ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001 : Le début d’une nouvelle Ère

Par : Dr Arslan Chikhaoui, Expert en géopolitique

     

Les attentats du 11 septembre 2001 ont marqué le début d’une ère, et le paysage mondial post-2021 a commencé à être conçu. Il se structure incontestablement avec ses certitudes relatives et ses incertitudes sous l’influence pressante des acteurs non étatiques.“

Les attentats des Twin Towers de New York du 11 septembre 2001 ont démontré que la sécurité absolue dans ce monde de plus en plus globalisé n’existe pas. Aujourd’hui, l’asymétrie des adversaires potentiels est considérée comme une menace à cause de son caractère imprévisible et indécelable. C’est ainsi que nous avons vu se développer de plus en plus des alternatives asymétriques chez des groupes non étatiques de type organisations terroristes leur procurant d’importantes capacités de nuisances de leurs adversaires en possession de moyens sophistiqués théoriquement censés apporter un avantage certain.

Défini par le Département d’État des États-Unis d’Amérique : “Le terrorisme est un acte violent prémédité, commis à des fins politiques contre des cibles non combattantes (civils, personnels militaires non armés et/ou pas en service, attaques contre les personnels armés et les installations militaires sans être en situation d’hostilité militaire) par des groupes sous-nationaux ou des agents clandestins, et dont le but est généralement d’influencer une population. Le terrorisme international représente le terrorisme impliquant les citoyens ou le territoire de plus d’un pays. Un groupe terroriste est un groupe recourant ou ayant des sous-groupes significatifs recourant au terrorisme international.”

Le Quai d’Orsay quant à lui a défini le terrorisme comme “une entreprise délibérée tendant par l’intimidation ou la violence à renverser les institutions démocratiques ou à soustraire une partie du territoire national à l’autorité de l’État”. Sur le plan tactique, le terrorisme apparaît comme un préalable ou un substitut à la guerre. Il représente une stratégie de pression exercée contre un État. Le but n’est ni de le vaincre ni de le conquérir mais de l’amener à adopter un comportement. Au-delà des attentats classiques utilisant des moyens traditionnels, les terroristes ont étendu leurs champs de bataille de l’espace physique au cyberespace susceptibles de paralyser des systèmes vitaux, de perturber l’activité économique et commerciale, de fragiliser la capacité de réaction en période de crise, etc.

Par son caractère spectaculaire, le terrorisme a pu être utilisé pour frapper les opinions publiques. Il est par conséquent une forme de communication ayant un excellent rapport coût/efficacité. Les groupes écrans terroristes formés dans certains pays disposent, au-delà des liens avec certains États, de logiques propres et peuvent passer des accords de groupe à groupe, ce qui complique le travail de contre-terrorisme.

