Algérie / le 20e vendredi de contestation coïncide avec le 57e anniversaire de l’indépendance

Une foule imposante de manifestants a investi les rues d’Alger et dans plusieurs autres villes du pays ce 5 juillet, jour de la fête nationale, malgré un important dispositif policier, pour le 20e vendredi de manifestations contre le pouvoir.

La contestation en Algérie s’exprime encore ce 5 juillet pour le 20e vendredi d’affilée, avec notamment une manifestation importante dans la capitale Alger, où beaucoup avaient décidé de converger, ainsi que dans d’autres villes du pays. «Algérie, libre et démocratique», scandent les manifestants, entre autres slogans, la plupart hostiles au pouvoir en place.

Il est difficile d’estimer le nombre de manifestants, la police algérienne ne communiquant jamais de décompte, mais il se chiffre probablement en dizaines de milliers de personnes si on en croit les images et les directs filmés sur les réseaux sociaux.

Selon la journaliste Leïla Berrato, présente sur place à Alger, après la baisse enregistrée lors des derniers vendredis, cette manifestation réunit beaucoup de monde. Le journaliste Khaled Drareni parle de dizaines de milliers de personnes présentes qui scandent des slogans hostiles au chef d’état major Ahmed Gaïd Salah, devenu l’homme fort du pays de facto depuis la démission de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika le 2 avril.

Les slogans hostiles à Gaïd Salah sont légion et réclament son départ du commandement de l’armée.

Dans d’autres villes, comme à Constantine, Tizi Ouzou, Bouira ou Tiaret, des manifestations importantes ont également lieu. Ici par exemple à Tizi Ouzou, les manifestants scandent : «Un Etat civil et non militaire».

Cette journée coïncide avec le 57e anniversaire de l’indépendance du pays du colonialisme français le 5 juillet 1962. De slogans en mémoire des martyrs de la guerre d’Algérie sont scandés.

En plus d’exiger le départ des tenants du pouvoir proches de Bouteflika, dont font partie le président par intérim et le gouvernement de transition, les manifestants réclament la libération des personnes arrêtées et incarcérées lors des dernières mobilisations en possession d’un drapeau amazigh (berbère) lors des deux précédentes mobilisations (21 et 28 juin) et accusées d’«atteinte à l’unité nationale».

Le 3 juillet, Abdelkader Bensalah, le président par intérim a annoncé la création d’une instance de dialogue menée par des personnalités «indépendantes, crédibles et sans ambition électorale», en vue d’organiser une élection présidentielle le plus tôt possible pour sortir le pays de la crise. Ce processus se fera, a-t-il assuré, «sans l’Etat et sans l’armée» qui observeront la plus stricte «neutralité», a-t-il promis.

De quoi satisfaire une des revendication principales des contestataires qui refusaient que le «système» en place organise la présidentielle. Ils réclament en outre en guise de préalable le départ de tous les anciens soutiens d’Abdelaziz Bouteflika, resté près de 20 ans au pouvoir. Le scrutin présidentiel qui devait se tenir ce 4 juillet a été annulé faute de candidats. Abdelkader Bensalah, qui assure l’intérim depuis le 9 avril, devait rendre le pouvoir avant l’issue de la période de 90 jours prévue par la Constitution, mais compte tenu du contexte actuel il a déjà annoncé qu’il prolongerait ses fonctions jusqu’à l’élection d’un nouveau président.

Lire aussi : Algérie : Bensalah appelle à un dialogue «sans l’Etat et sans l’armée», à la veille du 5 juillet


05.07.2019

Des millions d’Algériens manifestent et exigent le départ du général Gaïd-Salah

Le peuple est déterminé à éradiquer l’ancien système. PPAgency

Par Houari A. – Ils sont des millions à battre le pavé à travers les quarante-huit wilayas, ce vendredi 5 Juillet, date anniversaire de la double fête de l’Indépendance et de la Jeunesse. Le nom du moudjahid Lakhdar Bouragaâ est scandé à travers tout le pays, les manifestants appelant à sa libération immédiate et considérant son emprisonnement comme une insulte à la Guerre de libération nationale.

L’incarcération de l’ancien chef de la Wilaya IV historique est la goutte qui a fait déborder le vase. Elle est venue quelques jours après l’interpellation de plusieurs manifestants et leur mise sous mandat de dépôt pour avoir manifesté avec le drapeau amazigh. Des arrestations qui ont fait suite à des menaces proférées par le chef d’état-major de l’armée quelques jours auparavant.

