Conseil de sécurité de l’ONU / Washington bloque la condamnation des raids en Libye

Cédric Lyonnel SEHOSSOLO

Tous étaient d’accord pour condamner le bombardement aérien meurtrier perpétré contre un centre de détention de migrants en Libye. Tous… sauf les États-Unis. La Maison Blanche a bloqué l’adoption d’une condamnation unanime au Conseil de sécurité de l’ONU au terme de plus de deux heures de réunion. Au grand dam du secrétaire général des Nations unies, comme l’explique son porte-parole :

“Le secrétaire général demande qu’une enquête indépendante soit menée pour s’assurer que les auteurs de ces actes soient traduits en justice. Il est important de noter que l’ONUa fourni aux parties les coordonnées exactes du centre de détention aux parties” en conflit afin d‘éviter qu’il ne soit pris pour cible, explique Stéphane Dujarric.

Dans un communiqué, l‘émissaire de l’ONU, Ghassan Salamé, a indiqué que cette attaque meurtrière, attribuée aux troupes du maréchal Haftar, pouvait constituer un crime de guerre.

© Mahmud TURKIA Source: AFP

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Aucune explication n’a été fournie par la délégation américaine sur les raisons du blocage de la résolution proposée par le Royaume-Uni qui demandait aussi un cessez-le-feu et un retour au processus politique.

Quarante-quatre migrants ont été tués et au moins 130 personnes ont été blessées mardi soir à Tajoura. Le centre de détention abritait environ 600 migrants, en majorité érythréens et soudanais.

En 2019, plus de 3 000 migrants interceptées en mer ont été reconduits en Libye alors que personne ne peut affirmer que c’est un pays sûr, a souligné un responsable de l’ONU. Une critique voilée de la politique migratoire européenne. La Libye compte 5 700 réfugiés dans ses centres de détention.

Photo mise en avant : MAHMUD TURKIA VIA GETTY IMAGES


L’Union africaine condamne le raid meurtrier

contre un centre de migrants en Libye

© AFP 2019 Mahmud Turkia

L’Union africaine a «condamné fermement» la frappe aérienne non revendiquée qui avait fait plus de 40 morts dans un centre de détention de migrants dans la banlieue de Tripoli.

L’Union africaine a condamné le raid aérien contre un centre de détention de migrants près de Tripoli qui avait fait au moins 44 morts, selon les données fournies par la mission des Nations unies en Libye.

Le président de la commission de l’UA Moussa Faki Mahamat a réclamé «une enquête indépendante pour s’assurer que les responsables du meurtre horrible de ces civils rendent des comptes».

Le ministère français des Affaires étrangères a également condamné la frappe dans un communiqué:

«À la suite de ce drame, la France appelle à nouveau les parties à une désescalade immédiate et à la cessation des combats», lit-on dans le document.

L’attaque aurait également fait au moins 70 blessés, selon des sources sur le terrain citées par les médias européens. Le gouvernement d’union nationale (GNA), basé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale, a attribué la frappe au «criminel de guerre Khalifa Haftar», accusant ses forces d’avoir mené une attaque «préméditée» et «précise».

Précédemment, un commandant de l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Haftar avait promis d’intensifier les raids aériens sur la capitale en réaction à la récente perte par ses forces de la ville stratégique de Gharyan.

Début avril, le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’est du pays plongé dans le chaos depuis le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011, mène une offensive en vue de conquérir Tripoli où siège le gouvernement de Fayez el-Sarraj. L’armée du maréchal Haftar soutient pour sa part la Chambre des représentants, installée en 2014 à Tobrouk avant de déménager à Benghazi en 2019.


Camp de migrants bombardé en Libye : les Etats-Unis bloquent une condamnation du Conseil de sécurité

Washington a empêché le Conseil de sécurité de l’ONU de condamner unanimement la frappe qui a touché un centre de rétention pour migrants dans la banlieue de Tripoli, tuant 44 personnes. Les deux camps opposés se rejettent la responsabilité.

