POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ FRANÇAISE : REVENIR AUX RÉALITÉS ET À LA DÉFENSE DE NOS INTÉRÊTS


      ÉDITORIAL D’ÉRIC DENÉCÉ N°65 / JUIN 2024

La défaite majeure de la majorité gouvernementale à l’occasion des élections européennes du 9 juin, la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue prochaine d’élections législatives qui pourraient accoucher un changement de majorité, offrent l’occasion de remettre en question la politique étrangère et de défense suivie depuis sept ans – et plus largement depuis 2004[1] – pour en revenir à une approche répondant véritablement aux intérêts de notre pays.

UNE VOIE SANS FONDEMENT ET SANS ISSUE

Contrairement aux discours de désinformation qui se multiplient depuis plus de deux ans, et même depuis 2014, la Russie, dont les Occidentaux n’ont cessé de rejeter les demandes d’une nouvelle architecture de sécurité en Europe et à laquelle ils n’ont cessé de mentir (extension de l’OTAN, accords de Minsk, installation de missiles balistiques en Pologne et en Roumanie, etc.), allant jusqu’à procéder à un coup d’État pour faire basculer l’Ukraine dans leur giron (Maïdan), ne menace pas la sécurité de l’Europe et encore moins celle de la France.

Rappelons, pour tous ceux qui sont, par mauvaise foi ou aveuglement, dans un déni complet de réalité, que la Russie compte un peu moins de 150 millions d’habitants face à une Union européenne qui en totalise le triple et aux pays membres de l’OTAN qui en réunissent six fois plus ; que son budget de défense est dix fois inférieur à celui des États-Unis, deux fois inférieur à ceux de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne cumulés, et quatorze fois plus faible que celui de l’OTAN ; que les effectifs de ses forces armées – qui doivent assurer la défense d’un immense territoire des rives de la Baltique à celles du Pacifique – s’élèvent aujourd’hui près d’1,2 million d’hommes alors même que les États membres de l’UE en réunissent 1,8 million et l’OTAN 3,3 millions ; enfin, rappelons que les forces russes – qui n’ont jamais eu l’intention d’envahir l’Ukraine, mais celle de contraindre le régime de Kiev à demeurer hors de l’OTAN – n’ont progressé, depuis deux ans et demi qu’au plus de 200 kilomètres au-delà de leurs frontières et de la Crimée. On est donc loin d’un risque de déferlement comme le clament les dirigeants occidentaux, reprenant les éléments de langage produits par Washington. D’autant que Vladimir Poutine a répété à maintes reprises que son pays n’avait aucune intention – ni évidemment les moyens – d’envahir ses voisins, propos dont l’Occident ne saurait tenir compte, considérant par principe que toute déclaration du Kremlin n’est que mensonge.

La Russie ne menace en réalité que la stratégie hégémonique des États-Unis conçue par les néoconservateurs à l’issue de la Guerre froide, dont le but est l’affaiblissement voire le démembrement de la Fédération afin d’accaparer ses ressources humaines et naturelles dans la perspective d’un possible conflit majeur contre la Chine.

Moscou contrecarre également les plans des ultranationalistes ukrainiens dont nous savons tous –les preuves ne manquent pas, bien que cette réalité soit délibérément escamotée par les gouvernements occidentaux – qu’ils sont les héritiers directs du mouvement bandériste allié au régime nazi, dont les membres ont commis des atrocités indéniables contre les Juifs et les Polonais au cours de la Seconde Guerre mondiale, et contre les populations du Donbass depuis 2014. Il est à noter que ces ultranationalistes n’ont cessé de recevoir le soutien des Américains tout au long de la Guerre froide[2], puis à la suite du coup d’État de Maïdan[3], ce qui a fait d’eux des acteurs majeurs de la vie politique ukrainienne. L’enracinement de cette idéologie extrémiste, xénophobe et antisémite, et le poids de ses membres dans l’orientation politique du pays donnent une idée de la considération à accorder au régime ukrainien.

SOMMES-NOUS BIEN CONSCIENTS DE QUI NOUS SOUTENONS ? 

