L’après-guerre libyen : «La Libye génère assez de recettes fiscales pour se reconstruire sans l’aide de personne»

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La sélection surprise d’un nouveau Premier ministre pour la Libye, choisi sous la supervision de l’Onu à Genève, laisse entrevoir un espoir de paix après dix années de guerre. Mais cet optimisme a-t-il des angles morts? Analyse de Michel Scarbonchi, ancien député européen et consultant international, au micro de Rachel Marsden.

Est-ce que la paix est enfin en vue pour la Libye, après une décennie de guerre civile?

Avec le choix surprenant du nouveau Premier ministre par intérim, le pays pourra-t-il se reconstruire tout seul? Michel Scarbonchi, ancien député européen et consultant international, décrypte la nouvelle donne pour le Désordre mondial:

«La Libye génère assez de recettes fiscales pour se reconstruire sans l’aide de personne. Avant la guerre de 2011, le territoire était le plus riche et le plus stable du Machrek et du Maghreb. La population vivait correctement et le pays avait le taux d’universitaires le plus élevé du monde arabe. Les femmes bénéficiaient également d’une liberté exceptionnelle pour le monde arabe.»


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Un rapport remis au Conseil de sécurité de l’Onu cible le rôle de mercenaires occidentaux en Libye. Il cite notamment le fondateur de Blackwater, Erik Prince. L’affaire passera-t-elle à la trappe? Décryptage d’Alexandre Vautravers, chercheur et journaliste militaire, pour le Désordre mondial.

Le rapport des enquêteurs des Nations unies visant des mercenaires occidentaux en Libye pourra-t-il donner lieu à des sanctions? Ou l’affaire fera-t-elle long feu?

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Discussion avec Alexandre Vautravers, chercheur associé au Geneva Centre for Security Policy (GCSP) et rédacteur en chef de la Revue militaire suisse (RMS), au micro de Rachel Marsden.


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Le processus interlibyen parrainé par les Nations unies, qui doit permettre de désigner un gouvernement de transition, est entaché de faits de corruption, d’après des experts onusiens. C’est ce qui est relevé dans un extrait du rapport final du comité des experts de l’Organisation des Nations unies (ONU) chargé de l’embargo sur les armes et des sanctions pour la Libye, cité hier par l’AFP.

Il y est indiqué que deux membres du Forum du dialogue politique (FDPL) ont «offert des pots-de-vin de 150 000 à 200 000 dollars à au moins trois participants en échange d’un engagement à voter pour (Abdelhamid) Dbeyba comme Premier ministre». L’un d’eux a «éclaté de colère dans le hall d’un hôtel à Tunis en apprenant que certains participants auraient pu recevoir jusqu’à 400 000 ou 500 000 dollars pour leurs votes en faveur de Dbeyba alors qu’il n’avait reçu que 200 000 dollars», est-il précisé dans l’annexe 13 de ce rapport encore confidentiel, qui doit être remis formellement aux 15 membres du Conseil de sécurité d’ici la mi-mars. Un participant à ce Forum, ayant requis l’anonymat, a affirmé avoir été témoin de la scène. Il s’est dit indigné d’une «corruption inacceptable au moment où la Libye traverse une crise majeure».

En novembre, des organisations libyennes ont appelé à enquêter sur des«allégations de corruption» visant, selon elles, à influencer le processus de sélection des futurs responsables. Un groupe d’experts des Nations unies est alors saisi. «Dès que nous aurons des informations sur ces allégations, vous serez les premiers informés», a promis l’ancienne émissaire par intérim de l’ONU en Libye, Stephanie Williams, en s’adressant aux participants du dialogue politique. Dans une lettre adressée le 20 février à l’actuel envoyé spécial onusien, Jan Kubis, deux participantes au Forum, Sayida Kamel Yaacoubi et Azza Mahmoud Assid, ont appelé à rendre public le rapport des experts afin de lever le voile sur cette affaire qui «porte atteinte à (leur) dignité».


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Dix ans après le déclenchement de la guerre civile en Libye, un nouveau chef du gouvernement par intérim a été désigné. À défaut de victoire militaire claire, qui a gagné les hostilités sur le plan politique? Décryptage de Michel Scarbonchi, ancien député européen et consultant international, pour le Désordre mondial.

La guerre civile en Libye est-elle enfin terminée? Le cessez-le-feu mis en place en octobre dernier entre le gouvernement soutenu par l’Onu et les forces du maréchal Khalifa Haftar –le général américano-libyen à la tête de l’Armée nationale libyenne basé à Tobrouk, soutenu par la Chambre des représentants libyenne élue– semble avoir ouvert la voie à une solution politique. Mais tiendra-t-elle dans la durée?

La Libye a un nouveau Premier ministre par intérim, Abdel Dbeibah, choisi par 75 délégués à travers un processus supervisé par l’Onu. Pourquoi ce choix a-t-il surpris certains observateurs? Qui est-il précisément? Et pourquoi n’a-t-il pas encore nommé de gouvernement de transition, ce qu’il était censé avoir fait fin février?

Le 22 février dernier, le ministre de l’Intérieur soutenu par l’Onu, qui était le grand favori de la presse internationale au poste de Premier ministre par intérim, a échappé à une tentative d’assassinat dans les faubourgs de Tripoli. Qui pouvait vouloir sa mort? Que se passe-t-il vraiment dans les coulisses en Libye?

Michel Scarbonchi, ancien député européen et consultant international, dresse le tableau de la situation politique du pays:

«La Libye actuelle est en convalescence. Le nouveau pouvoir politique a été mis en place par le forum du dialogue. À la surprise générale, en nommant un homme de Benghazi président du Conseil présidentiel, puis un Premier ministre issu de Misrata –par ailleurs ancien proche de Mouammar Kadhafi–, tout le monde a été surpris. Mais en même temps, comme le maréchal Haftar a adoubé ce nouveau tandem pour diriger la Libye, on ne peut être qu’optimiste.»

Qu’est-ce qui pourrait porter atteinte à ce premier pas vers une résolution politique? Michel Scarbonchi explique en quoi ce début de règlement de la crise est fragile:

«Il y a des gens qui ont tout intérêt à voir le chaos se maintenir. Ces personnes sont contre cet accord, car elles tirent leur fortune et leur richesse de la débâcle qui règne en Libye depuis près de dix ans. Les milices de Tripoli ne vivent que des vagues migratoires, de différents trafics de drogue d’essence, d’argent, d’êtres humains […] Elles n’ont pas intérêt à ce que le pays retrouve la paix parce que cela mettrait fin à leur business.»

Après dix années de conflit et de guerre civile –déclenchés avec une participation occidentale, y compris française–, quel bilan peut-on faire de la situation? L’ancien député européen ne mâche pas ses mots:

«Le bilan de cette guerre est totalement épouvantable quand on constate le nombre de morts, de blessés, de mutilés, la destruction d’un pays qui était le plus florissant du monde arabe et de l’Afrique.»


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