60e anniversaire du 5 juillet 1962 : La «Guérilla Diplomatique», complément indispensable de la «Guérilla Révolutionnaire»

 

      “There are only two powers in the world…the sword and the spirit. In the long run, the sword is always defeated by the spirit”
(Napoléon Bonaparte, cité par Alistair Horne, The Savage War for Peace : Algeria, 1954-62, New York Review of Books, 2006, p. 398).

“Here was the basic contrast: France was strong militarily in Algeria, but weak politically at home; the FLN was weak militarily at home, but strong politically abroad”
(Alistair Horne, op. cit, p. 230).

“Nobody can obscure the fact that Algerians will someday be free. Then, to whom will they turn—to the West, which has seemingly ignored their plea for independence; to the Americans, whom they feel have rejected the issue as none of our affair while at the same time furnishing arms that help crush them; or to Moscow, to Cairo, to Peping [Bejing] , the pretended champions of nationalism and independence”
(J.F. Kennedy, cité par Richard and Joan Brace, Ordeal in Algeria, Kissinger Publishing, 2009, p. 162).

“Fight while negotiating, negotiate while fighting”
(Mao Tse Tung, cite par Jeffrey James Byrne, Mecca of Revolution: Algeria, Decolonization and the Third World Order, Oxford University Press, 2016, p. 118).

Par Arezki Ighemat,
Ph.D in economics, Master of Francophone Literature (Purdue University, USA)

Dans la première partie de ce dossier, consacré à la commémoration du 60e anniversaire de la Révolution du 1er Novembre 1954, nous avions mis le focus sur la lutte armée du peuple algérien —ce que nous avions appelé la ‘guérilla révolutionnaire’— pour sortir de l’emprise coloniale et recouvrer sa souveraineté.
Nous avions examiné tour à tour : (1) les circonstances dans lesquelles a été déclenchée la conquête (ou plutôt l’invasion) de l’Algérie par les forces armées et le gouvernement français, (2) les conditions dans lesquelles a démarré la lutte de libération nationale et (3) les conditions dans lesquelles s’est terminée cette lutte, aboutissant à l’indépendance de l’Algérie. En faisant cela, nous avions occulté, mais provisoirement, le rôle joué par la diplomatie algérienne dans ce combat pour l’Indépendance. Cette deuxième partie a précisément pour but de combler cette lacune et de montrer que la diplomatie algérienne —ce que certains ont appelé la ‘guérilla diplomatique’— a joué un rôle déterminant dans la conviction que ce qui était appelé la «Question algérienne» est en réalité la décolonisation d’une nation et d’un peuple qui, pendant 132 ans, ont été soumis à la plus ‘sauvage’des colonisations jamais subie par un peuple. Le rôle joué par la ‘guérilla diplomatique’ comme bras droit de la ‘guérilla révolutionnaire’ a été souligné par Jeffrey James Byrne dans les lignes suivantes : «Their [the Algerians] two methods of struggle—‘revolutionary guerrilla’ and ‘diplomatic guerrilla’—were the FLN’s’raison d’être’» (les deux méthodes de combat utilisées par les Algériens—la ‘guérilla révolutionnaire’ et la ‘guérilla diplomatique’—étaient la ‘raison d’être’ du FLN). Byrne ajoute que «le résultat de la politique de construction de la nation, basée sur l’utilisation simultanée de la Révolution et de la diplomatie, a permis au FLN d’adopter une stratégie de l’Etat orientée graduellement vers la définition de la notion de ‘libération’, le tout ayant permis au FLN de contrôler entièrement la vie politique et de constituer le ‘Gouvernement Provisoire de la République Algérienne» (Jeffrey James Byrne, op. cit., pp. 10-11).
Pour montrer l’importance du rôle joué par la ‘guérilla diplomatique’ dans la lutte de l’Algérie pour son indépendance, nous examinerons successivement : (1) les étapes préliminaires de l’internationalisation de la ‘Question algérienne’, (2) La ‘guérilla diplomatique internationale’ et la ‘guérilla diplomatique nationale’, (3) Le rôle des Etats-Unis dans la résolution de la ‘Question algérienne, (4) Le soutien des pays du Tiers-Monde pendant la lutte de libération nationale, (5) Les différentes négociations qui ont conduit à l’indépendance de l’Algérie.

Les étapes préliminaires de l’internationalisation de la «Question algérienne»

