Algérie / Covid-19: au-delà d’un chiffre, une vie !

02.06.2020

  par Belkacem Ahcène Djaballah

Depuis le début de la pandémie du coronavirus, en matière de communication, on ne peut pas dire que le gouvernement n’a pas beaucoup fait pour informer et sensibiliser la population. Chaque jour, donc, un bilan nous est publiquement fourni par le désormais bien connu Conseil scientifique. Il est vrai que les médecins et les personnels soignants ne sont connus et appréciés que lors des crises sanitaires. La toute dernière (une pandémie ravageuse) a battu toutes les autres à plate couture.

 Hélas, nous nous sommes retrouvés littéralement inondés de chiffres. Des millions de contaminés à travers le monde, plusieurs milliers chez nous. Des centaines de milliers de décédés à travers le monde et des centaines chez nous. Et pourtant, malgré tous les efforts et les appels à respecter les règles sanitaires élémentaires pour contrer ou éviter le virus assassin, il y a, çà et là, à travers le monde, des groupes ou /et des individus qui persistent soit à nier l’existence ou la dangerosité du virus, soit à se croire supérieur face au danger, soit à se réfugier derrière on ne sait quelle invocation religieuse… Tous ces comportements ont été (in-)volontairement encouragés par une manière de faire de la communication moderne certainement trop digitalisée. Des algorithmes, des statistiques, des chiffres et encore des chiffres et des combats de «chiffonniers» sur les médications à apporter pour éliminer le mal.

Parallèlement à cela, ajoutez-y le «confinement»: une circulation des hommes réduite au strict minimum» par des «états d’urgence sanitaires» plus ou moins rigoureux, des contacts interpersonnels limités par la «bavette» et la «distance sociale». Un confinement mal ou très mal accepté par des populations en butte aux difficultés économiques de plus en plus nombreuses. Ceci est aggravé par le fait que les chiffres diffusés ne disent pas tout de la maladie et de ses dégâts. Et, surtout, du malade et du «décédé». Les enterrements sont à éviter. Plus de troisième jour et de réunion de famille et d’amis pour faire son deuil. Bien souvent on ne sait même pas qui est contaminé, qui est hospitalisé, qui est décédé. Plus tard.

Encore un futur traumatisme (comme pour l’après-terrorisme !) Pour réussir sa campagne de sensibilisation, il fallait (et il faut) donc revenir aux fondamentaux de la communication (je ne parle pas de la prévention qui a ses méthodes, et ses moyens) : ramener l’être humain au centre de la problématique. Sans ignorer le chiffre, il faut rappeler l’homme. Non seulement celui qui aide à sauver des vies mais aussi celui qui vient de mourir, le grand oublié, actuellement. Et, c’est là le rôle de la presse, tout particulièrement la presse écrite locale et régionale ou même nationale par la publication de reportages ou de comptes tendus rapportant des décès, des douleurs. Avec l’accord des proches, cela s’entend ! Il est vrai que la tâche est bien plus difficile chez nous, société faite de bruits, de fureurs mais aussi de discrétion et de pudeur, et contre les étalages de l’infortune et de la faiblesse. Mais nécessité doit faire loi ! Il faut en quelque sorte «remuer le couteau dans la plaie». Comme par hasard, au pays des «pragmatiques», on vient de s’en apercevoir… après 100.000 morts. Ainsi, le quotidien New York Times a consacré dernièrement (samedi 23 mai, aux noms de 1.000 victimes du coronavirus aux Etats-Unis.» Ils n’étaient pas que des noms sur une liste», a ainsi tenu à rappeler le quotidien américain. L’objectif ? Montrer que derrière les statistiques et bilans de l’épidémie égrenées chaque soir par les autorités, il y a des vies. «Les 1.000 personnes sur cette page représentent 1% du bilan. Aucune n’était qu’un chiffre», soulignent les journalistes. «Je voulais quelque chose que les gens puissent relire dans 100 ans pour comprendre le poids de ce que nous traversons», a expliqué le rédacteur en chef national du journal.

