Dépendance énergétique : l’Europe remplace la Russie par un néocolonialisme vert en Afrique du Nord

     La stratégie de l’Union européenne consistant à se détourner des combustibles fossiles russes est présentée comme faisant partie de la transition énergétique verte. Pourtant, le recours aux importations en provenance du Maroc et du Sahara occidental occupé montre comment ce projet est à l’origine d’un nouveau type de colonialisme vert.

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La commissaire européenne à l’énergie, Kadri Simson, s’exprime lors d’une conférence de presse à Bruxelles, le 15 décembre 2021. (Zheng Huansong / Xinhua via Getty Images)

Dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Union européenne a dévoilé ce mois-ci ses plans pour réduire de deux tiers ses importations de gaz russe au cours de l’année prochaine et pour cesser toute importation de combustibles fossiles en provenance de ce pays « bien avant » 2030. Les responsables ont reconnu que, pour atteindre des objectifs aussi ambitieux, l’UE dépendra largement, dans un premier temps, des importations de gaz naturel liquéfié, à forte intensité carbone, et de la production nationale d’électricité à partir du charbon — ce qui a amené le Financial Times à s’interroger : « La guerre en Ukraine va-t-elle faire dérailler la transition énergétique verte ? »

Les dirigeants européens se sont inscrits en faux contre une telle conclusion, promettant de regagner du terrain au cours de la prochaine décennie. Ils ont appelé à un déploiement de la production d’énergie renouvelable à un rythme plus rapide que prévu. « À plus court terme, nous devons diversifier davantage nos approvisionnements en gaz par rapport à la Russie, a déclaré à la presse Kadri Simson, commissaire européenne à l’énergie. Mais, en fin de compte, la meilleure et la seule solution durable est le Green Deal [de l’UE] — dynamiser les énergies renouvelables et améliorer l’efficacité énergétique aussi vite que la technique le permet. Je ne saurais trop insister sur l’importance, dans la situation actuelle, de mettre notre puissance collective au service de politiques qui sont du bon côté de l’histoire. »

Pourtant, après avoir publié leur feuille de route révisée sur l’énergie, les dirigeants de l’Union ont jusqu’à présent exclu la perspective d’un nouveau fonds de relance conjoint supranational pour financer et atteindre leurs objectifs. Même confrontée à un bouleversement géopolitique généralisé, il semble que l’UE n’arrive toujours pas à se défaire de ses réflexes austéritaires. Comme le note le chercheur Mujtaba Rahman : « Le plan de l’Allemagne est littéralement — le chacun pour soi. Pour faire face aux conséquences à court et moyen terme de la guerre russe en Ukraine, les États membres vont devoir compter sur leurs propres budgets nationaux. »

En outre, cette feuille de route révisée, baptisée REPowerEU, a également été critiquée pour avoir privilégié un déploiement accéléré de l’hydrogène vert — solution préconisée par les lobbies des combustibles fossiles. Carburant à émissions faibles ou nulles, l’hydrogène vert est considéré comme essentiel pour décarboner l’industrie lourde, l’aviation et le transport routier au cours des prochaines décennies. Mais il est également instrumentalisé par les géants du gaz pour servir de prétexte à la poursuite du recours aux combustibles fossiles. Et son développement en Europe repose sur l’externalisation de coûts importants vers les pays voisins d’Afrique du Nord.

En effet, le plan REPowerEU mise sur les importations d’hydrogène vert en provenance de pays comme le Maroc et l’Égypte. Le plan révisé de l’UE prévoit de quadrupler l’objectif de 2030 en matière d’hydrogène renouvelable, et près de 60 % de l’approvisionnement total devrait provenir de sources extérieures à l’UE. Alors que les géants européens de l’énergie mènent la charge, l’alternative au gaz russe envisagée par l’UE apparaît de plus en plus indissociable d’une nouvelle forme de colonialisme vert. Traduisant son impact négatif sur les populations d’Afrique du Nord, cette alternative prétendument éthique est aussi inextricablement liée à cette autre guerre d’occupation aux frontières du continent — au Sahara occidental sous domination marocaine..