L’usage de la diplomatie comme complément de la lutte armée n’est pas nouveau pour l’Algérie. Les efforts de la résistance algérienne pour faire connaître au monde son combat pour recouvrer sa souveraineté remontent à bien avant la Révolution du 1er Novembre 1954. Jeffey James Byrne cite quelques-uns de ces efforts : «The ENA (Etoile Nord-Africaine) also participated in anti-colonial transnational forums such as the 1927 ‘Anti-Imperialism Congress’ in Belgium where future leaders like India’s Jawaharlal Nehru and Léopold Sédar Senghor of Senegal formed the ‘League Against Imperialism (LAI)» (L’ENA avait aussi participé aux forums anti-coloniaux transnationaux tels que le ‘Congrès Anti-Impérialiste’ de Belgique, en 1927, où les futurs leaders comme Jawaharlal Nehru (Inde) et Léopold Sédar Senghor (Sénégal) avaient formé la ‘Ligue Contre l’Impérialisme’ (LAI) (Jeffrey James Byrne, op. cit, p.27). Byrne ajoute que l’ENA avait également coopéré avec la ‘Ligue de Défense de la Race Nègre (Negro Peace League), un mouvement noir-africain fondé par Senghor et l’activiste Franco-Soudanais Tiemoko Gran Kouyaté dont le but de protester contre la conquête de l’Ethiopie par l’Italie en 1935-1936 (Jeffrey James Byrne, op. cit, p. 27). Byrne souligne qu’à l’occasion de cette dernière participation, le journal de l’ENA, El Oumma, avait publié, en 1935, un article dans lequel les dirigeants de l’ENA «urged Algerians,
Moroccans, Tunisians, Anamese (Vietnamese), Malagasy, Senegalese, etc…to get to gether, find a commong round…and work to gether closely, shoulder to shoulder, with the French intellectual and manual proletariat for their economic, political and social independence” (les dirigeants de l’ENA avaient exhorté les Algériens, Marocains, Tunisiens, Vietnamiens, Malgaches, Sénégalais, etc… de s’unir afin de trouver un terrain commun…et d’oeuvrer étroitement ensemble, épaule contre épaule, avec le prolétariat intellectuel et manuel français pour leur indépendance économique, politique et sociale) (El Oumma, cité par Jeffrey James Byrne, op. cit., p. 27). Le même article termine : «Oppressed people from the colonies, unite to protect your interests” (Peuples opprimés des colonies, unissez-vous pour protéger vos intérêts) (El Oumma, cité par Jeffrey James Byrne, op. cit, p. 27).
Ces efforts, et tant d’autres, avaient certainement contribué à sensibiliser le reste du monde sur la «Question algérienne», mais c’est surtout depuis l’avènement du déclenchement de la Révolution armée en 1954 que la diplomatie algérienne était devenue plus active et avais pris la forme de «guérilla diplomatique», avec l’envoi, dans certains pays, de délégués représentant le FLN et le GPRA. Ainsi que Jennifer Johnson le souligne : «En envoyant des représentants dans plusieurs pays du monde pour solliciter le support, le leadership du FLN avait entamé une autre étape de sa vision politique ; il a acté et s’est comporté comme un véritable Etat. Les représentants du FLN…avaient présenté au peuple algérien et au monde une version alternative à celle des Français qui décrivent les militants algériens comme des ‘terroristes’. En faisant cela, le FLN voulait prouver non seulement qu’il comprend les normes diplomatiques internationales, mais aussi qu’il peut les respecter» (Jennifer Johson, The Battle for Algeria : Sovereignty, Health Care, and Humanitarianism, University of Pennsylvania Press, 2015, p. 158). Jennifer Johnson raconte que «quelques mois seulement après le déclenchement de la lutte armée du 1er Novembre 1954, Mohamed Khider, le représentant du FLN auprès de la Ligue arabe au Caire, et un des deux plus cruciaux délégués extérieurs chargés d’exporter la cause algérienne, avait écrit au roi d’Arabie Saoudite pour lui demander s’il pouvait écrire une lettre au Conseil de Sécurité de l’ONU pour informer ce dernier des conditions de guerre prévalant en Algérie». Jennifer Johnson souligne que, d’après les informations du GPRA et les Archives nationales algériennes, ceci était la première tentative internationale du FLN, après le 1er Novembre 1954, de porter la ‘Question algérienne’ à l’attention de l’ONU» (Jennifer Johnson, op. cit, note#8, p. 235). Toujours selon Jennifer Johnson, «le 14 décembre 1954 [soit un mois et demi après le déclenchement armé], Abed Bou Hafa [un officiel saoudien] avait adressé un télégramme à Khider confirmant le consentement du roi d’Arabie Saoudite de travailler avec l’ambassadeur saoudien pour défendre la cause algérienne aux Nations unies. Bou Hafa aurait alors demandé à Khider de lui envoyer régulièrement, par câble, des informations détaillées au sujet des opérations militaires et des pertes humaines…et de demander aux amis de la presse de faire de même. Le cas serait présenté lorsque la préparation sera terminée» (Jennifer Johnson, op. cit, p. 235). Khider aurait alors, selon Jennifer Johnson, commencé à collecter autant de données que possible pour les adresser à l’ambassadeur saoudien, mettant l’accent surtout sur les informations que le Conseil de Sécurité pourrait ne pas avoir. Le 5 janvier 1955, le représentant saoudien à l’ONU, Assad Al Fiqih, avait fait une déclaration à l’ONU sur la grave situation qui prévalait en Algérie et sur les risques que cette situation poserait pour la paix et la sécurité dans le monde, notamment conformément à l’art 35 de la Charte de l’ONU, qui stipule [«Any member of the United Nations maybringany dispute, or any situation of the nature referred to in Article 34, to the attention of the Security Council or of the General Assembly]. Le représentant saoudien aurait, selon Jennifer Johnson, déclaré que le soulèvement populaire en Algérie était une des plus graves insurrections que la France ait jamais eu à connaître depuis trente années et aurait qualifié l’administration française ‘d’agressive’, de ‘répressive’, et ‘d’injuste’. Il a aussi demandé, selon Johnson, que le Président du Conseil de Sécurité fasse circuler la note parmi les membres du Conseil de Sécurité […] Selon Al Fiquih, en décembre 1954, plus de 40 000 soldats français avaient été envoyés en Algérie pour liquider 4 000 nationalistes. Selon Jennifer Johnson, «avant que le FLN n’envoie une équipe de ‘guérilla diplomats’ en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique pour solliciter le même appui que celui d’Al Fiqih, les leaders du FLN avaient beaucoup bénéficié des contacts qu’ils avaient établis au Sommet de Bandung de 1955» (Jennifer Johnson, op. cit, p. 235). Ces contacts avec l’Arabie Saoudite seront étendus, comme nous le verrons dans la section suivante, à d’autres pays.

