Conférence de presse téléphonique du 21 juillet 2020 sur le trafic de drogue en Afrique

Heather Merritt

   Madame la sous-secrétaire adjointe Merritt : Eh bien, bonjour tout le monde, et je vous parle depuis ma maison, dans la banlieue de Washington. C’est un plaisir d’être avec vous. Je crois comprendre que nous avons non seulement mes collègues du centre des médias basés en Afrique du Sud, mais aussi des journalistes en ligne de tout le continent. On dirait que l’Afrique du Sud, le Kenya, le Nigéria, le Sénégal, le Rwanda, le Ghana, le Libéria, peut-être le Zimbabwe sont en ligne. Je suis vraiment ravie d’être avec vous ce matin. Je sais que vous appelez du monde entier, et pour certains d’entre vous, il est tard dans la journée, alors j’apprécie vraiment votre intérêt et votre participation.

Juste pour me présenter pour ceux d’entre vous qui ne me connaissent peut-être pas bien, je travaille au département d’État au bureau des Affaires internationales de stupéfiants et répression, autrement dit l’INL. Et l’INL travaille dans le monde entier pour lutter contre la criminalité internationale, les narcotiques et l’instabilité. Et nous le faisons en aidant les pays à améliorer leurs institutions de sécurité civile et de justice. Nous voulons contribuer à renforcer les capacités de la police, des tribunaux et des procureurs. Et nous le faisons par le biais d’un engagement diplomatique et de programmes d’assistance étrangère sur le terrain. Nous nous efforçons d’encourager les réformes, de promouvoir une gouvernance plus efficace, d’améliorer l’État de droit et de mettre en place des institutions plus efficaces. C’est dans cette perspective que je me place aujourd’hui.

Pour vous tous, un aspect vraiment important de notre travail concerne les relations avec les partenaires africains. Et par le biais de nos ambassades américaines sur le continent, l’INL travaille avec des pays de toute l’Afrique, en partenariat avec les gouvernements, pour développer les capacités de leurs institutions du secteur de la justice pénale, et nous voulons vraiment travailler sur la sécurité civile et l’État de droit afin de prévenir les menaces non étatiques, criminelles et terroristes, et d’y faire face.

Nous travaillons principalement au niveau institutionnel, et essayons de promouvoir des réformes du sommet vers la base pour prévenir et contrer les menaces criminelles, mais aussi des réformes au niveau communautaire, essentiellement pour veiller à ce que les programmes correspondants répondent aux besoins des citoyens confrontés à ces dangers au quotidien.

Et la menace sur laquelle nous voulons nous concentrer principalement aujourd’hui est celle des drogues et du trafic de drogue. Hier soir, j’ai consulté… l’ONUDC a un rapport vraiment utile, le Rapport mondial sur les drogues, que vous pouvez tous trouver en ligne. Et leur dernier rapport est sorti en juin, et je regardais les chiffres, et malheureusement, l’abus et la consommation de drogues dans le monde sont en augmentation constante. Et je tiens à souligner que cela ne concerne pas seulement le monde en général. C’est aussi un problème croissant en Afrique. C’est une menace à bien des égards, non seulement pour la santé publique, mais aussi pour la sécurité, et nous allons donc en parler.

En Afrique, la production, le trafic et la consommation de drogues illicites sont liés au crime organisé, aux flux financiers illégaux, à la corruption et, de plus en plus, au financement du terrorisme. Des frontières poreuses, une surveillance insuffisante des côtes par les patrouilles, des institutions et des forces de l’ordre faibles font de l’Afrique un endroit attrayant pour les trafiquants, et nous devons tous travailler ensemble pour lutter contre ce crime transnational parce qu’il nous met tous en danger.

