Burkina Faso : 62 ans après l’indépendance, « l’esprit paternaliste » de l’ancien colon plane toujours (Experts)

la république de Haute-volta, actuel Burkina Faso a obtenu son indépendance le 05 août 1960 après avoir manifesté le désir de prendre en charge son destin. avant cette date, le pays qui comptabilisait à l’époque environ 4 millions et demi d’habitants était sous l’emprise coloniale française. soixante-deux (62) ans après, plusieurs régimes se sont succédés. Aussi, la vie politique, a-t-elle été marquée par des bouleversements multiples, notamment des coups d’Etat. mais dans le fond, ce pays qui entretient toujours des liens avec la France reste confronté à d’énormes défis liés à son développement.

 

Le 05 août 1960, à zéro heure, « au nom du droit naturel de l’homme à la liberté, à l’égalité, à la fraternité », le Président Maurice Yaméogo proclamait solennellement l’indépendance de la République de Haute-Volta, actuel Burkina Faso, sur les ondes la radio nationale.

Mais avant cette date, plusieurs épisodes ont marqué la vie de cette jeune Nation.

En effet, créée en 1919, la colonie de Haute-Volta qui comptait sept (07) cercles, sera disloquée treize ans plus tard en septembre 1932, au profit du Soudan français (actuel Mali), de la Côte d’Ivoire et du Niger.

« Le démantèlement de la Haute-Volta s’expliquait par la convoitise de son réservoir de main-d’œuvre que lui vouaient les colonies voisines. Aussi, la colonie manquait d’un accès à la mer et l’Administration coloniale devait restreindre ses frais de fonctionnement« , indique le Service d’information du gouvernement burkinabè (SIG), dans une note.

Cependant, après la Seconde Guerre mondiale, un mouvement nationaliste, appuyé par le Moogho Naaba Koom II (un chef traditionnel) qui a régné de 1906-1946 aboutit à la reconstitution de la Haute-Volta en 1947.

Une nouvelle Assemblée territoriale est élue le 31 mars 1957 au suffrage universel. Elle désigne un gouvernement de douze (12) membres. Ouézzin Coulibaly est élu Vice-président, puis Président de ce gouvernement. Il meurt le 7 septembre 1958 et est remplacé par Maurice Yaméogo de l’Union Démocratique Voltaïque (UDV).

  • L’accession à l’indépendance

La Communauté française, proposée par référendum le 28 septembre 1958, est acceptée par 75 % des inscrits de la Colonie de Haute-Volta. Le 11 décembre de la même année, la République voltaïque est proclamée, et adhère aussitôt à la Communauté, rappelle le SIG.

En 1959, la République devient autonome, et se retire dès le mois de mars du projet de Fédération du Mali qui réunissait la Haute-Volta, le Soudan français, le Dahomey et le Sénégal. L’Assemblée territoriale de 1957 devient Assemblée constituante et élabore une Constitution, adoptée par référendum le 15 mars 1958.

Le 5 août 1960, la Haute-Volta accède à la souveraineté nationale et internationale. Ce jour, entouré des présidents du Dahomey, Hubert Maga, du Niger, Hamani Diori et Félix Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire, Maurice Yaméogo, 39 ans, déclare sur les ondes de la radio nationale : « Aujourd’hui, 5 août 1960, à zéro heure, au nom du droit naturel de l’homme à la liberté, à l’égalité, à la fraternité, je proclame solennellement l’indépendance de la République de Haute-Volta. Neuf siècles d’histoire ont révélé au monde la valeur morale de l’homme voltaïque. Au nom de cette morale à partir de laquelle nous voulons bâtir notre nation, j’exprime ma profonde reconnaissance à tous les artisans de notre indépendance nationale ».

La véritable date de la proclamation de l’indépendance du Burkina Faso reste alors le 5 août. Cependant, les cérémonies commémoratives ainsi que le discours à la Nation du Chef de l’Etat ont été renvoyés au 11 décembre.

« Ce renvoi tient compte de la saison pluvieuse dans le mois d’août qui pourrait perturber la commémoration des festivités. Aussi, cette période coïncide avec les travaux champêtres qui occupent une part non négligeable de la population burkinabè. Le mois d’août n’est en outre pas propice à la célébration parce que l’un des composants majeurs du défilé civil sont les élèves qui se trouvent être en vacances à ce moment« , s’est justifié le Service d’information du gouvernement.

