Bolivie / Pressé de toutes parts, Evo Morales annonce sa démission

Après avoir proposé de nouvelles élections pour tenter de faire sortir le pays de la spirale de la violence, le président Evo Morales a annoncé sa démission. Le chef de l’armée et celui de la police nationale l’avaient appelé à se retirer.

Luis Fernando Camacho, figure majeure de l’opposition, s’adresse à ses partisans à La Paz, le 10 novembre. © CARLOS GARCIA RAWLINS Source: Reuters
© HO / BOLIVIA TV / AFP

Le président bolivien Evo Morales a annoncé sa démission ce 10 novembre lors d’une allocution télévisée. Le chef d’Etat de gauche avait été réélu président dès le premier tour, avec plus de 40% des voix, lors d’un précédent scrutin le 20 octobre, mais l’opposition en conteste les résultats, ce qui a donné lieu à des scènes de violences et d’affrontement dans les rues, depuis plusieurs jours. «Je renonce à mon poste de président», a solennellement annoncé ce leader syndical qui se présentait en défenseur des populations indigènes. 

«Le coup d’Etat a eu lieu», a ajouté, à ses côtés, le vice-président Alvaro Garcia Linera.

Plus tôt ce 10 novembre, le chef d’Etat, en poste depuis 2006, avait tenté d’enrayer la crise que traverse la Bolivie en proposant la tenue de nouvelles élections. «Ma demande au peuple bolivien est de garantir la coexistence pacifique et de mettre fin à la violence pour le bien de tous», expliquait-il sur Twitter.

Non convaincu par cette solution, Williams Kaliman, général et commandant en chef de l’armée bolivienne avait demandé, un peu plus tard, à Evo Morales de démissionner «pour le bien de la Bolivie». «Après avoir analysé la situation conflictuelle interne, nous demandons au président de renoncer à son mandat présidentiel afin de permettre la pacification et le maintien de la stabilité, pour le bien de notre Bolivie», avait déclaré le général à la presse. Le commandant général de la police nationale, le général Vladimir Yuri Calderon, lui avait emboîté le pas.

Plusieurs membres de l’opposition réclamaient eux aussi le départ d’Evo Morales du pouvoir, comme le centriste Carlos Mesa, candidat au premier tour de la présidentielle du 20 octobre, qui avait, par exemple, déclaré : «S’il lui reste une once de patriotisme il devrait se retirer.»

Incendies et prise d’otage : la pression à son comble

Face à la crise, plusieurs ministres et députés, dont le président de l’Assemblée nationale, avaient annoncé leur démission le 10 novembre, évoquant parfois les méthodes employées par l’opposition.

Le ministre des Mines, César Navarro, avait ainsi renoncé à son poste, expliquant, dans des propos rapportés par l’AFP, vouloir «préserver [sa] famille» après l’incendie de sa maison et l’agression de son neveu.

Des manifestants ont également incendié la maison du président de l’Assemblée nationale, Victor Borda, située à Potosi. Celui-ci a suivi la vague de démissions. «Pourvu que cela aide à préserver l’intégrité physique de mon frère, qui a été pris en otage [lors de l’attaque]», a-t-il par ailleurs déclaré.

Le ministre des Hydrocarbures, Luis Alberto Sanchez, a pour sa part démissionné et fait savoir dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux : «Le cours des événements va à l’encontre de mes principes personnels, ainsi que de mes valeurs spirituelles et démocratiques.» 

Evo Morales, originaire d’une ville de mineurs, avait remporté l’élection présidentielle de décembre 2005 en tant que leader du Mouvement vers le socialisme (MAS), et était entré en fonction un mois plus tard.

Soutien affiché des classes populaires et des populations indigènes, son mandat aura été marqué par un net recul de la pauvreté et de l’analphabétisme. Evo Morales avait toutefois subi un premier revers en 2016, lorsqu’il avait perdu un référendum constitutionnel visant à autoriser le président à briguer un quatrième mandat, une option contre laquelle 51,3% des votants s’étaient exprimés. Le Tribunal constitutionnel était finalement passé outre ce référendum, permettant sa réélection de justesse.

Lors de l’élection de 2019, le président sortant est donné vainqueur dès le premier tour avec 47,1% des voix, contre 36,5% pour le candidat arrivé second, Carlos Mesa. Mais l’opposition conteste les résultats et une grève, virant parfois aux émeutes, voit le jour dans les rues. L’Organisation des Etats américains (OEA), dont le siège est basé à Washington, avait alors réclamé l’annulation de la présidentielle du 20 octobre et demandé la convocation d’un nouveau scrutin. 

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