Algérie / Leïla Aslaoui : « Savoir raison garder »

    Par Leïla Aslaoui-Hemmadi 

Nombreux ont été les citoyens qui ont exprimé leur compassion à la famille du regretté Djamel Bensmaïl, assassiné à Larbaâ-Nath-Irathen le 11 août 2021.
Tous les messages publiés dans la presse, ou via les réseaux sociaux disaient la sidération, la colère et la profonde tristesse suite à l’ignominie subie par la victime. Les mots les mieux choisis ne sauraient décrire la barbarie avec laquelle les meurtriers se sont acharnés sur Djamel, Allah yarahmou. Parti pour aider les populations de la wilaya de Tizi-Ouzou, confrontées aux incendies criminels, il s’est retrouvé sur de simples soupçons infondés accusé de pyromanie. Frappée, poignardée à l’arme blanche, lynchée, brûlée, décapitée par une foule en transes, la victime a vécu l’horreur absolue avant de rendre l’âme.

Pour ma  part, à l’annonce de cette terrifiante nouvelle, j’ai senti une boule me serrer la gorge et un goût nauséeux dans la bouche. La barbarie islamiste-terroriste a resurgi de ma mémoire : ses couteaux aiguisés, le feu, le supplice de la décapitation subi par les victimes… J’ai revu des visages, des faits… 1990 ? 2021 ? Film d’horreur ?
Non ce qui s’est passé à Larbaâ-Nath-Irathen est, hélas, la triste réalité.
Afin qu’il n’y ait aucun amalgame, il est évident que mon propos ne concerne que les meurtriers de Djamel et aucunement les habitants de Larbaâ-Nath-Irathen. En effet, tout comme l’a exprimé Maître Aït Larbi Mokrane : «Les assassins ne représentent ni la région de Kabylie ni celle de Larbaâ-Nath-Irathen, connue pour leur mansuétude et leur bonté.»
Une autre précision me paraît tout aussi importante : cette contribution ne se veut pas un appel à la vengeance. Que l’on ne s’attende pas à me voir m’ériger en «juge» ou en «justicier».
Seule la justice est apte à démêler l’écheveau de cette affaire et à déterminer la responsabilité de chacun (et chacune puisque trois femmes ont été interpellées et arrêtées par les services de police) dans le meurtre de Djamel. En d’autres termes, seule la justice, en toute sérénité, dans le respect de la loi, sera habilitée à juger et à condamner. Celles et ceux qui ont appelé (via les réseaux sociaux) à la vengeance, à la mise à mort des meurtriers, à l’application de la loi du talion ont juste oublié ceci : le père de la victime, Monsieur Bensmaïl Nourredine nous interdit à tous  de faire dans le sensationnel et dans l’excès. A l’abjection des meurtriers, il a répondu par une admirable retenue. À la lâcheté des meurtriers il a répondu par un appel à l’apaisement et à la fraternité : «Nous ne voulons pas semer la haine et la division», a-t-il dit.
Aucune compassion de notre part ne sera capable d’atténuer son chagrin. Aussi, nous nous devons seulement de nous incliner devant son courage et celui de son épouse, tout aussi admirable. Ceux qui lancent des appels à la vengeance seraient-ils plus affectés que les parents de Djamel ? Comment donc avoir l’indécence de «vouloir se mettre à leur place» ? Expression détestable que celle-ci, car aucun d’entre nous ne peut ressentir le vide laissé par un enfant. Je me permets un souvenir personnel. Ma mère, Allah yarhemha, qui avait perdu ses deux fils l’un après l’autre en un temps record alors qu’elle était très âgée, m’avait dit un jour : «Je sens un feu qui brûle mes entrailles. Mais vois-tu, c’est un feu glacial qui ne me réchauffe pas et qui s’appelle : l’absent.» J’ajouterai ceci :  «Pour une mère qui a perdu son enfant, c’est toujours le premier jour. Cette douleur-là ne vieillit pas» (Victor Hugo).
La mort, a-t-on coutume de dire, est cruelle. Elle l’est, assurément. Et lorsque l’accompagnent ces dix lettres : Assassinat, elle est tout bonnement inacceptable.
Alors nous ne pouvons que nous associer à l’appel à l’apaisement et à l’union de tous les Algériens, lancé par le père de la victime.
Nous nous devons certes de compatir et espérer que la justice sera impitoyable, mais nous ne saurions être à la place du père ou de la mère de la victime.
Compatir, ce n’est pas être l’autre. C’est juste dire : «Je respecte ta douleur.» Pourtant — et c’est là une circonstance atténuante — l’immense choc de voir en direct les images d’une foule  hystérique, suiviste, motivée par sa seule haine, torturer et mettre à mort Djamel Bensmaïl a de quoi susciter notre colère. Notre profonde colère. Dieu Tout-Puissant ! aucun des spectateurs venus assister au supplice de la victime n’a élevé la voix sur cette place désormais ensanglantée, pour dire : «Arrêtez !»
Pas une seule supplication pour que s’arrête l’abomination. Pas une seule voix pour dire : «Bande de lâches, vous êtes trop nombreux contre un seul homme.»
Bien au contraire. L’un a pris des selfies aux côtés de la victime brûlée et décapitée (un être humain ? Un mutant ? qui peut le dire ?). L’autre (une femme) a excité la foule de «justiciers» en criant «Égorgez-le !» Pourtant ces pseudo-révolutionnaires, courageux parce que cent ? mille ? contre un sont apparus petits, minuscules, lilliputiens, à la télévision (chaîne nationale). Tous ont tenté de justifier l’odieux crime par le fait qu’ils avaient cru que le pauvre Djamel aurait participé aux incendies criminels et qu’ils avaient été induits en erreur. À supposer…
