Ecologie / Nous allons vers la sixième extinction : les pays industrialisés premiers responsables

Par le professeur Chems Eddine Chitour
-École polytechnique, Alger

«Nous vivons sur une Terre nourricière, tempérante, protectrice. Mais à épuiser ses ressources, à exploiter trop intensivement ses sols et ses forêts, nous mettons en péril, non seulement notre capacité à faire face au réchauffement, mais aussi nos conditions de vie et de subsistance. Il est donc urgent d’adopter, à l’échelle mondiale, une gestion des terres plus durable.»
(Rapport du Giec, 8 août 2019.)

People attend a demonstration to urge politicians to act against climate change in Paris, France, as the COP24 is held in Poland, December 8, 2018. REUTERS/Piroschka van de Wouw

Cet été a été celui de toutes les peurs ! Il n’est pas de région épargnée par les convulsions climatiques. C’est selon la région, des ouragans comme ceux qui ont ravagé la Jamaïque et continuent sur les Etats-Unis, les inondations en Chine et pratiquement dans tous les pays où la moindre averse prend des allures de catastrophe, comme en Algérie où, en plus des aléas climatiques, la gabegie et le laisser-aller dans la gestion et la prévention des pluies font qu’on est en retard d’une saison pour déboucher des avaloirs. Il y a aussi des incendies qui ont ravagé une partie de la Kabylie et qui heureusement n’ont rien à voir avec ce qui se passe en Amazonie ou,  plus grave encore, en Afrique centrale. Mais cela n’intéresse pas les princes du G7 qui ont fait de la fixation sur Bolsonaro et le Brésil.
De plus, la crise de la biodiversité est un génocide silencieux qui touche notre planète tout entière. Depuis le premier «Roi Lion» il y a 25 ans, la population des lions africains a diminué de moitié et selon les scientifiques, jusqu’à un million d’espèces est  sur le point de disparaître. Après la COP21 dont on a dit qu’elle allait sauver le monde, les émissions de CO2 sont reparties à la hausse en  2017, 2018, 2019. Les constructeurs de voitures sont responsables de 12% du CO2 émis, soit 5,5 milliards de tonnes de CO2, toujours dans l’attente du miracle de la voiture électrique en nous rassurant que les carburants vont disparaîre dans 15 ans si d’ici là nous n’avons pas atteint le point de non-retour de l’emballement vers les 2°C.