La «guérilla diplomatique internationale» et la «guérilla diplomatique nationale»

Dans cette section, nous verrons comment l’internationalisation de la ‘Question algérienne» s’est faite au niveau des conférences internationales (ce que nous appelons la ‘guérilla diplomatique internationale’) et au niveau des représentations du FLN à l’étranger (ce que nous appelons la ‘guérilla diplomatique nationale’).

La «guérilla diplomatique internationale»

Plusieurs évènements internationaux avaient contribué à l’internationalisation du problème algérien, mais trois d’entre eux avaient joué un rôle particulier. Il s’agit de la Conférence de Bandung (Indonésie) de 1955, la Conférence des Pays africains d’Accra (Ghana) de 1958 et le Sommet des Non Alignés de Belgrade (ex- Yougoslavie) de 1961.
La Conférence de Bandung de 1955 : Appelée encore la «Conférence des Pays afro-asiatiques», cette conférence réunissait 29 pays africains et asiatiques et s’était déroulée du 18 au 24 avril 1955 à Bandung (Indonésie). L’Algérie y avait participé en tant que membre observateur et était représentée par une délégation dirigée par Aït Ahmed, Mohamed Khider et M’hamed Yazid. La Conférence avait été décidée à l’initiative de l’Indonésie, Burma (aujourd’hui Myanmar), l’Inde, Ceylan (aujourd’hui Sri Lanka), et le Pakistan. Les objectifs fixés par ses promoteurs étaient : (1) promouvoir la coopération économique et culturelle afro-asiatique et (2) constituer un front contre le néo-colonialisme. Le président Indonésien de l’époque, Ahmed Sukarno, avait ouvert la Conférence par ces mots : «For many generations, our peoples have been the voice lessones in the world. We have been the unregarded, the peoples for whom decisions were made by others whose interests were paramount, the peoples who lived in poverty and humiliation. Then, our nations demanded and fought for independence, and achieved independence”(Pendant plusieurs générations, nos peuples avaient été des peuples sans voix. Nos peuples n’avaient reçu aucune considération, des peuples pour qui les décisions avaient été prises par d’autres, des peuples ayant vécu dans la pauvreté et l’humiliation. Puis, nos nations avaient demandé leur indépendance et avaient obtenu leur indépendance» (Jeffrey James Byrne, op. cit, pp. 161-162). Dans son communiqué final, en particulier dans sa section ‘D’, alinéa 2, intitulée «Problems of dependent peoples», la Conférence déclarait, s’agissant des pays d’Afrique du Nord : «In view of the unsettled situation in North Africa and the persisting denial to the peoples of North Africa of their right to self determination, the Asian-African Conference declared its support of the rights of the people of Algeria, Morocco and Tunisia to self determination and independence and urged the French government to bring about a peace fulsettlement of the issue withoutdelay” (Considérant la non-résolution de la situation des pays nord-africains et le déni persistant de ces pays pour leur droit à l’autodétermination, la Conférence afro-asiatique déclare son support pour les droits des peuples algérien, marocain et tunisien à l’autodétermination et à l’indépendance et demande au gouvernement français de trouver une solution pacifique au problème dans les meilleurs délais) (Jeffrey James Byrne, op. cit., pp. 161-162). Dans la section ‘G’, la Conférence réitère et confirme ce droit en indiquant : «Le droit à l’autodétermination doit être reconnu à tous les peuples et la liberté et l’indépendance doivent être accordées dans les délais les plus courts à ceux qui sont encore dépendants d’autres peuples. Tous les pays doivent avoir le droit de choisir leur propre système politique et économique et leur propre manière de vivre, conformément aux buts et principes de la Charte des Nations unies» (Jeffrey James Byrne, op. cit, pp. 161-162). A la suite de cette déclaration, la délégation française a dû quitter la salle de réunions pour signifier son désaccord avec la position de la Conférence.
La Conférence des Peuples Africains : Egalement appelée «All-African People’s Conference», cette conférence s’était tenue à Accra (Ghana) du 8 au 13 décembre 1958. Sous le slogan «Forward Independence Now», la Conférence avait réuni les mouvements de libération nationale africains, mais aussi les délégués des pays africains indépendants. Selon les termes mêmes de la Conférence, celle-ci est ouverte à «tous les partis politiques nationaux et les syndicats ou corps assimilés qui souscrivent aux objectifs de la Conférence».
Dans son discours inaugural du 18 décembre 1958, Nkrumah avait demandé aux délégués de se focaliser sur quatre objectifs : (1) le recouvrement de la liberté et de l’indépendance, (2) la consolidation de cette liberté et de cette indépendance, (3) la création d’une unité et communauté entre les pays africains libres et (4) la reconstruction économique et sociale de l’Afrique». Nkrumah avait clôturé son discours en disant : «Cette décennie est la décennie des indépendences… Demain ce sera les Etats-Unis d’Afrique». Par ailleurs, et c’est un point important à souligner, les délégués s’étaient mis d’accord pour accorder tout le support nécessaire au Gouvernement Provisoire de la République Algérienne. Il faut souligner aussi que la délégation algérienne était dirigée par Frantz Fanon, le grand militant et écrivain algérien. Fanon aurait écrit, en marge de la Conférence, dans un article intitulé «Lift up the Torch for United Africa» (Lever la torche pour une Afrique Unie): «From Algeria in the North to Nigeria in the West, from Kenya in the East to the tribes in the South, the Africans bemoan their fate against the atrocities of colonialism…The whole of Africa trembles under the impact of colonial brutalities”. Fanon aurait conclu son article en disant : “Les pays africains ont le droit d’user de la violence pour se libérer et arracher leur indépendance.» Quant à la Conférence elle-même, les principales résolutions concernant la ‘Question algérienne’ sont exprimées comme suit : «La Conférence des Etats africains indépendants, profondément concernés par la poursuite de la guerre en Algérie et le refus de la France de reconnaître le droit du peuple algérien à l’indépendance et à l’autodétermination, en dépit des nombreuses résolutions des Nations unies et des appels demandant qu’une solution pacifique soit trouvée à ce conflit, notamment l’offre de bons offices faite par les chefs d’Etats marocain et tunisien, considérant que la présente situation de l’Algérie constitue une menace à la paix et à la sécurité de l’Afrique en particulier : (1) reconnaît le droit du peuple algérien à l’indépendance et à l’autodétermination, (2) déplore la grave étendue des hostilités et le bain de sang résultant de la poursuite de la guerre en Algérie, (3) exhorte la France à reconnaître le droit de l’Algérie à l’indépendance et à l’autodétermination, (4) appelle toutes les nations amoureuses de paix d’exercer une pression sur la France pour qu’elle adopte une politique conforme aux principes de la Charte des Nations unies» (La Conférence a adopté deux autres résolutions, mais les précédentes sont les plus importantes).

