Louvoiement, hypocrisie et duplicité : L’UE doit s’expliquer !

        À l’origine de la crise algéro-espagnole, il y a une décision unilatérale de l’Espagne qui contredit la position officielle de l’Union européenne sur le dossier sahraoui.

Le Conseil d’association Algérie-UE ne peut pas se réunir. Il est bloqué par l’Espagne, au motif de son différend avec Alger. Le chef de la diplomatie européenne a, bien entendu, regretté ce blocage lors de sa déclaration, avant-hier soir, au sortir de l’audience que lui a accordée le président de la République. Disons-le donc clairement: la machine algéro-européenne est bloquée dans son segment lié à l’accord d’association. Borell qui a affirmé, sur ce point, la position des 27 pays membres de l’UE, appelle à dialoguer pour trouver une solution à ce problème. Soit. Le dialogue est objectivement une vertu lorsqu’il y a mésentente. Il reste, cependant qu’avant d’engager des «pourparlers», il faut d’abord tirer au clair la brouille algéro-espagnole. Notons que celle-ci est née du reniement de l’Espagne à son devoir de puissance administrante du Sahara occidental, à travers la reconnaissance d’une prétendue marocanité de territoires désignés par l’ONU comme non autonomes, à l’instar de 16 autres à travers le monde. L’Algérie a réagi en suspendant toute relation diplomatique et économique avec l’Espagne, à l’exception du contrat gazier qui les lie.
À l’origine de cette crise, il y a donc une décision unilatérale de l’Espagne qui contredit la position officielle de l’Union européenne sur le dossier sahraoui. Son chef de la diplomatie, qui n’est autre que Josep Borell, a affirmé à partir d’Alger que l’UE n’a pas changé d’avis sur la question et considère toujours que la solution au conflit maroco-sahraoui relève des instances onusiennes. C’est-à-dire que les 27 ne reconnaissent aucunement la marocanité du Sahara occidental. Cela revient à conclure que la décision espagnole contredit totalement la légalité internationale et la position de l’UE. L’Espagne est donc clairement hors la loi. De fait, la posture de Borell, qui veut discuter sur les sanctions algériennes à l’endroit de l’Espagne, est, lui aussi, hors du coup. Pour cause, la solution est techniquement toute trouvée. Au lieu d’ouvrir le dialogue avec l’Algérie, il suffirait à l’UE de faire pression sur Madrid pour revenir sur une décision illégale prise par son Premier ministre. Or, à ce jour, aucune instance européenne et, encore moins le Parlement européen, truffé de députés corrompus, n’a soulevé cette question sous cette angle, pourtant d’une objectivité éclatante.
Le traitement de la crise algéro-espagnole relève de l’hypocrisie et dénote d’un «corporatisme» désuet, lorsqu’on le compare à un autre cas de «rébellion» au sein de l’UE. Il s’agit de la Hongrie qui a refusé d’exécuter la décision de boycott du gaz russe. L’attitude du président hongrois, Viktor Orbán, a provoqué, séance tenante, une levée de boucliers de la presque totalité des pays membres de l’UE. Le Conseil, le Parlement, les Commissariats et autres instances de l’Union européenne sont vent debout contre Budapest. Sanctions financières, coupe budgétaire, attaque sur les droits de l’homme, lynchage médiatique, campagne de presse contre Orbàn… Bref, l’UE a déployé toute sa puissance de frappe politique et diplomatique pour faire changer d’avis Budapest, ou à défaut, éviter la contagion.
Dans le cas de la Hongrie, la donne semble claire dans l’optique de l’UE. C’est ce pays qui a tort parce qu’il fissure une décision prise par une «Europe unie». Mais l’Espagne, qui renie à tout un peuple le droit légitime à l’autodétermination, qui fait perdurer un conflit de près de 48 ans, est autorisée à enfreindre une règle européenne. Nous sommes là au coeur de l’hypocrisie européenne, dont la pratique du deux poids, deux mesures ne se limite certainement pas à cette affaire.
Il sera difficile de convaincre l’Algérie d’oublier la grave entorse, faite par l’Espagne, au droit international et passer à la table de négociation, sans avoir auparavant remédier à la faillite historique d’un État membre de l’UE. Les Européens doivent traiter le cas espagnol avec le même sérieux accordé à celui de la Hongrie. Il faut que les Européens rappellent à l’Espagne ses devoirs vis-à-vis de la question du Sahara occidental. C’est un fait d’Histoire et un principe de droit international. Ce serait logique et une voie naturelle avant d’engager quoi que ce soit avec l’Algérie.
Le discours à deux vitesses de l’UE est une sorte de tradition occidentale. Mettant en avant leur «valeurs» concernant les droits de l’homme et les libertés individuelles, ils ferment les yeux sur le pillage, par leurs multinationales, des richesses du sous-sol et des fonds marins sahraouis. Cela malgré des décisions de leur propre institution judiciaire. En effet, la cour de Justice européenne a émis plusieurs arrêtés écartant les territoires du Sahara occidental des accords avec le Maroc. Mais le Parlement et le Conseil de l’Europe piétinent leur propre justice. Ce sont là leurs vraies «valeurs».