Pourtant, je ne vois absolument pas le lien entre cette accusation infondée (victime pyromane) et le cri de ralliement de cette foule déchaînée : «Les Arabes sont des animaux.»
Triste… triste à en pleurer à chaudes larmes. Cela se passe en 2021.
Ce slogan et d’autres tout aussi haineux en disent long  sur la manipulation, les discours séparatistes distillés depuis de longues années par ceux qui n’ont de cesse, jusqu’à ce jour, de tenter de diviser les Algériens, de semer la haine entre eux. Un discours régionaliste, aux relents racistes, relayé par le mouvement séparatiste du MAK auquel s’est joint celui des islamistes de Rachad (deux organisations terroristes), parfaits connaisseurs de la décapitation, du feu et des tueries à l’arme blanche.
Comment pourrait-on en douter alors que tous les témoins de la wilaya de    Tizi-Ouzou affirment que les incendies ont eu lieu à différents endroits au même moment ?
Conséquences ? Des milliers d’hectares perdus, calcinés, des morts par centaines sans oublier les disparus. Et un crime horrible, celui de Djamel. Trop de fautes pour le MAK cette fois-ci. Car si ce  mouvement, aidé par Rachad, voulait, avec le crime de Djamel, briser l’élan de la solidarité spontanée de tous les Algériens de toutes les wilayas en direction de leurs frères et sœurs de Tizi-Ouzou, il n’a fait que le renforcer. Aucun aventurier ne parviendra à nous diviser. Nous sommes algériens et seulement algériens.
La terre arrosée du sang de Abane Ramdane et de Larbi Ben M’hidi a enfanté des enfants et des petits-enfants dignes de leurs aînés. La Kabylie est algérienne et seulement algérienne.
Derrière les barreaux, les meurtriers auront tout le temps nécessaire de prendre conscience que Ferhat Mehenni et autres acolytes vivent confortablement sans aucune tracasserie quotidienne entre l’Europe et le Maroc. Et il faudra bien que celui qui a porté les coups de couteau à Djamel dise au magistrat instructeur pour quelles raisons il a tenté de fuir sans succès au Maroc… Pourquoi le Maroc ? Les meurtriers de Djamel seront seuls à répondre de leurs actes le jour du procès.
Le MAK ne sera pas à leurs côtés et ne partagera pas la sanction avec eux.
Hier, dans un passé récent, Abassi Madani, lors de ses violents prêches, incitait les jeunes gens à prendre les armes contre la patrie. Il n’a jamais sacrifié ses trois fils qui vivent confortablement dans un pays arabe. L’un d’eux dirige la chaîne El Magharibiya», connue pour son hostilité à l’égard de l’Algérie. Quant à son compagnon Ali Belhadj, son unique «haut fait d’armes» est d’avoir transmis le virus de la haine à l’un de ses fils, devenu terroriste et abattu par notre armée au moment où il s’apprêtait à commettre un attentat.
Mais il n’y a pas que ces mouvements séparatistes qui voudraient, relayés par leurs chapelles à l’étranger désormais identifiées, nous voir nous entre-tuer.
Il y a également tous les corrompus de la «issaba» ainsi appelée depuis 2019, celle-ci n’est pas seulement en prison. Telle une pieuvre, elle a ses ramifications dehors.
Les auteurs du crime pensaient-ils sérieusement que leur horreur demeurerait impunie ? C’était compter sans la solidarité de jeunes youtubeurs — notamment l’un d’entre eux — qui ont permis à l’enquête des services de sécurité d’avancer rapidement.
Et c’est donc pris à son propre piège que le complotisme y est allé de sa version, voire de ses versions :
«C’est la police qui a livré la victime à la foule. Ou c’est l’Etat qui a incendié les forêts.» Je pense que sur le premier point, le directeur national de la police judiciaire s’est amplement expliqué. J’ajouterai seulement que si les policiers de Larbaâ-Nath-Irathen, en très petit nombre face à une meute déchaînée, avaient tiré (tirs de sommation) et qu’il y aurait eu dérapage que n’aurait-on pas entendu ! Le MAK se serait emparé de cette aubaine pour embraser la région.
Quant à ceux qui se sont fendu des commentaires selon lesquels l’État serait responsable des incendies, je pense qu’aucune réponse ne pourrait les convaincre. En effet, il n’existe pas pires fléaux que la mauvaise foi, l’ignorance et la haine.
C’est pourquoi il nous faut absolument nous serrer le coudes, garder notre sang-froid. Savoir raison garder signifie surtout que l’Algérie est Une et Indivisible. Oui, nous traversons de rudes épreuves, mais peut-on se permettre d’être pessimistes en voyant nos compatriotes partir porter secours aux populations sinistrées. Solidaires entre nous et unis.
À toutes les familles des victimes civiles et militaires des incendies, j’adresse mes sincères condoléances.
Au père et à la mère de Djamel Bensmaïl toute ma compassion et ma sympathie.
À tous mes compatriotes, l’heure est à l’union et à la solidarité. Serrons-nous les coudes en espérant que les auteurs des incendies criminels seront rapidement identifiés et sévèrement sanctionnés.
Tahya El Djazaïr !
L. A. H.


