L’Algérienne Lina Nassr sacrée championne d’Afrique d’échecs en 2023

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L’échéphile algérienne Lina Nassr remporte une nouvelle victoire et vient dorer de nouveau le blason de l’Algérie à l’internationale. La jeune prodige a décroché cette fois-ci la première place au championnat africain d’échecs individuels.

Si elle porte fièrement le drapeau national en tête du podium, Lina n’est pas la seule à faire honneur à son pays. Deux autres participants algériens décrochent des mentions honorables au même concours, et forgent tout aussi bien la renommée de l’Algérie à l’internationale.

La nouvelle championne d’Afrique d’échecs est algérienne ! Nouvelle victoire pour Lina Nassr

Ce samedi, Lina Nassr s’est imposée devant son adversaire égyptienne et a remporté la médaille d’or au championnat d’Afrique des échecs individuels seniors. Après 7 jours de rude compétition, Lina fait un sans-faute en écrasant systématiquement toutes ses opposantes et en gagnant 4 matchs consécutifs contre les redoutables joueuses égyptiennes, connues pour leur talent.

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Avec cette victoire, Lina écrit une nouvelle page de l’histoire. En effet, l’Algérie n’avait pas remporté la compétition depuis 20 ans, après la victoire de Farida Arouche en 2003. 

Au total, Lina inscrit 7 victoires sur 9 rondes. Elle fait match nul face à l’Égyptienne Mona Khaled, plusieurs fois championne d’Afrique. Avec cette victoire, elle se qualifie d’office à la Coupe du monde d’échecs qui tiendra place en Azerbaïdjan en juillet prochain.

Championnat d’Afrique d’échecs individuels seniors : 3 Algériens dans les tops 3

Une autre Algérienne, Sabrina Latreche, remporte une autre victoire à la même compétition. Sabrina rafle la médaille de bronze à son adversaire et vient rejoindre Lina sur le podium des vainqueurs féminins.

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De son côté, l’Algérien Bilal Bellahcene vient se classer en 2ᵉ position du championnat masculin. Il cède la première place à Fawzi Adham de peu, avec 7.5 points contre 8 pour le vainqueur égyptien.


       Jeux d’échecs : le parcours impressionnant d’une jeune Algérienne     

Chez les Nassr à Tizi Ouzou, les jeux d’échecs sont une affaire de famille.    Le père et ses six enfants sont tous des champions de cette discipline peu connue en Algérie.

Lina, 20 ans, étudiante en 3e année médecine à la faculté de Tizi-Ouzou, vient d’être sacrée championne d’Afrique en jeux d’échecs en catégorie sénior. La compétition s’est déroulée à Gizeh en Égypte entre le 4 et le 14 mai derniers. Son parcours et son palmarès sont impressionnants.

Lina Nassr a réalisé un énorme exploit en arrivant à décrocher le titre africain en Égypte. C’est pour la première fois depuis 20 ans que l’Algérie remporte le Championnat d’Afrique des jeux d’échecs.

La performance de la jeune Lina, âgée de 20 ans, étudiante en troisième année médecine, a plus de sens quand on sait que les joueuses égyptiennes dominent cette compétition depuis une dizaine d’années. Ce n’était donc pas donné d’aller les battre chez elle alors qu’elles étaient archi-favorites pour le sacre final.

Sur son compte Facebook, la jeune Lina enveloppée du drapeau algérien pose fièrement avec son trophée.

À TSA, Lina Nassr donne ses impressions sur l’exploit qu’elle vient de réaliser, sur les prochaines échéances et sur les dessous de la pratique des jeux d’échecs en Algérie.

« Il y avait les favorites du continent. Plusieurs joueuses qui ont le titre de grande maîtresse internationale, le plus haut grade dans les jeux d’échecs, y ont participé. La Coupe d’Afrique est dominée par les Égyptiennes depuis une dizaine d’années. La dernière fois que l’Algérie a remporté le titre, c’était en 2003, l’année de ma naissance », explique fièrement la championne algérienne.

Dans un pays dominé par les sports collectifs, notamment le football, une discipline comme les jeux d’échecs ne trouve pas sa place, ni auprès des autorités, ni auprès du public.

Les jeux d’échecs, une affaire de famille

Preuve en est, l’exploit réalisé par la jeune Lina est passé presque inaperçu d’un point de vue médiatique.