Le Sommet des Non Alignés de Belgrade (1961)

La troisième conférence qui a permis l’internationalisation du problème algérien est le Sommet du Mouvement des Non Alignés qui s’était tenu à Belgrade (ex-Yougoslavie) du 1 au 6 septembre 1961. Cette conférence avait été décidée et préparée par les trois leaders du Mouvement des Non Alignés (Nasser, Tito et Nehru) lors de la rencontre de Brioni (ex-Yougoslavie) du 18 au 20 juillet 1956 comme «follow up» de la Conférence de Bandung.
Lors du Sommet de Belgrade, Tito donnera l’objectif majeur du Mouvement : «Le but n’est pas la création d’un nouveau bloc, mais de dénoncer ‘l’exclusivité’ des blocs qui est un danger pour la paix mondiale.» Les participants à la Conférence étaient au nombre de 25. L’Algérie était représentée par le GPRA en tant qu’Etat souverain tandis que les autres mouvements de libération nationale n’avaient que le statut d’observateurs. C’est ce que précise Jeffrey James Byrne dans le passage suivant : «The Front [FLN] attained the pinnacle of its worldist diplomacy in November 1961 when the GPRA participated in the first Non-Aligned Summit in Belgrade with the status of a sovereign government […] Thanks to the advocacy of Nkrumah and Sukarno in particular, the FLN secured its participation in the Conference with full status, while the nineteen other liberation movements had attended only as observers” (Le Front [FLN] avait atteint le pinacle de sa diplomatie mondialiste en Novembre 1961 lorsque le GPRA avait participé au premier Sommet des Non Alignés à Belgrade avec le statut de gouvernement souverain […] Grâce au plaidoyer de Nkrumah et de Sukarno en particulier, le FLN avait participé en qualité d’Etat à part entière alors que les dix-neuf autres mouvements de libération n’avaient que le statut d’observateurs) (Jeffrey James Byrne, op. cit, pp. 108-109).
Toutes ces conférences, et d’autres, avaient contribué —dans ce que nous avons appelé la ‘guérilla diplomatique internationale’— à faire émerger la cause algérienne sur la scène internationale. Cependant, à côté de ces conférences, l’Algérie avait engagé une autre bataille que nous appellerons la «guérilla diplomatique nationale».

La «guérilla diplomatique nationale»

Parallèlement à sa participation dans les conférences internationales, l’Algérie avait déployé des représentants dans plusieurs pays en vue de défendre la cause de la décolonisation et informer ces pays ainsi que l’ONU de la situation insoutenable dans laquelle se trouvait le peuple algérien en raison du refus des autorités françaises de permettre à l’Algérie de recouvrer son indépendance. Mathew Connelly souligne l’importance de cette représentation dans les lignes qui suivent : «Besides its representatives in the states of the Arab League, the GPRA operated offices in Germany, Spain, Finland, Britain, Italy, Sweden, Switzerland, by October 1958. Along with the United States, Japan, India and Indonesia… there were some 45 Algerian representatives in 20 countries. By June 1960, French Intelligence counted 177 representatives affiliated with the GPRA in38 countries, not counting those based in Morocco and Tunisia” (Outre ses représentants dans les pays de la Ligue arabe, le GPRA avait établi des bureaux en Allemagne, Espagne, Finlande, Grande-Bretagne, Italie, Suède et Suisse vers octobre 1958. Parallèlement aux Etats-Unis, Japon, Inde et Indonésie… il y avait quelque 45 représentants dans 20 pays, sans compter ceux établis au Maroc et en Tunisie. Vers juin 1960, les Services d’Intelligence français avaient compté 177 représentants affiliés au GPRA dans 38 pays, sans compter ceux établis au Maroc et en Tunisie) (Mattew Connelly, A DiplomaticRevolution : Algeria’s Fight for Independence and the Origins of the Post-Cold WarEra, Oxford University Press, 2003, p. 195). Jennifer Johnson parle de certains de ces représentants et de leurs missions : «FLN delegates, namely M’Hamed Yazid, Hocine Aït Ahmed, Hocine Lahoual, and Mohamed Khider, traveled a broad and carefuly orchestrated diplomatic missions during which they met with government officials, campaigned for political and financial support, and crafted media and press offensive” (Les délégués du FLN, notamment M’Hamed Yazid, Hocine Aït Ahmed, Hocine Lahoual et Mohamed Khider, voyageaient à l’étranger et organisaient soigneusement des missions diplomatiques durant lesquelles ils rencontraient des officiels de gouvernements étrangers ainsi que des campagnes pour obtenir leur support politique et financier, et engageaient une offensive dans le domaine de la presse et des médias en général) (Jennifer Johnson, op. cit, p. 190).

