Algérie / Guerre de libération : Macron reconnait qu’Ali Boumendjel « a été torturé puis assassiné » par l’armée coloniale

PARISLe président français, Emmanuel Macron, a reconnu « au nom de la France » que l’avocat et dirigeant politique du nationalisme algérien, Ali Boumendjel « a été torturé puis assassiné » par l’armée coloniale pendant la Guerre de libération nationale, a annoncé mardi soir la présidence française.

« Aujourd’hui, le président de la République a reçu au palais de l’Elysée quatre des petits-enfants d’Ali Boumendjel pour leur dire, au nom de la France, ce que Malika Boumendjel (veuve) aurait voulu entendre: Ali Boumendjel ne s’est pas suicidé. Il a été torturé puis assassiné », a indiqué l’Elysée dans un communiqué.

La reconnaissance par la France de l’assassinat d’Ali Boumendjel survient conformément aux préconisations de Benjamin Stora dans son rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre de libération nationale.

Selon l’Elysée, « ce geste de reconnaissance (…) n’est pas un acte isolé ».

Le président français a exprimé aux petits-enfants d’Ali Boumendjel « sa volonté de poursuivre le travail engagé depuis plusieurs années pour recueillir les témoignages et encourager le travail des historiens par l’ouverture des archives (…) ».

« Ce travail sera prolongé et approfondi au cours des prochains mois, afin que nous puissions avancer vers l’apaisement et la réconciliation », a-t-il promis.

Il a estimé, à ce titre, que « regarder l’Histoire en face, reconnaître la vérité des faits, ne permettra pas de refermer des plaies toujours ouvertes, mais aidera à frayer le chemin de l’avenir ».

Au cœur de la Bataille d’Alger, Ali Boumendjel fut arrêté par l’armée coloniale, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957, a reconnu l’Elysée, soulignant que « Paul Aussaresses avoua lui-même avoir ordonné à l’un de ses subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en suicide ».

Originaire des Ath Yenni, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, Ali Boumendjel a laissé derrière lui son épouse, Malika, et quatre enfants âgés alors de sept ans à vingt mois : Nadir, Sami, Farid et Dalila.

Né le 23 mai 1919, à  Relizane, Ali Boumendjel, brillant écolier, s’est frayé sans mal une place sur les bancs de la faculté de droit d’Alger. C’est fort d’une culture ouverte, généreuse et humaniste, qu’Ali Boumendjel s’est engagé en politique, contre l’injustice du système colonial et pour l’indépendance de l’Algérie.


    Guerre d’Algérie : Macron reconnaît qu’Ali Boumendjel a été « torturé et assassiné »

Cette reconnaissance fait partie des gestes d’apaisement recommandés par l’historien Benjamin Stora dans son rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie.

Malika Boumendjel, la veuve d'Ali Boumendjel, donne une interview chez elle à Puteaux (Hauts-de-Seine), le 5 mai 2001.
Malika Boumendjel, la veuve d’Ali Boumendjel, donne une interview chez elle à Puteaux (Hauts-de-Seine), le 5 mai 2001. ERIC FEFERBERG / AFP

Pour réconcilier la France et l’Algérie, près de 60 ans après la guerre d’Algérie, Emmanuel Macron avait promis des « actes symboliques ». Il a reconnu mardi, « au nom de la France », que l’avocat et dirigeant nationaliste Ali Boumendjel avait été « torturé et assassiné » par l’armée française en 1957, un geste d’apaisement recommandé par le rapport de l’historien Benjamin Stora

Ce geste « n’est pas un acte isolé », promet Emmanuel Macron dans ce communiqué. « Aucun crime, aucune atrocité commise par quiconque pendant la Guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté ». Le président – qui avait exclu toute « repentance » et « excuses » – a lui-même annoncé cette reconnaissance aux petits-enfants d’Ali Boumendjel en les recevant mardi. À l’époque, l’assassinat de l’avocat avait été maquillé en suicide.

« Poursuivre le travail engagé »

« Au coeur de la Bataille d’Alger, il fut arrêté par l’armée française, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957 », détaille l’Élysée dans un communiqué. En 2000, « Paul Aussaresses (ancien responsable des services de renseignement à Alger) avoua lui-même avoir ordonné à l’un de ses subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en suicide ».

« Aujourd’hui, le président de la République a reçu au Palais de l’Élysée quatre des petits-enfants d’Ali Boumendjel pour leur dire, au nom de la France, ce que Malika Boumendjel aurait voulu entendre : Ali Boumendjel ne s’est pas suicidé. Il a été torturé puis assassiné », ajoute la présidence française. « Il leur a également dit sa volonté de poursuivre le travail engagé depuis plusieurs années pour recueillir les témoignages, encourager le travail des historiens par l’ouverture des archives, afin de donner à toutes les familles des disparus, des deux côtés de la Méditerranée, les moyens de connaître la vérité ».

L’Élysée ajoute que « ce travail sera prolongé et approfondi au cours des prochains mois, afin que nous puissions avancer vers l’apaisement et la réconciliation », voulant « regarder l’Histoire en face, reconnaître la vérité des faits ».

« La génération des petits-enfants d’Ali Boumendjel doit pouvoir construire son destin, loin des deux ornières que sont l’amnésie et le ressentiment. C’est pour eux désormais, pour la jeunesse française et algérienne, qu’il nous faut avancer sur la voie de la vérité, la seule qui puisse conduire à la réconciliation des mémoires », ajoute encore l’Élysée.

Le mois dernier, la nièce d’Ali Boumendjel, Fadela Boumendjel-Chitour, avait dénoncé un « mensonge de l’État (français) qui fut dévastateur ».

Le rapport Stora critiqué

La reconnaissance de ce crime par la France fait partie des préconisations du rapport Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie, afin de résoudre les tensions autour de la mémoire de ce conflit. Ce document, remis le 20 janvier, a soulevé de vives critiques, aussi bien en France qu’en Algérie, notamment pour ne pas avoir préconisé des « excuses » de Paris pour la colonisation.

La puissante Organisation des moudjahidine (ONM), les anciens combattants de la guerre d’indépendance (1954-1962) a accusé Benjamin Stora d’avoir « occulté les crimes coloniaux » de la France en Algérie. Le comité national de liaison de harkis (CNLH), des anciens combattants auxiliaires de l’armée française pendant le conflit, a lui dénoncé un rapport « minimaliste » et demandé que la France reconnaisse « l’abandon et le massacre des harkis, après les accords d’Evian et le cessez-le-feu du 19 mars 1962 ».

Le gouvernement algérien a demandé à plusieurs reprises « la reconnaissance des crimes coloniaux » de la France. « Nous ne privilégierons pas de bonnes relations au détriment de l’Histoire et de la mémoire, mais les problèmes se règlent avec intelligence et dans le calme, et non avec des slogans », a affirmé lundi soir le président algérien Abdelmadjid Tebboune.

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La réconciliation entre Paris et Alger doit s’inscrire dans le cadre d’une reconnaissance mutuelle qui ne soit « ni le déni, ni la repentance », a affirmé pour sa part mardi matin l’ambassadeur de France en Algérie, François Gouyette, dans une interview au quotidien francophone L’Expression, proche du pouvoir. A l’approche du 60e anniversaire de la fin de la guerre et de l’indépendance de l’Algérie en 2022, Paris et Alger ont fait de cette « réconciliation des mémoires » un dossier prioritaire et Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune se sont engagés à travailler ensemble sur ce dossier.


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