Justement, qu’est-ce qui a poussé le jeune Lina à faire carrière dans les jeux d’échecs ? Visiblement, cette discipline est une tradition familiale chez les Nassr. Lina confie avoir baigné dans les jeux d’échecs depuis son plus jeune âge.

« J’ai commencé à jouer aux échecs à un très jeune âge. Ma première compétition au niveau national, je l’ai faite alors que je n’avais que sept ans. C’est mon père qui nous a initiés. Il a commencé avec mes grands frères puis c’était mon tour. C’est devenu une passion, maintenant cela fait partie de ma vie », raconte Lina.

Lina Nassr a remporté le titre africain après vingt ans de disette pour les jeux d’échecs algériens au niveau continental. La prochaine échéance est toute proche : la Coupe du monde qui aura lieu à partir du 29 juillet à Baku, en Azerbaïdjan. La championne d’Afrique est ambitieuse, mais reste lucide sur ses chances dans la compétition mondiale.

Jeux d’échecs : le palmarès impressionnant de Lina

« Mon objectif est de faire mieux que les dernières participations algériennes en Coupe du monde. Il est encore tôt pour penser à la gagner vu le niveau, mais je vais faire de mon mieux pour aller plus loin que les dernières participations algériennes », assure Lina.

Après avoir remporté le Championnat arabe en mars 2023, Lina Nassr a enchaîné avec un titre africain acquis avec brio en Égypte face à des concurrentes égyptiennes, parties favorites de la compétition et qui bénéficient de meilleures conditions de préparation que la représentante algérienne.

« Je n’ai pas d’entraîneur dédié. Je m’entraîne toute seule avec mon père. Je n’ai pas eu de stages de préparation aussi. Vous pouvez dire que c’est un effort personnel de ma part pour arriver à ce résultat. Mes concurrentes disposent de plus de moyens bien évidemment », explique Lina Nassr qui lance un appel aux autorités afin de mettre plus de moyens à la disposition des joueurs d’échecs en Algérie.

À 20 ans, le palmarès de Lina est impressionnant. Son premier titre de championne de wilaya, elle l’a décroché à l’âge de 6 ans. Depuis, elle n’arrête pas d’empiler les médailles. À 8 ans, elle est championne d’Algérie dans les jeux d’échecs, un titre qu’elle gagne dix fois dans les jeunes catégories.

Lina est aussi quatre fois championne d’Algérie junior et championne d’Algérie senior. Au niveau international, Lina a gagné six fois le titre de championne d’Afrique en jeunes catégories (2014-2015-2016- 2017-2018-2019).

Toujours en Afrique, elle s’est imposée dans la catégorie junior à trois reprises (2017-2021-2022), avant de gagner le Championnat d’Afrique sénior en 2023. Au niveau arabe, elle a été trois fois championne dans les jeunes catégories (2015-2016-218), a remporté le titre de championne en sénior en 2023. « Je suis maître internationale féminine et j’ai le titre de grand maître Internationale », ajoute Lina, très fière.

Lina doit sa réussite à son père, entraîneur diplômé par la Fédération internationale des échecs, ancien membre de l’Équipe nationale.

C’est lui qui mérite une distinction pour avoir réussi l’exploit de faire aimer et de former ses six enfants dans les jeux d’échecs dans un pays où les jeunes, surtout les garçons, aiment taper dans le ballon dès le jeune âge. Quand Lina présente ses deux frères et ses trois sœurs, les jeux d’échecs sont présents.

Elle égrène. Ali, le frère aîné, est maître international dans les jeux d’échecs. Médecin généraliste, il a été plusieurs fois champion d’Afrique et arabe dans les jeunes catégories, raconte Lina. Son second frère, Ahmed, est aussi maître international. Il a été deux fois champion d’Afrique des jeunes catégories. Ses trois sœurs ont également brillé avec des titres en Afrique et au niveau arabe.

« À la maison, on a tous la passion des jeux d’échecs et on est tous des champions », résume Lina. « Les jeux d’échecs m’aident dans la concentration et à développer ma mémoire. Je n’ai plus de temps vide ».


