de trahison, et qui se bat contre tous pour préserver ses enfants. Le parcours poignant est, nous dit-on, inspiré de faits réels. Ceux d’une femme, de son long cheminement avec le continuel espoir d’une vie familiale équilibrée et pourquoi pas heureuse, abandonnée par un époux volage et pris dans le tourbillon de la vie «facile» des cabarets (tout en s’inquiétant nullement de «faire» des enfants lors de ses brefs passages , souvent violents, à ce qui ressemblait de loin à un domicile acceptable ). Une atmosphère de haine qui arrivera difficilement dans le pardon et la paix (toutes relatives).

Mais, c’est aussi le portrait d’une femme – courage qui a su, à chaque épreuve, externe ou familiale, faire face… surtout pour protéger ses enfants. Il y a aussi, et heureusement, un environnement qui , en fait, n’est pas si insensible au malheur des autres et qui répond toujours par une certaine compréhension et une aide. Globalement, c’est aussi la vie de beaucoup de femmes et d’hommes, malmenés par une société, de plus en plus, préoccupée par le confort individuel et qui se battent, au quotidien, pour leur dignité et leur survie… parfois contre leurs proches. En fin de compte, c est, en fait, le récit d’une résilience. On a, bien sûr et pour ne pas déroger à une règle, désormais admise, sinon incontournable chez bien de nos auteurs de romans, des tentatives d’analyses politiques de situations nationales, ce qui n’est pas une mauvaise chose sauf qu’elles viennent casser, lorsqu’elles sont trop insistantes, le rythme de l’histoire de base.

L’Auteure : Née en 1958 à Berkane, ville de l’Est marocain, Jamila Rahal a grandi dans une famille de lettrés, entre un père féru d’histoire et une mère baignant dans la culture du terroir tlemcenien , ses chants, ses poèmes, ses adages. Au hasard des affectations de son père, fonctionnaire de l’Éducation nationale, elle découvre Saïda, capitale des Hauts plateaux et porte du Sud, où elle s’épanouit au contact d’une jeunesse très dynamique et engagée. Cette expérience s‘intensifiera au cours de ses études à l’Université d’Oran. Passionnée de lecture, Jamila Rahal a touché à plusieurs secteurs du livre, de l’organisation d’événements à l’édition, en passant par l’écriture pour la jeunesse. Déjà auteure d’un premier roman historique, «Tu es plus libre que tes geôliers» (éditions Casbah)

Extraits : «Un peu pour mon Dieu et un peu pour mon cœur » dit un dicton populaire, mais les islamistes voulaient tout pour Dieu et rien pour le cœur» (p29), «Nous rivalisions d’ingéniosité pour trouver le bon mot et à propos de Abdelaziz Bouteflika, nous disions, avec une espièglerie non dénuée d’affection, qu’il y avait à travers le monde des présidents arabophones, que d’autres étaient anglophones ou hispanophones, mais que le nôtre était un magnétophone» (p51) ? «J’expérimente une fois de plus à quel point la notion de solidarité familiale peut être un mythe et qu’on trouve quelquefois plus de générosité et d’entraide à l’extérieur qu’à l’intérieur de sa propre fratrie» (p318)

Avis : Le (triste) récit d’une (vraie) vie. Des hauts et des bas. Des bas, bien plus que des hauts. Un peu, sinon beaucoup, déprimant. Avec, une fin pas totalement malheureuse

Citations : «La vie est une désillusion permanente et avec le temps, j’ai fini par comprendre que les sympathies vont naturellement à ceux qui savent se tenir debout» (p11), «Il n’est pas nécessaire d’être prodigue de son argent pour être considéré. Il suffit d’en posséder» (p14), «La nuit, dit-on, est le jour des méchants» (p55), «Lorsqu’il n’est pas évacué, le chagrin devient un ver qui creuse sa galerie en plein cœur» (p172), «La bravoure n’a pas d’âge et elle prend pour foyer le cœur plutôt que les biceps» (p 323-324)

Éloge de la belle-mère, à l’usage des gendres et belles-filles soucieux de préserver la paix de leur ménage. Essai de Ahmed Zitouni. Editions Frantz Fanon, Tizi Ouzou 2016. 185 pages, 600 dinars*

Côté jardin, toujours dans le désordre : Notre Sainte Mère l’Eglise, la mère patrie, la mère de Dieu, la mère du vinaigre, la grand-mère, la mère Tape-dur, la mémère, la mère supérieure, la mère adoptive, la maison mère, la belle-mère, la dure-mère, la fille-mère, la mère Machin-Chouette, la mère-grand, la mère de famille, la bonne mère, la joie d’être mère, la mère l’Oye, la reine mère, la mère gigogne, la mère poule, la mater dolorosa, la mémé, la mamma, la maman…

Côté… cave , dans le désordre : petite mère, mère dénaturée, mauvaise mère, marâtre, belle–doche, puis se contempler en virago, carne, carogne, dame de la halle, dragon, forte-en-gueule, gendarme, grenadier, grognasse, harengère, harpie, poison, poissarde, pouffiasse, rombière, maritorne, mégère,… tricoteuse… avorteuse…

Le registre des appellations populaires est inépuisable. Des mères de toutes catégories, il y en eut… Mais, si pour les mères la part est assez belle, pour les premières, la part semble maudite… et presque toute la littérature existante ne leur réserve aucune gloire.

Un sondage (en France) datant de la fin des années 80… avait «découvert» que 80% des gendres et des brus pensaient que la belle-mère est «un agent hautement perturbateur»… 50% des brus estimaient que c’est «une vraie peau de vache» et 20% que c’est «un pot de colle»… Heureusement, 80% des gendres avouent avoir de bonnes relations avec leur belle-mère

L’Auteur : Né en 1949 à Saïda. École normale (Oran puis Alger). Enseignant de maths. Sciences Po’ Aix en Provence. Écrivain vivant dans le sud de la France, auteur de plusieurs ouvrages (romans et essais)

Extraits : «La solitude. Cette misère des êtres supérieurs, cultivée depuis comme une fleur rare. Unique, parce que choisie et non subie» (p 23), «A ma connaissance, Mussolini est le seul chef d’Etat qui demanda la main de sa femme en menaçant sa future belle-mère d’un révolver. C’est aussi l’un des rares privilégiés à avoir fait exécuter son gendre. Ce qui explique son aversion pour la belle-mère… » (p 51), (…)

Avis : Un livre bien écrit (avec un –trop ?- grand souci d’un exercice de style réussi), dans lequel on trouve du sérieux et beaucoup d’humour. (…) Déconseillé aux belles-mères susceptibles et/ou acariâtres.

Citations : «Le dictionnaire est une maison dans laquelle on entre pour s’informer et de laquelle on sort sournoisement déformé» (p 32), «Et si l’histoire de l’humanité n’était pas l’histoire de la lutte des classes, mais celle de la lutte des sexes»» (p 53), (…)

*(Fiche de lecture déjà publiée. Extraits pour rappel. Fiche complète in www.almanach-dz.com/population/bibliotheque d’almanach, 8 février 2019)


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