Rétrogradation macronienne à propos du Sahara occidental

   

par Nadir Marouf*

Ce n’est pas la première fois que l’on assiste à des changements de cap à 100% de la part des décideurs politiques. Certains gouvernements n’ont pas changé d’un iota leur conviction en faveur de la marocanité de Saquia-l-hamra et Oued ed-d’heb. Pourtant, de nombreuses monographies historiques ont démontré que cette terre a toujours été défendue par ses occupants, sans la moindre intervention des dynasties du Makhzen d’alors.

Une monographie historique d’une grande concision, intitulée « Vers une contre-histoire du Sahara occidental », parue en 2015 sous la plume d’un collectif d’ethno-historiens espagnols (Juan Carlos Gimenez Martin & alii ) restitue la lutte inlassable de ce peuple à l’encontre, à la fois de l’Espagne depuis son intrusion en 1884, ainsi que de la France pour avoir occupé les Oasis occidentales (Touat, Gourara, Tidikelt ) en 1902-1908, et enfin de la Mauritanie de 1920 à 1960.

Il s’avère que le Royaume chérifien exerçait, au moins depuis la dynastie hachémite des Saadiens de Marrakech, un droit d’allégeance puisant dans une légitimité de droit onomastique, celui des Chorfas (nobles descendants du prophète). Ce mode de faire-valoir, d’essence canonique, n’est pas différent des régimes de droit divin exercé par les féodalités ouest-européennes, depuis la dynastie capétienne inaugurée en 987(*) .Il s’en suit, pour l’Occident, que les seules frontières entre les diverses monarchies étaient d’ordre onomastique. Ainsi Charles-Quint, empereur du Saint-Empire germanique de l’Autriche-Hongrie, percevait l’impôt de capitation auprès des populations de Suisse, Pays-Bas, Bourgogne (Dijon) et bien sûr d’Espagne, destinataire finale du fruit de l’allégeance.

Cette logique a laissé place à une territorialisation de la nation, promue au statut d’Etat-nation, sous l’emprise du capitalisme naissant et des barrières douanières à l’avenant (Zollverein). Cette évolution ne s’est pas faite en Afrique, et c’est l’épopée coloniale qui en a fabriqué les frontières, selon des logiques circonstancielles. Il s’en suit qu’aucune frontière coloniale, même tracée au cordeau, voire sur une carte, n’a été remise en cause depuis les indépendances des années 60, au motif que les communautés ethno linguistiques, comme celle des Touaregs, par exemple, se trouvent implantées en Algérie, en Libye, au Niger, au Mali, voire en Mauritanie. Ces communautés entretenaient des relations d’échange, à la fois économique et politique, quand une menace naturelle survenait. Dans un article fabuleux, Jacques Berque évoquait les contrats Béni-Meskîn (Maroc). Il est des contrats dont la finalité était de conjurer une catastrophe naturelle, å savoir : pluies torrentielles, assèchement des puits, arrivée massive des criquets, le tout mémorisé dans les archives et servantde datation (exemple:  عام الجراد ، الطوفان عام qu’on peut trouver dans les manuscrits médiévaux).

Avant l’arrivée de l’administration militaire française aux oasis occidentales (Adrar, Timimoun, In Salah), les propriétaires locaux, chorfas exclus, payaient un impôt ( lezma et Achour ) calqué sur la propriété des palmiers-dattiers, entre autres. ÀGP. Martin (1912) rapporte que les propriétaires locaux firent parvenir au roi Moulay Abdelaziz, un courrier dans lequel ils décrivaient le sort cruel auquel les soumettait l’armée coloniale et lui demandaient s’il fallait continuer à combattre à mort ou se soumettre. La réponse du sultan fut sans ambiguïté « continuez à vous battre et (par retour du courrier) et n’oubliez pas de faire parvenir au royaume la Mouna et le ´ûchur (impôt de capitation).

Aux pires moments de détresse, le royaume de Fès était intraitable sur ce qui constitue le fait d’allégeance ( المبايعة ) de la part de cette communauté prise en étau entre la vie et la mort. En réalité, le principe fondamental de la fiscalité chérifienne tenait moins à l’aspect matériel qu’au symbole lui-même: fournir la preuve de la soumission au Prince, moyennant l’entrée au paradis. Comme l’affirmait Hassan 2, lui-même, lors d’une interview qu’il accordait dans une chaîne de télé à Alain Duhamel, au cours de l’automne 1975 (c’était après la fameuse « marche verte »), le principe qui reliait la Communauté du Sahara occidental à la personne du Roi, comme celle qui reliait l’ensemble du peuple marocain, tenait à la sacralité de ce qu’il incarnait : ainsi bilad al-makzen est consubstantielle à Bilad Al Islam.