La présentation des réalités ukrainiennes a été totalement déformée en Occident à des fins de propagande. En effet, ce pays ne correspond en rien aux valeurs que nous prétendons défendre :

– c’est un régime issu d’un coup d’État (2014) contre un président démocratiquement élu et dominé par des militants néonazis qui imposent leurs vues ;

– c’est un pays où règne une corruption endémique, en premier lieu celle de ses dirigeants et de ses élites qui se sont tous considérablement enrichis alors que la population sombrait dans la pauvreté ;

– c’est un État qui a connu une émigration majeure – 9 millions de départs entre 1991 et 2021 – phénomène absolument inédit pour un pays en paix, traduisant sa situation économique déplorable et l’impéritie de ses dirigeants ;

– en Ukraine règnent des organisations criminelles particulièrement actives et nocives, qui pèsent très négativement sur le fonctionnement du pays, à un niveau inégalé en Europe ;

– à partir de 2014, Kiev, en violation de tous les principes démocratiques et de la charte des Nations Unies a interdit l’usage de leur langue aux populations russophones et refusé toute négociation avec elles, préférant recourir à la force pour les faire rentrer dans le rang ;

– l’Ukraine s’obstine à affirmer que la Crimée lui appartient en dépit des réalités historiques et du choix des habitants de la péninsule ;

– Kiev soutient depuis 2014 la dictature d’Azerbaïdjan et ses opérations d’expulsion et d’épuration ethnique des Arméniens du Haut-Karabakh et lui a livré des armes pour sa guerre de 2020 ;

– enfin, depuis 2014, les dirigeants ukrainiens ont contribué, à un degré ou à un autre, à la guerre actuelle, en faisant tout leur possible pour que l’OTAN et la CIA s’installent aux frontières de la Russie, allant jusqu’à prévoir de céder la base navale de Sébastopol aux États-Unis après la récupération de la Crimée.

En dépit de ces caractéristiques qui font de l’Ukraine un État peu respectable, l’Occident apporte son soutien massif à son président, dont il cherche à faire un héros et un symbole de la lutte pour la liberté. Il importe donc de rappeler quelques faits avérés :

– Volodymir Zelenski n’est qu’un « construit ». Cet amuseur public a été élu président en 2019 à la suite d’une astucieuse opération d’influence de l’opinion conduite via une série télévisée financée par un oligarque notoire (Igor Kolomoïsky) en lien avec les milieux criminels – raison pour laquelle il est poursuivi par la justice américaine – et sponsor de la milice néonazie Azov. Il a été prouvé que Zelenski a réalisé pour lui d’importantes opérations de blanchiment via ses sociétés[4] ;

– après avoir été élu sur un programme prônant la réconciliation nationale et la reconnaissance des spécificités linguistiques et culturelles des oblasts russophones, une fois arrivé au pouvoir, il a immédiatement abandonné cet objectif sous la pression des ultranationalistes qui souhaitaient en découdre avec les populations du Donbass et donner libre cours à leur russophobie, avec l’accord tacite des Occidentaux qui se sont bien gardés de veiller à la bonne application des accords de Minsk ;

– début 2021, Zelenski a procédé à l’arrestation de plusieurs leaders de l’opposition et à la fermeture de sept chaines de télévision sans que les Occidentaux ne dénoncent ces mesures contraires aux libertés démocratiques ;

– depuis le 19 mai 2024, il n’est plus le président légal d’Ukraine car son mandat a pris fin. Mais il reste au pouvoir et est toujours considéré comme tel par les Occidentaux, en dépit du fait qu’il n’ait pas prévu d’organiser de nouvelles élections…

Zelenski n’est donc qu’un pantin bringuebalé entre les mains de ses mentors américains ou des extrémistes de son propre pays – dont les directives parfois divergent –, refusant toute négociation avec la Russie en dépit des échecs de son armée soutenue par l’OTAN et envoyant sans scrupule sa propre population à la mort au lieu de chercher un moyen de mettre un terme à cette guerre.

