De l’instrumentalisation de l’islam à la lutte pour l’interprétation du djihad

L’Afghanistan est une République islamique, dont 99,5 % de la population (35,53 millions en 2017) est musulmane ; 70 % à 85 % sont sunnites de rite hanafite, le reste étant chiite, dont le plus grand nombre appartient à la minorité hazara. Les personnes d’autres confessions – chrétiens, parsis, bouddhistes, hindous – sont difficiles à dénombrer dans la mesure où beaucoup ne pratiquent pas ouvertement leur foi ou ne sont pas en mesure d’accomplir leurs rites en raison de l’absence d’infrastructures. Dans le monde musulman, le pays est l’un des plus homogènes du point de vue religieux.

Arrivé au VIIe siècle, l’islam en Afghanistan est à la fois un facteur de cohésion et d’unité et un lieu d’instrumentalisation politique et de confrontation idéologique. Dans ce pays pluriethnique à l’histoire mouvementée, il reste un trait d’union puissant et une référence commune.

Le droit afghan est un amalgame subtil entre principes islamiques, lois coutumières propres aux ethnies et législation moderne qui peuvent entrer en contradiction, être complémentaires, voire se renforcer l’un l’autre. Les Constitutions (1923, 1931, 1964, 1977, 1980, 2004) en sont le reflet tout en faisant référence à l’islam. La dernière en date, en son article 3, stipule : « Aucune loi ne peut contrevenir aux dispositions et principes de la sainte religion islamique en Afghanistan » ; et le 130 affirme : « Dans les affaires qu’ils jugent, les tribunaux appliquent les dispositions de la présente Constitution et des autres lois. S’il n’existe aucune disposition de la Constitution ou des autres lois applicables dans une affaire, le tribunal, en application de la jurisprudence hanafite, et dans les limites fixées par la présente Constitution, la règle de façon à rendre la justice de la meilleure manière ». Néanmoins, un manque de clarté des textes et une faiblesse de l’État sont source de problèmes et la réalité ne reflète pas les lois officielles. Les talibans profitent de cette situation pour exiger notamment l’application du « système islamique inclusif ».

En Afghanistan, les normes qui gouvernent le quotidien sont encore coutumières et religieuses. En matière de références juridiques, dans les campagnes, la charia est souvent l’unique prescription, et il en restera probablement de même tant qu’une administration civile forte n’aura pas été recréée. Par ailleurs, l’écriture de nouveaux codes de loi, soutenue et financée par la communauté internationale, a peiné à se mettre en conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme ou la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Dans ce pays à majorité analphabète (61,8 % en 2015), dont l’enseignement a été déstructuré, beaucoup d’hommes n’ont fréquenté qu’une école coranique, et la mosquée joue un rôle important dans le quotidien, constituant l’unique référence. Elle est animée par un mollah ou imam qui dirige la prière, officie dans les célébrations, les commémorations et les cérémonies contre rémunération, et est responsable de l’enseignement et de la maintenance des lieux. Il peut également être au service d’un chef local. Les communistes, au pouvoir entre 1978 et 1992, ont essayé d’enrayer la religion, mais n’ont abouti qu’à rassembler la population autour de l’islam. L’invasion soviétique (1979) et les nombreuses ruptures subies par le pays ont renforcé ce processus, au point que 99 % des Afghans désireraient l’instauration de la charia comme référence fondamentale, selon une étude parue en 2013 (1). Néanmoins, depuis 1979, l’islam ancestral a été déstructuré pour ouvrir l’espace à la radicalisation et à un rôle grandissant de l’islam politique.

L’islam comme légitimation politique des rois et des présidents

Aucun pays musulman n’a probablement connu une telle instrumentalisation de l’islam par différents acteurs au cours de son histoire. Parmi eux : les dirigeants, les tribus, la résistance, les puissances étrangères et les insurgés.

L’irrédentisme des tribus et leur refus de se plier à une autorité centrale et de laisser contrôler leurs affaires internes ont souvent poussé les rois à recourir à la légitimation religieuse. Cela reste vrai jusque dans les années 1960, quand la notion d’État-nation commence à faire son chemin.