Le Giec, le mal-aimé 
Cet organisme de l’ONU qui s‘occupe de l’étude des changements climatiques  a été souvent décrié, alors qu’en fait, en dehors de quelques anomalies, son travail de lanceur d’alerte est très souvent combattu par les compagnies pétrolières, notamment le trio du Diable Shell-BP-Total qui n’obéit pas aux injonctions à telle enseigne qu’en 2018 ils ont investi plus de 30% dans les énergies fossiles malgré les mises en garde des différentes COP qui appellent à ne pas dépasser les 1,5 °C. Ainsi, début août, le Giec  a publié un rapport terrifiant sur la surexploitation des sols.
Il publiera un autre sur les océans et la cryosphère. Selon les scientifiques, la montée des eaux pourrait entraîner la multiplication des inondations et le déplacement de 280 millions de personnes. 
Depuis trente ans, écrit Yann Verdo,  le Groupe d’experts met en garde contre un réchauffement qui se fait aujourd’hui trèsconcret. Yann Verdo  se fait l’avocat du Giec : «Je suis une entité hybride, unique en son genre. Une sorte de chimère, née du mariage forcé de la science et de la politique.  
À vrai dire, depuis que j’ai vu le jour en 1988, le monde a l’air de ne pas trop savoir quoi penser de moi. D’un côté, je n’avais pas encore 20 ans que je recevais déjà, conjointement avec l’ancien vice-président américain Al Gore, le prix Nobel de la paix — la médaille en or à l’effigie du grand Alfred Nobel. De l’autre, je ne compte plus le nombre de sceptiques ou de grincheux qui ont publié des brûlots incendiaires contre moi. Il est même arrivé, une fois, que des hackers anonymes s’en prennent à mes ouailles scientifiques, pour tenter de me déstabiliser. À croire que je dérange…» Ainsi pourrait s’exprimer le Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, désigné dans le reste du monde sous son acronyme anglais IPCC), si on lui demandait de faire son autoportrait. Ce qui ne serait peut-être pas une mauvaise idée. Car si tout le monde a entendu parler de ses rapports, le Giec lui-même reste méconnu.(1)
«Dès sa création, e Giec a su s’imposer et peser dans le débat public, souligne-t-il. C’est à la suite de son premier rapport, de 1990, qu’a été décidée, au Sommet de la Terre de Rio, l’adoption de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dont découlent les différentes COP. Le deuxième rapport de 1995 a été le socle sur lequel s’est construit le Protocole de Kyoto. 
Le troisième rapport de 2001, prenant acte du caractère inéluctable du réchauffement climatique, a mis en avant la question de l’adaptation de nos sociétés. Le quatrième rapport de 2007 est à l’origine de l’objectif de contenir le réchauffement à 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, au centre des discussions à la COP de Copenhague. Quant au cinquième et dernier rapport en date, celui de 2013-14, il a été la pièce maîtresse de l’Accord de Paris en 2015.» (1)
«Pas mal,  poursuit l’avocat du Giec,  il est vrai, pour un organisme dont le budget tourne autour des modiques 6 millions d’euros (…) Pas mal d’eau a coulé sous les ponts depuis que, en 1987, le glaciologue   Jean Jouzel, grâce à l’analyse des carottes glaciaires, prouvait pour la première fois le lien entre climat et teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre — le Giec a été créé un an plus tard.» «En 1991, on dénombrait 800 publications scientifiques avec le mot-clé ‘’changement climatique’’. En 2016, c’était près de 23 000.»(1)
 «Nous nous efforçons, d’un rapport sur l’autre, de renouveler aux deux tiers le pool d’auteurs», et les scientifiques ouvertement climatosceptiques, s’il en reste ? Ils s’excluent eux-mêmes du processus, répond entre les lignes le secrétaire du Giec. «Les scientifiques retenus par les bureaux des trois groupes de travail le sont sur la base de leur CV. En clair : pas de place pour autre chose que l’objectivité et la rigueur. Les va-et-vient sont incessants ; avant d’en arriver au document final, le «work in progress» passe non pas une mais trois fois à la moulinette écriture-relecture-réécriture.  les gouvernements peuvent difficilement contester les conclusions. Cette expertise, menée par l’InterAcademy Partnership (IAP) qui regroupe les Académies des sciences de onze pays, a été réalisée au sortir de l’hiver 2009-10. Un hiver particulièrement rude pour le Giec, tombé à ce moment-là du statut de «fraîchement nobélisé» à celui de «suspect de bidonnage scientifique». «Les sceptiques et les lobbys de tout poil ne se sont pas privés de monter en épingle la coquille» (1)

La terre est une ressource critique  
Le dernier rapport  du  Giec  est alarmant mais donne des pistes pour lutter contre la fatalité. Selon ce rapport,  les terres émergées représentent une ressource fondamentale. Elles sont soumises aux pressions des êtres humains et du changement climatique, mais elles sont aussi un élément de la solution. L’avertissement adressé par le Giec dans un rapport spécial, le 8 août, sur «les changements climatiques, la désertification, la dégradation des terres, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres» fait peur mais il propose aussi des solutions.(2) 
D’après les recommandations du Giec, «ce n’est qu’en réduisant les émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs, y compris les terres émergées et l’alimentation, que l’on pourra contenir le réchauffement mondial bien en deçà de 2 °C. Ce rapport montre qu’une meilleure gestion des terres peut contribuer à faire face aux changements climatiques, mais n’est pas la seule solution. Il est essentiel de réduire les émissions de gaz à effet de serre de tous les secteurs pour maintenir le réchauffement mondial bien en dessous de 2 °C si ce n’est à 1,5 °C. Les terres doivent rester productives pour maintenir la sécurité alimentaire en dépit de la croissance démographique et des effets néfastes du changement climatique sur la végétation qui ne cessent de croître. Nous ne disposons donc que d’une marge de manœuvre limitée pour tirer parti des terres émergées afin de faire face au changement climatique, par exemple par la mise en place de cultures énergétiques et le boisement. À cela s’ajoute qu’il faut du temps pour que les arbres et les sols stockent efficacement le carbone. Nous n’obtiendrons les résultats souhaités que si nous adoptons des politiques et des systèmes de gouvernance adaptés aux besoins locaux»(2). 