Cet homme qui vit dans l’opulence continue à jouer la comédie d’un président combattant, se présentant depuis deux ans à ses homologues étrangers, aux médias et lors de toutes les réunions internationales en tenue militaire, ce qui est après tout la chose qu’il fait le mieux puisque c’est son métier ! Par ailleurs, Zelenski n’a jamais hésité à recourir, lors de ses discours devant les parlements étrangers, à des arguments scandaleux et des comparaisons fallacieuses pour obtenir leur soutien. Ainsi l’a-t-on vu déclarer devant la Knesset que « ce qui se passait en Ukraine était l’équivalent de la Shoah », devant le parlement français que « la France et l’Europe étaient prochaines cibles de l’expansionnisme russe » et lors du 80e anniversaire du débarquement – commémoration où il n’y avait aucune raison historique ni légitime de l’inviter[5] –, que le 6 juin 1944 était l’équivalent de la lutte actuelle « que les Ukrainiens menaient contre la Russie et à laquelle participaient les Occidentaux ».

Concrètement, l’Ukraine, à cause de l’impéritie de ses dirigeants successifs depuis l’indépendance et d’une frange extrémiste de sa population, est à la fois un État voyou et un État failli. Ainsi, l’Occident est en pleine contradiction avec ses valeurs en lui apportant son soutien, ce qui ne parait pas être perçu par nos « élites » politiques, militaires ou médiatiques, qui suivent un agenda qui leur est imposé par d’autres.

N’AVONS-NOUS PAS CONSCIENCE DE FAIRE LA POLITIQUE AMÉRICAINE ? 

Récemment, lors d’une intervention médiatique à l’occasion de la commémoration du débarquement de 1944 et de la visite du président américain en France – et avant sa déroute électorale aux européennes – Emmanuel Macron a tenu des propos révélateurs. D’une part, il a déclaré que ceux qui voulaient mettre un terme au conflit d’Ukraine et appelaient à négocier avec la Russie étaient des « capitulards ». D’autre part, il a affirmé, en présence de Joe Biden, que les relations entre les États-Unis et la France n’avaient jamais été aussi bonnes et que « Washington était un partenaire fiable qui respectait l’Europe ».

Comment un président français peut-il asséner de telles contre-vérités… En effet, ce sont les États-Unis qui ont provoqué cette guerre en poussant l’Ukraine à adhérer à l’OTAN et à reconquérir le Donbass en dépit des mises en garde répétées de Moscou. Ce sont les États-Unis qui sont responsables du sabotage du gazoduc Nord Stream. Ils ont ainsi directement plongé l’Europe dans la récession, lui interdisant de s’approvisionner en gaz russe, créant l’inflation et la crise économique, l’obligeant à acheter le GNL produit outre-Atlantique à des prix élevés, et à accroitre rapidement ses budgets de défense et ses acquisitions d’armements… principalement au bénéfice de l’industrie américaine.

Rappelons également que depuis de nombreuses années, notre principal concurrent économique est Washington, lequel recourt systématiquement à l’imposition extraterritoriale de son droit. Ainsi, au cours des deux dernières décennies les États-Unis ont infligé aux entreprises françaises plus de 15 milliards de dollars d’amende au titre du non-respect des embargos décidés par Washington et de la lutte anticorruption selon ses propres critères[6]. Ces 15 milliards de pertes pour notre économie sont allées directement dans les caisses de l’État américain, alors que dans le même temps des sociétés américaines rachètent des entreprises françaises stratégiques fragilisées. De plus, n’oublions pas le ciblage dont a fait l’objet notre pays après qu’il se soit légitiment opposé à l’invasion illégale de l’Irak par Washington en 2003, opération justifiée par des mensonges éhontés et qui a eu lieu en violation des résolutions de l’ONU. Enfin, n’oublions pas non plus la manière dont Naval Group a été écarté en 2021 du contrat des sous-marins en Australie par une action anglo-américaine.