Par conséquent, quiconque se porte hors-la-loi commet un acte parjure.

Proclamer une telle sentence à la fin du 20e siècle dans une antenne française, et ne faire l’objet d’aucune espèce d’exaspération de la part d’une société fille de la Révolution de 1789, c’est plus qu’un paradoxe.

Depuis toujours, la France joue à « je t’aime moi non plus … » sans l’ombre de s’en expliquer, ne fût-ce que par rapport à sa propre histoire. Pareil pour un chef de gouvernement espagnol qui a décidé de changer de veste à la faveur d’un gentlemen agreement avec le pouvoir marocain qui le tenait par la barbichette concernant une affaire conjugale non élucidée jusqu’à l’heure. Je n’évoque pas les investissements colossaux, entre autres à Dakhla, nouvelle métropole économique, qui se réalisent avec la bénédiction du maire neerlando-marocain Boutaleb, en sa qualité de Bourgmestre de Rotterdam, le plus grand port commercial du monde. La logique du business étant à ce jour la seule raison dominante, les puissances industrielles occidentales n’hésitent pas à s’asseoir sur les principes cardinaux de justice et de liberté quand ces principes ne les concernent pas directement. En effet, prêts à se battre pour la sauvegarde de l’Ukraine contre l’envahisseur russe, ils ne manquent pas de concéder quelques dérogations à la puissance israélienne quand elle assassine des enfants, des femmes et des personnes âgées au nom de la traque des terroristes. Bien plus, en France comme dans les pays voisins, la moindre critique de l’exaction israélienne contre les populations civiles est qualifiée de manifestation antisémite.

L’aberration ne s’arrête pas là. La ûmma musulmane n’est pas, quant à elle, exsangue de complicité renégate. Tels un Torquemada (juif converti au catholicisme durant l’Inquisition sous la reine Isabelle de Castille), qui mit à profit sa conversion pour pourchasser Juifs Marranes et Morisques musulmans qui n’ont pas exécuté l’ordre de se convertir au catholicisme, il entreprit de les dénoncer pour être soumis à l’échafaud et, dans le meilleur des cas, les expulser vers la mer Méditerranée. Ces Torquemada, il en existe chez nos dynastes au Moyen-Orient, comme ce fut le cas des émirs du Qatar qui ont aidé Sarkozy et consorts à assassiner la Libye, après avoir aidé l’Amérique à détruire l’Irak (contingents marocains, jordaniens, égyptiens et émiratis). Pour revenir à la reconnaissance par Macron de la marocanité du Sahara occidental, il feint d’oublier que cette reconnaissance donne raison aux populations du pays voisin, qui ne cessent, sur les réseaux sociaux de ressasser le projet de reconquérir « leur Sahara oriental », c’est-à-dire notre erg occidental, qui fait la superficie de la France. Ils feignent d’oublier, cependant, que cette terre du Sahara a été défendue, becs et ongles, par nos compatriotes pour l’arracher à la soldatesque française. En témoigne Djebel Antar, jouxtant Bechar, où fut tué le défunt Colonel Lotfi.

(*) . Il n’est pas vain de rappeler à cet effet que le royaume Hachémite étant le seul à avoir décliné « l’offre » ottomane d’être libéré de l’occupation hispano-portugaise, la dynastie alaouite le rappelle véhémentement, aujourd’hui même puisque le roi Mohammed VI vient de réclamer aux régents saoudiens de La Mecque que la dynastie alaouite est la seule à détenir le droit de succession prophétique. En effet, c’est le seul royaume qui, ayant échappé mécaniquement à l’Empire turc, contrairement au reste du Maghreb et au Proche et Moyen-Orient, revendique d’appartenir à la lignée des Chorfas sans discontinuer …

Que Mohammed VI consente récemment à envoyer des contingents de son royaume aux côtés des forces militaires israéliennes, il ne fait que payer en retour l’aide militaire et logistique dont le Maroc dispose désormais pour régler le compte à l’Algérie, en cas de besoin. Pour le reste, l’honneur des Chorfas est toujours sauf…

*Professeur Émérite des Universités


    en pages 2 & 3 :

« La France est en dehors de la légalité internationale »

L’Algérie riposte aux basses manœuvres de Macron


 

                 Sahara occidental : Macron met à mal le futur gouvernement de gauche

En l’espace de quelques jours, le président Emanuel Macron a brisé deux trêves. La première est politique, et remonte à août 2022, lorsqu’il avait cosigné avec le président Abdelmadjid Tebboune une déclaration devant inscrire les relations entre les deux pays « dans une dynamique de progression irréversible ».