A la suite du nom, de l’âge et de la ville d’origine de la victime, est ajouté un élément sur la vie de la personne, qui raconte aussi, quelque chose de l’histoire du pays:

«Michael Mika, 73 ans, Chicago, vétéran de la guerre du Vietnam. (…) Kyra Swartz, 33 ans, New York, bénévole dans une association d’aide aux animaux abandonnés. (…) Black N Mild, 44 ans, Nouvelle-Orléans, D.J. et personnalité de la radio. Albert Petrocelli, 73 ans, New York, chef des pompiers qui a répondu lors de l’appel du 11 septembre 2001.»

La diversité des âges comme des lieux montre aussi que la pandémie n’épargne désormais aucune catégorie aux Etats-Unis.

Chez nous, aussi !

Morale de l’histoire : méthode journalistique à suivre sauf si on estime que, chez nous, la vie humaine – sur terre – n’est rien.

Et, pour finir, une phrase à méditer: «Ce qui tue, ce n’est pas la mort. C’est la vie coupée sans annonce» (Eugène Ebodé, «Madame l’Afrique». Roman © Apic Editions, Alger 2010).


  >>> La Covid-19 a mis à nu l’inégalité des richesses dans le monde

Comment hiérarchiser et identifier les réformes et les innovations politiques en matière de fiscalité et de transparence susceptibles de garantir des revenus plus importants ou au moins faire en sorte qu’une partie de ces revenus soit perdue dans le secret et les abus.

En effet, mis à rude épreuve par la crise économique et sanitaire mondiale, inédite, provoquée par la Covid 19, les décideurs politiques à l’échelle planétaire sont tenus de s’adapter aux grands défis liés aux ressources financières pour préserver à tout prix la santé et les moyens de subsistance.

> Par Naïma Benouaret

Ces coûts seront immenses et limitent déjà la manière dont ces décideurs politiques peuvent réagir. Décrypter toutes ces réalités virtuelles et jeter les bases d’une navigation en douceur, les organisateurs de la conférence virtuelle intitulée «Protéger la santé ou favoriser le capital ? Fiscalité et transparence à l’ère du Covid-19», lancée jeudi dernier à Alger a offert à des journalistes et des experts dans différentes disciplines, issus des quatre coins du globe, une tribune virtuelle pour échanger et débattre des pistes de solutions à explorer en vue d’aider les gouvernements à examiner «comment financer la santé, soutenir les entreprises et les chômeurs et organiser la relance de l’économie.

En clair, comment va-t-on payer la facture Covid-19 ainsi que toutes les lacunes en infrastructures (notamment en termes de système de santé) que le virus a révélé», explique à El Watan Economie, depuis Mexico (Mexique), Lamia Oualalou, représentante de la Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT).

Dit autrement, cette crise sanitaire et économique, sans précédent, ayant placé les dirigeants politiques du monde entier face à un énorme défi en termes de ressources «sera un test de leadership, car les citoyens s’attendent à voir comment leurs gouvernements et leurs priorités vont réagir», renchérit-elle.

Plus d’un milliard de travailleurs menacé par le chômage

Cette rencontre a été tenue à l’initiative de l’ICRICT, du Financial Transparency Coalition FTC (réseau mondial de la société civile qui s’efforce de réduire les flux financiers illicites), ainsi que d’Oxfam (mouvement mondial travaillant pour des solutions durables à la pauvreté et aux inégalités) et enfin de l’Internationale des services publics ISP (Fédération syndicale mondiale).

S’interrogeant pendant plusieurs heures sur les actions en termes de fiscalité et de transparence à mener pour répondre dans l’immédiat aux conséquences de la crise de la Covid-19, ce rassemblement virtuel a mis en lumière les enseignements à en tirer.

