Livre / Fodil Sid Lakhdar, parcours d’un agent secret algérien (roman)

Le livre vient tout juste de paraître. Dans cet ouvrage de 168 pages, notre confrère et doyen de la presse à Tlemcen, Abdelmadjid Berrezal, qui a exercé dans plusieurs médias nationaux, a voulu rendre un hommage posthume au regretté Fodil Sid Lakhdar, un personnage hors du commun, actif militant de la cause nationale, condamné à mort par l’OAS « avant que ce héros épique ne tombe dans l’oubli ». D’emblée, l’auteur décrit le milieu social et géographique dans lequel Fodil a évolué et retrace le parcours de ce descendant de Sidi Lakhdar Benkhlouf qui avait habité à Derb Sensla (au cœur de la Kissaria de la ville de Tlemcen).

Fodil Sid Lakhdar

« Il était inscrit à l’école primaire Décieux, avant d’accéder au cours complémentaire Jules Ferry dix ans avant le déclenchement de la guerre de libération nationale. Il avait été sensibilisé dès l’âge de 15 ans aux questions en rapport avec la préparation de l’insurrection et la mobilisation des masses pour le triomphe des libertés fondamentales.

Mais, là où il a montré son engagement total pour l’indépendance de l’Algérie, c’était au moment où Ahmed Medeghri qui gardait un contact permanent avec les membres de sa famille à Tlemcen, avait demandé à Fodil, au nom du FLN, de trouver un moyen judicieux pour s’infiltrer dans l’administration française afin de pouvoir servir à sa manière la cause nationale.

Alors qu’il avait pris la ferme décision d’abandonner ses études pour rejoindre les frères dans le djebel, le voici entraîné dans une aventure à plusieurs rebondissements dont il ne connaît ni les tenants ni les aboutissants. L’appel de Medeghri allait changer la donne ». L’auteur a souligné qu’après le massacre qui avait coûté la vie à de nombreux innocents, consécutivement aux rafles, aux descentes nocturnes des militaires dans les habitations, semant la peur et le désespoir, Fodil, « La taupe», a fait mûrir un scénario « catastrophe» qu’il voulait matérialiser le lendemain au sein de la préfecture.

La tentative d’élimination du préfet ayant échoué, il a envisagé carrément de mettre le feu au bureau des passeports et des cartes d’identité, en rejoignant son travail avant tout le monde, pour avoir le temps d’agir seul. Il avait alors prévu de dissimuler sur lui deux bouteilles d’essence transformées en cocktail Molotov, avec l’idée de créer une grande déflagration au sein même du secrétariat, explosion qui serait suivie d’un incendie, créant une panique générale au sein de l’administration coloniale.

Ce foyer embraserait tous les documents et les équipements en place. « Ce serait là un coup d’éclat retentissant pour la Révolution » pensait-il tout bas.

Toute la presse en aurait parlé. Il pensait qu’en haut lieu, une telle opération ébranlerait le commandement militaire français qui va se rendre compte de la volonté du peuple algérien, uni derrière le FLN et son bras armé, l’ALN, pour poursuivre sans répit la lutte devant le mener inexorablement vers l’indépendance.

Ce serait, pensait-il, une manière supplémentaire de démonter à travers ces faits d’armes, que même le temple de commandement de l’administration coloniale est dans le viseur des combattants algériens. « Qu’importe si je devais être passé immédiatement par les armes», s’était-il dit dans son subconscient, pourvu que la mort de l’Imam de la grande mosquée de Tlemcen soit vengée, ainsi que celle de ses compagnons et des citoyens sacrifiés sur l’autel de la conquête française.

Il a tout préparé la veille, pensant même à s’imbiber exagérément de parfum pour couvrir l’odeur de l’essence. Comme la nuit porte conseil, il s’est ravisé à l’aube en faisant sa prière, il estima après moult réflexions que la continuité de sa mission serait plus utile pour la révolution que cet acte « d’immolation » limité dans le temps et dans l’espace.

Durant le trajet qui le menait à son bureau, il commença à réfléchir sur d’autres actions possibles pour marquer le combat libérateur des patriotes, comme par exemple le fait de saboter le véhicule du préfet pour provoquer un accident mortel de ce dernier, mais encore fallait-il pouvoir accéder au garage étroitement surveillé. Il a même envisagé la possibilité de poignarder son chef de service puis, dans sa fuite éperdue, achever la sentinelle en faction devant l’entrée du bureau en lui portant un coup de poignard au dos. Chaque fois, il élaborait un scénario « débâcle », mais il demeurait impuissant quant à sa mise à exécution. Il pensait plus aux conséquences de l’acte que l’exécution de ce dernier.

Khaled Boumediene (Le Quotidien d’Oran).

20.10.2015

Il y a trois ans disparaissait Sid Lakhdar.

Il y a trois ans, plus précisément le 19 octobre 2012, disparaissait à Tlemcen le moudjahid Hadj Sid Lakhdar Fodil, à l’âge de 78 ans, après une longue maladie. Il avait déserté en 1956 les bancs du lycée franco-musulman de Tlemcen pour rejoindre le mouvement de résistance. Il avait réussi à s’infiltrer dans l’administration française pour confectionner de faux documents afin de permettre aux moudjahidine de traverser, sous des noms d’emprunt, la frontière pour se rendre au Maroc rejoindre les camps d’entraînement. Sid Lakhdar avait aussi participé, avec son demi-frère Mahboub Nour-Eddine, à la confection de bombes artisanales. Au lendemain de l’indépendance, le défunt avait été nommé chef de cabinet à la wilaya de Tlemcen au temps du préfet Ahmed Medeghri durant les premiers moments de l’administration algérienne. Le premier décembre 1962, le descendant de Sidi Lakhdar Benkhlouf (qui a vécu au XVIe siècle dans la région de Mostaganem parmi la tribu des Maghraoua), avait reçu des mains du capitaine Moine, commandant du 63ème bataillon du génie français, les clés du palais du Méchouar, restitué à l’Etat algérien conformément aux accords conclus entre les deux pays. Il s’agit de l’imposante citadelle édifiée en 1145 par Abdelmoumene Ben Ali, premier chef almohade, lieu hautement symbolique de l’histoire du Maghreb central avec une forte charge mémorielle. 

Khaled Boumediene

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