Ainsi, le littoral Est de l’Afrique, du sud de la Somalie à l’Afrique du Sud, est devenu le principal lieu de transbordement de l’héroïne produite en Afghanistan – parfois aussi de l’héroïne pakistanaise ou iranienne – à destination des marchés d’Afrique, d’Europe et des États-Unis. L’héroïne fait l’objet d’un trafic par bateau le long de ce que l’on appelle la route « sud » ou « maritime » à partir des côtes méridionales du Pakistan et de l’Iran, et à travers l’océan Indien. Le produit peut être déchargé, principalement le long de la côte du Kenya, de la Tanzanie et du Mozambique, parfois dans les États insulaires, et reconditionné ensuite pour être expédié vers les marchés, souvent via l’Afrique du Sud ou des pays d’Afrique de l’Ouest.

L’Afrique de l’Ouest a également été une plaque tournante historique du trafic de cocaïne, et des rapports suggèrent que cette route fait l’objet d’un regain d’intérêt. L’augmentation de la production de cocaïne en Amérique du Sud destinée aux marchés d’Afrique, d’Europe et des États-Unis a augmenté le trafic – et les saisies – dans la région. La quantité de cocaïne saisie au cours des trois premiers mois de 2019 dans seulement deux pays – en Guinée-Bissau et au Cap-Vert – est supérieure à la quantité totale saisie par l’ensemble du continent africain entre 2013 et 2016. Ces trois mois de 2019 ont été ahurissants.

Et même au Sahel, on craint de plus en plus que les frontières poreuses et les déplacements de groupes, y compris de groupes armés illégaux et de criminels transnationaux, permettent un trafic de stupéfiants susceptible de financer indirectement certains des réseaux et activités terroristes, dans la mesure où les trafiquants paient pour bénéficier de passages sûrs via des espaces sous-gouvernés et des itinéraires qui ont également été empruntés par des organisations terroristes.

Je pense qu’il est également important de noter tout d’abord que si le transit est notre principale préoccupation, malheureusement, l’Afrique est également en train de devenir une source de drogues illicites. Nous savons par exemple que certaines organisations criminelles nigérianes ont appris des méthodes de production simplifiées mais efficaces pour convertir des précurseurs chimiques non contrôlés – je les appellerais donc des produits chimiques pré-précurseurs – en méthamphétamine, ce qui fait du Nigéria et de quelques autres endroits un producteur et fournisseur de méthamphétamine de plus en plus important. Et d’autres pays de la région risquent malheureusement de suivre cette tendance.

Ce flux relativement libre de drogues menace les pays africains et les États-Unis et renforce les organisations criminelles transnationales, ou TCO. Il existe plusieurs TCO bien établies qui opèrent en Afrique et ne font pas seulement circuler des drogues illicites, je tiens à noter que nous sommes fermement convaincus que les TCO en Afrique logent largement tous les produits de base à la même enseigne. Ceux qui peuvent faire du trafic de drogue peuvent également faire du trafic d’armes, de personnes, et de produits issus de la faune, et c’est donc quelque chose qui doit tous nous préoccuper.

Le département d’État investit des ressources importantes pour lutter contre le trafic de drogue en Afrique. Nous travaillons avec nos partenaires interinstitutions du gouvernement américain, et nous entendons protéger la souveraineté de nos partenaires africains, la sécurité de l’Afrique et la sécurité nationale des États-Unis à la fois. Nous entendons accroître la capacité des forces de l’ordre à faire obstacle à la libre circulation des drogues illicites, à intercepter ces flux, à analyser les opérations financières, à enquêter et à poursuivre les trafiquants et leurs réseaux ainsi qu’à mettre en place des institutions responsables.

Nous travaillons également à la coordination transfrontalière ou régionale, non seulement entre les États africains individuels, mais entre nos partenaires africains. Au Sahel, par exemple, nous avons contribué à rassembler des dirigeants d’agences de lutte contre les stupéfiants de toute l’Afrique du Nord et de l’Ouest pour les aider à faire face à la menace croissante du trafic de stupéfiants au Sahel. Les participants se sont particulièrement intéressés aux possibilités d’améliorer la communication, la coordination et la collaboration, et ont finalement décidé de créer un réseau informel pour améliorer leur communication transfrontalière et promouvoir l’échange de renseignements.