Avec les participants, des représentants de la société civile, du monde politique, de la communauté universitaire, des affaires, du secteur de la santé, des médias de médias d’Algérie et d’un peu partout dans le monde, le panel d’experts et de chercheurs issus de grandes universités africaines, européennes, indiennes, australiennes et américaines et de hauts responsables au sein d’organisations, institutions et organes économiques internationaux ont ainsi longuement échangé sur la nécessité et les possibilités d’adaptabilité, de créativité et d’innovation pour affronter efficacement cette crise et pouvoir en sortir avec un minimum de dégâts sur le plan sanitaire, économique et social.

«Le coût économique global de la crise Covid-19 n’est pas encore connu dans sa totalité, mais les estimations se chiffrent déjà en billions de dollars. Plus d’un milliard de travailleurs sont menacés par le chômage, principalement dans des emplois mal payés, où une perte soudaine de revenus est dévastatrice», rapportent les organisateurs dans un communiqué conjoint transmis à notre rédaction.

Y est-il en outre relevé que «les besoins des pays en développement sont souvent négligés dans les discussions sur la crise, et pourtant, ils concentrent la majorité des populations les plus vulnérables. Leurs perspectives et leurs besoins doivent donc être entendus et intégrés dans les réponses politiques à la pandémie».

Dans ce contexte de pandémie, d’une rare gravité, les décideurs politiques se retrouvent aux prises avec d’énormes problèmes de ressources. Des mesures urgentes s’imposent pour y faire face : «Une multitude de propositions politiques ont déjà surgi dans le monde entier, certaines étaient déjà en discussion, d’autres étaient impensables auparavant.

Nombre de ces mesures visent à augmenter les revenus des gouvernements en sollicitant ceux qui ont le plus de moyens, à capturer des richesses cachées dans des paradis fiscaux et à récupérer des revenus exceptionnels auprès des entreprises qui profitent de la crise et des progrès technologiques à plus long terme», rapportent-ils.

Opposant santé contre richesses, les conférenciers ont surtout pu examiner, à la fois, les concentrations de richesses et les revenus des entreprises et discuter du potentiel des réformes proposées et des priorités des décideurs politiques aux fins de gérer au mieux le fardeau fiscal de la Covid-19.

L’impact sur l’économie et les finances publiques

En termes d’emploi, l’Organisation internationale du travail (OIT) craint, pour sa part, que «la moitié des travailleurs puissent perdre leur emploi au cours des prochains mois». S’agissant des finances publiques, la crise du Covid-19 «va entraîner des chocs simultanés de l’offre et de la demande qui vont se traduire rapidement par une diminution de la collecte fiscale dans tous les pays.

Ces baisses seront particulièrement prononcées pour l’impôt sur les sociétés, qui a tendance à baisser fortement en période de ralentissement économique», s’alarment les juristes de l’ICRICT.

Flux financiers illicites, l’autre phénomène au cœur des débats. «l’activité financière illicite a déjà augmenté et la tendance devrait se poursuivre pendant la crise du Covid-19 les pays en développement étant ceux qui vont le plus souffrir de l’instabilité et d’une moindre attention sur ces questions», y a-t-on prévenu.

Justement, comment agissent et réagissent, globalement, ces pays en développement frappés de plein fouet par la pandémie ? «La faiblesse des systèmes des soins de santé et d’autres vulnérabilités dans les pays émergents et en développement pourraient avoir des effets dévastateurs sur le plan humain et économique.

En outre, les nombreux travailleurs informels dans les pays en développement ont tendance à manquer de protection juridique et sociale, ce qui les rend vulnérables aux coûts économiques et sociaux de la pandémie», se soucie-t-on. Pis, «sur le plan économique, la plupart des pays en développement sont confrontés à une combinaison de baisses rapides des recettes d’exportation et du tourisme et de sorties de capitaux», a-t-on mis en garde. En chiffres, au cours des deux premiers mois de la crise, les sorties de portefeuille des marchés émergents ont été estimées à 100 milliards de dollars.

Et de soulever : «Alors que la plupart des pays riches mettent en place d’importants plans de relance budgétaire, la tâche est plus difficile pour les pays en développement, qui ne disposent pas de réserves importantes de devises fortes.