Le sol est une ressource essentielle 
Le rapport Changement climatique et terres émergées indique que la planète pourra mieux faire face aux changements climatiques si l’accent est mis sur la durabilité.  «L’agriculture, la foresterie et d’autres types d’utilisation des terres représentent 23 % de nos émissions de gaz à effet de serre. «Les terres déjà exploitées à ce jour pourraient subvenir aux besoins de la planète dans un environnement climatique en pleine évolution et fournir de la biomasse pour les énergies renouvelables, mais il convient de prendre des mesures rapides et de grande envergure dans plusieurs domaines. N’oublions pas non plus la préservation et la restauration des écosystèmes et de la biodiversité», a-t-il conclu.  Lorsque le sol est dégradé,   lit-on toujours dans le rapport, il devient moins productif : il est plus difficilement cultivable et perd de sa capacité à absorber le carbone. Ce phénomène exacerbe le changement climatique, lequel exacerbe encore la dégradation des sols à de nombreux égards. Environ 500 millions de personnes vivent dans des zones touchées par la désertification. Nous savons maintenant que même un réchauffement planétaire limité à environ 1,5 °C entraînera une augmentation des risques liés aux pénuries d’eau dans les zones arides, aux dommages causés par les incendies, à la fonte du pergélisol et à l’instabilité du système alimentaire, Si le réchauffement climatique atteint 2 °C, nous savons que les risques liés à la fonte du pergélisol et à l’instabilité du système alimentaire seront très élevés.(2)

La sécurité alimentaire 
«Une action coordonnée pour lutter contre le changement climatique peut tout à la fois améliorer l’état des sols, la sécurité alimentaire et la nutrition et contribuer à éliminer la faim. Le rapport fait ressortir que le changement climatique a une incidence sur les quatre piliers de la sécurité alimentaire : la disponibilité (rendement et production), l’accès (prix et capacité d’obtenir de la nourriture), l’utilisation (nutrition et possibilité de cuisiner) et la stabilité (irrégularité de la disponibilité). Le rapport indique qu’environ un tiers des aliments produits sont perdus ou gaspillés. Les causes de ces pertes et gaspillages sont très différentes selon qu’il s’agit d’un pays développé ou d’un pays en développement et elles varient considérablement d’une région à l’autre. La gestion des risques permet d’accroître la résilience des populations en cas de phénomènes extrêmes, ce qui a des répercussions sur les systèmes alimentaires. Pour la mettre en place, il est possible de passer par des modifications du régime alimentaire ou une diversification des cultures de manière à enrayer la dégradation des terres. Un autre moyen de s’adapter aux effets néfastes du changement climatique est de réduire les inégalités, d’accroître les revenus et de garantir un accès équitable à la nourriture (…) Les politiques qui ne portent pas sur les terres et l’énergie, mais sur les transports et l’environnement, par exemple, peuvent contribuer elles aussi très sensiblement à la lutte contre le changement climatique.» (2) 

Changer de paradigme pour échapper à l’extinction
C’est à se demander si le Giec  ne prêche pas dans le désert ! Autant de bons conseils non mis en œuvre. Comment faire ? Pour Nafeez Ahmed, journaliste d’investigation insurge Intelligence, nous allons de plus en plus vers une guerre de tous contre tous basée sur l’accumulation personnelle et la haine de l’autre. Il faut en sortir. Il écrit  : «La ‘‘rébellion’’ ne suffit pas. Nous devons construire de nouveaux systèmes à partir de rien, et le faire immédiatement.» La manière de traiter avec «l’Autre» est devenue aujourd’hui le point de friction de la politique occidentale contemporaine.   Au sein de ce paradigme, l’exclusion de «l’Autre» est la solution finale. C’est le modèle d’existence en tant que jeu à somme nulle. Il n’y en a pas assez pour tout le monde, alors nous devons accumuler le plus possible pour nous-mêmes   Encore plus de croissance, mais juste pour «nous» — parce que ce sont «eux» qui prennent nos emplois. Mais ce qui gronde sous la surface de cette obsession de «l’Autre», c’est un problème plus profond auquel nous avons beaucoup de mal à faire face : c’est le fait que le système d’existence que nous avons construit pour nous-mêmes et que beaucoup d’entre nous pensent être mis en danger par trop «d’Eux» s’effondre déjà de lui-même.
La couverture médiatique d’un nouveau rapport surprenant de l’ONU  a été bien accueillie. Le rapport conclut que la civilisation humaine détruit systématiquement ses propres systèmes de survie, ce qui pourrait entraîner l’extinction massive d’au moins un million d’espèces animales et végétales.
Le moteur de cette destruction est le paradigme de la «croissance sans fin» de notre économie mondiale actuelle, un paradigme qui a vu les populations humaines et les villes croître de façon exponentielle dans le monde entier, entraînant à son tour une croissance exponentielle de la consommation de ressources, de matières premières, de nourriture et d’énergie.