La course à l’hydrogène vert en l’Afrique

Parfois qualifié à tort de « nouveau pétrole », l’hydrogène vert est considéré comme un moyen de décarboner des industries telles que la production d’acier, de produits chimiques et de ciment, qui nécessitent des températures extrêmes et ne peuvent donc pas être directement transformées à partir de l’électricité. Il est lui-même produit en utilisant l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables pour électrolyser de grandes quantités d’eau, c’est-à-dire pour décomposer l’eau en oxygène et en hydrogène.

Mais alors que l’hydrogène vert est devenu un élément clé de la stratégie de transition énergétique de l’UE, les niveaux d’énergie renouvelable nécessaires pour alimenter ce processus signifient que la plupart des États européens ont un potentiel limité pour le produire à grande échelle. Selon un rapport du groupe de réflexion allemand Agora Energiewende, « pour répondre à la demande estimée d’hydrogène dans l’UE uniquement grâce à l’énergie éolienne et solaire [nationale], il faudrait produire huit fois plus d’électricité à partir de ces sources d’ici à 2050 qu’en 2020 », plus de la moitié de cette électricité totale devant être « consacrée à la production d’hydrogène.»

La réponse nous vient de l’extérieur. Ce même rapport note également que « l’Afrique du Nord, en raison de son excellent potentiel solaire, pourrait fournir un peu moins de la moitié de la demande d’hydrogène de l’UE à des prix bien inférieurs à la moyenne européenne [d’ici 2050] — et à des coûts de transport faibles grâce aux pipelines. » Ces derniers mois, une première série de mégaprojets d’hydrogène vert ont été dévoilés dans la région : la société française Total Eren a annoncé la construction d’une installation de 10,7 milliards de dollars sur un site géant de 170 000 hectares au Maroc, qui sera opérationnelle d’ici 2025, tandis que le Norvégien Scatec a signé un accord pour l’une des plus grandes usines d’hydrogène vert du continent africain en Égypte, elle entrera en production d’ici 2024 dans le cadre d’un accord d’une valeur initiale de 5 milliards de dollars.

Au sein de l’UE, l’Allemagne en particulier a poursuivi une stratégie axée sur les importations, en se tournant à la fois vers les États d’Europe du Sud, comme l’Espagne, comme sources potentielles, tout en affectant 2 milliards d’euros de fonds publics à des partenariats au-delà de l’UE en matière d’hydrogène. Ces derniers prévoient une initiative bilatérale stratégique au Maroc ainsi que des accords plus lointains avec des pays tels que la Namibie, la République démocratique du Congo, l’Afrique du Sud et l’Australie — même si des questions subsistent quant au coût et à la rentabilité du transport maritime du carburant sur de longues distances. Le géant allemand Siemens a également été très présent , signant en 2021 un protocole d’accord avec l’Égypte pour développer des projets d’hydrogène vert à grande échelle dans le pays, dont le coût total est estimé à 23 milliards de dollars, et participant à des projets pilotes au Maroc.

« Si la priorité était de produire de l’hydrogène vert comme carburant pour décarboner nos propres économies en Afrique du Nord, ce serait au moins un projet souverain », déclare Hamza Hamouchene, du Transnational Institute, à Jacobin.

Mais tout cela est piloté de l’extérieur par des sociétés étrangères. Les pressions exercées par l’Europe sont énormes, mais si nous commençons par produire pour exporter, cela retardera notre propre transition verte en Afrique. Nous devrions faire passer notre mix électrique à 70 ou 80 % d’énergies renouvelables avant même de penser à exporter vers l’UE. Mais malheureusement, ce n’est pas là que se trouvent les bénéfices.

Colonialisme vert

En plus de retarder la transition verte en Afrique, ces mégaprojets dirigés par l’Europe risquent également de faire peser une série d’autres coûts sur les populations locales en dépossédant de force les communautés agraires et pastorales de vastes étendues de terres et en prélevant les rares ressources en eau destinées à la consommation et à l’agriculture. Ce type d’« accaparement vert » des ressources a déjà été observé dans le cadre de la construction de la centrale solaire de Ouarzazate au Maroc, la plus grande centrale solaire à concentration du monde [le complexe Noor Ouarzazate est constitué de quatre centrales solaires utilisant des technologies différentes : Noor Ouarzazate I et II (miroir cylindro-parabolique), Noor Ouarzazate III (centrale solaire à tour), et Noor Ouarzazate IV (centrale photovoltaïque),NdT]. La puissance installée du complexe est de 580 MW., qui a vu les agriculteurs faire l’objet de « ventes forcées [de terres] à des prix incroyablement bas », alors que la centrale consomme désormais entre deux et trois millions de mètres cubes d’eau par an pour refroidir les panneaux solaires.