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Feux de forêts, assassinat de Djamel Bensmail, Le Mak, Rachad, le Maroc, Israël : Le communiqué intégral du Haut conseil de sécurité


Par Razika Adnani *

Depuis quelques jours, l’Algérie endure des situations très difficiles : la Covid-19 qui fait de nombreuses victimes, les incendies qui ravagent des villages entiers tuant des hommes, des femmes et des animaux et le lynchage barbare et inhumain d’un homme, Djamel Bensmaïl, par une foule déchaînée au centre-ville de Larbaâ-Nath-Irathen. La scène du crime est insoutenable,  la peine des Algériens également. Beaucoup de tristesse, de douleur et de peur ont été exprimées.

Ces situations difficiles exigent de les affronter avec sagesse et la première des sagesses est de se mobiliser pour aider les victimes, ce que beaucoup d’Algériens font avec une grande générosité et un dévouement exemplaire. Il est cependant important de rappeler que les actions bénévoles ne doivent jamais avoir comme objectif de remplacer le rôle de l’État. Le peuple ne remplace jamais l’État. La deuxième est de s’éloigner de l’esprit complotiste. Il est destructeur sur tous les plans. La troisième est de réfléchir objectivement et d’analyser sérieusement les problèmes que traverse le pays pour en connaître les causes afin d’y remédier. Les causes qui ont fait que l’Algérie n’a pas assez de moyens pour se protéger contre les incendies. Celles qui ont fait que les Algériens n’expliquent plus les phénomènes naturels par des causes naturelles mais par des colères divines et des complots, avant toute enquête. Il faut que l’État veille au développement de l’esprit scientifique dans les écoles et au sein de la société.