Après le décès d’au moins 44 migrants dans un bombardement aérien contre leur centre de détention en Libye, et alors que l’ONU – par la voix de Ghassan Salamé, son émissaire dans le pays – a condamné la frappe, les Etats-Unis ont opposé le 4 juillet leur veto quant à l’adoption par le Conseil de sécurité, réuni en urgence, d’une condamnation unanime sur cette attaque meurtrière.

Lire aussi : Au moins 40 migrants morts dans un raid aérien en Libye, la France et l’ONU condamnent l’attaque

La frappe menée dans la nuit du 2 au 3 juillet à Tajoura a été attribuée par le gouvernement d’union nationale (GNA) basé à Tripoli aux forces rivales de Khalifa Haftar engagées dans une offensive pour s’emparer de la capitale d’un pays plongé dans le chaos depuis 2011.

[Un] carnage ignoble et sanglant

Mais le porte-parole des forces pro-Haftar, Ahmad al-Mesmari, a démenti toute implication dans l’attaque, accusant en retour le GNA de «fomenter un complot» pour leur faire endosser la responsabilité du carnage.

Le centre de détention abritait environ 600 migrants, en majorité érythréens et soudanais, et deux de ses cinq hangars ont été touchés, selon le responsable du centre Noureddine al-Grifi. Quelque 120 migrants se trouvaient dans le hangar n°3 qui a été touché de plein fouet. Sur les lieux, couvertures maculées de sang, débris et morceaux tordus de la structure métallique du bâtiment entourent un cratère de trois mètres de diamètre, selon les constatations d’un journaliste de l’AFP. L’émissaire de l’ONU, Ghassan Salamé, a condamné un «carnage ignoble et sanglant» dans un communiqué de la Mission de l’ONU en Libye (Manul).

La localisation exacte du centre connue des deux parties au conflit

De même source, au moins 44 migrants ont péri et plus de 130 ont été grièvement blessés dans le bombardement du centre, touché pour la deuxième fois depuis le début de l’offensive des pro-Haftar le 4 avril. Le patron de l’ONU Antonio Guterres a demandé une «enquête indépendante» sur l’attaque et réitéré son appel à un «cessez-le-feu immédiat en Libye».

[Ce drame] souligne l’urgence de fournir des abris sûrs à tous les réfugiés et migrants jusqu’à ce que leurs demandes d’asile soient satisfaites ou qu’ils soient rapatriés en sécurité

«L’ONU avait fourni la localisation exacte du centre de détention aux parties en conflit afin d’éviter qu’il ne soit pris pour cible», a également expliqué le porte-parole d’Antonio Guterres. Ce drame «souligne l’urgence de fournir des abris sûrs à tous les réfugiés et migrants jusqu’à ce que leurs demandes d’asile soient satisfaites ou qu’ils soient rapatriés en sécurité» dans leur pays d’origine, a-t-il ajouté. Le maréchal Haftar, homme fort de l’est libyen, est soutenu par les Emirats arabes unis et l’Egypte, tandis que le GNA, seul exécutif reconnu par la communauté internationale, bénéficie de l’appui de la Turquie et du Qatar.

Après le carnage, des ONG ont fait part de leur «effroi» et appelé à une enquête. L’Union européenne (UE) a, de son côté, condamné une «horrible attaque» et réclamé une enquête. Le chef du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a lui porté «trois messages clés : les migrants et réfugiés ne doivent PAS être en détention, les civils ne doivent PAS être des cibles, la Libye n’est PAS un lieu sûr pour un renvoi» des migrants.

Les agences de l’ONU et organisations humanitaires rappellent régulièrement leur opposition au fait que les migrants arrêtés en mer soient ramenés en Libye, théâtre de luttes intestines et d’insécurité avec de multiples milices qui font la loi depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. 

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