Par Arezki Ighemat, Ph.D in economics
Master of francophone literature (Purdue University)
Les questions que tout le monde se pose aujourd’hui—après l’attaque du samedi 21 juin des sites nucléaires iraniens par les Etats-Unis—sont, sans aucun doute : Et maintenant, que va-t-il se passer ? L’Iran va-t-elle réagir à cette attaque, qui était, en dépit de l’hésitation qui l’avait précédée –le délai de deux semaines donné par le Président américain pour prendre une décision qui était en réalité anticipée et attendue ? Cette nouvelle escalade s’arrêtera-t-elle aux trois belligérants—Israel, Iran et Etats-Unis ou va-t-elle entraîner dans son sillage toute la région ? Va-t-elle, enfin, déclencher une troisième conflagration mondiale ? Toutes ces questions n’ont pas de réponses pour l’instant car tout dépend, en dernier ressort, de la réaction de l’Iran.
Que peut faire (que fera) l’Iran après l’attaque américaine qui—selon les expert– était pressentie, voire anticipée ? Selon les hypothèses des experts militaires et politiques de la région, trois scénarios sont possibles. Le premier est que l’Iran accepte de s’assoir à la table de négociations et chercher à établir un « deal » qui mettrait fin à l’escalade actuelle et à d’autres dans le futur. Dans ce « deal », l’Iran accepterait de convaincre les belligérants et leurs alliés qu’elle n’était pas en train de produire des armes nucléaires, ce que le Directeur de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, Rafael Marino Grossi, avait d’ailleurs déclaré « Nous n’avons aucune preuve que l’Iran était sur la voie de produire des armes nucléaires ». Mr. Grossi avait précisé aussi que « We do not assess the intentions of Iran, we report only what we see on the sites » (Nous ne cherchons pas à lire les intentions de l’Iran, nous rapportons seulement ce que nous voyons sur les sites) (déclaration faite sur CNN, émission GPS de Fareed Zakaria, 22 juin 2025). Le deuxième scénario est celui de représailles par l’Iran sur certains objectifs américains au Moyen-Orient ou ailleurs dans le monde. Ce scénario entraînerait de nouvelles attaques américaines sur l’Iran, puis des répliques iraniennes, et ainsi de suite. Cela pourrait aussi avoir des répercussions collatérales sur les pays de la région (Jordanie, Liban, Syrie, Irak, Arabie Saoudite, etc) qui pourraient, à leur tour, être impliqués et attaquer l’Iran. Le troisième scénario est que l’Iran lance une attaque de grande envergure contre les bases américaines et dans le reste du monde et décider de fermer le Détroit de Hormuz qui est une voie maritime stratégique entre le Golfe Persique et le Golfe d’Oman par où un tiers du gaz liquéfié mondial et environ 25% du pétrole transitent, faisant du Détroit une voie commerciale de haute importance stratégique.
Le Parlement iranien a entériné ce jour, 22 juin 2025, la décision de fermer le Détroit mais cette décision doit, pour être adoptée, être approuvée par le Conseil National Suprême de la République Islamique. Ce scénario, s’il venait à se réaliser, aura, sans nul doute, des répercussions sur toute la région et pourrait enflammer le monde dans son ensemble. L’autre question que tout le monde se posent aussi les observateurs : ces attaques successives contre l’Iran, d’abord d’Israel, puis des Etats-Unis, ont-elles réellement et uniquement pour objectif les sites nucléaires iraniens ? Ou bien, est-ce qu’Israel et les Etats-Unis n’ont pas un autre objectif—qu’Israel n’a jamais caché, prétextant le fait que l’Iran a toujours déclaré « Death to Israel »–celui de « regime change » (changement de régime) ? En d’autres termes, selon ces observateurs, le véritable motif et leitmotiv d’Israel et des Etats-Unis serait de changer le régime islamique de Téhéran en un régime moins « belliqueux » et plus obséquieux aux volontés de l’Occident. Le problème avec ce scénario est qu’il ne prend pas en considération les désidérata du peuple iranien. Que pense le peuple iranien du régime actuel ? Comment réagira-t-il face à ces attaques sur son sol et sur ses croyances ? Sera-t-il solidaire avec ses dirigeants et les suivront-ils jusqu’au bout ou, au contraire, accueilleront-ils avec joie le changement de régime « forcé » qui leur est imposé ? La réponse à ces questions reste entière. Mais l’histoire a montré qu’un « regime change » venu de l’extérieur peut durer un certain temps, mais que le véritable « regime change » ne peut venir que du peuple du pays concerné. Si le peuple n’adhère pas au choix politique décidé—que ce soit d’ailleurs de l’intérieur comme de l’extérieur—aucun changement réel ne peut avoir lieu.