Algérie / Phase critique : dialoguer avec qui ?

Les signaux se révèlent, principalement des actes de violence lors des manifestations. Elles viennent, d’une part, de la police (au lieu de protéger les citoyens manifestants, elle les réprime), donc du « système » contesté, et, d’autre part, d’individus apparemment incontrôlés (mais, alors, la police ne devrait-elle pas veiller à empêcher ces « débordements »?).

Et cela tandis que l’Algérie est militairement encerclée par des puissances étrangères, cherchant à introduire leurs harkis armés[1], tandis qu’à l’intérieur commencent à se montrer les représentants du FIS, et agissent dans l’ombre des agents occultes, membres de clans écartés auparavant par les l’oligarchie bouteflikienne au pouvoir.

Certes, les manifestations populaires sont à l’origine de tous ces chamboulements. Cependant, le peuple semble être entre l’enclume (menaces étrangères et menaces internes) et le marteau (le « système » étatique contesté). Tandis que des « personnalités » de toutes sortes se proposent (et/ou se font proposer par leurs « supporters », de douteuse origine) de représenter ce peuple, lequel ne les a jamais désignés.

Dès lors, comment ce peuple pourrait-il concrétiser ses revendications légitimes, en évitant en même temps : 1) la désintégration de la nation, voulue par des puissances étrangères et leurs harkis indigènes, 2) l’affaiblissement de son armée, tout en la voulant débarrassée des membres du « système » contesté qui s’y trouvent, 3) la récupération du mouvement populaire par une oligarchie nouvelle, masquée en « élite » bienfaisante, « démocratique » et « populaire » ?

« Dialoguer avec qui ? » demandent toutes les voix, les unes de bonne foi pour arriver à la phase constructive du mouvement populaire[2], les autres de manière opportuniste pour justifier la pérennité du système social contesté, en recourant à des personnages pseudo-représentatifs, ayant appartenu à ce même système, d’une manière ou d’une autre. Cependant, la question est, en elle-même, totalement pertinente, urgente et stratégique.

Existe-t-il d’autre solution réelle et logique que celle consistant, pour le peuple, à se créer ses propres institutions autonomes, libres, égalitaires et solidaires ?… Il semble que les consciences populaires n’y sont pas sensibilisées suffisamment, tandis que, désormais, le temps paraît jouer objectivement contre le mouvement populaire, car ses adversaires extérieurs et intérieurs sont, eux, bien dotés du point de vue organisationnel pour défendre leurs intérêts oligarchiques.

Tant que les manifestations populaires ne sont pas complétées par l’instauration d’institutions de pouvoir populaire, choisissant ses représentants authentiques de manière démocratique, sur mandat impératif, et bénéficiant d’un salaire non supérieur à celui d’un travailleur moyen (uniques mesures pour éviter la formation d’une nouvelle oligarchie), tant que ce pouvoir populaire institué n’est pas constitué pour se confronter et dialoguer, par l’intermédiaire de ses authentiques représentants, avec le pouvoir étatique, il y a à craindre non seulement pour l’échec du mouvement populaire, mais pour l’unité et l’indépendance du pays elles-mêmes. En effet, le risque n’est pas seulement de ne pas aboutir à la démocratie tant voulue par le peuple, mais à la perte de l’indépendance nationale, à la suite de tellement autres pays de la « périphérie » de l’empire impérialiste. Qui s’oppose et détruit sans proposer et construire, finit par etre détruit. Un projet social ne se concrétise jamais uniquement avec des « non » (des « Dégage ! »), mais avec des « oui », des « Voici nos représentants ! ». Combien d’Algériennes et d’Algériens, parmi les manifestants, en sont conscients[3] ?

Les femmes et les hommes, les jeunes et les adultes, les pas instruits et les instruits du mouvement populaire algérien sauront-ils s’auto-organiser avec leurs propres représentants ? Quant aux dotés de savoir social adéquat, ou prétendus tels, ne sonstatons-nous, depuis bien avant le surgissement de l’insurrection pacifique populaire actuelle, un excès de dénonciations des tares du système social contesté, mais une flagrante et affligeante insuffisance, quand pas incapacité, à formuler des propositions concrètes pour construire un système social répondant aux intérêts du peuple ?… Des réponses à ces questions dépend l’avenir du présent mouvement populaire.

Kaddour Naïmi,

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[1]     Voir l’intéressante analyse in http://prochetmoyen-orient.ch/hirak-en-algerie-entre-realite-et-manipulations/#enfootnote13anc

[2]     Voir « Pour la phase constructive du mouvement populaire »,  in http://kadour-naimi.over-blog.com/2019/04/pour-la-phase-constructive-du-mouvement-populaire.html

[3]     Voir « Interrogations et réflexions » in http://kadour-naimi.over-blog.com/preview/1bf9ab0388bd21c0d8637c093ba33e3c5afd9445


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