Algérie / Qui est pour la démocratie ?

Points de vue

Je n’ai pas lu le dernier livre de Ahmed Bensaada (1), cependant son ouvrage précédent « Arabesque américaine » démontrait un auteur qui raisonne correctement en présentant des documents irréfutables. Ce sont là les deux caractéristiques fondamentales d’une personne authentiquement libre de toute institution de pouvoir.

  Voir donc sa dernière publication non pas examinée comme elle le mérite, c’est-à-dire avec la même démarche que celle de l’auteur, mais simplement stigmatisée, cette réaction prouve simplement que les prétendues « élites » algériennes, à l’intérieur ou dans la diaspora, sont l’expression de que j’ai appelé le « nouveau harkisme néo-colonial » (2).

Ceci étant éclairci, la présente contribution espère ajouter , sinon éclairer davantage, un argument.

Ahmed Bensaada note, à juste titre, que ses « critiques », plus exactement accusateurs , manifestent, à leur insu, une contradiction significative : ils prétendent défendre la « démocratie », mais se comportent en inquisiteurs, autrement dit totalitaires, donc anti-démocratiques.

À propos de l’un des inquisiteurs, Lahouari Addi, A. Bensaada écrit : « Il y expliqua ses relations avec un organisme américain d’ « exportation » de la démocratie. Très correcte la démarche si ce n’est un petit hic : il traita l’auteur de l’ouvrage, c’est-à-dire moi, de « doubab » (mouche en arabe). » (3)

  1. Bensaada note, justement, que ce langage est indigne d’une personne qui se présente comme « professeur » d’université.

De la « respectabilité » académique.

Cependant, une remarque. Concernant ce personnage, A. Bensaada écrit : « Respectez votre niveau académique, voyons! Évitez d’utiliser ce genre d’expressions qui peuvent entacher votre respectabilité et nuire à votre rang social. »

Question : depuis quand un « niveau académique » est automatiquement synonyme de « respectabilité » et de « rang social » ?… Ne sait-on pas que depuis toujours et partout dans le monde, ces caractéristiques ont été celles de scribes égyptiens antiques, de mandarins chinois impérieux, de mercenaires de la pensée, bref, pour employer un terme algérien, de harkis idéologiques ?

  1. Bensaada, par son langage à l’encontre de Lahouari Addi, favorise sa crédibilité, ce qui est une grave erreur. En effet, consultez les réseaux sociaux. Vous constaterez le nombre de personnes qui évoquent la qualité de « professeur » du personnage en question pour affirmer la valeur de ses « analyses », de ses « opinions ». Eh bien, non ! Être « professeur » d’université, même « émérite », même « invité » par une université des États-Unis, ne signifie au aucun cas automatiquement qu’on a affaire à une personne au raisonnement correct, fournissant des preuves irréfutables, bref à une personne libre de toute dépendance avec une institution de pouvoir dominateur.

Des « exportateurs » de démocratie.

Une autre remarque concerne le même Laouahi Addi. À son sujet, A. Bensaada écrit : « Il y expliqua ses relations avec un organisme américain d’ « exportation » de la démocratie. Très correcte la démarche ».

Objection, et voici pourquoi. Où est la « correction » dans le fait de collaborer avec un organisme états-unien qui s’est toujours distingué, dans ses actions d’ « exportation » de la démocratie, par favoriser, à travers des agents locaux rémunérés, le remplacement d’une oligarchie certes dictatoriale, par une autre, dont la pratique démocratique est totalement formelle, et, en substance, une forme nouvelle de dictature, avec cette différence : la nouvelle dictature favorable aux intérêts impérialistes états-uniens.

Dans sa justification de sa participation à l’organisme « exportateur » de démocratie, Lahouari Addi évoque d’autres collaborateurs auxquels il prête des vertus « démocratiques », de « gauche » et même « anti-impérialistes ». Question : depuis quand une institution états-unienne a favorisé l’établissement d’une réelle démocratie dans le monde ?