Aussi, si les relations entre Paris et Washington n’ont jamais été aussi bonnes, c’est simplement qu’Emmanuel Macron fait que les États-Unis commandent, nous plaçant dans une position d’auxiliaire que notre pays n’a jamais connue auparavant et qui est clairement perçue comme telle par la Russie et le reste du monde. Le général De Gaulle doit s’en retourner dans sa tombe. Aussi, lorsque le locataire de l’Élysée se permet de traiter de « capitulards » ceux qui s’opposent à cette politique américaine insensée qui pourrait conduire à une escalade nucléaire, nous serions tentés en retour de le qualifier de « collabo » tant il apparait comme l’exécutant zélé de la politique de Washington, au détriment des intérêts de la France.

UNE AUTRE VOIE EST POSSIBLE ET NÉCESSAIRE

La politique suivie depuis 2022 risque de nous conduire à la confrontation avec la Russie en raison de notre position de cobelligérance de plus en plus marquée. Il est plus que temps de sortir de cette logique inconsidérée et d’en revenir à une realpolitik lucide et à la défense de nos intérêts nationaux, et non à ceux des États-Unis ou des pays d’Europe de l’Est.

Nous ferions mieux, plutôt que de donner, armes, munitions, argent et formation à des Ukrainiens dont certains ne sont que des néonazis, de les forcer à négocier et à en revenir à la réalité. N’oublions pas que le régime de Kiev a bafoué le principe selon lequel aucun État ne peut assurer sa propre sécurité au détriment de celle de son voisin.

Surtout, nous devons redéployer notre politique étrangère et nos moyens sur les véritables objectifs et défis qui nous concernent, dans un monde en pleine évolution, dans lequel de vraies menaces émergent, auxquelles il convient que nous préparions à faire face, tant sur le plan intérieur qu’international. En effet, nos forces de sécurité et nos armées sont aujourd’hui au niveau d’étiage le plus bas et il est essentiel de leur redonner les moyens d’agir efficacement afin d’assurer l’autorité de l’État sur notre territoire et la défense de nos intérêts dans le monde.

SÉCURITÉ INTÉRIEURE

La première priorité doit avoir lieu le plan intérieur. En effet, quelle que soit la dangerosité du monde, nous n’y pouvons jouer aucun rôle si nous ne sommes pas d’abord maîtres chez nous. Cela revient à :

– assurer efficacement la sécurité des Jeux olympiques, seuls, sans avoir besoin de faire appel à des militaires étrangers !

– poursuivre notre politique antiterroriste, car la menace djihadiste n’a pas disparu, tant s’en faut ;

– se doter des moyens efficaces de lutter contre les activistes de plus en plus violents qui remettent systématiquement les décisions de l’État ayant fait l’objet d’un consensus national, régional ou local[7] ;

– rétablir impérativement l’ordre en Nouvelle-Calédonie ;

– assurer la contre-ingérence dans nos régions d’outre-mer face aux menées subversives étrangères ;

– rétablir l’ordre et la sécurité dans nos villes et nos banlieues face à l’accroissement de la délinquance et du narcotrafic ;

– renforcer la surveillance terrestre et maritime de nos frontières contre l’immigration clandestine et les trafics ;

– etc.

SÉCURITÉ EXTÉRIEURE ET DÉFENSE

La seconde priorité est celle de nos forces armées, réduites, depuis la fin de la Guerre froide, à la portion congrue[8], de nos interventions extérieures et de notre présence en Afrique.

En premier lieu, nous devons tenir compte des conditions stratégiques que nous imposent l’histoire, la géographie et la technologie.

– La dissuasion nucléaire, clé de voûte de notre sécurité, nous a placé en situation « d’insularité militaire », d’autant qu’aucun de nos voisins directs ne nous menace. S’il est essentiel de maintenir nos forces nucléaires au meilleur niveau, la dissuasion nous dispense de disposer de forces aéroterrestres pléthoriques, car leur rôle, en cas de menace directe contre notre sol, doit se limiter à tester de volonté de l’adversaire… avant un ultime avertissement. Ces forces doivent cependant être en quantité suffisante et dotées des équipements adaptés à leurs missions.