Le rôle des Etats-Unis et de J. F. Kennedy dans le règlement de la ‘Question algérienne’

Les Etats-Unis —notamment John F. Kennedy, d’abord en sa qualité de Sénateur de l’Etat du Massachusetts, puis comme Président— ont joué un rôle déterminant dans la résolution du problème algérien. Tout d’abord, les Etats-Unis ont été l’un des premiers pays à autoriser des représentants du FLN et du GPRA à ouvrir un bureau à New York. M’Hamed Yazid a été le premier représentant du FLN/GPRA aux Etats-Unis. Avec ses collègues, notamment Abdelkader Chanderli et Chérif Guellal et Ahmed Francis, il sera chargé du plaidoyer de la Question algérienne auprès du gouvernement américain et des Nations unies. Leur travail médiatique auprès de ces deux autorités a été souligné par plusieurs analystes politiques. Irwin Wall dira, à ce sujet : «The FLN mission in New Yorlk, more over, put out a continuous barrage of pamphlets and press releases, organized public meetings, and wasquite effective in mobilizing American opinion in favor of Algerian independence» (La mission du FLN à New York, en outre, avait mis en oeuvre une batterie continue de pamphlets et de communiqués de presse, organisé des réunions publiques et était très effective dans la mobilisation de l’opinion américaine en faveur de l’indépendance algérienne) (Irwin Wall, France, the United States, and the Algerian War, California University Press, 2001, p. 81).
S’agissant du rôle de l’équipe de Yazid aux Nations unies, Irwin Wall dira : «In New York, the FLN was particularly active in the United Nations and won international opinion in favor of its cause, infuriating the French” (A New York, le FLN était particulièrement actif aux Nations unies et avait gagné l’opinion internationale en faveur de la cause algérienne, provoquant, ce faisant, la furie des Français) (Irwin Wall, op. cit., p 81).
De leur côté, les Etats-Unis ont joué un rôle actif dans la résolution du problème algérien. Tout en s’efforçant de ne pas offenser le gouvernement français, leur allié de toujours —ce qui s’était manifesté par un certain nombre de positions parfois contradictoires— les autorités américaines avaient voulu une solution pacifique du problème algérien. Cependant, c’est surtout grâce à John F. Kennedy, alors Sénateur du Massachusetts, que cette position s’était affirmée de façon claire. L’opinion de J. F. Kennedy sur la Question algérienne avait été notamment indiquée dans son fameux discours du 2 juillet 1957 où il avait déclaré, sans aucune équivoque : «No, Algeria is no longer a problem for the French alone, norwill it ever beagain» (Non, l’Algérie n’est plus un problème purement français, et il ne le sera jamais désormais) (J. F. Kennedy, speech of July 2, 1957). Le 8 juillet 1957, en réponse au représentant de Brooklyn, Emmanuel Celler, qui avait qualifié la résolution de Kennedy ‘d’immature’, Kennedy dira : «[Personne] ne peut nier le fait que les Algériens seront libres un jour. [Lorsque cela se produira], vers qui se tourneront-ils ? Vers l’Occident, qui, apparemment a ignoré leur requête d’indépendance ; vers les Américains, dont ils peuvent penser qu’ils avaient rejeté le problème comme n’étant pas leur affaire, alors que [en même temps] ils fournissaient des armes pour aider [la France] à les écraser ; ou encore vers Moscou, le Caire, ou Beijing, les prétendus champions du nationalisme et de l’indépendance» (J. F. Kennedy, Congressional Record, July 8, 1957, cité par Richard and Joan Brace, Ordeal in Algeria, Kissinger Publishing, LLC, 2009, p. 162). Dans les précédentes lignes, Kennedy considère que son pays ne fait pas assez pour soutenir la cause algérienne et que le temps était venu de changer de position : «The time has come when our government must recognize that this is no longer a French problem alone, and the time has passed where piecemeal ajustments or even a last attempt to incorporate Algeria with in France, can succeed» (Le temps est venu où notre gouvernement doit reconnaître que [l’Algérie] n’est plus un problème purement français, et le temps est révolu où des ajustements partiels ou même une tentative de dernière heure d’intégrer l’Algérie à la France, peuvent réussir) (Voir notre article intitulé «Le Discours de J. F. Kennedy : Le pas d’un Géant envers l’indépendance de l’Algérie, Reporters.dz, 8 juin 2021). Quelle position les Etats-Unis devraient adopter sur la ‘Question Algérienne’ ? Kennedy répond à cette question en disant : «Le temps est venu pour les Etats-Unis de faire face aux dures réalités de la situation et de prendre leurs responsabilités en tant que leader du monde libre —au sein de l’ONU, à l’OTAN, dans l’administration des programmes d’aide et dans l’exercice de notre diplomatie— afin de formuler un processus pouvant conduire à l’indépendance politique de l’Algérie) (J. F. Kennedy, speech of July 2, 1957). Kennedy poursuit en déclarant : «Je soumets, aujourd’hui, une résolution qui, je l’espère, souligne les meilleurs espoirs pour la paix et un règlement en Algérie. Cette résolution demande, en bref, que le Président [des Etats-Unis] et le Secrétaire d’Etat soient fortement encouragés à placer l’influence des Etats-Unis derrière ces efforts —soit par le biais de l’OTAN, soit par le truchement des bons offices du Premier Ministre tunisien ou du Sultan du Maroc— afin d’aboutir à une solution qui reconnaisse la personnalité de l’Algérie et établir la base d’un règlement indépendant avec la France et les pays voisins de l’Algérie» (J. F. Kennedy, speech of July 2, 1957). Kennedy termine en disant qu’ en faisant cette proposition, il ne le fait pas pour satisfaire les intérêts de son pays : «Et nous devons être parfaitement clairs, pour les Français comme pour les Nord-Africains, que nous [les Etats-Unis] ne cherchons aucunement, par cette résolution, à nous procurer des avantages à nous-mêmes dans cette région du monde, à remplacer les liens économiques entre la France et les pays de la région ou encore à exploiter les ressources de l’Afrique» (J. F. Kennedy, speech of July 2, 1957).
Il faut rappeler que les Etats-Unis ont officiellement reconnu l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet 1962. En recevant le premier Président de l’Algérie indépendante à Washington le 15 octobre 1962 (soit 4 mois après l’indépendance), Kennedy, devenu Président le 20 janvier 1961 (soit 1 an et demi après son inauguration) avait déclaré : «Je suis fier d’être le Président qui a l’honneur de prononcer, au nom du peuple américain, la profonde satisfaction que nous ressentons de voir le libre choix triompher à nouveau… Nous, Américains, nous célébrons en ce moment [4 juillet] la construction de notre indépendance, une liberté réalisée avec d’énormes difficultés et beaucoup de sang, nous ressentons, avec vous, l’onde et la satisfaction qui, à cette mémorable occasion, est aujourd’hui la vôtre» (J.F. Kennedy, speech of July 2, 1957).