Qui plus est, ils ne peuvent pas emprunter dans leur propre monnaie et beaucoup d’entre eux ne peuvent pas non plus contracter de dettes importantes». Partant, «la marge de manœuvre politique est réduite par les contraintes extérieures pesant sur la balance des paiements et par la crainte d’une fuite des capitaux», s’accordent à constater les conférenciers.

Vers plus d’inégalités

Et pourquoi l’inégalité, déjà fortement présente, est-elle susceptible d’augmenter ? Certes, «toutes les sociétés sont vulnérables, mais la capacité à répondre efficacement à cette crise diffère considérablement d’un pays à l’autre», rétorque-t-on. En matière de santé, le constat dressé par les intervenants très peu rassurant, du moins pour les pays en développement.

En témoigne : Les pays les plus développés disposent, en moyenne de 55 lits d’hôpital, plus de 30 médecins et 81 infirmières pour 10 000 personnes, contre à peine 7 lits d’hôpital, 2,5 médecins et 6 infirmières en moyenne dans les pays les moins développés.

De par ses répercussions dévastatrices, tous azimuts, les conférenciers ne pouvaient pas faire l’impasse sur l’économie souterraine, fléau qui, à l’instar de nombre de pays en développement, continue de gangrener dangereusement l’Algérie : «La crise va probablement accroître l’emploi informel comme stratégie de survie.

En Amérique latine, par exemple, 53,1% des travailleurs travaillaient dans le secteur informel en 2016. Le travail informel est susceptible d’être moins sûr, moins protégé et moins bien payé», prédisent les experts de l’OIT.

Et qu’en est-il de la pauvreté que la Covid-19 risque d’exacerber davantage ? S’appuyant sur les dernières statistiques de la Banque mondiale, les représentants de différentes institutions onusiennes et d’ONGs ayant pris part à la rencontre étaient quasi formels. Le virus est susceptible de faire basculer entre 40 et 60 millions de personnes dans l’extrême pauvreté cette année, l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud étant les plus affectées.

Quant à la famine, cet autre virus qui ne cesse de se propager silencieusement, les responsables du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies avertissent que «la pandémie pourrait doubler le nombre de personnes souffrant de faim aiguë, le faisant passer à plus d’un quart de milliard d’ici la fin de 2020».

La liaison dangereuse Covid 19 et Genre était également au menu du forum virtuel de jeudi passé. Crise sanitaire aidant, les problématiques plurielles persistantes inhérentes aux inégalités homme-femme pourraient refaire surface mais avec une plus grande ampleur.

Dans tous les domaines, santé, économie, sécurité et protection sociale, «les effets du Covid-19 sont exacerbés pour les femmes et les filles. Le travail de soins non rémunéré a augmenté du fait de la non-scolarisation des enfants, des besoins accrus de soins pour les personnes âgées et des services de santé débordés.

Les femmes sont également en première ligne de la lutte contre la Covid-19, représentant 70% des travailleurs de la santé et des services sociaux dans le monde. Ce sont aussi celles qui disposent des contrats de travail les plus fragiles», soulignent les experts.

A les en croire, la Covid-19 continuera de tester tous les pays touchés sur un autre front; les disparités sociales et raciales : «Aux États-Unis, par exemple, des données récentes indiquent que les décès dus au COVID-19 sont disproportionnellement élevés parmi les communautés noires et latinos en particulier».

Cette pandémie ébranlant la planète toute entière et toujours pas près de s’estamper, a aussi mis à nu l’étendue du fossé numérique entre le nord et le sud : «Avec la généralisation des politiques de confinement, la fracture numérique est devenue plus importante que jamais.»

Pour preuve : quelque 6,5 milliards de personnes dans le monde, soit 85,5% de la population mondiale n’ont toujours pas accès à un Internet à haut débit de qualité, soutiennent les spécialistes du numérique.

«Ce qui limite leur capacité à travailler, à accéder à l’information publique et à poursuivre leurs études, quelles que soient les formes de confinement et les restrictions sociales.»


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