– L’histoire a conduit (exploration, conquêtes…) à ce que des Français soient présents sur tous les océans du globe, dans des îles et archipels qui ont clairement manifesté leur volonté de demeurer dans la République. Elle nous a également dotés d’un immense domaine maritime dont nous devons assurer l’intégrité et la défense. Or, ce qui est indéniablement une chance par de nombreux aspects est un véritable défi militaire entrainant une inévitable dispersion des forces et une duplication des moyens nécessaires – donc des dépenses militaires importantes – afin d’assurer une présence et une défense efficace de nos régions d’outre-mer à l’heure où les tensions s’accroissent dans la zone indopacifique. C’est là une équation dont nous devons tenir compte.

– L’histoire nous a également amenés à jouer un rôle majeur en Afrique et à y entretenir des forces prépositionnées, tant pour garantir la sécurité de nos alliés que pour la défense de nos intérêts propres (influence politique, ressources énergétiques, etc.). Cette politique doit être réévaluée, car en dépit des liens étroits que nous conservons avec les États africains, nombreux sont ceux qui semblent ne pas souhaiter la reconduction de la présence permanente de nos unités sur le continent, voire de nos interventions. Cela doit nous amener à concevoir différemment la préservation de nos intérêts, alors même que de nombreux autres acteurs internationaux s’implantent localement (États-Unis, Chine, Russie) afin d’y substituer leur influence à la nôtre.

– Mais nous devons continuer à respecter nos engagements vis-à-vis de nos partenaires africains qui le souhaitent et le demandent afin de les aider à lutter contre le terrorisme et les narcotrafics, et de les assister en matière de développement économique, notamment afin d’enrayer une immigration qui risque de s’accroître en raison des évolutions climatiques.

En second lieu, il importe de réorienter notre défiance. Si la France n’est pas menacée par la Russie, elle l’est encore par le terrorisme et par l’expansionnisme turc en Méditerranée et en Afrique. C’est pourquoi il convient :

– de poursuivre le renforcement (humain et matériel) de nos services de renseignement et de sécurité, qui sont la première ligne de défense de notre pays ;

– d’accroître notre budget de défense, les effectifs et la modernisation de nos forces armées, en tenant compte des enseignements de la guerre d’Ukraine ;

– de redévelopper et relocaliser nos capacités de production d’armements et de munitions ;

– de nous doter des moyens de neutraliser et de riposter à toute menace balistique en restant sous le seuil nucléaire ;

– de renforcer significativement nos capacités cyber et de guerre de l’information ;

– de renforcer notre marine afin d’assurer la sécurité en Méditerranée, notamment face à l’agressivité turque, et d’être capable d’assurer la défense et l’accès à nos régions d’outre-mer, notamment dans le Pacifique en raison des tensions croissantes liées à la rivalité sino-américaine ;

– etc.

Notre perception des enjeux doit aussi évoluer. Quitte à intervenir à l’étranger, plutôt que d’envoyer des troupes en Ukraine participer à un conflit qui a été provoqué par Washington et Kiev, qui ne nous concerne ni ne nous menace, nous serions bien avisés :

– d’apporter une assistance militaire à l’Arménie – en dépit de la médiocrité et de la politique erratique de ses dirigeants actuels –, directement menacée par l’Azerbaïdjan, dictature xénophobe qui encourage par ailleurs les mouvements séparatistes dans nos régions d’outre-mer ;

– de soutenir la République démocratique du Congo, premier pays francophone au monde, poumon et carrefour de l’Afrique centrale, en lutte depuis plusieurs décennies contre son voisin, le Rwanda génocidaire de Kagamé, qui occupe une partie de son territoire, lui vole ses richesses et encourage subversion et conflits sur son sol dans le but de procéder à son démembrement et à l’accaparement de ses ressources.

La France doit par ailleurs continuer de contribuer à la sécurité internationale en participant aux missions de maintien de la paix et à la protection de la libre circulation sur les océans partout dans le monde, alors que le droit de la mer est remis en question par la Turquie en Méditerranée et par Pékin en mer de Chine méridionale et dans le détroit de Taïwan.