La foi dans le travail 
Ces épreuves que traverse le pays doivent être une occasion pour réaliser que seul le travail permettra aux Algériens de changer leur réalité et d’être maîtres de leur destin. Les pays qui sont plus développés nous devancent avec la foi qu’ils ont dans le travail. Les Algériens doivent savoir, même s’ils croient en Dieu, que c’est uniquement par le travail que leurs enfants auront de quoi manger et que leurs maisons seront belles. C’est uniquement par le travail qu’ils auront des routes propres, une industrie et une agriculture développées et des universités performantes. C’est uniquement par le travail que leur pays garantira son avenir parmi les nations et sera à l’abri d’une domination étrangère. Aucun pays n’a osé coloniser un autre pays qui est fort et développé ou n’osera le faire. Il faut en finir avec l’esprit victimaire. Un pays n’est pas colonisé parce qu’on le déteste mais parce qu’il est faible.

Souveraineté de la loi 
Les pays développés que les Algériens admirent tant nous dépassent également par le respect qu’ils manifestent pour la loi. Sans la loi aucune société ne peut se construire et aucune sécurité n’est possible. L’horrible lynchage à mort de Djamel Bensmaïl est la conséquence de la perte de valeur de la loi qui fait que des individus veulent se faire justice eux-mêmes.
Sur les réseaux sociaux, une terminologie tribale, comme la dya (le prix du sang) et le qisâs (loi du talion), remontant au VIIe siècle, a refait surface. Elle révèle l’ampleur des dégâts causés par le discours religieux qui a mis la main sur l’école et les médias oubliant que l’Algérie est un État et non un ensemble de tribus, qu’elle appartient au XXIe siècle et non au VIIe siècle et qu’elle est administrée par le droit, le même partout sur le territoire algérien. Un droit auquel personne ne doit se substituer.

L’humanisme comme valeur suprême 
Le degré de la civilisation d’une société se mesure par sa culture humaniste. L’humanisme qui fait que les individus s’interdisent de violenter l’autre, de lui mentir, de lui faire du mal ou de lui dérober ses biens, non pas parce qu’il est riche ou fort mais pour la simple raison qu’il est un être humain.
L’humanisme qui fait que les individus ressentent de la répugnance à faire du mal à un animal ou à participer à la destruction de la nature. Croire en Dieu, c’est personnel. Aimer l’humain, c’est nécessaire pour soi et pour les autres. Les Algériens n’ont pas le choix.  S’ils veulent vivre bien dans une société où règne la sécurité comme ils le souhaitent, ils doivent faire de l’humanisme une valeur suprême.

Rien ne justifie la violence 
Rien ne justifie la violence et, devant un acte aussi ignoble que l’assassinat de Djamel Bensmaïl, on ne peut pas dire que « c’est ainsi que cela se passe partout dans le monde ». Le faire, c’est vouloir présenter cet assassinat comme un phénomène normal. Prétendre que cet acte barbare n’est rien d’autre que « la preuve que l’Algérie est une société humaine comme toutes les autres », c’est chercher à justifier la violence, à la normaliser et à la faire accepter à la conscience. Alors que, d’une part, la violence doit être condamnée par principe et, d’autre part, un acte aussi sauvage se passe uniquement là où l’humain n’a pas atteint sa maturité ou là où l’humanité a reculé pour céder la place à la barbarie. Voilà ce qu’il faut rappeler comme l’ont fait beaucoup d’Algériens.