Cette expansion toujours accélérée de notre civilisation industrielle a ravagé les écosystèmes naturels, entraînant le déclin de nombreuses espèces qui sont essentielles au bon fonctionnement des activités naturelles fournissant la nourriture, la pollinisation et l’eau non polluée qui sont essentiels à la préservation de notre propre civilisation.(3) (4)
«Si nous continuons sur cette voie, la façon dont nous détruisons constamment la nature, les forêts et les zones humides endommagera de façon funeste la capacité de la terre à renouveler l’air respirable, les sols productifs et l’eau potable. Selon le rapport, sur les 7 745 races d’animaux d’élevage locales (présentes dans un pays) signalées dans le monde, 26 % sont menacées d’extinction ; près d’un tiers des stocks de poissons est surexploité, plus de la moitié ayant atteint sa limite soutenable ; et 24% des quelque 4 000 espèces alimentaires sauvages — principalement plantes, poissons et mammifères — sont en déclin (un nombre probablement beaucoup plus élevé en raison du manque de données). Un autre rapport publié ce mois-ci par le Fonds mondial pour la nature et le Global Footprint Network explique comment cette destruction massive et systématique de l’environnement est enracinée dans un mode de vie basé sur la surconsommation des ressources naturelles : nous nous développons au-delà de nos moyens. Nous prenons sans donner en retour.(3).
Décrivant la fuite en avant de la consommation il explicite le nouveau  Rapport : «Le nouveau rapport montre comment, si la consommation de tous les habitants de la planète était au même niveau que celui des résidents de l’UE, en ne comptant que du 1er janvier au 10 mai, l’humanité aurait alors consommé autant que ce que les écosystèmes de la planète peuvent renouveler sur une année entière, ce qui signifie que 2,8 planètes Terre seraient nécessaires pour assurer ce niveau de consommation. L’évaluation mondiale de l’IPBES de l’ONU, par exemple, confirme que la planète connaît actuellement 2 500 conflits concernant les combustibles fossiles, l’eau, la nourriture et la terre – conflits qui sont donc directement liés à l’effondrement en cours de la biodiversité de la planète. Bon nombre de ces perturbations sont directement liées aux impacts du changement climatique. En 2018, les phénomènes météorologiques extrêmes ont été responsables de la majorité des 17,2 millions de nouveaux déplacements. La sécheresse en Afghanistan a provoqué plus de déplacements que le conflit armé du pays, et la crise dans le nord-est du Nigeria a été aggravée par les inondations qui ont touché 80% du pays.(3) 
Les conflits au Moyen-Orient, en Asie occidentale et en Afrique subsaharienne ont été exacerbés par les «conditions climatiques». D’ici la fin du siècle, nous n’aurons pas seulement à nous préoccuper des phénomènes migratoires, nous devrons, si nous continuons à faire comme si de rien n’était, faire face à une planète inhabitable : une situation où nous aussi finirons par devenir «L’Autre». Il n’est pas étonnant, poursuit-il, que, suivant l’exemple enthousiasmant de Greta Thunberg, certains n’aient eu d’autre choix que de descendre dans les rues au travers de mouvements de protestation comme la Rébellion contre l’Extinction (Extinction Rebellion, abrégé en XR). 
Nos démocraties sont dans un état d’effondrement : incapables de faire face à la complexité systémique de la crise de la civilisation. Alors qu’elles échouent, elles s’orientent vers le rejet de leur propre ethos démocratique, vers un autoritarisme croissant, renforçant les pouvoirs étatiques centralisés pour écarter les «Autres» dangereux et les citoyens indisciplinés.   Le problème est que les démocraties libérales, dans leur forme actuelle, sont dans cet état d’effondrement pour une raison claire : elles sont, en effet, incapables de faire face à la complexité systémique de la crise de la civilisation.(3)     
Nafeez Ahmed en appelle à un changement total des mentalités si on veut prétendre contenir le tsunami qui nous attend : «(…) Mais même là, cette transformation n’est pas seulement une question d’économie. Il s’agit de tout notre paradigme d’existence. (…) Au cours des quelque 500 dernières années, l’humanité a érigé une civilisation à ‘’croissance sans fin’’ fondée sur un patchwork particulier de visions idéologiques du monde, de valeurs éthiques, de structures politiques et économiques et de comportements personnels. C’est un paradigme qui élève la vision de l’être humain en tant qu’unité matérielle déconnectée, atomistique et rivale, qui cherche à maximiser sa propre consommation matérielle en tant que mécanisme principal d’auto-gratification.  C’est le paradigme qui a cimenté notre trajectoire actuelle vers l’extinction massive. Pour briser ce paradigme, il faut bien plus que des exigences envers des institutions défaillantes.» (3)  
Il plaide  enfin pour l’humanité et pour  l’unité de la famille humaine sans discrimination pour conjurer ensemble les périls à venir. «Quand allons-nous accepter de voir qu’Eux, c’est Nous ? Quoi qu’il se passe là, dans le monde, la crise nous appelle tous à devenir ce que nous devons être, ce que nous sommes vraiment et ce que nous avons toujours été. Et sur la base de ce renouveau interne, elle nous appelle à prendre des mesures radicales dans nos propres contextes locaux pour faire émerger les germes du paradigme nouveau, ici même, et maintenant. Comment pouvons-nous réussir à changer certains de ces systèmes dans nos écoles, nos lieux de travail, nos lieux de loisirs ?  Comment pouvons-nous, dans le cadre de ces efforts, travailler à semer les graines qui conduiront à faire reconnaître que la mission la plus importante est de construire un nouveau paradigme post-croissance, post-carbone et post-matérialiste ? Construisons notre propre capacité à penser et à agir différemment  dans le respect de notre propre conscience et de notre comportement, ainsi que dans les domaines de l’énergie, de l’alimentation, de l’eau, de la culture, de l’économie, Ce faisant, nous plantons les graines d’un paradigme de vie et de réalité en émergence qui redéfinit l’essence même de ce que signifie être vivant.»(3) 

