Algérie / Réactions au discours du chef d’état major de l’armée : Des partis et des personnalités expriment leur inquiétude

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Riyad Hamadi 
01.05.2019

« Faudrait-il en arriver à regretter Bouteflika ? », s’interroge Saïd Sadi qui dénonce « un coup d’État blanc »

Saïd Sadi a une nouvelle fois critiqué, ce mercredi 1er mai, les déclarations du général Ahmed Gaïd Salah qui a estimé, hier mardi, que l’élection présidentielle est la seule voie pour le règlement de la crise actuelle.

Dénonçant une « régression en marche », l’ancien président du RCD s’interroge dans une contribution publiée sur sa page Facebook : « Faudrait-il en arriver à regretter Bouteflika ? ». Avant de répondre : « Grotesque sinon provocatrice, la question vient s’ajouter aux tourments de l’actualité ! Le fait est qu’en l’état actuel des choses, les propositions confessées par l’ancien chef d’État – juste avant d’être éjecté par son fidèle chef d’état-major, lui-même pressé par la rue – sont nettement moins contraignantes que l’entonnoir politique dans lequel ce dernier cherche à engager la Nation ».

Avant son départ, Abdelaziz Bouteflika avait proposé un report de l’élection présidentielle avec « une période de transition inclusive limitée dans le temps et qui aurait à définir les perspectives qui conviennent le mieux au pays », rappelle Saïd Sadi. Aujourd’hui, « le chef d’état-major, désormais président de fait, exige de tout un chacun de se soumettre à un diktat intangible : les instances de l’ancien régime doivent organiser les élections présidentielles « dans les meilleurs délais ». « Autant dire que dans ces conditions, les appels au dialogue signifient que le système décrié par des millions d’Algériens depuis maintenant deux mois et demi a de beaux jours devant lui », poursuit-il.

Pour Saïd Sadi, Ahmed Gaïd Salah dit « une chose et son contraire ». Ce qui ne constitue pas « la meilleure façon de ménager une crédibilité déjà sujette à caution ».

« L’homme qui répète à l’envie ne pas faire de politique dit inscrire ses actes dans le strict respect de la Constitution. A la fois serpillière et étendard de l’oligarchie, la loi fondamentale du pays est foulée aux pieds sans état d’âme quand il faut imposer un abus ou satisfaire un caprice. Le même texte est opposé au peuple souverain comme un totem dès qu’il proclame sa volonté d’en finir avec l’un des derniers avatars politiques post-coloniaux », souligne le fondateur du RCD.

« Les allégations qui consistent à justifier un statut de tuteur autoproclamé de la Nation par des attributions constitutionnelles qui seraient conférées à l’armée ne reposent sur aucune réalité. Nulle disposition de la Constitution ne donne le droit à un chef d’état-major, fut-il vice-ministre de la Défense, de dicter ses volontés à la patrie ni, d’ailleurs, d’instruire la justice pour quelque mission que ce soit », poursuit-il.

Pour Saïd Sadi, nous sommes dans une configuration de « coup d’État blanc », avec notamment l’utilisation de la lutte contre la corruption comme instrument de diversion. « La lutte anti-corruption par laquelle l’état-major croit faire diversion sur l’exigence de changement tout en justifiant une confiscation du pouvoir qu’il faut bien appeler par son nom : un coup d’État blanc ».

« L’artifice n’a rien d’inédit. L’empereur égyptien Sissi a fait emprisonner tous ceux dont il suspectait, à tort ou à raison, des velléités de contestation de son hégémonie politique. Qu’en l’occurrence, le coup de force se fasse directement ou par procuration ne change rien au problème de l’illégitimité qui frappe ce type d’opération », souligne-t-il.

« Devant ces réactions, somme toutes grégaires, on hésite entre ironiser sur une tentation pathétique qui ne renonce pas à commettre un hold-up sur une révolution citoyenne sans précédent ou condamner une ambition irresponsable pouvant conduire le pays vers l’abîme », écrit Saïd Sadi.

« Cependant, une chose se profile un peu plus de semaine en semaine. Il se confirme qu’une rencontre féconde entre l’état-major et la révolution citoyenne a de moins en moins de chance de se produire. Si la raison ne prévaut pas, si les choses n’évoluent pas rapidement vers plus de lucidité, si les inclinations maladives à la ruse ne cèdent pas, le croisement, s’il devait avoir lieu, ne se fera pas dans le calme et la sérénité attendus par le mouvement. Jusque là, le citoyen a su faire preuve de patience et de maturité. C’est tout à son honneur. Dans ce genre de phase historique, les enseignements sont pourtant sans appel. A vouloir tout avoir, on finit par déchoir », conclut, sous forme d’avertissement, l’ancien leader du RCD.


Souhila Hammadi
02.05.2019

Hakim Belahcel, Premier secrétaire du FFS 
“L’armée n’a pas le droit d’imposer sa feuille de route”

Le Premier secrétaire du FFS évoque une propension, chez le vice-ministre de la Défense nationale, à “ne pas comprendre ou il ne veut pas admettre que le peuple algérien n’accorde aucun crédit et aucune confiance à ses discours hebdomadaires”. Hakim Belahcel relève une contradiction marquante entre la parole et les actes du général de corps d’armée. “Il passe son temps à promettre de préserver la révolte populaire de toute pression et de toute répression. Sur le terrain (…) l’immense dispositif sécuritaire déployé à travers le pays était, au contraire, instruit de réprimer les marches des étudiants, malmener les manifestants et empêcher des centaines de milliers de nos compatriotes de se rendre dans leur capitale pour marcher librement.” Au-delà, le principal responsable du plus vieux parti d’opposition n’accorde aucun crédit à la démarche de Gaïd Salah, qui ouvre des dossiers de corruption de manière sélective, entraînant l’appareil judiciaire dans “un labyrinthe de règlements de comptes et de luttes de clans. En l’absence d’une véritable justice indépendante évoluant dans un État de droit, ces campagnes judiciaires n’intéresseront que leurs acteurs”. Il lui reproche aussi de maintenir, contre vents et marées, “un gouvernement illégitime et entretient des institutions factices (…), remettant en cause l’impérative urgence d’enclencher une véritable transition démocratique”. Globalement, le FFS, qui met en évidence l’empiètement de la Constitution par l’incursion du général de corps d’armée dans le champ politique, considère qu’“il n’a aucun droit d’imposer sa propre feuille de route politique aux millions de citoyens qui manifestent une volonté inusable de mettre fin aux simulacres électoraux et de s’inscrire enfin dans un processus de transition démocratique”.S

Abdelouahab Fersaoui, président du RAJ
“Dire que la crise a été inventée est une insulte à l’intelligence du peuple”

Le président du RAJ (Rassemblement actions  jeunesse) a commenté, sur les réseaux sociaux, le  passage du discours du chef d’état-major dans   lequel il affirme que le mouvement  populaire a été instigué, dès son déclenchement le 22 février dernier, par l’ancien patron du DRS, qui continue à infiltrer ses éléments dans les marches. “Dire que la crise a été inventée est très grave, c’est une insulte à l’intelligence des millions d’Algériennes et d’Algériens qui sont sortis dans les rues des 48 wilayas, rejetant d’une manière haute et forte ce système corrompu et machiavélique.” Pour le militant politique, le pouvoir ne veut rien céder au détriment de l’intérêt du peuple et de la nation. “Il va continuer ses manœuvres et ses tentatives pour diviser et affaiblir le mouvement. Le peuple n’est pas dupe. Rien ne pourra arrêter sa marche vers le changement démocratique et pacifique. Nous avons le temps, la détermination et la patience nécessaires.” 


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