Quelques jours après la conclusion de cette conférence en mars 2019, nous avons eu quelques succès en matière de partage d’informations, dont un concernant une importante saisie de tramadol au Bénin liée à une entreprise du Niger.

Grâce au programme de sécurité maritime de l’INL dans le golfe de Guinée, qui a été principalement mis en œuvre avec nos partenaires des Nations unies et INTERPOL, les pays disposent de moyens plus efficaces et plus sophistiqués pour intercepter les navires chargés de drogues et d’autres marchandises illicites à destination des États-Unis ou de l’Europe, et de mener des enquêtes maritimes pouvant conduire à des poursuites efficaces. Les pays du Golfe de Guinée qui participent à ces programmes coordonnent les actions entre les juridictions et avec leurs homologues pour échanger des informations et mener des opérations conjointes.

Je tiens également à souligner que nos programmes sont axés sur le renforcement des capacités des secteurs de la justice des États partenaires. Nous accordons une grande importance aux opportunités de formation et de conseil pour les procureurs et les juges, afin de faciliter la collaboration avec leurs forces de l’ordre, et nous travaillons également à réduire les taux de détention provisoire et à y remédier. Toutes ces actions devraient faciliter l’identification, l’arrestation, la poursuite et la détention efficaces des trafiquants de drogue et autres grands criminels par le secteur de la justice pénale.

Nous nous servons entre autres pour cela de notre réseau d’académies internationales des forces de l’ordre, ou ILEA (International Law Enforcement Academy), que nous parrainons dans plusieurs endroits du monde. Certains d’entre vous connaissent peut-être celle de Gaborone, au Botswana. Certains de nos partenaires africains sont également formés dans notre centre de formation régional à Accra, au Ghana, et nous avons également un centre international à Roswell, au Nouveau-Mexique, aux États-Unis. Et dans ces académies, nous réunissons plusieurs pays partenaires et nous couvrons des sujets tels que la formation sur le trafic de stupéfiants, la lutte contre le trafic d’espèces sauvages ou la traite des personnes, la lutte contre la corruption et l’amélioration de la police de proximité.

En conclusion, je tiens à souligner que nous adoptons également une approche équilibrée au sein du gouvernement des États-Unis. Il s’agit de mettre fin non seulement à l’offre de drogues, mais aussi à la demande, et nous sommes conscients que les programmes de réduction de la demande fondés sur des données probantes et le traitement des troubles liés à l’usage de drogues sont extrêmement importants.

La coopération entre l’Afrique et les États-Unis en matière de prévention de la toxicomanie, de traitement et de rétablissement se poursuit, et elle permet de contribuer à faire face au très grave problème de la consommation mondiale de drogues. Nous nous efforçons en particulier d’accroître le nombre de praticiens formés aux programmes de traitement de la toxicomanie, de prévention et de rétablissement fondés sur des données.

Certains de nos partenaires africains ont travaillé avec un groupe que nous avons parrainé, le Plan Colombo, pour améliorer considérablement leur capacité de traitement de la toxicomanie grâce à ce que l’on appelle les programmes de traitement universel et les programmes de prévention universelle. Vingt-et-un pays africains ont déjà bénéficié de formations et nous avons aidé à former plus de 2 500 formateurs nationaux. Ces professionnels du traitement et de la prévention de la toxicomanie formés et accrédités sont un atout vraiment nécessaire sur le continent, et ils sont en mesure de mener des initiatives de réduction de la demande de drogues fondées sur des données probantes, de conseiller leurs dirigeants sur les politiques et les pratiques et d’aider à informer les futurs professionnels pour transformer les communautés de manière positive.