Pour construire l’Algérie, il faut commencer par l’aimer
Pour construire l’Algérie, il faut commencer par l’aimer. Aimer l’Algérie, c’est aimer les Algériens : les membres de sa famille, ses voisins, les habitants de son quartier et de toute l’Algérie. Aimer l’Algérie, c’est aimer son histoire, celle qui est ancrée dans sa terre et cesser de vouloir emprunter celle des autres. L’histoire de l’Arabie appartient à l’Arabie. Elle n’est pas celle de l’Algérie. Seule l’histoire de l’Algérie rendra aux Algériens leur fierté et ils ont la chance d’en avoir une des plus belles avec ses racines très anciennes. Aimer l’Algérie, c’est aimer être Algérien. Il faut en finir avec le dénigrement de soi, le mal ancestral qui mine les populations du Nord de l’Afrique.

Critiquer n’est pas dénigrer 
Aimer l’Algérie ne signifie pas prétendre que tout va bien quand les choses vont mal, mais simplement faire la différence entre critiquer et dénigrer. Celui qui critique pour dire que le peuple est débile et nul, qu’il n’y a rien à faire, que tout va mal et que tout est noir n’est pas dans une démarche de critique mais de dénigrement. L’Algérie connaît de grands problèmes mais dire que « ce pays est mort », non seulement n’est pas une façon de l’aider, mais ce n’est pas la vérité. L’Algérie n’est pas un pays mort. C’est un pays vivant avec sa nature splendide et ses hommes et ses femmes extraordinaires par leur générosité et leur intelligence qui ont besoin qu’on les encourage et qu’on reconnaisse leur valeur.
On ne peut pas aider une personne à se construire en lui répétant constamment qu’elle ne vaut rien, qu’elle est nulle et détestable. Il en est de même pour un peuple. Le discours constamment négatif est néfaste.
R. A.

(*) Razika Adnani est philosophe et spécialiste des questions liées à l’islam. Elle est membre du Conseil d’orientation de la Fondation de l’Islam de France, membre du conseil scientifique du Centre civique d’étude du fait religieux (CCEFR), membre du groupe d’analyse de JFC Conseil et présidente fondatrice des Journées internationales de philosophie d’Alger.
De 2014 à 2016, elle donne des conférences à l’Université populaire de Caen de Michel Onfray sur le thème : «Penser l’islam».
De 2015 à 2017, elle contribue aux travaux du séminaire «Laïcité et fondamentalismes» organisé par le Collège des Bernardins. De 2017 à 2018, elle rejoint l’Université permanente de Nantes pour donner un ensemble de conférences sur la pensée musulmane. En 2020, elle donne au Centre civique d’étude du fait religieux (CCEFR) un ensemble de conférences sur le thème : «La réforme de l’islam du XIXe siècle à nos jours».
Pour Razika Adnani, une réforme de l’islam, tournée vers l’avenir, est nécessaire aujourd’hui plus que jamais pour un islam plus compatible avec les valeurs de la modernité et pour une meilleure cohabitation des musulmans avec autrui.
Razika Adnani est auteure de plusieurs ouvrages dont Le blocage de la raison dans la pensée musulmane, Islam: quel problème ? Les défis de la réforme, La nécessaire réconciliation essai sur la violence et le dernier Pour ne pas céder, textes et pensées, recueil de textes, publié en 2021, ainsi que de plusieurs articles de presse.


    L’affaire de l’assassinat de Djamel Bensmaïl en six points 

Il y a une semaine, jour pour jour, le mercredi 11 août, le jeune Djamel Bensmail était lynché à mort par une foule en furie, à Larbaâ Nath Irathen alors que la région était confrontée à des incendies dévastateurs.

Pris pour un pyromane, il a été assassiné et son corps brûlé. Le crime odieux a choqué les Algériens. Retour sur cette tragédie en six points.

Le meurtre

L’assassinat de Djamel Bensmaïl à Larbaa Nath Irathen mercredi 11 août est survenu alors que la région faisait face depuis trois jours à d’immenses incendies qui ont fait 90 morts et détruit des villages.

| Lire aussi : Jeune tué en Kabylie : la leçon de dignité du père de la victime

Djamel est venu de Miliana pour aider la population de la région. On ne sait pour quelle raison et par qui il a été accusé d’être un pyromane. La police l’emmène au commissariat de la ville et la foule, en colère, encercle le fourgon, le fait sortir et le lynche à mort dans la cour même du siège de la sûreté de daïra. Traîné jusqu’à la place du centre-ville, son corps est brûlé et mutilé.