Saïd BOUCETTA


     Crise Algérie – Espagne : ce qu’a dit Josep Borrell à Alger

En visite à Alger, le haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, a évoqué la crise avec l’Espagne, l’énergie et les entraves aux investissements européens en Algérie.

Les regards étaient braqués sur lui dès les premières mesures économiques prises par l’Algérie à l’égard de l’Espagne en juin 2022. Josep Borrell a entamé dimanche 12 mars une visite en Algérie où il n’a pas manqué de plaider la cause de son pays, dont il a été le chef de la diplomatie. À Alger, il a aussi parlé d’ « entraves » aux investissements européens en Algérie.

 

La suspension par Alger du traité d’amitié avec l’Espagne et le blocage du commerce avec les opérateurs économiques de ce pays, début juin dernier, avait fait suite au revirement historique effectué en mars par le gouvernement socialiste de Madrid sur la question du Sahara occidental en décidant d’appuyer le plan d’autonomie marocain.

Josep Borrell était l’un des premiers – et rares – hauts responsables européens à réagir. Dans un communiqué conjoint avec Valdis Dombrovskis, commissaire en charge du commerce de l’Union européenne, le haut représentant avait indiqué que l’UE était « prête à s’opposer à tout type de mesures coercitives appliquées à l’encontre d’un État membre », dénonçant également une « violation » de l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne.

La mesure algérienne a été désastreuse pour de nombreuses entreprises et des filières entières de l’économie espagnole. L’Algérie est un des principaux fournisseurs de gaz pour l’Espagne et un débouché pour de nombreux produits industriels et agricoles espagnols.

Selon la presse ibérique, les exportateurs espagnols ont accusé un manque à gagner avec l’Algérie estimé à 630 millions d’euros jusqu’à janvier dernier.

Malgré les pressions de l’opposition politique et des opérateurs économiques, le gouvernement de Pedro Sanchez n’a pas reculé sur son revirement et Alger n’a pas jugé utile de lever ses mesures tant que les causes qui les ont motivées sont toujours là.

Algérie – Union européenne : Josep Borrell plaide la cause de l’Espagne

Une année après le début de la crise entre Alger et Madrid et après neuf mois de blocage du commerce, Josep Borrell s’est rendu à Alger. Pour les observateurs des deux côtés de la Méditerranée, les tensions entre l’Algérie et l’Espagne ne pouvaient être éludées.

Arrivé dimanche à Alger, le haut représentant a d’abord rencontré le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane avant d’être reçu ce lundi 13 mars par le président de la République Abdelmadjid Tebboune. Il a assuré avoir eu des échanges « très ouverts et très constructifs » avec les deux responsables algériens.

Dans sa déclaration après sa rencontre avec le président Tebboune, Josep Borrell a qualifié l’Algérie de « partenaire stratégique » de l’UE, d’ « acteur incontournable » et de fournisseur « viable » d’énergie, même dans « les moments difficiles ».

Très vite, il a débordé sur la question sur laquelle il était très attendu, le commerce. Rappelant que le commerce extérieur de l’Algérie se fait avec l’Union européenne pour plus de la moitié, Josep Borrell a estimé que « nous pouvons faire mieux », si des « solutions » sont trouvées aux « limites actuelles ».

Bien entendu, l’exemple qu’il cite pour illustrer ces « limites », c’est « les entraves introduites depuis juin 2022 aux échanges commerciaux avec l’Espagne » et qui, selon lui, « doivent trouver une solution ».

Comprendre : à Alger, Josep Borrell n’a pas réussi à infléchir la décision algérienne de sanctionner l’Espagne après le revirement du gouvernement de Madrid sur le dossier du Sahara occidental.

Josep Borrell est allé plus loin en évoquant des « contraintes qui entravent les investissements européens en Algérie ». C’est la première fois qu’un responsable de l’UE fait état publiquement de telles entraves alors que l’Algérie a adopté une nouvelle loi sur l’investissement l’automne dernier.

Cette situation a « un impact direct » sur la mise en œuvre de l’accord d’association Algérie – UE, selon Borrell qui a insisté pour « trouver une solution » dans l’intérêt des deux parties.

Évoquant la question du rapatriement des fonds transférés en Europe et des biens mal acquis par des ressortissants algériens, le haut représentant s’est dit « absolument convaincu » qu’il faut renforcer la coopération sur cet aspect, assurant que la volonté du gouvernement algérien dans ce sens « aura la coopération de l’Union Européenne ».

Josep Borrell n’a pas évoqué les questions migratoires ainsi que la circulation des personnes entre l’Algérie et l’Union européenne.


 

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