Le soutien des pays du Tiers-Monde pendant la lutte de libération nationale

Les Etats-Unis ne sont pas, bien entendu, le seul pays à soutenir la lutte de l’Algérie pour son indépendance. Dès après le déclenchement de la Révolution en 1954 et pendant toute la durée de la guerre, un grand nombre de pays —notamment du Tiers-Monde, mais pas seulement— avaient exprimé leur appui politique et financier au FLN et au GPRA. L’espace de cet article étant insuffisant pour citer toutes les positions des pays qui avaient été favorables à l’indépendance de l’Algérie, nous nous contenterons de quelques-unes de ces positions qui nous semblent refléter l’attrait que représentait la cause algérienne. Nous avons choisi six pays du Tiers-Monde : l’Inde, Cuba, l’Iran, l’Arabie Saoudite, l’Egypte et le Yémen.

La position de l’Inde : Parlant des droits que la conquête d’un pays confèrerait (ou plutôt ne devrait pas conférer) au conquérant, la délégation indienne à l’Assemblée générale de l’ONU, consacrée à la Question algérienne, avait déclaré : «La conquête n’établit pas un droit. La conquête ne confère pas de droits. La conquête, pour le pays conquis, est plutôt, une tragédie… La Charte des Nations unies ne reconnaît nulle part à ses membres le droit de conserver les possessions acquises à la suite de la conquête» (UN General Assembly, 530th Plenary Meeting, September 30, 1955, p. 188, cité par Mohamed Alwan, Algeria Before the United Nations, Robert Speller and Sons Publishers, Inc, 1956, pp. 25-26). Parlant du traitement que les autorités françaises réservaient aux Algériens et le comparant à celui des Indiens durant la colonisation britannique, la délégation Indienne avait déclaré : «Nous avons été, pendant un certain temps, des ‘sujets britanniques’. C’était une mauvaise appellation, et personne n’osait nous appeler ‘citoyens anglais’… Par conséquent, pour un Algérien ou n’importe quelle personne non Française, se faire appeler ‘Français’ n’était pas un grand honneur» (UN General Assembly, 530th Plenary Meeting, September 30, 1955, p. 188, cité par Mohamed Alwan, op. cit, pp. 25-26).

La position de Cuba : La délégation cubaine à l’ONU, en 1957, avait souligné la politique du ‘double standard’ (deux poids, deux mesures) appliquée aux populations colonisées des pays du Tiers-Monde par rapport à la politique à l’égard des Hongrois. Elle avait expliqué cette politique par une série d’exemples : «En fait, lorsque les Hongrois s’étaient battus pour leur libération, ils étaient appelés des héros, alors qu’en Algérie [les militants] étaient appelés des ‘incendiaires’ et des ‘terroristes’. Lorsque les Hongrois exécutaient leurs oppresseurs, ils étaient acclamés, mais lorsque les Algériens faisaient de même, ils étaient qualifiés de criminels. C’était là un système de ‘double standard’ ; on ne pouvait pas dire que le carnage était pire en Hongrie car le nombre de personnes tuées était, sans aucun doute, plus élevé en Algérie» (Cuban delegate, UN General Assembly, First Committe, 839th Meeting, February 8, 1957, p. 158).

La position de l’Iran : La délégation iranienne a expliqué les raisons qui l’ont amenée à demander que la Question algérienne soit inscrite à l’agenda des Nations unies : «Si nous avons rejoint les autres nations dans leur demande d’inscrire la Question algérienne à l’agenda du Conseil de Sécurité, c’est parce que nous croyons fermement qu’un débat du Conseil sur la question aiderait le gouvernement français, ainsi que le gouvernement algérien, à trouver une solution juste et équitable —une solution qui refléterait les traditions françaises bien établies de liberté, égalité et fraternité». La délégation explique ensuite : «Le fait que nous demandions l’inscription de la question à l’agenda de l’ONU ne diminue en rien le respect et l’amitié que nous avons pour la France… Ma délégation espère par conséquent que notre attitude sera comprise par les autres Etats aussi bien que la France et que notre déclaration aidera les Français à mieux comprendre l’état des évènements en Algérie» (Jennifer Johnson, op. cit, p. 170).