L’onde de choc

Le sort atroce qu’a subi Djamel Bensmaïl a été filmé sous tous les angles, depuis sa désignation comme un pyromane jusqu’à l’incinération et la profanation de son cadavre.

Les images insoutenables ont été diffusées sur les réseaux sociaux presque en temps réel. Les Algériens en ont été choqués et le seront encore plus lorsqu’ils apprendront la véritable identité de la victime : un artiste peintre et guitariste venu en Kabylie avec les meilleures intentions.

Tout le pays est ému par ce qui est arrivé au jeune homme de 35 ans. Depuis, l’affaire tient en haleine l’opinion publique et fait presque oublier les dizaines de victimes des incendies.

 

L’attitude digne et responsable du père de la victime

« Ses propos sont telle une pluie qui s’abat sur le brasier de la haine ». C’est ainsi qu’ont été qualifiées les déclarations du père de la victime juste après l’assassinat de son fils.

« Nous ne voulons pas la fitna, les Kabyles sont nos frères », a-t-il déclaré, coupant l’herbe sous les pieds des haineux de tout bord. Noureddine Bensmaïl se rend à Tizi-Ouzou pour récupérer la dépouille de son fils et tient les mêmes propos.

« J’ai perdu un fils et j’ai gagné une wilaya », dit-il à ceux qui l’ont accueilli à l’hôpital de la ville. « La mort de mon fils rassemblera les Algériens », insiste-il à son retour à Miliana. « L’Algérie a une dette envers Noureddine Bensmaïl », a estimé la politologue Louisa Aït Hamadouche.

Les réactions

L’assassinat de Djamel a fait réagit toute l’Algérie. Toute la Kabylie s’est démarquée de cet acte odieux et l’a condamné sans réserves. Les sages de Larbaâ Nath Irathen ont fait une déclaration le lendemain, condamnant le meurtre ignoble, présentant les excuses de toute la région à la famille du défunt et demandant que justice soit faite.

De nombreux partis politiques ont également réagi, condamnant unanimement ce qui s’est passé, de même que de nombreuses personnalités nationales d’horizons divers.

Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a évoqué l’affaire à deux reprises. La première fois dans un discours à la Nation prononcé jeudi 12 août, dans lequel il a insisté sur la préservation et la défense de l’unité nationale.

Il a indiqué que seule la justice est habilitée à se prononcer, soulignant que ce ne sont pas tous les habitants de la région qui sont derrière cet acte. Il réitérera la même chose samedi 14 août lorsqu’il rend visite aux blessés civils et militaires des incendies.

Les haineux à l’affût

L’assassinat de Djamel a été mis à profit par les tenants du discours haineux et discriminatoire pour déverser leur fiel sur la Kabylie qu’ils ciblent au grand jour depuis plus de deux ans.

Une première plainte contre X a été déposée ce mardi 17 août par Mokhtar Bensaïd, président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADH), auprès du tribunal d’Annaba. Elle fait suite à la diffusion d’une vidéo appelant à « rayer la Kabylie de la carte ».

L’enquête

L’enquête ne devrait pas a priori être difficile, puisque toutes les étapes du crime ont été filmées. Dimanche 15 août, le directeur de la police judiciaire a révélé en conférence de presse que 36 personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’enquête. Il a expliqué l’attitude de la police par des instructions données pour ne pas utiliser les armes à feu afin d’éviter tout dérapage. Des aveux des présumés coupables ont été diffusés, ainsi que certaines images du crime.

Mardi 17 août, la DGSN indique dans un communiqué que 25 autres suspects ont été arrêtés, dont certains en fuite dans plusieurs wilayas. 61 personnes au total, « impliquées à différents degrés », ont été arrêtées. La police affirme que le meurtre est la conclusion d’un complot, œuvre d’un réseau classé « organisation terroriste ».


 

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