Ce qui est préoccupant aujourd’hui, c’est que le terrorisme est lié à plusieurs groupes incontrôlés, extrêmement bien organisés et disposant de moyens importants sans pour autant avoir un commandement centralisé. Le terrorisme s’est aussi globalisé. On a vu après les attentats du 11 septembre 2001 qu’Oussama Ben Laden, chef d’Al-Qaïda, possédait des réseaux transfrontaliers, dont les différents membres étaient bien intégrés dans leurs pays d’accueil. Par exemple, les rumeurs sur les spéculations boursières que ces groupes auraient faites juste avant les attentats des Twin Towers montrent aussi qu’ils ont bien intégré les modes de fonctionnement de l’économie de marché.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont marqué le début d’une ère, et le paysage mondial post-2021 a commencé à être conçu. Il se structure incontestablement avec ses certitudes relatives et ses incertitudes sous l’influence pressante des acteurs non étatiques. Ces certitudes et d’incertitudes se résument comme suit :
• Les certitudes relatives
– Globalisation irréversible, pour un monde probablement moins occidentalisé
– Un pouvoir grandissant des acteurs non étatiques
– Un nombre croissant d’entreprises de taille mondiale facilite la propagation des nouvelles technologies
– La montée de certains pays asiatiques et l’avènement de nouveaux poids moyens de l’économie
– Des populations vieillissantes au sein de puissances établies
– L’islamisme (islam politique) demeure une force pertinente
– Capacités accrues des armes à destruction massives (CBRN) de certains acteurs
– Un arc d’instabilité qui englobe le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique
– Des questions environnementales et éthiques mises encore plus en avant
– Faible probabilité de voir un conflit entre puissances majeures dégénérer en guerre globale
– Les États-Unis d’Amérique resteront un acteur puissant sur les plans économique, technologique et militaire.
• Les incertitudes majeures
– La globalisation aura-t-elle la capacité de tirer les économies en retard de développement ?
– La volonté et la faculté d’adaptation des États et des institutions internationales aux acteurs non étatiques
– Les pays asiatiques pourront-ils imposer de nouvelles règles du jeu ?
– L’écart entre nantis et laissés pour compte risque-t-il de se creuser un peu plus ?
– La gestion et la maîtrise des crises financières récurrentes
– La portée du défi de la connectivité pour les gouvernements
– La montée de la Chine et de l’Inde se fera-t-elle en douceur ?
– L’UE deviendra-t-elle une superpuissance ?
– L’instabilité politique dans les pays producteurs de matières premières ; la perturbation des approvisionnements
– L’impact des courants religieux sur l’unité des États et leur conflictualité potentielle ; la montée de l’idéologie djihadiste.
– Les puissances nucléaires seront-elles moins ou plus nombreuses ?
– La faculté des terroristes à acquérir des armes de destruction massive (ADM)
– Les événements accélérateurs de type mouvements populaires et révolutions colorées conduisant au renversement de certaines élites gouvernantes
– La faculté de gérer les situations explosives et la compétition face aux ressources naturelles
– La capacité des nouvelles technologies à résoudre des dilemmes éthiques
En conséquence, le monde post-2021 différera de façon notable du monde de 2001 (année symbole) marquée par les attentats des Twin Towers. Aujourd’hui, l’ordre international est au milieu du gué. Il subit de profonds changements. Depuis la formation du système de l’alliance occidentale, en 1949, la nature et la forme des systèmes de l’alliance à l’échelle internationale n’ont connu de mutations comparables à celle de ces deux dernières décennies. La division Est/Ouest, la ligne de partage traditionnelle Nord/Sud risquent de ne plus être un concept très représentatif pour cette nouvelle Ere. Le concept Eurasie destiné à supplanter l’ancienne Union soviétique et l’unité de l’Ouest ont également perdu de leur pertinence. Ce sera surtout dû à la mondialisation et à la montée en puissance attendue de la Chine et de l’Inde. D’autres divisions au-delà du champ économique risquent de modeler la vision du monde. Pour beaucoup de sociétés, les scissions entre groupes religieux et au sein même de ces groupes, pourraient tracer des frontières aussi marquantes que les frontières nationales. Toutefois, le concept actuel qui risque de conserver sa pertinence est l’arc d’instabilité ancré en Asie du Sud-Est où l’on assiste à la montée d’un islamisme radical et du terrorisme et qui se prolonge vers l’Asie centrale. Cet arc inclut plusieurs pays d’Afrique, d’Afrique du Nord, du Sahel et du Moyen-Orient. De manière plus générale, le monde de l’après-attentats du 11 septembre 2001 a vu se multiplier les risques de conflits désignés comme des conflits de faible intensité (low intensity conflicts, LIC) définis comme une “confrontation politico-militaire entre États ou groupes rivaux, en deçà de la guerre conventionnelle mais au-delà de la compétition pacifique et routinière entre les États”.

La nouvelle doctrine du LIC définit ensuite des catégories opérationnelles. La première est celle de la guerre révolutionnaire et contre-révolutionnaire (insurgency-counterinsurgency), la deuxième celle de la lutte contre le terrorisme, la troisième celle du maintien de la paix (peacekeeping) ou interposition entre des belligérants, et la quatrième celle des opérations de circonstance en temps de paix, c’est-à-dire une large catégorie incluant des actions militaires (frappes ponctuelles, raids), des actions pacifiques (assistance après une catastrophe) ou des actions entre les deux (lutte anti-drogue). En somme, la recomposition du monde post 2021 est en mouvement accéléré depuis les attentats du 11 septembre 2001 et il sera de plus en plus dessiné et gouverné par des gouvernements invisibles qui s’institutionnalisent. Le défi majeur sera incontestablement notre capacité d’adaptation rapide !


 

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