La première tentative d’instrumentalisation a lieu à la création même de l’État afghan, lorsque Ahmad Shah Durrani (1722-1772) arrive au pouvoir en 1747 et essaie d’unifier le pays en faisant appliquer la charia sur l’ensemble du territoire. L’« émir de fer » Abdur Rahman (1840-1901), qui règne entre 1880 et 1901, l’impose lui aussi comme loi suprême et tente de légitimer son pouvoir par l’islam, se référant à son élection divine et affirmant même être le seul à pouvoir déclarer le djihad (2). Il essaie aussi d’intégrer les oulémas dans l’appareil d’État. Au XIXe siècle, la monarchie afghane considère la charia comme un instrument efficace et commode pour cimenter la société en une unité gouvernable. Par ailleurs, jusqu’en 1924, date de l’abolition du califat ottoman, les rois justifient aussi leur pouvoir par la nécessité de défendre l’islam contre les « infidèles » britanniques et russes et les « hérétiques » chiites iraniens (3). Dans ce cadre, la référence à l’oumma (communauté musulmane) est aussi mobilisée.

Les premiers à penser ce que nous appellerions actuellement le panislamisme sont les souverains afghans, dont Amanullah Khan (1892-1960). Pour eux, il s’agit d’un instrument de légitimation de l’État naissant et de politique étrangère qui permet d’accroître le rôle de l’Afghanistan dans la région, même s’ils évitent de se laisser entraîner dans un conflit qui pourrait être néfaste au pays, comme l’illustre le refus d’Amanullah Khan de soutenir les basmatchis d’Asie centrale (4), malgré les pressions des oulémas en faveur d’une intervention. Par ailleurs, cette période se caractérise aussi par un désaccord fondamental sur le rapport entre islam et occidentalisation. Les oulémas estiment que la défense de l’islam passe par la réislamisation de la société et le retour à la charia, alors que, pour un souverain comme Amanullah Khan, la défense de l’islam est un outil politique anti-impérialiste et passe par l’occidentalisation.

Dans la continuité des rois, après 2001 et l’intervention américaine, qui aboutit à l’éviction des talibans, les présidents afghans sont amenés à avoir recours, eux aussi, à la légitimation par le religieux. C’est le cas de Hamid Karzaï, premier chef d’État de l’ère post-talibane, entre 2001 et 2014, qui incarne, à ses débuts, tous les espoirs de renaissance. Il semble être l’homme providentiel, en particulier pour les Américains. Mais lorsque la situation globale ne s’améliore pas, que la Maison Blanche et le Pentagone se détournent de Kaboul pour Bagdad, que les seigneurs de la guerre reprennent leur place et que les talibans redeviennent puissants, le président se tourne progressivement vers la légitimation religieuse. Au cours du scrutin présidentiel de 2009, émaillé de fraudes, il est contraint par Washington à accepter un second tour. C’est le point de rupture. Hamid Karzaï voit ce revirement comme une trahison et commence à s’opposer, refusant par exemple de signer le traité de sécurité avec les États-Unis qu’il accuse d’agir en puissance coloniale. Il ne veut plus être une « marionnette ». Il rêve d’entrer dans l’histoire en patriote ayant réunifié son pays subverti par les ingérences étrangères. Il s’entoure alors d’islamistes du mouvement Hezb-e Islami ou d’anciens seigneurs de la guerre de toutes ethnies. Simultanément, il prêche avec ferveur la réconciliation avec les talibans, qu’il appelle ses « frères », cela dans la perspective d’un retrait des forces internationales. En 2012, il appuie le Conseil des oulémas, qui édicte un code par lequel les femmes sont considérées comme des êtres secondaires, leur interdisant de voyager sans un gardien mâle, de se mêler aux hommes dans l’espace des bureaux, des écoles ou des marchés et soutient que les hommes peuvent les battre dans certaines circonstances. Un code que le Conseil indique comme conforme à la charia, mais qui est en contradiction avec la Constitution de 2004.

En 2018, Hamid Karzaï se présente dans la délégation des opposants au gouvernement de Kaboul dans les pourparlers avec les talibans, les images de lui assistant à une prière dirigée par une figure talibane confirmant le rapprochement amorcé lors de sa présidence.

Un président sans passé

Ashraf Ghani, élu en 2014, ne peut pas non plus se passer de la légitimation par référence au religieux. Dès son entrée sur la scène politique afghane, il se plie à l’amélioration de son image « musulmane », en laissant pousser sa barbe ou en effectuant un pèlerinage à La Mecque. Par ailleurs, la protection de l’islam fait partie de ses premières promesses : « Je promets devant Dieu que je vais obéir et soutenir la sainte religion de l’islam ».