L’INL a également facilité la création de la Société internationale des professionnels de la toxicomanie ou ISSUP, un réseau qui permet l’échange de nombreuses informations, et l’offre de formations aux intervenants dans le domaine de la prévention et du traitement des toxicomanies. Il existe actuellement cinq sections nationales de l’ISSUP en Afrique qui aident leurs pays à résoudre ces problèmes. L’ISSUP et l’Union africaine organiseront conjointement cet automne un événement en ligne sur les questions liées à la drogue en Afrique, et j’encourage tout le monde à consulter ces informations sur le site Web de l’ISSUP et à participer.

Enfin, sur une note connexe, je tiens à conclure en disant que le trafic d’espèces sauvages et le braconnage représentent également une crise de plus en plus importante sur le plan de la sécurité internationale et de la préservation de la nature. Nous savons que les opérations de braconnage ont pris une ampleur qui va au-delà des actions opportunistes à petite échelle au point d’atteindre le stade d’un massacre coordonné souvent commandé par des syndicats criminels armés et organisés. Et ces syndicats, comme je l’ai noté plus tôt, sont souvent les mêmes personnes que celles qui se livrent à plusieurs types de criminalité, et ces réseaux peuvent se livrer au trafic d’animaux sauvages, de drogues, à la traite des personnes.

L’INL adopte absolument une approche de justice pénale pour y faire face. Nous savons que d’autres parties du gouvernement américain font davantage porter leurs actions sur le développement communautaire et l’environnement, mais nous offrons des formations et une assistance technique aux forces de l’ordre africaines, en particulier des formations sur les enquêtes pour suivre les fonds et les enquêtes transfrontalières. Et nous dispensons une formation aux procureurs en ce qui concerne les lois et les stratégies à mettre en œuvre pour que les poursuites aboutissent. Nous offrons également une assistance technique pour aider les gouvernements à renforcer leurs lois et imposer des sanctions plus lourdes.

Donc, en reprenant tout cela, la gestion de l’offre et de la demande de drogues, les intersections avec d’autres formes de criminalité transnationale organisée et le fait qu’avec la criminalité transnationale, nous sommes vraiment tous liés les uns aux autres dans un monde de plus en plus petit, et que nous devons travailler en partenariat pour bien lutter contre ces organisations, les organisations criminelles à une échelle de plus en plus mondiale – je vais conclure sur cette note. Je vous remercie d’avoir participé à l’appel aujourd’hui et je me réjouis de répondre à vos questions. Merci.



BIOGRAPHIE :

Heather Merritt a été officiellement nommée sous-secrétaire d’État adjointe au Bureau des affaires internationales de stupéfiants et de répression (INL) en octobre 2018 après avoir exercé des fonctions intérimaires depuis novembre 2017. À ce titre, elle supervise le bureau des programmes Afrique et Moyen-Orient de l’INL et le bureau chargé de l’assistance et des partenariats en matière de justice pénale. Auparavant, elle était directrice du bureau des programmes Afrique et Moyen-Orient de l’INL, qui met en œuvre des programmes d’assistance étrangère dans plus de trente pays partenaires de l’Afrique et du Moyen-Orient, pour les aider à développer de manière durable leurs institutions du secteur de la justice pénale et de la sécurité civile.

Mme Merritt est titulaire d’une maîtrise en stratégie des ressources nationales de la Dwight D. Eisenhower School of National Security and Resource Strategy de la National Defense University à Washington.

Madame Merritt a été cheffe de mission adjointe à l’ambassade des États-Unis à Luanda, en Angola, de 2012 à 2015 et a exercé les fonctions de chargée d’affaires par intérim pendant un an dans le cadre de cette affectation. Elle a également occupé le poste de responsable du bureau politique/économique de l’ambassade des États-Unis de Gaborone, au Botswana et de responsable du bureau politique adjointe à l’ambassade des États-Unis d’Abuja, au Nigéria. Elle avait auparavant occupé des fonctions diplomatiques au Zimbabwe et au Mexique et travaillé à Washington au sein du bureau de la Colombie au Bureau des affaires des Amériques. Elle a rejoint le département d’État en 1998.


 

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