L’homme  animal suicidaire décrit par Jared Diamond
C’est bien connu, on le répétera, le plus grand ennemi de la nature est l’homme  qui, par son comportement égoïste, détruit tout ce qu’il touche. Déjà il y a près de 15 ans Jared  Diamond, biologiste évolutionniste,  professeur à UCLA,  nous avait prévenu  contre l’effondrement de la civilisation terrestre dans sa globalité. Des épisodes comme l’ouragan Katrina en 2005 qui ont causé pour 120 milliards de dégâts, des morts, des blessés par centainesseront des évènements récurrents.  Fréderic Joignot nous présente son ouvrage : «Si l’humanité ne court pas au désastre écologique, danger contre lequel il nous a mis en garde dans son essai Effondrement (2005), le sommet de Rio en 1992 a montré qu’avec la crise économique les exigences écologiques passent au second plan. On vient pourtant d’apprendre — un exemple parmi d’autres — que la banquise arctique risque de fondre avant 2020,   Sommes-nous entrés dans un des scénarios tragiques décrits par Jared Diamond dans Effondrement ? Il nous répond : «L’humanité est engagée dans une course entre deux attelages. L’attelage de la durabilité et celui de l’autodestruction. Aujourd’hui, les chevaux courent à peu près à la même vitesse et personne ne sait qui va l’emporter. Mais nous saurons bien avant 2061, quand mes enfants auront atteint mon âge, qui est le gagnant.»(5)
Avec Diamond, il devient impossible de séparer l’aventure humaine de la géographie, de comprendre le développement et le déclin des sociétés sans tenir compte des ressources naturelles des pays, de leur exploitation et de leur dégradation. Jared Diamond se penche aussi sur le berceau de notre civilisation, ce fameux Croissant fertile (Iran, Irak, Syrie, Liban, Jordanie, etc.) où est apparue pour la première fois une société agricole, sédentaire, artisanale, outillée, bientôt urbaine. Pour lui, ce miracle a été possible pour trois raisons : «Le blé, l’orge, les pois chiches, les lentilles, le lin y poussaient à l’état sauvage, qui ont pu être cultivés, emmagasinés, et filés pour le lin. Cinq espèces d’animaux essentiels à l’alimentation, au transport et aux travaux agricoles vivaient là – les chiens, les moutons, les porcs, les bovins, le cheval. Enfin, de grands fleuves et la Méditerranée ont permis que leurs savoirs soient diffusés et perfectionnés.» Son constat fait peur : depuis l’âge de pierre, l’humanité n’a cessé de détruire d’autres espèces, dévastant peu à peu toute la biodiversité. Jared Diamond admire l’homme pour son génie inventif, mais il le voit aussi en massacreur : «Quand les hommes franchissent le détroit de Béring, 12 000 ans avant J.-C., et gagnent l’Amérique du Nord, ils se livrent à un carnage inouï. En quelques siècles, ils exterminent les tigres à dents de sabre, les lions, les élans-stags, les ours géants, les bœufs musqués, les mammouths, les mastodontes, les paresseux géants, les glyptodontes (des tatous d’une tonne), les castors colossaux, les chameaux, les grands chevaux, d’immenses troupeaux de bisons.» Des animaux qui ont survécu à trois glaciations périssent : 73% des grands mammifères d’Amérique du Nord, 85% de ceux d’Amérique du Sud. «Ce fut la disparition animale la plus massive depuis celle des dinosaures, continue Jared Diamond. Ces bêtes n’avaient aucune expérience de la férocité d’Homo sapiens. Ce fut leur malheur. Depuis, nous avons encore fait disparaître d’innombrables espèces.»(5)