Néanmoins, dans le processus de légitimation, il se réapproprie et réinterprète la notion du djihad. Dans un de ses premiers discours, il souligne que les véritables héritiers de la « guerre sainte » sont les veuves et les orphelins du pays. Ce faisant, il conteste la revendication d’autorité de nombreux hommes politiques dont la seule justification de légitimité est leur passé de combattant – dont il ne peut se prévaloir.

Il demande aussi le soutien des oulémas dans la lutte contre les talibans. En janvier 2018, face aux attentats qui se succèdent, il publie sur Twitter : « Je suis ici pour vous assurer que l’Afghanistan continuera à progresser et que rien ne nous empêchera de triompher de ceux qui tuent nos innocents. Je me tiens ici devant vous pour vous assurer que nous allons venger ce carnage. Ils [les terroristes] exploitent le saint nom de notre religion pour semer les graines de la terreur. Ils oublient que les Afghans sont ceux qui ont défendu l’islam contre toute attente et que nous ne laisserons pas le nom de notre religion être utilisé à mauvais escient pour une cause perfide qui effraie notre courageux pays. » En juin 2018, alors que le pays est encore plus fragilisé par la présence de l’organisation de l’État islamique (EI ou Daech) et sa compétition avec les talibans, 3 000 oulémas publient une fatwa déclarant haram (illicites) les attaques-­suicides et recommandant un cessez-le-feu aux belligérants. Ashraf Ghani propose également des pourparlers de paix aux talibans, que ces derniers refusent.

L’instrumentalisation du référent religieux par les tribus

Traditionnellement, les rois s’appuyaient sur le consensus de la communauté (oulémas et croyants) de telle sorte qu’ils étaient l’autorité suprême dans les domaines religieux, politique, administratif et judiciaire.

Ils tenaient compte également des apports coutumiers. L’essai de « modernisation conservatrice » (5) d’Amanullah Khan bouleverse cet ordre traditionnel. La transformation des structures sociales et politiques visant à faire de l’Afghanistan un État-nation moderne incluant des mesures dans des domaines primordiaux pour le contrôle social, tels les taxes, la propriété, le transport, les impôts, les droits de douane ou l’abolition de l’esclavage, dérange l’ordre traditionnel tribal et, comme au XIXe siècle, est considérée comme une intrusion inacceptable dans les affaires tribales. La centralisation heurte l’irrédentisme des tribus, d’autant que le roi met fin aux allocations qui leur étaient versées. Dès lors, les autorités tribales rallient les contestataires religieux et soutiennent, contre toute attente si l’on prend en compte la tradition de prééminence des Pachtounes, un Tadjik, Habibullah Kalakani (1891-1929), qui, avec leur appui, prend la tête d’un mouvement au nom de la défense de l’islam et force le roi à l’exil. Il monte sur le trône en janvier 1929, mais son règne ne dure que neuf mois.

Le pouvoir est récupéré par une confédération tribale qui choisit comme roi Mohammad Nadir Khan (1883-1933) sans pour autant se référer aux oulémas qui l’ont soutenu. Ainsi, l’islam a été instrumentalisé, cette fois par les tribus afin de défendre leurs prérogatives.

De guerre en guerre : communistes et talibans

C’est dans les années 1960 que naît l’un des premiers mouvements politiques faisant référence à l’islam, l’Organisation des jeunes musulmans, active à l’université de Kaboul, mais peu influente à cette période. Elle est consolidée dès 1973, et son conseil intègre une majorité de ceux qui joueront un rôle important après la prise de pouvoir des communistes et l’invasion soviétique en 1979 : Ahmad Shah Massoud (1953-2001), Burhanuddin Rabbani (1940-2011), Abdul Rassul Sayyaf (né en 1946), Gulbuddin Hekmatyar (né en 1947)… Dès la fin des années 1970, une polarisation de la société devient visible avec un rôle grandissant de l’islam comme force politique et point de ralliement face à un islam ancestral. La guerre et l’instabilité politique renforcent le rôle vital de la charia comme facteur stabilisant. C’est le djihad qui est mobilisé contre les Soviétiques jusqu’à leur retrait en 1989, mais aussi dans la guerre civile (1989-1992). Dans la résistance, les moudjahidines appellent tous au djihad, légitimant ainsi leurs actions.