La position de l’Arabie Saoudite : La délégation saoudienne, dirigée par le ministre d’Etat pour les Affaires onusiennes, Ahmed Shukairy, n’ira pas par quatre chemins et expliquera que la Question algérienne est une question de décolonisation et d’impérialisme : «Il ne faut pas être un génie pour définir le cas algérien. En termes fermes, les Algériens, comme tout autre peuple dans le monde, a un droit inhérent à la souveraineté et à l’indépendance. La position de la France en Algérie est une position d’impérialisme, un point, et c’est tout, et aucune quantité d’éloquence ne peut la défendre.» (Ahmed Shukairy, UN General Assembly, 697R, Plenary Meeting, October 2, 1957, p. 232, cité par Jennifer Johnson, op. cit, p. 182).Le délégué saoudien termine en disant : «The Algerians are our kith and kin, and Algeria is an integral part of the Arab fatherhood” (Les Algériens sont nos frères et amis et l’Algérie est une partie intégrante de la nation arabe) (Ahmed Shukairy, op. cit, p. 182).

La position de l’Egypte : Le délégué égyptien, Dr. Mahmoud Fawzi, avait appelé à mettre un terme à l’humiliation des Algériens. Il explique : «Pendant que le Parlement s’embarque dans son débat stérile sans fin, pendant que le gouvernement français change de ministre jour après jour et pendant qu’on nous fait entendre un million de fois la notion invraisemblable selon laquelle —parce que des juristes français à Paris ont écrit un article pour faire croire que l’Algérie est une partie de la France— le peuple algérien est traité comme des choses et comme des serfs» (Dr. Mahmoud Fawzi, UN General Assembly, 699th Plenary Meeting, October 3, 1957, p. 259, cité par Jennifer Johnson, op. cit, p. 182).

La position du Yémen : La délégation yéménite, conduite par Tawfik Chamandi, parlera de la répression pratiquée par les autorités françaises à l’égard du peuple algérien et de l’urgence qu’il y avait à mettre fin à cette répression aux conséquences graves : «Je suis surpris, et sans aucun doute beaucoup sont surpris aussi, de l’intransigeance et de l’insistance du gouvernement français à vouloir réprimer le mouvement nationaliste algérien, tuant les Algériens et détruisant leurs maisons… C’est la manière française d’exercer son influence sur le peuple [Algérien] et de se faire des ennemis. Il est temps pour le gouvernement français de se rendre à l’évidence et d’admette qu’il n’y a pas d’autres moyens de sortir de ce dilemme que la reconnaissance du droit du peuple algérien à l’autodétermination et à l’indépendance qui est, de toutes manières, inéluctable» (Dr. Mahmoud Fawzi, UN General Assembly, GAOR, Twelfth Session, 692th Plenary Meeting, September 27, 1957, p. 199, cité par Jennifer Johnson, op. cit, pp. 181-182).