Alors que la Russie envahit l’Ukraine, les dirigeants européens tout à coup soutiennent l’annexion d’une nation africaine par une autre.

Un rapport de décembre 2020 du Corporate Europe Observatory note que ce n’est pas un hasard si l’industrie de l’énergie « a cherché des régimes autoritaires avec lesquels négocier des accords » concernant des projets verts à grande échelle, puisque ceux-ci peuvent être mis en œuvre sans que les populations locales aient leur mot à dire et sans les obstacles que constituent les réglementations environnementales, sociales et relatives au travail. Alors qu’un marché international de l’hydrogène vert commence à prendre forme dans le cadre d’une nouvelle ruée vers l’Afrique, Hamouchene affirme que ces relations d’exploitation, de sous-développement et d’accaparement des terres « suivent un schéma colonial familier dans lequel on retrouve la libre circulation de ressources naturelles bon marché du Sud vers les riches pays du Nord, dans ce cas précis il s’agit des énergies renouvelables, tandis que les coûts associés à leur exploitation sont imputés de force aux peuples du Sud ». Il poursuit :

Pour répondre à la demande d’hydrogène de l’Europe, le Maroc devrait installer soixante-deux fois la capacité de la centrale solaire de Ouarzazate. Il ne faut pas oublier non plus la quantité d’eau qui sera nécessaire pour produire cet hydrogène. D’où viendra-t-elle ? On parle beaucoup d’usines de dessalement, en plus de tout cela, pour purifier l’eau de mer, mais cela nécessiterait alors une production d’énergie supplémentaire pour alimenter ces usines. Je ne vois pas comment tout cela peut être durable.

Mais c’est ce qui se passe lorsque l’on ne pense qu’en termes d’exportations et que l’on considère le Sahara comme un espace vide d’où extraire de la valeur — on ne prend pas en compte les communautés locales, leurs moyens de subsistance ou leur bien-être.

Ces projets axés sur l’exportation ont également tendance à être développés en alliance avec les classes dirigeantes locales par le biais de partenariats public-privé, dans le cadre desquels les prêts garantis par le gouvernement minimisent le risque associé aux investissements, tant pour les multinationales européennes que pour les élites locales corrompues. Dans le cas du Maroc, qui est susceptible de devenir le plus grand fournisseur d’hydrogène de l’UE dans les décennies à venir et potentiellement le lieu d’un centre régional de traitement de l’hydrogène en provenance d’autres pays africains, les méga projets d’énergie renouvelable solaire et éolienne se traduisent déjà par l’enrichissement de la famille royale marocaine grâce à la participation de sa propre société privée d’énergie renouvelable, Nareva, ainsi que celle d’entreprises et d’intérêts financiers associés à son cercle proche.

Renforcement du néocolonialisme

Cependant, lier la sécurité énergétique future de l’Europe à une autre kleptocratie autoritaire ultranationaliste n’est pas sans poser de problèmes. Elle risque de rendre l’UE « aussi dépendante des importations d’hydrogène du Maroc qu’elle l’est aujourd’hui des importations de gaz de Russie », selon un rapport récent du Belfer Center for Science and International Affairs de Harvard. Il ajoute : « Le prix à payer pour un approvisionnement en hydrogène moins coûteux consistera en la possibilité de répéter les modèles de dépendance énergétique du passé ainsi que les risques quant à la sécurité de l’approvisionnement… Si un éventuel déplacement du centre de gravité géopolitique de l’Est vers le Sud entraîne des implications majeures, il ne contribuera guère à renforcer l’autonomie stratégique de l’Union en matière d’énergie. »

Le Maroc a déjà montré sa volonté de faire jouer sa puissance diplomatique vis-à-vis de l’UE, y compris dans son rôle de garde-frontière externalisé pour celle-ci. Début 2021, le gouvernement de Mohammed VI a rompu ses relations diplomatiques tant avec l’Espagne qu’avec l’Allemagne après que les deux pays ont condamné la reconnaissance de dernière minute par Donald Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental occupé. Dans une nouvelle escalade de la crise, le Maroc a ensuite ouvert le passage frontalier avec Ceuta — une enclave espagnole en Afrique du Nord — permettant à un nombre record de six mille migrants de traverser en l’espace d’une seule journée en mai dernier. Simultanément, il a gelé son accord sur l’hydrogène avec l’Allemagne.