Ce vendredi, les millions de manifestants ont été unanimes à considérer que la révolution pacifique lancée le 22 février dernier est en train d’être détournée et contrecarrée par les vestiges du système Bouteflika qui ont concouru à son maintien depuis 1999 jusqu’à sa démission. Mais les Algériens ne l’entendent pas de cette oreille et n’abdiquent pas face aux discours virulents du patron de l’armée. La réponse d’aujourd’hui aux harangues répétitives de Gaïd-Salah, perçu désormais comme un «facteur de blocage qui empêche toute solution sérieuse», pourrait apporter d’importants changements dans les jours à venir, la situation étant revenue à la case de départ à cause des atermoiements de celui qui détient le pouvoir absolu depuis la chute de Bouteflika.

«La crise s’enlise et les décideurs du moment semblent chercher à gagner du temps pour on ne sait quel but inavoué», commente un manifestant, universitaire, qui ne cache pas son souhait de voir «partir les derniers symboles civils et militaires du régime Bouteflika dans les plus brefs délais pour permettre à des personnalités consensuelles de diriger une courte période de transition avant de rétablir le processus électoral sans les figures de la fraude et de la prévarication».

Un autre manifestant se dit convaincu que «le peuple aura le dernier mot» et que «le changement exigé par des millions de citoyens depuis plus de quatre mois est plus que jamais proche». «Que reste-t-il à l’octogénaire Gaïd-Salah à part démissionner et laisser sa place à un officier jeune qui éloignera notre glorieuse armée définitivement de la politique et la concentrera sur sa mission constitutionnelle de défense nationale et sa professionnalisation ?», fait observer un citoyen qui appelle de ses vœux l’avènement d’une deuxième République «expurgée des reliquats et des tares de l’ère Bouteflika».

Le divorce entre le peuple et le chef d’état-major de l’ANP est définitif.

H. A.


La rue ne veut pas du compromis proposé par Bensalah

par Kharroubi HabibMercredi soir, le président de l’Etat Abdelkader Bensalah a dévoilé à la nation une nouvelle approche du pouvoir concernant le règlement de la crise qui tout en privilégiant la voie électorale à travers l’organisation d’une élection présidentielle dont la priorisation ne fait pas consensus, fait tout de même droit à l’exigence populaire qu’il ne saurait être question qu’une telle élection soit confiée aux soins de symboles du régime déchu encore en place et en vertu des dispositions électorales en vigueur dans le pays. 

Au nom du pouvoir de fait dont il est le porte-voix, Bensalah a pris l’engagement que ni ce pouvoir de fait ni l’Etat qu’il incarne n’interviendront dans le dialogue qu’il demande à la classe politique, à la société civile et au mouvement populaire d’ouvrir pour convenir des conditions et mécanismes à même de garantir la transparence et la régularité du processus électoral. Sur ce plan, le pouvoir de fait a concédé que ce dialogue aurait pour pilote des personnalités nationales dont les profils agréent à ses parties prenantes et n’ayant pas d’ambitions politiques. De même qu’il a concédé toute latitude à celles-ci de proposer les amendements et autres modifications à la loi électorale qu’elles estimeront indispensables à l’organisation d’une élection à l’abri de la tentation à la fraude. Ces concessions ne semblent pas pour autant avoir ouvert la voie à la tenue de cette élection présidentielle sur laquelle le pouvoir de fait maintient le cap malgré les préventions qu’elle suscite. 

Les réactions à l’offre dévoilée par Bensalah ne sont pas en effet de celles qui augurent de son acceptation. Elle est certes applaudie par les piliers partisans décriés du régime déchu que sont le FLN et le RND mais rejetée par le pôle dont les segments prônent un processus impliquant non d’aller d’abord à une élection présidentielle mais à une constituante chargée de revoir de fond en comble les fondamentaux constitutionnels sur lesquels se sont bâtis le système et le régime dont les Algériens ne veulent plus. Qui plus est elle ne paraît pas satisfaire également le pôle agrégeant des partis et représentations de la société civile ne faisant pas exigence d’une constituante en guise de passage obligé pour la résolution de la crise. 

Le rejet des uns et les réticences des autres qui se sont exprimés après le discours de Bensalah ne sont pas les seuls indicateurs que l’offre du pouvoir est insuffisante à débloquer la situation politique. Celui qui en est le plus probant est dans la réponse faite hier vendredi à cette offre par le mouvement populaire qui a clairement signifié à ses promoteurs qu’elle ne répond pas à sa revendication inchangée d’une solution à la crise exempte de toute possibilité pour les tenants du système et du régime de Bouteflika leur permettant d’en imposer les résurgences et la pérennisation. Venant de Gaïd Salah et exprimée par Bensalah en qui le mouvement populaire voit des symboles du système et du régime parmi les plus honnis, il y a peu de chance que la rue donne sa bénédiction au compris qu’ils tentent de lui faire accepter et aux partis et représentants de la société civile qui plaideront en sa faveur. 


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