Coronavirus : quel est le discours de Donald Trump face à l’épidémie ?

02.03.2020

Le point de vue de Marie-Cécile Naves

Dans un contexte de campagne présidentielle américaine, le président Donald Trump doit faire face à l’épidémie désormais mondiale de coronavirus. Ce dernier tente de minimiser son impact sur la santé des citoyens, mais aussi sur l’économie américaine. L’administration Trump ambitionne de contrôler le discours sur la santé, devenant ainsi un outil politique. Entretien avec Marie-Cécile Naves, chercheuse associée à l’IRIS.

Aux États-Unis, comment le pouvoir gère-t-il la crise du coronavirus ?

C’est un peu une nouvelle théorie du complot pour Trump et ses soutiens. La couverture média de l’épidémie semble plus importante pour l’administration en place que la gestion de l’épidémie en soi. Le « récit » compte davantage que la protection des citoyens. C’est là qu’est mise l’énergie politique.

Le président-candidat Donald Trump tente en effet par tous les moyens de minimiser la crise du coronavirus, le qualifiant à plusieurs reprises de « simple grippe », parlant de dix à quinze malades, alors qu’il y en avait près de quatre-vingts le week-end du 1er mars et confiant la gestion à son vice-président Mike Pence, ce qui est une manière de signifier que si ce n’est pas du niveau du président, c’est que ce n’est pas si grave.

Trump estime que la crise sera bientôt finie, que tout est sous contrôle, qu’un vaccin va bientôt être mis au point (il réunit des groupes pharmaceutiques le 2 mars à ce sujet). Ces propos sont en contradiction totale avec l’administration et les experts de santé américains qui parlent d’une épidémie imprévisible.

En meeting le vendredi 28 février en Caroline du Sud, Trump a qualifié le coronavirus de « nouveau canular des démocrates ». Il a rappelé avoir entrepris depuis trois ans une politique de fermeture des frontières (Travel ban, etc.) pour restreindre l’immigration. Mais quel est le lien avec le coronavirus ? Aucun. Le week-end du 1er mars, il a envisagé de fermer la frontière avec le Mexique, alors que ce dernier est moins touché que les États-Unis. L’administration a effectivement restreint l’arrivée sur le sol américain de passagers venant de Chine, il y a un mois. D’autres restrictions sont à prévoir pour les voyages à destination de l’Iran. Les Américains sont invités à ne pas se rendre dans les zones les plus touchées d’Italie et de Corée du Sud.

Mais les quatorze citoyens américains testés positifs au coronavirus sur le paquebot Diamond Princess ont été autorisés à revenir aux États-Unis, par un vol régulier, contre l’avis des autorités sanitaires et Trump était furieux : il y a un problème sérieux de coordination au sommet de l’État. Hormis ces mesures, rien n’a été annoncé pour protéger les citoyens et les plus jeunes.

Pourquoi Trump minimise-t-il le sujet et affiche-t-il un tel déni ? 

Il y a deux raisons à cela. La première, c’est que Trump essaie de conjurer la baisse de la bourse, ainsi qu’un éventuel ralentissement économique, envisagé par de nombreux spécialistes économiques et politiques. Les enjeux économiques sont énormes, bien sûr. La bourse américaine a enregistré la dernière semaine de février sa pire semaine depuis la crise de 2008. La confiance des marchés se réduit, la Fed affiche son inquiétude. Plusieurs entreprises américaines présentes en Chine sont également menacées : Apple, par exemple, a indiqué que ses chaînes de production pourraient être affectées.

La seconde raison, c’est que le président peut accuser les démocrates et les médias mainstream de vouloir créer de la panique avec des fake news. C’est un classique chez Trump d’accuser les autres de fake news et de mensonges.

Or, dès son arrivée à la Maison-Blanche, le président Trump a supprimé le poste de responsable des pandémies au Conseil à la sécurité nationale (poste créé par Obama) et fortement diminué le financement des agences nationales de santé, notamment du Centre de contrôle des maladies infectieuses (CDC), en première ligne aujourd’hui. Son projet de budget pour 2021 prévoit d’autres coupes dans la santé et le CDC, ainsi que dans les programmes de santé mondiaux (il voudrait par exemple diviser par deux les fonds alloués à l’Organisation mondiale de la santé). Le pays risque donc de manquer de moyens. La Maison-Blanche a demandé le déblocage de 2,5 milliards de dollars pour gérer la crise, mais les démocrates estiment qu’il en faudrait 8.

Les autorités sanitaires et scientifiques américaines sont en outre contraintes de faire valider leurs messages par la Maison-Blanche avant de s’exprimer sur le coronavirus. Comme pour les questions d’environnement et de genre, l’administration Trump ambitionne de contrôler le discours scientifique sur les épidémies.

Que nous dit ce storytelling présidentiel, à quelques mois de l’élection de novembre ?

Mike Pence et Donald Trump accusent les démocrates de politiser l’épidémie. Or c’est bel et bien la trumposphère qui est mobilisée, avec le président, pour faire de cette crise un enjeu partisan et non sanitaire. Citons Donald Trump Jr., pour qui les opposants à son père souhaitent que le coronavirus fasse beaucoup de morts pour déstabiliser le président. Autre exemple : Rush Limbaugh, animateur de radio d’extrême droite, récemment décoré par le président, a dit sur son antenne que le coronavirus est un « simple rhume », mais que les médias de gauche répandent de fausses informations pour fragiliser Trump. Sur Fox News et des radios d’ultra-droite, plusieurs commentateurs ont accusé la gauche de vouloir tromper l’opinion en utilisant les mêmes arguments et ressorts rhétoriques que pour « imposer l’idéologie du multiculturalisme ». Créer la panique avec ce virus serait, selon la droite trumpiste, une nouvelle ruse de la « gauche radicale » pour déstabiliser le pays.

En tout cas, la gestion du coronavirus par l’administration Trump sera un vrai test pour le président, qui est confronté pour la première fois, et sur le sol américain, à une crise d’ampleur mondiale.


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