Certes, les gouvernants états-uniens ont contribué, avec le concours de l’ex-URSS, – ne l’oublions pas ! -, à l’élimination des régimes totalitaires nazi-fascistes, et à l’établissement de régimes de démocratie parlementaire dans certains pays d’Europe et d’Asie.

Mais, par la suite, où donc les gouvernements et institutions états-uniens ont agi de la même manière ? Dans les pays dit du « Tiers-Monde », comme en Europe, et davantage depuis la disparition de l’URSS, en quoi se distinguent les actions des gouvernements et institutions états-uniennes ? N’est-ce pas par une politique systématique de soutien aux dictatures, d’une part, et, d’autre part,  d’opposition aux tentatives d’établissement de régimes démocratiques ?

Dès lors, les personnalités citées par Lahouari Addi, pour justifier la collaboration aux « travaux » et « réflexions » dans des institutions états-uniennes, qu’en penser ?… Seules trois hypothèses se présentent :

1) ces participants ignorent la logique permanente et systématique des agissements des institutions états-uniennes auxquelles ils collaborent ; dans ce cas, en quoi ces participants sont des  « spécialistes » dans le domaine social et politique, malgré leurs titres « académiques » ?

2) ces participants sont au courant de la logique permanente et systématique des institutions états-unienne auxquelles ils collaborent ; dès lors, ils en sont, quoiqu’ils en disent, dans le meilleur des cas, des « idiots utiles », et, dans le pire, des complices.

3) ces participants, au courant de la pratique impérialiste des institutions états-uniennes, croient néanmoins les « sensibiliser »  à la promotion de la démocratie dans le monde ; la réalité des faits démontre qu’il s’agit là d’une totale illusion ; il s’ensuit, alors, que les participants sont de fait des « idiots utiles », propageant l’idée fausse que des institutions états-uniennes soient réellement désireuses de promouvoir la démocratie dans le monde.

   Qui a intérêt à promouvoir la démocratie ?

Approfondissons. Supposons la bonne foi des « spécialistes » et « experts » qui participent aux « travaux » d’institutions états-uniennes pour promouvoir la démocratie dans le monde.

La réelle démocratie dans un pays consiste à permettre aux citoyens de décider de la gestion de leur nation, donc de celle de ses ressources naturelles. Agir ainsi, dans le cadre des lois du marché, c’est vendre ces matières au prix le plus élevé. Question : un tel prix conviendrait-il aux multinationales états-uniennes ? à maintenir et à améliorer le niveau de vie des citoyens états-uniens ? à alimenter le complexe militaro-industriel qui permet à l’oligarchie états-unienne de dominer impérialement la planète ?… Bien entendu que non. Simple raisonnement logique élémentaire.

Alors, comment expliquer qu’une institution états-unienne dépense de l’argent (avions, hôtels, nourriture, appointements, etc.) pour inviter des « personnalités éminentes », de « gauche », « anti-impérialistes », pour « promouvoir la démocratie » dans les pays dotés de ressources naturelles ?… On revient aux trois hypothèses déjà présentées auparavant.

Le signe qui ne trompe pas.

Une semaine après l’apparition du mouvement populaire en Algérie, j’avais clairement affirmé la nécessité de son auto-organisation, au risque d’échec par manipulation (4). Il n’y avait là rien de divinatoire, mais simplement observation de la logique de tout mouvement populaire revendicatif.

Or, Lahouari Addi s’est distingué en affirmant que ce mouvement populaire n’avait pas « vocation à se structurer ». J’avais rejeté cette conception comme erronée, en montrant l’infondé des motifs qui prétendaient la justifier ; par la suite, je signalais les accointances de Lahouari Addi avec des personnages tels Mourad Dhina et Mohamed Larbi Zitout (5).

Question : un authentique démocrate aurait-il dissuadé le mouvement populaire de se structurer, et aurait-il accepté des relations de soutien, – précisons-le -, avec un Mourad Dhina et un Zitout ?