Le Maroc a déjà montré sa volonté de faire jouer sa puissance diplomatique vis-à-vis de l’UE, y compris dans son rôle de garde-frontière externalisé pour celle-ci.

Le Sahara Occidental joue également un rôle important dans l’évolution actuelle de la politique énergétique de l’UE. Qualifié de « dernière colonie d’Afrique », ce territoire riche en ressources, de la taille de la Grande-Bretagne, s’est vu refuser son indépendance à la fin de la domination coloniale espagnole en 1975, les troupes marocaines l’ayant rapidement envahi. Au cours des décennies qui ont suivi, le Maroc a instauré ce que Freedom House décrit comme l’un des régimes politiques les moins libres de la planète, un pays dans lequel les journalistes, les défenseurs des droits humains et les partisans de l’indépendance sont en butte au harcèlement policier, à la torture et à de longues peines de prison.

Mais l’occupation du Sahara occidental est également devenue une partie intégrante de la stratégie d’hydrogène vert du Maroc et la condition préalable pour qu’il devienne un exportateur stratégique. « D’ici 2030, 47% de l’énergie éolienne totale du Maroc et près de 32% de son énergie solaire viendront des territoires occupés », selon Joanna Allan, chercheuse en politique énergétique.

Mais ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg, selon les calculs de la Banque Mondiale, le potentiel du Sahara Occidental en énergie éolienne est deux fois plus important que celui du Maroc tout entier. Et donc celui-ci est en train de se rendre de plus en plus dépendant du Sahara occupé pour ses besoins énergétiques, et via ses exportations, il va ensuite impliquer l’Europe et les pays sub-sahariens dans son exploitation coloniale.

Les pressions du Maroc ont finalement eu l’effet désiré, puisque l’UE a changé sa position sur le Sahara Occidental au cours de l’année dernière. Au début de l’année 2022, le nouveau gouvernement de coalition allemand a fait savoir qu’il se désolidarisait de la position déclarée des Nations Unies, qui appelle à la décolonisation et à un référendum d’autodétermination pour le peuple sahraoui, afin de soutenir les propositions visant à intégrer le territoire en tant que région autonome au sein de l’État marocain. Depuis le début de la guerre en Ukraine, des initiatives similaires ont été prises par le président français Emmanuel Macron et le premier ministre espagnol Pedro Sánchez. Ainsi, alors que la Russie envahit l’Ukraine, les dirigeants européens défendent soudainement l’annexion d’une nation africaine par une autre.

Le tournant pris est clairement lié à des préoccupations sécuritaires, il s’agit surtout de s’assurer de la coopération pérenne du Maroc en matière de maintien de l’ordre aux frontières méridionales de l’UE en termes de migrations, mais il s’agit également de verrouiller un partenariat stratégique en matière d’énergie pour les décennies à venir, en particulier pour l’Allemagne. « De plus en plus intéressée par les projets d’énergie renouvelable et les plans de fabrication d’hydrogène vert au Maghreb, l’Allemagne a fait du renforcement de sa présence politique, économique et technologique en Afrique du Nord une priorité », écrit le journaliste espagnol de premier plan Enric Juliana. « Après le déclenchement de la guerre [ukrainienne], cette option [stratégique] est devenue une priorité absolue. »

Pendant ce temps, le conflit armé entre les forces marocaines et le Front Polisario pro-indépendance se poursuit le long du mur de sable défensif de sept mille kilomètres qui divise le territoire, et des affrontements réguliers sont signalés. Au même moment, une vague de manifestations qui a éclaté dans la zone occupée du Sahara occidental en février a été brutalement réprimée par la police militaire et les unités paramilitaires marocaines. Ces manifestations ont éclaté après la disparition d’un homme de la région qui était sous surveillance policière, et dont les restes torturés et brûlés ont été découverts plus tard. Telle est la réalité de l’« autonomie » sahraouie au Maroc.