La seconde violation concerne l’Ekecheiria, cette trêve instituée durant la Grèce antique qui impose l’arrêt de toute hostilité durant les Jeux Olympiques.

En annonçant officiellement la décision de la France de définir le «plan d’autonomie » marocain comme seule base de règlement du conflit du Sahara occidental, le chef de l’Etat français participe activement à déstabiliser l’Afrique du Nord.

Le message qu’Emanuel Macron a transmis aux autorités algériennes puis au roi du Maroc est en réalité destiné directement au Front Polisario. Il dit clairement que la légalité internationale ne doit surtout pas s’appliquer au peuple sahraoui à disposer de ses droits inaliénables et imprescriptibles à l’autodétermination, à l’indépendance et à la liberté.

Tout comme Donald Trump en 2020, il ne lui laisse aucun autre choix que d’intensifier sa lutte armée pour la libération du Sahara occidental. Avec toutes les conséquences politique et sécuritaire que cela pourrait avoir sur une région qui va du Sahel à la Méditerranée.

La question est de savoir pourquoi le président français a décidé de donner une telle ampleur à la reconnaissance officielle de ce plan d’autonomie, sachant que cette option dite-marocaine avait été élaborée durant le mandat de son prédécesseur Nicolas Sarkozy ? La réponse il faut la chercher dans le contexte politique interne.

La victoire aux législatives du Nouveau front populaire impose au président de nommer un Premier ministre et un gouvernement de gauche. Ce nouvel exécutif est, entre autres, appelé à prendre les commandes de la diplomatie.

Pour les gouvernants français, il n’y a rien de pire que de gérer les relations avec l’Algérie lorsque ces dernières sont dans leur phase descendante. Avant même d’être nommé, ce gouvernement hérite déjà d’une bonne grosse crise avec Alger, concoctée par Macron et son gouvernement démissionnaire.

Cette reconnaissance officielle du fait accompli coloniale marocain au Sahara occidental est encore plus problématique pour La France Insoumise, parti de la gauche radicale et fer de lance du Nouveau Front Populaire. Si certains cadres de cette formation, à l’instar de Rima Hassan, ont soutenu publiquement le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, Jean-Luc Mélenchon, le fondateur de LFI, affiche ouvertement son soutien au projet colonial marocain.

Né à Tanger, cet ancien responsable du Parti socialiste français n’a jamais caché sa proximité avec le makhzen. « J’ai lu des sottises sur mes positions et sur celles des Insoumis. Il n’existe aucune relation du mouvement Insoumis institutionnel avec qui que ce soit d’autre que les partis de la démocratie marocaine» avait-il dit le 5 octobre 2023, lors d’une tournée au Maroc, pour démentir les relations entre LFI et le Front Polisario.

Depuis jeudi 25 juillet, date de publication du communiqué de l’Algérie dénonçant la décision française, il n’y a eu aucune réaction de LFI. Sur les réseaux sociaux, Jean-Luc Mélenchon a consacré ses publications à la polémique sur la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. L’engagement d’Emanuel Macron envers son ami Mohammed VI semble avoir pétrifié le camp Mélenchon.

En définitive, que va-t-il rester de cette décision de l’actuel président français ? Concrètement, rien pour les Sahraouis qui sont les premiers concernés. Ce peuple va continuer à lutter pour l’indépendance de son pays.

Le Front Polisario va intensifier la guerre qu’il mène contre une armée statique. Des soldats marocains dépressifs, obligés de se terrer dans le sable en espérant que les armes fournies par la France, les Etats-Unis et l’entité sioniste viendront à bout d’un adversaire déterminé.

Macron aura juste réussi à déclencher un nouveau cycle de crises avec Alger qui a décidé de retirer son ambassadeur à Paris.

Tarek Hafid


     La reconnaissance par la France de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental est une «donation de celui qui ne possède pas à celui qui ne mérite pas»

Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, M. Ahmed Attaf, a déclaré aujourd’hui, mercredi, que la décision de la France de reconnaître la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental est une « donation de celui qui ne possède pas à celui qui ne mérite pas ».

Lors d’une conférence de presse tenue au siège du ministère, M. Attaf a précisé que la reconnaissance par la France de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental est une «étape qui peut être résumée par une simple expression, reflétant la valeur juridique de cette reconnaissance : ‘donation de celui qui ne possède pas à celui qui ne mérite pas ».