Les massacres et les atteintes à l’harmonie écologique
Pour Jared  Diamond, l’homme, par son comportement agressif vis-à-vis de l’autre  est né pour la guerre : «Mais l’homme massacre dans des proportions inégalées. A toutes les époques, souvent pour des questions de territoire, mais aussi ethniques (racisme) et psychologiques (désignation d’un bouc émissaire, infériorisation de l’autre), l’homme a cherché à anéantir ses rivaux et les minorités. Des dizaines de génocides, combinant traques, massacres, épidémies, à plus ou moins grande échelle, ont eu lieu de tout temps, partout. Le génocide fait partie de notre héritage pré-humain et humain.» Jared Diamond s’est aussi intéressé aux civilisations qui se sont écroulées, celle de l’île de Pâques, des îles d’Henderson et de Pitcairn, celle des Amérindiens Anasazi du sud-ouest des Etats-Unis, des Vikings du Grand Nord. Et surtout l’empire des Mayas. Diamond montre comment ces derniers ont coupé les arbres jusqu’au sommet des collines afin de fabriquer du plâtre, tout en pratiquant la culture intensive du maïs. Il nous raconte la suite : «Cette déforestation a libéré les terres acides qui ont ensuite contaminé les vallées fertiles, tout en affectant le régime des pluies. Finalement, entre 790 et 910, la civilisation maya du Guatemala, qui connaissait l’écriture, l’irrigation, l’astronomie, construisait des villes pavées et des temples monumentaux, avec ; sa capitale, Tikal, de 60 000 habitants, disparaît. Ce sont 5 millions d’habitants affamés qui quittent les plaines du Sud, abandonnant cités, villages et maisons. Ils fuient vers le Yucatan, ou s’entretuent sur place.»(5)
Jared Diamond a appliqué cette grille à notre époque. Il dresse une longue liste des dommages écologiques qui menacent à court terme la biosphère : la crise de l’eau potable, qui concerne un milliard de personnes, tandis que les nappes phréatiques baissent ; la destruction des marais, des mangroves, des récifs de corail, des pépinières naturelles ; la disparition massive des grosses espèces de poissons marins, la dévastation des fonds des océans ; la désertification des sols et le recul des dernières grandes forêts dans les zones tropicales. «C’est comme si on retirait au hasard des petits rivets dans l’assemblage d’un avion», commente-t-il. Il rejoint ici les peurs des glaciologues et des climatologues et les chercheurs pour qui nous sommes entrés dans «anthropocène». Au rythme actuel de la croissance démographique, et particulièrement de l’augmentation des besoins économiques, de santé et en énergie, les sociétés contemporaines pourront-elles survivre demain ? Jared Diamond conclut qu’il n’existe aucun cas dans lequel l’effondrement d’une société ne serait attribuable qu’aux seuls dommages écologiques. Plusieurs facteurs, au nombre de cinq, entrent toujours potentiellement en jeu : des dommages environnementaux ; un changement climatique ; des voisins hostiles ; des rapports de dépendance avec des partenaires commerciaux ; les réponses apportées par une société, selon ses valeurs propres, à ces problèmes. Cette complexité des facteurs permet de croire qu’il n’y a rien d’inéluctable aujourd’hui dans la course accélérée à la dégradation globalisée de l’environnement.(5)  