Le nombre de morts le long de la route migratoire entre la côte du Sahara occidental et les îles Canaries en Espagne ne cesse également d’augmenter. Le 12 mars, quarante-quatre personnes sont mortes après que leur bateau a chaviré dans l’océan Atlantique — un nouveau rappel du manque de compassion de l’Europe à l’égard des réfugiés en provenance du Sud, ainsi que du contraste frappant entre le sort réservé à ceux qui arrivent d’Afrique et celui réservé à ceux qui arrivent d’Ukraine.

Le coup de foudre de l’Europe pour l’hydrogène

En définitive, le cynisme de la realpolitik de l’UE, et sa volonté de rompre rapidement avec des décennies de politique étrangère bien établie sur le Sahara Occidental, souligne l’importance accordée à la stabilisation des marchés internationaux de l’hydrogène vert. Dans le cadre du plan REPowerEU, l’objectif 2030 du bloc supranational passe d’un approvisionnement de 5,6 millions de tonnes par an à 20,6, dont dix des quinze supplémentaires devraient provenir de l’étranger. La feuille de route mentionne également un programme d’investissement « accélérateur de projets hydrogène » visant à moderniser les gazoducs existants pour les rendre compatibles avec l’hydrogène, ainsi qu’à développer des installations de stockage, des ports et d’autres infrastructures adaptées à l’hydrogène.

Le cynisme de la realpolitik de l’UE souligne l’importance accordée à la stabilisation des marchés internationaux de l’hydrogène vert.

Ces types de projets à forte intensité de capital pourraient représenter une aubaine pour les producteurs de gaz et les sociétés d’infrastructure, mais un certain nombre d’analystes ont mis en doute la faisabilité d’une expansion aussi rapide dans un secteur qui n’en est encore qu’à ses débuts, en particulier quand il s’agit de remplacer jusqu’à un tiers des importations de gaz russe en huit ans seulement. Même si dans les décennies à venir l’hydrogène est appelé à jouer un rôle important en tant que source d’énergie pour des secteurs spécifiques, « l’hydrogène ne peut pas avoir d’impact à court terme » en termes de décarbonation, insiste un rapport de la Fondation Bellona, ajoutant que l’augmentation de sa production sera « inefficace dans le cadre d’une réduction de l’utilisation du gaz » ici et maintenant.

Selon le rapport, si l’Europe souhaite ne serait-ce qu’atteindre ses objectifs nationaux plus modestes en matière d’hydrogène vert d’ici 2030, elle risque de consommer une part importante des nouvelles ressources éoliennes et solaires de l’UE, tandis que l’augmentation des importations en provenance d’Afrique du Nord au cours de la prochaine décennie ralentira la transition écologique au Maghreb. Selon le rapport, pour éliminer progressivement le gaz à court terme, il serait plus efficace de réaffecter l’énergie renouvelable qui devait être déployée pour la production d’hydrogène et de l’utiliser pour maximiser l’élimination progressive de l’électricité produite à partir de gaz et alimenter les pompes à chaleur, puis à ne se tourner vers l’hydrogène vert que « lorsque les capacités en matière d’électrification directe auront atteint leur maximum ».

C’est là une chose qui ne correspond toutefois pas aux priorités de la transition verte de l’UE, dans laquelle des mastodontes comme Total, Iberdrola et Snam sont déterminés à se tailler des parts importantes d’un marché mondial de l’hydrogène qui, selon Goldman Sachs, représentera 10 000 milliards de dollars d’ici 2050. L’essor de l’hydrogène vert au cours de la prochaine décennie reposera non seulement sur un système néocolonial d’extraction, mais représentera également un déploiement inefficace des ressources énergétiques renouvelables disponibles en Europe. Et surtout, elle créera les conditions de la consécration et de l’expansion du pouvoir actuel des entreprises.


Concernant l’auteur :

Eoghan Gilmartin est écrivain, il est aussi traducteur et collaborateur de Jacobin et vit à Madrid.

Source : Jacobin Mag, Eoghan Gilmartin, 27-03-2022  Traduit par les lecteurs du site Les-Crises


 

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