            La lente féminisation du monde des échecs

Une fillette devant un échiquier pendant un tournoi
Une participante au championnat de France jeunes à Agen (Lot-et-Garonne), avril 2023.                                                                           Nicolas Jouandet / Fédération française d’échecs

Les échecs sont l’un des plus anciens jeux de société mais ils semblent avoir retrouvé une forme de modernité. La série Netflix à succès Le Jeu de la Dame (The Queen’s Gambit) a remis au goût du jour ce jeu de stratégie, de même que les confinements, qui ont rapproché les gens de leurs jeux de société. Les productions scientifiques montrent tous les bienfaits de ce jeu pour le cerveau, notamment celui des enfants, et ont également contribué au phénomène. Ajoutons à cela le développement des plates-formes de jeu en ligne, sur lesquelles on note au niveau mondial une croissance de la pratique.

En avril 2022, la compétition d’échecs a même été officiellement reconnue comme un sport en France. Cela peut sembler surprenant pour un jeu de réflexion, mais logique pour une pratique qui nécessite endurance et entraînement physique. Les matchs durent en effet parfois plus de 6 heures, faisant brûler 6 000 calories via le stress, la réflexion et les contractions musculaires.

Avec un récent doublé (dans les catégories mixte et féminine pour la deuxième année consécutive) mi-avril lors de la Mitropa Cup, sorte de championnat d’Europe par équipes, joueurs et joueuses de l’Hexagone se montrent performants. Ils sont aussi de plus en plus nombreux. La Fédération française a, ces dernières années, vu une augmentation significative des licenciés. Le nombre de titulaires d’une licence est passé de 53 000 à la mi-avril 2022 à 63 000 cette année. Fin avril, les championnats de France individuels jeunes ont réuni plus de 1 700 participants à Agen et la Fédération travaille sur de nombreux chantiers, en tête la valorisation des bienfaits du jeu et la féminisation du sport. Ce dernier aspect reste la limite principale du mouvement, avec 20 % de licenciées seulement.

Les fédérations avancent leurs pions

On relève ainsi tout un travail effectué autour de la pédagogie liée aux échecs. Promouvoir l’activité, c’est insister sur le fait qu’elle favorise notamment le développement de qualités essentielles aux enfants, comme la patience, la réflexion, l’anticipation, la concentration et évidemment le calcul et la géométrie.

We believe in experts. We believe knowledge must inform decision

À l’instar de la Norvège où les échecs font partie des programmes scolaires de primaire, des initiatives fleurissent. C’est par exemple le programme échecs et maths développé dans une école grenobloise de zone d’éducation prioritaire. C’est aussi cette école nantaise qui accueille des enfants à haut potentiel, souvent en difficulté scolaire, et qui a pu, parmi ses 60 élèves, constituer une équipe de 10 enfants qualifiés en finale des championnats de France scolaires.

S’ajoute à ces initiatives un programme porté par les instances fédérales qui vise à développer la pratique des échecs parmi les enfants autistes. Les bienfaits thérapeutiques sont désormais prouvés pour ce public ainsi que pour les jeunes dyslexiques et atteints de troubles de l’attention.

L’autre grand défi pour ce sport, gros bémol actuellement, est celui de sa féminisation. Sacré le 30 avril, le nouveau champion du monde chinois, Ding Liren, est un homme. La championne du monde féminine en titre, Ju Wenjun, également chinoise, ne figure même pas dans le top 100 mondial mixte.

Pas de bonnes joueuses ?

Dans les mentalités, les échecs restent un sport masculin. L’Américain Bobby Fisher (1943-2008), vainqueur du « match du siècle » en 1972 qui avait mis fin à des décennies de domination soviétique sur la discipline, personnage à l’origine de nombreuses polémiques, affirmait ainsi sans ambages que les femmes étaient trop stupides pour y briller. C’est ainsi qu’il expliquait n’avoir jamais rencontré une joueuse de bon niveau.

C’est bien entendu oublier des faits statistiques et sociologiques de premier ordre. Tout d’abord, les champions d’échecs sont des exceptions. Puisque 90 % de la population des joueurs sont des hommes, il y a plus de chances que ces exceptions surgissent parmi ces messieurs.

Comme dans d’autres secteurs très masculins qui ont fait l’objet de nos recherches, le facteur culturel est pour le reste essentiel. Une équipe de l’université de Padoue a étudié les biais de genre chez les joueuses d’échecs. Elle montre qu’à niveau équivalent, lorsque des joueuses pensaient jouer contre des femmes, elles gagnaient environ 50 % de leurs parties, mais lorsqu’on leur disait que ces mêmes adversaires étaient des hommes, les résultats chutaient drastiquement.