Les négociations ayant conduit à la fin du conflit et à l’indépendance

A l’instar de la lutte armée du peuple algérien pour se libérer du joug colonial (ce que nous avons appelé la ‘Guérilla Révolutionnaire’), le processus de négociations devant officialiser la fin des hostilités et le recouvrement de la souveraineté de l’Algérie sur son territoire (ce que nous avons appelé la ‘Guérilla Diplomatique’) a été long et tortueux. Ce processus, en effet, a connu plusieurs étapes. Il y avait d’abord les négociations secrètes ayant eu lieu bien avant que les négociations d’Evian ne soient engagées. Une des premières tractations pour trouver une issue au conflit avait été tentée, en 1956, entre les leaders de la Révolution algérienne et les dirigeants des pays voisins, le Maroc et la Tunisie.
A cet effet, Alain Savary, le ministre français des Affaires marocaines et tunisiennes, en accord avec les dirigeants marocain (Mohamed V) et tunisien (Habib Bourguiba), avait invité les dirigeants du FLN à Tunis, avec pour but d’établir des relations entre le Maghreb et la France. Le 22 octobre 1956, les dirigeants du FLN (Ben Bella, Boudiaf, Aït Ahmed, Khider et Lacheraf), à la suite de longues discussions avec le roi Mohamed V, avaient pris le DC3 d’Air Atlas Marocain allant de Rabat à Tunis, où la conférence devait se tenir. Cependant, le même jour, sur ordre des dirigeants des services de l’Intelligence française, l’avion avait été détourné sur Alger où les dirigeants du FLN avaient été arrêtés et emprisonnés (voir Martin Evans, Algeria : France’s Undeclared War, op. cit, pp. 186-187). Il y avait aussi les négociations de Melun du 25 juin 1960. Malheureusement, sans succès, celles-là aussi. Le 28 novembre 1960, une autre tentative de dialogue était venue d’un homme d’affaires suisse, Olivier Long. Approché par Tayeb Boulahrouf, un confident de Ferhat Abbas, Long avait essayé d’établir des contacts entre le GPRA et les dirigeants français. Long avait réussi à établir des contacts entre Louis Joxe, le Secrétaire de Gaulle pour les Affaires algériennes. Ces contacts n’avaient pas réussi à contracter un accord entre les deux parties belligérantes, Alger et Paris. La pierre d’achoppement de ces négociations était les conditions exigées par la France pour l’établissement de la paix. Ces conditions étaient : (1) un cessez-le-feu où les ‘rebelles’ [les moudjahidine ] devaient déposer leurs armes, (2) le remplacement du FLN par une autre organisation devant représenter les Algériens aux négociations (voir Irwin Wall, France, the United States, and the Algerian War, University of California Press, 2001, p. 216).
Il y avait aussi les négociations d’octobre 1962 au lieu-dit ‘Les Rousses’, un hameau sur les hauteurs du Jura, à la frontière franco-suisse entre, d’un côté, Louis Joxe, Robert Buron et Jean De Broglie et, de l’autre côté, Saad Dahlab, M’hamed Yazid, Lakhdar Ben Tobbal et Krim Belkacem, pour discuter les questions du statut des Européens, des bases militaires, de la nature du gouvernement provisoire, et autres questions. Cette rencontre avait débouché sur un rapport qui aurait servi lors des négociations d’Evian, qui avaient démarré le 7 avril 1962 et s’étaient terminées le 18 mars 1962, par les accords dits d’Evian. Dans ces Accords, il était prévu, entre autres, que (1) les Européens d’Algérie auraient trois ans pour choisir s’ils veulent être citoyens algériens ou rester citoyens français, (2) les troupes militaires françaises devaient être réduites à 80 000 et devaient quitter définitivement le territoire algérien deux ans plus tard, (3) les bases navales et aériennes de Mers-el-Kébir et de Bou Sfer seraient louées à la France pendant quinze ans, (4) le site nucléaire du Sahara devait être conservé par les Français pendant cinq ans (voir Martin Evans, Algeria : France’s Undeclared War, op. cit, pp. 311-312).
Il y avait aussi l’épisode des assassinats et massacres provoqués par l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) qui avaient pour but de perturber ces négociations, notamment par la destruction et la mise à feu des édifices publics construits pendant la colonisation, dont le plus sensationnel était l’incendie qui a détruit la Bibliothèque universitaire d’Alger le 7 juin 1962 (Martin Evans, op. cit, p. 316). Cette violence n’avait, cependant, pas réussi à arrêter le processus de règlement du conflit qui s’est concrétisé par la Déclaration du cessez-le feu du 19 mars 1962. A l’inverse, un référendum avait été organisé le 1er juillet 1962 dans lequel les Algériens devaient répondre à la question : «Voulez-vous que l’Algérie devienne un Etat indépendant, coopérant avec la France, conformément aux conditions définies dans la Déclaration du 19 mars [1962] ?» La réponse des Algériens avait été quasi unanime : 91,2% des 6 millions de votants avaient répondu ‘oui’ (voir Martin Evans, Algeria : France’s Undeclared War, op. cit, p. 317). Le 3 juillet 1962, dans une brève déclaration à la télévision, de Gaulle reconnaîtra officiellement l’indépendance de l’Algérie. Le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne avait, de son côté, décidé que la date du 5 juillet serait le jour anniversaire de l’Indépendance Algérienne.

Conclusion

Nous avons vu, tout au long de ce dossier consacré à la commémoration du 60e anniversaire de la Révolution Algérienne, que le processus qui a conduit à la reconquête de sa souveraineté nationale par l’Algérie a été long, coûteux —notamment en pertes humaines— et tortueux. Pour arriver à cet objectif, l’Algérie a utilisé deux stratégies : la ‘Guerrilla Révolutionnaire’ (la lutte armée) et la ‘Guérilla Diplomatique’ (l’internationalisation médiatique et diplomatique de la ‘Question algérienne’). Nous avons vu que ces deux stratégies ont été utilisées simultanément, appliquant, consciemment ou inconsciemment, le fameux slogan de Mao Tsé Tung : «Fight while negotiating, negotiate while fighting» (Combattre pendant qu’on négocie, négocier pendant qu’on combat) (cité par Jeffrey James Byrne, Mecca of Revolution : Algeria, Decolonization, and the Third World Order, Oxford University Press, 2016, p. 118).
Le succès de ces stratégies simultanées a donné raison à Larbi Ben M’hidi (un des plus grands héros de la Révolution), lorsque, juste avant son exécution, il déclarait : «Nous [les Algériens] gagnerons parce que nous représentons la force du futur prospère et vous [les colonisateurs français], vous serez battus parce que vous voulez arrêter la roue de l’histoire qui vous écrasera et vous voulez préserver un passé pourri que l’ère du temps a condamné».
Ce succès, à l’opposé, contredira les propos de De Gaulle rapportés par Alistair Horne : «Lui [de Gaulle] a faussement compris la nature du FLN, pensant, en sa qualité d’homme militaire, qu’il avait affaire à une insurrection armée conventionnelle conduite par des ‘Abd-el-Kader modernes’ qui, bientôt, reconnaîtraient leur défaite militaire et les avantages d’un compromis sensible. Mais il [de Gaulle] ne semblait pas imaginer que ses adversaires étaient des révolutionnaires impitoyables et des politiciens adroits profondément dévoués au principe totalitaire de ‘non compromis’» (Alistair Horne, The Savage War for Peace : Algeria, 1954-62, p. 230, notre traduction). Alistair Horne considère que la ‘guérilla diplomatique’ a joué un rôle aussi important que la ‘guérilla armée’ dans la lutte de l’Algérie pour son indépendance. C’est ce qu’il explique dans les mots suivants : “Herewas the basic contrast : France wass trong militarily in Algeria, but weak politically at home ; the FLN was weak militarily at home, but strong politically abroad” (Voici le contraste fondamental : la France était forte militairement en Algérie, mais était faible politiquement chez elle ; le FLN était faible militairement chez lui, mais fort politiquement à l’extérieur (Alistair Horne, op. cit, p. 230).


 

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