Quant à l’infiltration du mouvement populaire par des organisations occultes voulant le manipuler pour des objectifs contraires à ses intérêts, mes contributions l’induisaient du fait que les initiateurs et organisateurs du mouvement populaire ont soigneusement évité son auto-organisation autonome, non seulement comme manifestations hebdomadaires, mais tout autant comme structures de base durant la semaine (6).

Les publications de Ahmed Bensaada sont attaquées avec virulence principalement parce qu’elles fournissent les preuves irréfutables de cette manipulation.

Leçons de fables.

De la même manière qu’il serait insensé de demander au loup de promouvoir le bien-être des moutons, il n’est pas logique d’attendre d’une institution (et de ceux qui y participent), faisant partie d’un système impérialiste, de promouvoir la réelle démocratie dans le monde.

Tout au plus, on le constate, est promue une démocratie formelle, de façade. Ses représentants seront des marionnettes. Elles gèrent leur pays, protégés par les services secrets, si nécessaire le soutien militaire, de leurs patrons impérialistes, lesquels, pour leur survie, doivent veiller à ce que, dans le pays « démocratisé », les ressources matérielles servent l’économie impériale, et son territoire serve sa domination militaire. Les faits sont constatables. Il faut être stupide ou complice pour les réfuter.

Il est donc impératif que les peuples, notamment les jeunes, en désirant légitimement une démocratie véritable, se méfient et se défient de leurs faux amis, ces « professeurs émérites », « académiciens », « experts », « spécialistes », « progressistes », de « gauche », « anti-impérialistes », dotés de « respectabilité » parce que jouissant d’un « statut social ». Leur médiatisation et leur rémunération par les organes de domination impérialiste prouvent, en plus de tout ce qui a été dit auparavant, qu’ils s’agit des pires ennemis des peuples. « Le renard vit aux dépens de celui qui l’écoute », en le flattant de lui offrir la « démocratie », alors qu’il convoite le « fromage » : ses matières premières et son territoire, en recourant aux personnages de « niveau académique », jouissant de « respectabilité » et de « rang social ». En Algérie, le peuple les appellent du terme indiquant les collaborateurs indigènes du système colonial, qui avaient une « respectabilité » et un « statut social », tel le bachagha Boualem : « harkis ».

Kaddour Naïmi

[email protected]


(1) « Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien ? »

(2) « Contre l’idéologie harkie, Pour une culture libre et solidaire », http://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_ideologie_harkie.html

(3) https://tribune-diplomatique-internationale.com/bensaadahirakalgerie/

(4)  http://www.kadour-naimi.com/f_sociologie_ecrits_sur_intifadha.html

(5)  Idem.

(6) Idem.



Lire aussi :  

20.06.20

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Plus de 450 citoyens ayant pris part au mouvement de contestation qui agite l’Algérie depuis plus d’un an ont pris l’initiative d’écrire une Constitution de transition basée sur la démocratie directe et participative. «Si nous voulons gagner notre souveraineté citoyenne, nous devons l’inscrire par nous-même». Issus des quatre coins du pays et de la diaspora, 450 citoyens algériens «indépendants et volontaires» travaillent depuis le début du Hirak, le mouvement de contestation né le 22 février 2019, à écrire une Constitution de transition en vue de mettre en place une Assemblée constituante. Le résultat : un texte structuré en six titres et 29 chapitres «mi-boîte à idée, mi-cahier des charges», publié ce 20 juin destiné à servir de base au reste des citoyens qui veulent s’en saisir pour le finaliser. Et pour le porter, il existe un collectif baptisé Mechmoul, acronyme en arabe de «Projet citoyen pour une transition en Algérie».

Un travail participatif qui a duré plus d’une année; depuis le début du #Hirak, nous avons l’honneur de publier le…

Posted by ‎Mechmoul DZ مشمول‎ on Saturday, 20 June 2020

Dès le début du Hirak, qui a mis des millions de personnes dans les rues chaque semaine, et a conduit à un bouleversement de la vie politique, d’innombrable pancartes et slogans appellent à la restitution du «pouvoir au peuple» et à l’instauration d’une Assemblée constituante. Les personnes à l’initiative de Mechmoul font partie de ces forces de propositions. Entrées en contact entre elles via les réseaux sociaux et dans les manifestations, elles ont organisé des débats et des ateliers constituants dans la rue, dans des cafés, chez les uns, chez les autres, via internet, sans autres cadre que celui de leur motivation à être force de proposition, et pas seulement de contestation.

