mardi, 19 mars 2024

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USA / Deb Haaland: après 245 ans, les Amérindiens ont enfin un ministre

      Elle avait promis d’être « une voix forte » pour les autochtones, les minorités et les pauvres: Deb Haaland, choisie par Joe Biden pour prendre la tête d’un vaste département chargé des ressources naturelles, devrait tenir son pari en devenant la première Amérindienne de l’histoire à occuper un poste ministériel.

Deb Haaland: après 245 ans, les Amérindiens ont enfin un ministre
© Reuters

Mme Haaland, 60 ans, qui appartient à la tribu Laguna Pueblo du Nouveau-Mexique, s’était déjà illustrée en 2018 en devenant l’une des deux premières femmes autochtones à entrer au Congrès. C’est au poste de ministre à l’Intérieur, à la tête d’un département qui gère notamment les ressources naturelles d’immenses terres fédérales (environ un cinquième de la surface du pays) mais aussi les réserves indiennes, que le nouveau président Joe Biden veut placer Mme Haaland.

Sa nomination devra être confirmée par le Sénat; Deb Haaland a souligné jeudi qu’elle considérerait comme « un honneur de faire avancer le programme Biden-Harris pour le climat et d’aider à réparer la relation du gouvernement avec les tribus (amérindiennes), que l’administration Trump a ruinée ». « Je pense qu’il est temps que notre monde – pas seulement notre pays mais le monde entier – commence à écouter les peuples autochtones quand il s’agit de changement climatique et d’environnement », avait lancé l’élue alors que son nom commençait à circuler pour ce poste.

Sa candidature avait été soutenue par une pétition de quelque 120 représentants tribaux exhortant Joe Biden à « marquer l’Histoire » en la choisissant.

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Une kyrielle de militants écologistes et de célébrités d’Hollywood, dont Cher et Jane Fonda, avaient aussi pris fait et cause pour elle dans une lettre ouverte. Mme Haaland – facilement réélue en novembre pour un second mandat – a toujours insisté sur son intention de porter les revendications des Amérindiens: « La terre, l’eau, les financements du gouvernement. »

« Mes ancêtres ont fait des sacrifices incroyables pour me permettre de garder mes coutumes et traditions. Je ne leur ferai pas défaut », assurait-elle en 2018, lors d’une rencontre avec l’AFP.

Les Amérindiens n’ont pas été complètement « effacé » par les colonisateurs, même si ce n’est pas passé loin. Vers 1900, il en restait encore 300 000. Aujourd’hui, avec un peu moins de six millions, ils représentent moins de 2 % de la population américaine

Cette mère célibataire, qui a vaincu l’alcoolisme dans sa jeunesse et a dû un temps recourir à des bons d’alimentation du gouvernement pour subsister, a fait partie de cette vague de femmes qui entendaient prendre le Congrès d’assaut pour s’opposer à la politique du président Donald Trump.

« Je suis une femme, je suis une femme de couleur », disait-elle, désignant son visage brun et ses longs cheveux noirs et lisses. « C’est ce genre de personnes qu’il faut au pouvoir actuellement pour faire avancer les questions qui comptent », jugeait-elle.

– Casinos et sauces en conserve –

Deb Haaland, qui a « toujours eu de l’ambition » selon son entourage, s’est engagée en politique comme bénévole en 2004, lors de la campagne du démocrate John Kerry pour l’élection présidentielle. Elle avait tout simplement saisi une liste téléphonique et commencé à passer des appels. Puis elle avait pris par la main sa fille Somah, 9 ans seulement à l’époque, pour partir à la pêche aux voix avec l’énergie qui la caractérise.

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Mme Haaland est née à Winslow, dans l’Etat de l’Arizona, où son grand-père travaillait dans une compagnie ferroviaire au titre de la politique d' »assimilation culturelle » des Amérindiens et où sa mère, Mary Toya, a également vu le jour.

Cette dernière était fonctionnaire fédérale. Le père de Mme Haaland, d’ascendance norvégienne, fut membre des Marines – un corps d’élite de l’armée américaine. Au gré de leurs multiples affectations et déménagements, Deb Haaland dit avoir fréquenté pas moins de treize écoles.

Son enfance est surtout marquée par les coutumes de sa tribu, les Lagunas. Elle se rappelle les étés passés avec ses grands-parents pueblos – selon elle en butte à de nombreuses discriminations – à irriguer les champs ou à faire du pain.

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Auprès des Lagunas, Mme Haaland dirigeait la société tribale exploitant les trois casinos de la réserve. Plus tôt, elle avait créé une petite entreprise de fabrication de sauces en conserve, « Pueblo Salsa », pour pouvoir passer du temps avec sa fille durant ses études de droit.

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Avant Mme Haaland, seul un autre « Amérindien » a fait partie du gouvernement américain: Charles Curtis, vice-président de Herbert Hoover entre 1929 et 1933, aimait à rappeler qu’il était « un huitième indien Kaw et 100% républicain ». Mais il avait été élevé dans une telle haine de ses origines, qu’il sera à l’origine de lois visant à priver les Amérindiens d’encore davantage de territoire et de toutes sortes de droits. Son but était que leur culture disparaisse plus rapidement et qu’ils se fondent dans la population plus large. Avec un certain succès puisqu’aujourd’hui encore le sort des Amérindiens n’intéresse que peu les politiques.


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