Il a ajouté que «considérer le plan d’autonomie marocain comme la seule solution à la question du Sahara occidental est une exclusion de tout effort pour rechercher une solution alternative à ce conflit, conformément aux résolutions internationales, notamment celles du Conseil de sécurité dont la France a participé à la rédaction et à l’adoption».


Le prêt-à-porter langagier du Makhzen

Lors d’un débat récemment organisé à l’Institut français des relations internationales avec notamment Samira Sitail, ambassadeur du royaume de Marrakech en France, …

SOUTIEN DE PARIS AU PRÉTENDU «PLAN D’AUTONOMIE» AU SAHARA OCCIDENTAL     L’Algérie retire son ambassadeur en France

La réaction de l’Algérie à la reconnaissance par la France du plan d’autonomie marocain comme «seule base» de règlement du conflit du Sahara occidental a été immédiate. L’Algérie a décidé le retrait pur et si .

La classe politique française s’indigne du soutien de Macron au prétendu plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental

La classe politique française s’est indignée du soutien apporté par la France au prétendu plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, qualifiant cette décision de « grave », de « trahison » ou encore d' »erreur historique ».

Un sénateur français dénonce la position de son pays en faveur de l’occupation marocaine du Sahara occidental

Le sénateur français, Jérémy Bacchi a dénoncé la décision de son pays en faveur du plan dit « autonomie au Sahara occidental » présenté dans le cadre de la prétendue souveraineté marocaine, …

France, Maroc, Israël : les 3 cavaliers de l’Apocalypse

La France a franchi le Rubicon en piétinant les propres textes de l’ONU sur la décolonisation du Sahara occidental…


                                Algérie – Maroc : tensions diplomatiques expliquées

      Tensions diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, enracinées dans l’histoire coloniale et les revendications territoriales, exacerbées par le conflit du Sahara occidental et la rivalité régionale, rendant peu probable une réconciliation à court ou moyen terme.

Moments forts:
Les relations entre le Maroc et l’Algérie sont tendues depuis des décennies en raison de l’histoire complexe de conquête et de frontières entre les deux pays voisins d’Afrique du Nord.
-Le Maroc et l’Algérie ont des différences politiques majeures, avec le Maroc en tant que monarchie constitutionnelle et l’Algérie en tant que régime républicain, ce qui contribue aux tensions entre les deux nations.
-L’histoire de la colonisation française et espagnole en Afrique du Nord a façonné les frontières et les revendications territoriales, notamment avec le Sahara occidental, alimentant les conflits entre le Maroc et l’Algérie.
05:05 Les tensions entre le Maroc et l’Algérie ont débuté avec des revendications territoriales héritées de la colonisation, entraînant des conflits armés et des rivalités politiques jusqu’à la fin des années 70.
-La guerre des sables a éclaté en 1963 entre le Maroc et l’Algérie pour le contrôle de la région allant de Bechar à Tindouf, marquant le début des hostilités territoriales.
-La Marche Verte organisée par le Maroc en 1975 a conduit à l’occupation du Sahara Occidental, provoquant des tensions avec l’Algérie qui soutient l’indépendance de la région.
-L’implication de l’Algérie dans le soutien au Front Polisario a entraîné des conflits par procuration avec le Maroc, impactant l’économie marocaine et alimentant la rivalité régionale.
Les relations entre le Maroc et l’Algérie ont été marquées par des tensions, des conflits et des tentatives de compromis, notamment autour du Sahara occidental, malgré des périodes de détente et de cessez-le-feu.
-La construction du mur des sables par le Maroc pour contrer les raids du Front Polisario a été un élément clé du conflit au Sahara occidental.
-Les décennies 80 et 90 ont vu des rencontres entre les dirigeants marocains et algériens, contribuant à une détente des relations bilatérales malgré des différends persistants.
-Les tensions ont persisté jusqu’aux années 2000, avec des accusations mutuelles d’implication dans des conflits internes et des tentatives de compromis restées sans succès.
Depuis fin 2020, les tensions entre le Maroc et l’Algérie se sont intensifiées, menant à la rupture des relations diplomatiques en août 2021, avec des différends sur le Sahara Occidental et des conséquences économiques significatives.
-Les événements récents ont entraîné une escalade des tensions entre les deux pays, avec des accusations d’espionnage et de soutien à des mouvements indépendantistes, conduisant à la fermeture de gazoducs et à des pertes économiques importantes pour le Maroc.
-La rivalité entre le Maroc et l’Algérie s’étend au-delà des tensions actuelles, avec des projets concurrents de cheminement de gaz depuis l’Afrique de l’Ouest, offrant des opportunités économiques mais reflétant également des enjeux de domination régionale.


 

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