Aux échecs, il existe une catégorie mixte et une catégorie féminine. Créée au début sur des bases misogynes, expliquées plus haut par Bobby Fischer, la catégorie féminine sert aujourd’hui surtout à attirer les filles, qui préfèrent souvent jouer entre elles et qui ont alors plus de chances de gagner des prix et des coupes. Une fille qui se situe parmi les meilleurs joueurs de son département n’est pas assurée d’en être championne mixte, alors qu’elle l’est quasiment d’être championne féminine. Au plus haut niveau, c’est aussi une garantie de récompenses financières dans un secteur où il est difficile de gagner sa vie.

La Fédération française cherche à lutter contre les biais de genre et à attirer plus de filles, notamment à haut niveau. Cette année, les championnats départementaux, puis régionaux, se sont déroulés en mixte, même si un classement féminin a posteriori a été effectué. Cela a permis à certaines filles de faire leurs preuves. Dans beaucoup de championnats départementaux et régionaux, des filles auraient été qualifiées en catégorie mixte, même si elles étaient classées parmi les féminines. L’objectif de la fédération, une fois qu’elles se sont prouvées à elles-mêmes et à leurs camarades qu’elles méritaient leur place parmi les meilleurs, est de les pousser à s’inscrire en mixte la prochaine fois et, par ricochet, d’être stimulées par une plus grande compétition.

En outre, il existe désormais des catégories, comme les équipes nationales adultes ou les équipes scolaires, où une présence féminine est obligatoire. Les clubs sont alors obligés de former ou de recruter pour doter leurs équipes des meilleurs atouts féminins.

L’adolescence, un âge à cibler

Cela concerne aussi les entraîneurs : la science a, en effet, bien documenté les bienfaits du coaching des femmes par les femmes. C’est ce sur quoi insiste, par exemple, Laurie Delorme, présidente du club Marseille-Échecs :

« Un point important serait de rendre plus visible et valoriser les femmes qui évoluent dans ce milieu à tous niveaux afin d’en inspirer d’autres ! La présence de filles en attire de nouvelles, un moyen d’être plus attractif est donc bien d’augmenter la visibilité des joueuses. »

Quelques modèles existent au niveau international comme national. Les sœurs Polgar, notamment Judit (née en 1976) qui battit d’ailleurs le record de précocité de Bobby Fischer et, bien avant, Vera Menchik (1906-1944), qui ne jouait que des tournois contre les hommes et à propos de laquelle le célèbre théoricien des échecs Hans Kmoch avait dit que si elle totalisait 3 points au tournoi de Carlsbad en 1929, il se mettrait au ballet (on n’a pas gardé de photo de lui en tutu). La France compte un certain nombre de championnes : Sophie Milliet (née en 1983) ou Marie Sebag (née en 1986), mais aussi, chez les plus jeunes, Manon Schippke, championne de France mixte de blitz des moins de 16 ans en 2022.

Attirer ne suffit cependant pas ; il faut aussi que les joueuses restent. Or, ce que l’on observe également dans les clubs est une défection à l’adolescence. En Top Jeunes – la première division, qui regroupe des équipes composées de paires de joueurs de chaque catégorie d’âge (une équipe se compose de deux U10, deux U12, deux U14 et deux U16) –, peu de filles sont présentes, et peu de femmes entraînent les équipes. Les premiers résultats de nos études montrent comment, avec les changements de regard sur le corps des filles qui interviennent à cet âge, elles ne sont plus vues comme de simples joueurs d’échecs.

Les plates-formes de jeu en ligne et l’anonymat relatif qu’elles confèrent sont ainsi trop souvent le lieu de propos et d’invitations déplacés. Sur les chaînes de streaming, les chats commentent encore très souvent le look des joueuses par rapport à celui des joueurs.

Les regards, les paroles, parfois les gestes à l’encontre des joueuses deviennent une contrainte que certaines ne voient pas la peine de s’infliger. Comme dans d’autres secteurs, avoir plus de filles c’est d’une part les inciter à venir et convaincre leur entourage, mais c’est aussi éduquer les garçons pour qu’elles restent.


 

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