En outre, même le gouvernement communiste, tirant les leçons de ce succès, en appelle à un mollah déclarant le djihad, cette fois aux résistants, présentés comme étant l’instrument des États-Unis et d’Israël… Il va jusqu’à espérer, en vain, amadouer le clergé traditionnel en redonnant au drapeau sa couleur originelle (vert, noir et rouge au lieu de rouge) ou en modifiant le nom du parti qui devient Vatan (« Patrie ») au lieu de PDPA (Parti démocratique populaire d’Afghanistan). La résistance, instrumentalisant le djihad contre l’envahisseur soviétique, est soutenue par les forces étrangères. Les États-Unis financent et arment les moudjahidines. Sous la présidence de Ronald Reagan (1981-1989), soutenu par l’Arabie saoudite et le Pakistan, l’islamisme est l’arme de prédilection dans la lutte contre les Soviétiques, même si c’est Jimmy Carter (1977-1981) qui signe la première directive d’assistance aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul (6).

Les dirigeants américains encouragent un fondamentalisme sunnite et conservateur, allié de l’Occident, pour neutraliser l’islamisme chiite de Téhéran. De même, le soutien des Pakistanais, avec l’accord des Américains et des Saoudiens, est décisif dans la victoire finale des talibans en septembre 1996. Leur apparition prend ses sources à l’évacuation de l’Armée rouge dès 1989. Antérieurement unies contre l’ennemi soviétique, les différentes factions afghanes, auxquelles participent isolément des talibans, s’entre-déchirent. La population afghane vit dans l’insécurité et l’instabilité et accueille la victoire des talibans comme une libération ; la légende veut que le mollah Omar (1960-2013), leur dirigeant jusqu’à la chute du régime en 2001, ait reçu un appel d’Allah, lui enjoignant de mettre fin aux combats fratricides dévastant l’Afghanistan.

Si Islamabad a soutenu toutes les factions de la résistance, la donne change lors de la guerre du Golfe (1990-1991), car les principales sont solidaires du régime de Saddam Hussein (1979-2003), tandis que leur « favori », Gulbuddin ­Hekmatyar, président du Hezb-e Islami, n’arrive pas à contrôler le pays ; les Pakistanais se tournent alors vers les talibans.

Cette option présente de nombreux avantages, assurant notamment une ­profondeur stratégique face à l’Inde. Depuis bien longtemps, l’idée d’un Afghanistan faible, inféodé dans le meilleur des cas, a fait son chemin au Pakistan. D’un point de vue intérieur, appuyer les radicaux conforte les propriétaires terriens inquiets de toute option socialiste. Elle est aussi l’instrument de la revanche des Pachtounes, qui constituent la majorité des talibans, sur les autres ethnies. D’un point de vue extérieur, pour l’allié saoudien, les talibans garantissent l’endiguement de toute avancée chiite.

Enfin, pour les compagnies pétrolières américaines et saoudiennes, ils semblent l’option la plus fiable permettant d’accéder aux nouveaux États d’Asie centrale, riches en hydrocarbures et prometteurs d’importants marchés. Avec la recette « fondamentalisme islamique, tribus et pétrole » (7), la CIA et les services de sécurité du groupe pétrolier Unocal fournissent des armes et des instructeurs militaires à plusieurs milices qui combattent en l’occurrence autant pour Allah que pour les dollars.

La lutte entre mouvements pour l’interprétation du djihad

Depuis 2004, le paysage djihadiste s’est considérablement diversifié. En Afghanistan, les partis islamistes traditionnels – sunnites comme chiites –, des plus modérés aux plus radicaux, combattant le communisme n’ont pas disparu (Société islamique, Parti islamique d’Afghanistan, Parti de l’Unité islamique, Front islamique uni, Mouvement islamique national d’Afghanistan, Front national islamique d’Afghanistan…). Mais certains se sont scindés ; d’autres ont changé d’alliances, voire de position politique.

Ainsi, l’Union islamique pour la libération de l’Afghanistan, fondée par Abdul Rassul Sayyaf, de tendance wahhabite, lutte avec les États-Unis contre Al-Qaïda après avoir soutenu l’organisation terroriste. Ou encore, le Parti de l’Unité islamique, après avoir été allié du Parti islamique d’Afghanistan, a fait front commun avec les talibans en 1996 pour enfin participer au gouvernement en 2002. En Afghanistan, les alliances se font et se défont.