Présentation du projet Mechmoul

Après plus de 8 mois de collaborations, de débats, d'ateliers et de rédaction nous avons l'honneur de vous présenter Mechmoul, une compilation du travail de plus de 450 citoyens voué à s'étoffer et à s'enrichir grâce à votre participation.https://www.facebook.com/112114736989690/photos/a.112344073633423/112361553631675/?type=3&theater#Mechmoul#auto_organisation#Constitution#Assemblée_constituante #Projet_Citoyen#Transition_démocratique#Démocratie#Justice#Liberté_dopinion#Pouvoir_au_peuple

Posted by ‎Mechmoul DZ مشمول‎ on Tuesday, 14 January 2020

Dans l’avant-propos, les auteurs/compilateurs de la Constitution de transition expliquent les raisons de leur démarche : «La période de transition ne doit en aucun cas être improvisée ou dictée par le système duquel nous cherchons à nous défaire. Si nous voulons une vraie démocratie et un état de droit, il est primordial que les citoyens encadrent la période transitoire, qu’ils en dessinent les contours et en écrivent le contenu, afin que la future constitution aménage les droits et libertés mais aussi le pouvoir aux citoyens à travers de véritables leviers démocratiques.» Redéfinir les règles de représentation politique en instaurant la reddition des comptes obligatoire, le droit de révocation des élus, le droit d’abrogation des lois par référendum populaire : les Gilets jaunes en ont rêvé, ces Algériens l’ont écrit. Si le texte publié par le groupe Mechmoul dans les trois langues utilisées dans le pays (arabe, tamazight et français) paraît déjà très avancé, les autres citoyens algériens sont invités à y apporter leur contribution à travers les pages Facebook dédiées (Mechmoul et Ecris ta Constitution) et le site internet du projet qui proposeront des forums de discussion dédiés.
En Algérie, un collectif citoyen rédige une Constitution de transition et la rend publique
Capture d’écran du sommaire de la Constitution de transition écrite par le collectif algérien Mechmoul.
De son côté, le nouveau président algérien Abdelmadjid Tebboune, élu au premier tour lors de l’élection du 12 décembre, avait annoncé le 8 janvier la création d’un Comité d’experts chargé de formuler des propositions pour une révision constitutionnelle. Il ne s’agit donc pas d’une Assemblée populaire constituante, telle que voulue par les citoyens et notamment ceux du collectif Mechmoul. Le président algérien a également fait savoir que l’amendement de la Constitution serait soumis au référendum populaire après avoir fait l’objet de «larges consultations auprès des acteurs de la vie politique et de la société civile avant d’être déposé, suivant les procédures constitutionnelles en vigueur, auprès du Parlement pour adoption». Début janvier, lors du dernier Conseil des ministres, le président Tebboune avait affirmé que l’édification de l’Algérie à laquelle aspirent les citoyens impliquait la «reconsidération» du système de gouvernance à travers un «profond amendement» de la Constitution, de même que certains textes de loi importants, à l’instar de la loi électorale.

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One thought on “Algérie / Qui est pour la démocratie ?

  1. Une photo montre Drareni et Barjolet ensemble autour d’un bureau! Drareni prenant des notes!….. A ceux qui pensent encore et toujours que cet individu est journaliste !
    Sur cette photo ce misérable félon est en compagnie de Bernard Bajolet ancien ambassadeur à Alger qui a été nommé patron de la DGSE juste après son retour à Paris. Cet homme est pire que Driencourt, c’est un farouche défenseur de la politique de la francafrique….
    https://algerie54.com/2020/08/19/hirak-medias-17/?fbclid=IwAR2yombUVoEY6bwGysqcJgyN44jaZGszrtEcHuLuOXa3OxKZgOqmRxQUmPU

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