  • 62 années après l’indépendance, que retenir ?

Soixante-deux (62) ans après l’indépendance, le Burkina Faso « va mal« , selon Adama Baya, écrivant et communicateur, dans une interview accordée à l’Agence Anadolu.

Il a expliqué que la France, l’ex-puissance coloniale maintient (encore) son emprise sur le peuple burkinabè, « ne serait-ce qu’à travers notre monnaie conçue et imprimée à Chamalières par la Banque de France, la difficulté notoire de diversifier nos partenaires, la difficulté notoire de commander les armes de nos choix pour assurer la défense de notre territoire« .

Bayala a qualifié les relations avec la France de « supercherie et de pillage« , et de « dominant (à) dominé, sous le couvert d’un vernis de mensonges (…)« . « Il urge un réveil, même brutal s’il faut, en revisitant les accords avec l’ensemble de nos partenaires étrangers, sans compter la mise en place d’un dispositif qui permette d’épurer la saynète politique« , a-t-il dit.

Le sociologue burkinabè Ali Traoré, note pour sa part, « l’inconséquence de la plupart des régimes politiques au Burkina Faso (excepté celui du CNR de Thomas Sankara) qui manquent de volonté d’assumer l’indépendance réelle du pays et de formater la conscience collective à l’atteinte de cet objectif ».

« Continuer à demander l’avis et à lui tendre la main pour n’importe quelle action de développement, c’est choisir volontiers la dépendance dans l’indépendance », a-t-il expliqué à l’Agence Anadolu.

Pour le sociologue Traoré, le colon français « n’a jamais eu la volonté d’accorder une indépendance réelle à ses anciennes et néo colonies dont dépend la survie de la France soucieuse de maintenir sa place dans le concert de Nations ». « Cela se traduit par son esprit paternaliste vis-à-vis de ses anciennes colonies et la violence avec laquelle elle s’abat sur les dirigeants de ses anciennes colonies qui gagnent l’audace de se dérober de l’ordre préétabli », a-t-il précisé.

Comme conséquence de cette situation, il estime que le pays « n’a pas bougé d’un pas vers la construction d’une nation dont l’esprit doit fédérer les pensées et les actes de toutes les âmes (humains) qui appartiennent à cet espace de 274000 km². La mal gouvernance et l’esprit ethno-régionaliste dont ont fait montre la plupart de nos dirigeants ont fait accumuler des années de frustrations dans certains corps ».

  • Persistance des coups d’État

La trajectoire politique du Burkina Faso depuis son indépendance est également marquée par la récurrence des coups d’Etat (24 janvier 2022, 17 septembre 2015, 31 octobre 2014, 5 octobre 1987, 4 août 1983, 7 novembre 1982, 25 novembre 1980, 4 janvier 1966).

Le sociologue Traoré estime que la persistance des coups d’État au Burkina Faso après 62 ans d’indépendance est la résultante de « d’une mauvaise gouvernance exacerbée ». À cela s’ajoute, a-t-il dit de l’incapacité des mêmes dirigeants d’asseoir les bases d’un État-Nation dans lequel tous les citoyens se sentent appartenir.

« Il y a visiblement des communautés qui se croient être plus dignitaires que d’autres. Cela renforce l’esprit régionaliste et son corollaire de développement déséquilibré et ses conséquences de frustrations continues avec des révoltes latentes voire manifestes », a-t-il fait savoir.

Pour le l’écrivain et communicateur Adama Bayala, « à l’analyse, les coups d’état ont été esquissés, soit pour la remise en cause de l’ordre néocolonial, soit pour la remise en cause de la marche irréversible de notre peuple vers la liberté vraie et assumée ».

Bayala note que bon nombre de putschs ont été réalisés, « avec la bénédiction affectée ou réelle de l’ex-puissance coloniale qui a finalement poussé racine au Burkina Faso, à la faveur de la première transition de 2015, avec un détachement militaire ».

« La trajectoire des nouvelles autorités, suspectées d’avoir renversé Roch Kaboré, mordu par des velléités indépendantistes, nous édifiera. Voyons voir si elles feront comme Thomas Sankara ou même le régime de Goita, au Mali, aujourd’hui », a-t-il dit.

      Anadolu Agency


 

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