Réduire la population : est-ce la solution ?
C’est en tout cas la petite mesure qui se fait entendre en Occident, à savoir les pays sous-développés sont responsables de la débâcle climatique et il sera impossible de nourrir 10  milliards de personnes. Etant entendu que les pays concernés sont surtout ceux de l’Afrique et l’Inde. A titre d’exemple, Gérald Cursoux propose de créer l’équivalent du Giec pour contenir l’invasion démographique des pays du  Sud. Ecoutons-le : «Poudrière, oui, avec une bombe de destruction massive : la surpopulation ! La croissance  démographique nous entraîne vers l’abîme, elle est le facteur premier de la pollution, de l’épuisement des ressources, de la baisse de la biodiversité, de l’émigration de masse avec ses conséquences désastreuses,   Mais rien ne peut être fait contre cette croissance démographique entend-on, ou pire encore, il ne faut pas s’y opposer pour des raisons humanitaires, les droits de l’homme, les valeurs religieuses, culturelles, etc. Est-il besoin de noter que tout a changé avec le développement de la science et des techniques, la médecine en étant bénéficiaire : diminution  drastique des décès à la naissance, prolongation de la durée de la vie. (…) Laisser courir les choses c’est aussi criminel que de ne rien faire contre les causes qui détériorent le climat. On doit diffuser massivement les moyens contraceptifs. Et, surtout, (c’est la priorité des priorités, l’impératif catégorique !) donner à la femme ses pleins droits d’être humain, l’éduquer et la libérer des contraintes culturelles et sociales. Il faut créer un  Giec pour la démographie (ou la surpopulation), un  Giec.»(6)
L’auteur oublie un petit détail, les pays du Sud ont pollué pour 20 % depuis un siècle alors qu’ils sont 80%. Un autre petit détail,  n Sahélien c’est 0,15-0,2 tep/hab. Un Américain, c’est 8 tep,  soit 50 fois plus. Un Américain pollue en une semaine ce que fait le Sahélien en une année. Il en est de même pour l’eau 600l/j  contre 10l/J. Si  on ajoute qu’un plein de 4×4 en biocarburant (225kg de maïs) peut nourrir un Sahélien pendant une année ! Nourrir ou gaspiller, il faut choisir ! Comment s’étonner que des épaves humaines viennent mourir au pied du supermarché occidental, chassés par la faim ? Non ! C’est aux pays industrialisés de réduire la consommation d’énergie fossile. Chaque pays devra faire cependant sa part pour tenter de stabiliser des convulsions climatiques et espérer d’une façon solidaire à vivre en paix avec la nature. Sans une prise de conscience planétaire, nous allons vers la sixième extinction.
C. E. C.

1.Yann Verdo   https:// www.lesechos. fr/monde/enjeux-internationaux/climat-dans-les-coulisses-du-giec-1127392?  
2.https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/08/08/l-humanite-epuise-les-terres-selon-le-dernier-rapport-du-giec_5497654_3244.html  
3.https://www.les-crises.fr/changer-de-paradigme-pour-echapper-a-lextinction/
4. https://www.bbc.com/news/science-environment-48169783.
5. Frédéric Joignot   https://www.lemonde.fr/culture/article/2012/09/27/l-homme-animal-suicidaire_1766966_3246.html
6.Gérald Cursoux  https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/onu-apres-le-giec-le-gierd-217593? 2 septembre 2019


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