L’Algérie n’a récupéré que 2% des archives détenues par la France : «Ce dossier ne doit pas être otage de considérations politiques»

05.07.2020

  Le rapatriement des 24 crânes des résistants algériens à l’invasion et la colonisation françaises devrait interpeller nos autorités sur la question des archives détenues par la France.

Plus d’un demi-siècle après l’indépendance de notre pays, la question des archives, un pan important de notre histoire, reste une question majeure du contentieux entre l’Algérie et la France. Les fonds des archives sous toutes leurs formes qui se trouvent à l’extérieur, notamment en France, sont considérables. A l’unanimité, des chercheurs et historiens algériens estiment qu’il est temps d’arrêter le bricolage et d’être sérieux sur cette question pour que les Algériens puissent avoir accès aux archives et les exploiter. Que font nos institutions pour récupérer ces archives ?

  Que font nos ambassades et les chargés culturels ? s’interroge l’historien Amar Mohand Amer. Selon ce chercheur, la question des archives ne doit pas être otage de considération politique ou diplomatique, mais elle doit être une revendication et une aspiration nationale. «Il faut que l’Etat libère l’université. Il faut bannir la bureaucratie. Ce n’est pas au ministre des Moudjahidine de s’occuper de ce dossier, ce département doit juste être un acteur ou un soutien, au même titre que les autres ministères.

Les parties habilitées et ayant vocation à travailler sur le fond des archives sont les historiens chercheurs, sociologues, architectes archéologues, archivistes, journalistes…», note l’historien Fouad Soufi. L’Algérie a pu récupérer les crânes des 24 chouhada, rappelle-t-il,  grâce à la mobilisation et au sérieux des chercheurs et de la société civile. «L’affaire des crânes doit nous servir d’exemple», conseille Amar Amer.

Pour Fouad Soufi, il faut donner les moyens à la Direction générale des archives nationale pour qu’elle puisse mener à terme son travail. «La question des archives se pose aujourd’hui et se posera demain. L’organisme qui doit travailler sur cette question est la Direction générale des archives soutenue par les différents ministères. Mais il y a un immense dysfonctionnement à ce niveau. Je n’attends rien des Français, il faut arrêter de se démarquer et agir», affirme Fouad Soufi en précisant que parmi les archives détenues par les Français figurent des films, des documentaires et des rapports archéologiques sur des fouilles, une bibliothèque de la ville d’Alger…

Du côté des autorités, l’on affirme que les archives remises  par la France à l’Algérie depuis l’indépendance «ne dépassent pas les 2%».  Le règlement du dossier de la mémoire et la satisfaction de la revendication  de l’Algérie relative à la restitution de la totalité de ses archives spoliées lors de l’occupation française est, selon eux, primordiale. Abdelmadjid Chikhi, conseiller auprès du président de la République, chargé des archives et de la mémoire nationales, a réaffirmé ce vendredi que l’Algérie «ne renoncera pas à sa demande de restitution de ses archives détenues par la France».

M. Chikhi a précisé à l’APS que «la génération actuelle et celles qui lui succéderont demeureront attachées à la demande de restitution de toutes les archives nationales détenues par la France et se rapportant à plusieurs périodes de notre histoire», estimant qu’«il n’y a pas chez la partie française de réelle volonté de clore ce dossier définitivement».

Selon lui, les responsables français en charge des négociations sur ce dossier n’ont pas de pouvoir décisionnel en la matière. Rappelant que toutes les lois et législations internationales stipulent clairement que «les archives appartiennent au territoire dans lequel elles ont été produites», le responsable des archives nationales a dit que «la France tente de se dérober à ces textes internationaux en promulguant des lois de contournement».

La loi promulguée par la France en 2006 en est une parfaite illustration, puisqu’elle dispose que «les archives font partie du domaine public» et qu’elles sont, par conséquent, «inaliénables et imprescriptibles», a estimé M. Chikhi.

Il a également cité la décision de disperser les archives algériennes détenues par la France dans d’autres centres «à l’insu de l’Algérie». Pour M. Chikhi, cette mesure constitue «une violation du principe de non-rétroactivité des lois», d’autant que le dossier des archives «fait l’objet de négociations et n’a pas été tranché définitivement». Il a indiqué dans ce contexte que la grande commission mixte algéro-française pourrait se réunir ce mois-ci et aura entre autres dossiers à examiner, celui de la récupération des archives nationales.


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