Quant aux djihadistes, Al-Qaïda considère encore l’Afghanistan comme un endroit sûr pour ses dirigeants et son leadership. Deux mouvements insurrectionnels ont pris le devant de la scène, menant une lutte armée pour le contrôle du territoire et le renversement du gouvernement, et se disputent la primauté de l’interprétation du djihad : les talibans ou néotalibans (8) et l’organisation de l’État islamique-branche Khorasan. Le premier résulte du renforcement du mouvement balayé par les Américains après 2001 et qui contrôlerait près de 60 % du territoire. Le second est le prolongement de Daech, qui annonce en 2015 la naissance d’une nouvelle wilayat (province) nommée Khorasan, à cheval sur l’Afghanistan et le Pakistan. Les deux groupes ont fait chacun à sa manière preuve d’une résilience marquée et ont su s’adapter aux changements de circonstances.

L’islam des talibans a évolué d’une tendance proche des villages pachtounes et d’un ancrage local influencé tant par le soufisme que par le déobandisme à un islam politique plus en phase avec celui du monde arabe et à un mouvement modernisé. Leur ­djihad porte sur une « souveraineté nationale et islamique » qui ne rejette pas la coexistence dans un système mondial, ce qui explique probablement leurs pourparlers avec les puissances régionales et internationales. En contraste, l’EI-Khorasan refuse le système international et prône le djihad sans frontières. Par ailleurs, ce qui les distingue nettement est la position envers les chiites et les soufis, que les seconds combattent férocement et avec lesquels les premiers évitent tout affrontement.

L’instrumentalisation de l’islam n’est pas un phénomène nouveau en Afghanistan. Elle perdure depuis la création de l’État au XVIIIe siècle. Ce sont ses formes qui se sont modifiées au cours du temps. L’apparition de l’islam politique puis du djihadisme transforme significativement la scène religieuse du pays en multipliant les acteurs et les référents. Aux tendances qui existaient au sein de l’islam, au-delà de ses branches, c’est-à-dire le légalisme, le quiétisme et le millénarisme (9) s’ajoutent d’autres interprétations liant islam et politique, traditionalisme, fondamentalisme et islamisme (10) et des formes nouvelles de djihadisme. De nos jours, il semble bien que le recours au référent religieux et à son interprétation restera incontournable. Les pourparlers actuels entre les Américains et les talibans démontrent la place de l’islam dans l’avenir du pays et l’impossibilité pour les acteurs politiques de s’en éloigner.

Auteur : Firouzeh Nahavandi

Notes

(1) Pew Research Center, « The World’s Muslims: Religion, Politics and Society », avril 2013. Consultable sur : www.pewforum.org/2013/04/30/the-worlds-muslims-religion-politics-society-overview/

(2) Firouzeh Nahavandi, « L’instrumentalisation de la religion dans les pays musulmans convertis », in Civilisations, vol. 48, 2001, p. 85-97.

(3) David B. Edwards, Heroes of the Age: Moral Fault Lines on the Afghan Frontier, University of California Press, 1996.

(4) Soulèvement des peuples musulmans, notamment turcs, d’Asie centrale contre la domination coloniale exercée par l’Empire russe, puis la Russie soviétique, entre 1916 et les années 1920, mais qui durera sous une forme ou l’autre jusque dans la décennie 1930.

(5) Bertrand Badie, Les deux États : Pouvoir et société en Occident et en terre d’Islam, Fayard, 1986.

(6) Robert M. Gates, From The Shadows, Simon and Schuster, 1996 ; et Zbigniew Brzezinski, Le grand échiquier : L’Amérique et le reste du monde, Fayard, 2011.

(7) Olivier Roy, « Avec les talibans, la charia plus le gazoduc », in Le Monde diplomatique, novembre 1996, p. 6-7.

(8) Gilles Dorronsoro, « Le dilemme afghan », in Études, tome 416, 2012/5, p. 583-593.

(9) Alessandro Monsutti, « Heurs et malheurs de l’islamisme chez les chiites d’Afghanistan : De la révolution sociale à la construction identitaire », in Sabrina Mervin (dir.), Les mondes chiites et l’Iran, Karthala, 2007, p. 43-61.

(10) Olivier Roy, L’Afghanistan : Islam et modernité politique, Seuil, 1985 ; et L’échec de l’islam politique, Seuil, 1992.

Légende de la photo en première page : Si elles représentent la moitié de la population, les femmes restent les grandes oubliées de la « libération » attendue en 2001 après les talibans. (© Shutterstock/timsimages.uk)

Pour aller plus loin…

Article paru dans la revue Moyen-Orient n°42, « Afghanistan : blessures de guerres, espoirs de paix », juillet-septembre 2019.


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