*

Trois enseignements majeurs doivent être tirés des événements récents et des évolutions de l’ordre international :

– la guerre d’Ukraine est en piège américain dans lequel sont tombés les Européens. Il ne s’agit pas de donner raison ou de défendre la Russie, ni de nier les atrocités de la guerre, mais de rétablir une vérité que nous ne pouvons rejeter au prétexte que ce sont des propos que Poutine tient. La plus grande désinformation occidentale, assénée quotidiennement à l’opinion depuis plus de deux ans, est de continuer à faire croire que cette guerre a commencé en 2022 avec l’opération militaire spéciale russe, alors que depuis 30 ans, les Américains n’ont cessé de mentir à Moscou et de renier leurs engagements, afin de dérouler leur stratégie qui n’a pour but que d’affaiblir la Russie et de vassaliser l’Europe. Cela a directement conduit aux événements de 2022, provoquant un conflit par lequel Washington a sciemment détruit l’Ukraine et renforcé son contrôle de l’Europe, sans parvenir à affaiblir la Russie. S’obstiner à nier ces faits donne une idée de la partialité et de la cécité des Européens et du machiavélisme des néoconservateurs américains ;

– nous vivons aujourd’hui dans un monde multipolaire dans lequel l’Occident ne pourra plus imposer ses volontés et ses valeurs – qu’il a cru universelles – comme cela a été le cas depuis la fin du XIXe siècle, car sa puissance relative ne cesse de diminuer et qu’il a perdu toute crédibilité aux yeux du reste du monde par ses mensonges et sa partialité, tant au sujet de l’Ukraine que de Gaza ;

– si nous, Français, n’en revenons pas à une claire perception de nos intérêts et à une politique les défendant, notre pays sera a mené à perdre définitivement sa souveraineté et son indépendance, amorçant alors un déclin irrémédiable.

Cela impose une remise en question majeure de notre politique, de nos conceptions, de notre façon de voir le monde et d’agir à l’international, ce dont nos dirigeants actuels semblent malheureusement bien incapables. Le changement s’impose donc. Il est essentiel de mettre un terme à notre alignement sur une politique américaine jusqu’au-boutiste et irresponsable, prête à se battre jusqu’au dernier ukrainien pour dissimuler l’échec patent de la stratégie des neocons face à la Russie et assurer un peu plus la vassalisation de l’Europe. Elle conduit inexorablement au chaos et nuit directement à nos intérêts nationaux. Mais nul ne sait si le gouvernement qui sera issu des urnes en juillet prochain sera capable d’un tel sursaut.


[1] Rappelons que quelques mois après s’être opposé avec lucidité et courage à l’invasion américaine de l’Irak en 2003, Jacques Chirac a fait, en 2004, en toute discrétion, un virage à 180° vis-à-vis de Washington, estimant être allé trop loin… préparant ainsi, plus ou moins directement, le retour de la France dans l’OTAN qui sera acté par Nicolas Sarkozy.

[2] Ce n’est là qu’un exemple de la récupération récurrente par Washington des séides, alliés ou héritiers du IIIe Reich depuis 1945 afin de faire aboutir sa stratégie.

[3] Cf. Éric Denécé, La CIA et la guerre en Ukraine : savoir jusqu’où ne pas aller trop loin… vraiment ?, Rapport de Recherche n°32, CF2R, mai 2024 (https://cf2r.org/recherche/la-cia-et-la-guerre-en-ukraine-savoir-jusquou-ne-pas-aller-trop-loin-vraiment/).

[4] Cf. Pandora Papers (https://www.kyivpost.com/business/slidstvo-info-journalists-confirm-zelenskys-40-million-tie-with-kolomoisky-video.html ).

[5] Rappelons qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale, plus de 250 000 Ukrainiens ont servi dans les unités de la Wehrmacht et de la Waffen SS ou ont agi en collaboration avec elles.

[6] Affaires BNP Paribas, Technip, ALSTOM, etc.

[7] Nous ne nous prononçons pas ici sur le bien-fondé de la contestation (quoi que souvent discutable), mais sur les pratiques de plus en plus systématiques de violence et de dégradation qui caractérisent les manifestations, impactant l’économie locale.

[8] Il faut remonter à l’Ancien régime, pour trouver des effectifs permanents aussi faibles. La France comptait alors 27 millions d’habitants.

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