L’élection américaine 2020 aujourd’hui : L’Amérique et le monde retiennent leur souffle

      “The ballot is stronger than the bullet” (Abraham Lincoln, ancien Président américain).

“One of the penalties for refusing to participate in politics is that you end up being governed by your inferiors” (Platon, philosophe grec).

“This campaign isn’t just about winning votes. It’s about winning the heart and, yes, the soul of America”
(Joe Biden, candidat à la présidence 2020).

Par Arezki Ighemat *


Ce 3 novembre, les Américains auront à choisir entre réélire le président sortant Donald Trump ou élire un nouveau président, Joe Biden, l’ancien vice-Président de Barak Obama, de 2008 à 2016. Pour la plupart des observateurs et analystes politiques, cette élection ou réélection est la plus importante des élections du siècle présent et même de celles d’avant. Selon ces observateurs, l’élection du 3 novembre déterminera non seulement la politique américaine pour les quatre prochaines années, mais son modèle de gouvernance à l’intérieur et sa position comme super puissance économique.

A l’intérieur, les Américains auront à choisir entre une gouvernance autocratique telle que pratiquée par le Président Trump pendant son premier mandat, modèle qui a de fortes chances de se reproduire, voire de se renforcer, dans le cas où Trump serait réélu pour quatre autres années, et une gouvernance démocratique telle que la promet son concurrent Joe Biden, gouvernance dans laquelle l’équilibre des pouvoirs entre l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire — qui a été rompu par le Président actuel — serait rétabli conformément à la Constitution américaine. Au plan de la politique extérieure, le peuple américain aura à choisir entre une politique internationale basée sur le slogan « America First » (L’Amérique d’abord) prônée et pratiquée par Trump au cours de son premier mandat et qui glorifie l’isolationnisme, le nationalisme et le protectionnisme et celle que propose l’ancien vice-président, qui promet de réinsérer les Etats-Unis dans le concert des nations. Afin d’éclairer les lecteurs pour qui cette élection semble géographiquement si lointaine, nous examinerons successivement les enjeux de l’élection au niveau national américain et mondial.

Les enjeux de l’élection américaine au niveau national


Les enjeux nationaux qui doivent être pris en considération pour avoir une idée des tenants et des aboutissants de l’élection présidentielle de novembre sont aussi nombreux que variés. Ceux que nous analyserons dans cette partie peuvent être présumés les plus importants.
Le premier enjeu —et peut-être le plus déterminant, selon certains analystes— est la gestion de la pandémie du coronavirus. Un grand nombre d’experts en santé publique et en politique sont d’accord pour dire que le Président Trump a très mal géré la pandémie. Tout d’abord, ils l’accusent de n’avoir pas informé les Américains dès l’irruption de la pandémie, en décembre 2019, et de leur avoir caché les risques qu’elle pouvait poser pour leurs vies et pour l’économie. Ils l’accusent aussi d’avoir donné la prééminence à l’économie sur la vie des citoyens.

Le résultat est que le nombre de cas d’infection par la Covid-19 était, à la fin octobre courant, de 9 202 393 et le nombre de décès de 234 079, ce qui place les Etats-Unis comme premier pays au monde en termes de cas et de décès (avec plus de 10% des totaux mondiaux). Ils lui reprochent, en particulier, de ne pas suivre les recommandations des experts du Comité de surveillance de la pandémie, dirigé par deux éminents épidémiologistes, les docteurs Anthony Fauci et Deborah Birx, et celles du Center for Disease Control and Prevention (CDCP) dirigé par le docteur Robert R. Redfield, et qui sont principalement, le port du masque – Trump ne porte pas lui-même un masque et ne demande pas à ses supporters d’en porter pendant les rallies qu’il organise dans le cadre de sa campagne électorale- et la distanciation sociale. Trump va même jusqu’à dire que les tests de détection de la Covid-19 sont inutiles car ils sont une indication qu’il y a trop de cas : « When you test, you create cases » (quand vous testez, vous créez des cas). Il a ajouté, lors d’une interview avec la chaîne de télévision Fox News : « Cases are up because we have the best testing in the world » (Le nombre de cas est élevé parce que nous avons les meilleurs tests au monde).

Le deuxième enjeu de cette élection est l’état désastreux de l’économie américaine depuis la pandémie. En effet, l’économie américaine —même si elle n’a pas complètement fermé— est dans une situation de récession due à la fermeture ou au ralentissement de l’activité de milliers d’entreprises, y compris les plus grandes. Le taux de croissance du PNB au cours de l’année 2020 est estimé à -4,9%, selon David Payne (Kiplinger, August 27, 2020). Les économistes américains pensent que l’économie américaine ne retrouvera son niveau de fin 2019 qu’en 2022. Le résultat direct de cette baisse drastique de l’activité est l’augmentation du nombre de chômeurs. Le taux de chômage atteint en avril 2020 était de 14,7%, ce qui en fait le taux le plus élevé depuis 1948. En termes absolus, le nombre de chômeurs était de 23,1 millions en avril 2020 et a été estimé à quelque 40 millions en septembre 2020.

En dépit de cette réalité, Trump continue de penser que l’économie —qu’il considère comme son cheval de Troie pour sa réélection— se redressera bientôt et que la reprise sera encore plus florissante. Cependant, la majorité des Américains ne voient pas comment une reprise pourrait se produire alors que la pandémie fait encore des ravages et qu’une nouvelle vague de cas et de décès est pressentie pour les mois à venir avec l’avènement de l’hiver. De son côté, Biden considère que la priorité doit être la protection des Américains par une application plus stricte des mesures préventives recommandées par le CDCP, port du masque, distanciation sociale, lavage des mains et tests de dépistage de la Covid-19. Contrairement à Trump, qui est pressé d’ouvrir l’économie sans conditions préalables, Biden, lui aussi, prévoit de rouvrir l’économie mais graduellement et en rendant les mesures préventives obligatoires dans les lieux de travail et les lieux publics. Le troisième enjeu de l’élection est le système d’assurance médicale qui porte le nom de Obama-Care créé par l’Affordable Care Act (ACA) du 23 mars 2010 et grâce auquel plus de 23 millions d’Américains ont pu s’assurer à un coût raisonnable.

L’une des promesses de campagne de Trump est d’abolir Obama-Care et de privatiser à nouveau l’assurance médicale en la remplaçant par un système portant son nom (Trump-Care). Ce système, s’il était adopté, priverait les 23 millions d’assurés actuels et les obligerait à contracter une assurance privée au prix du marché. Par ailleurs, Trump compte sur la majorité, dont il dispose actuellement à la Cour Suprême, pour invalider Obama-Care dans le cas où le Congrès refuserait de l’abolir. Nous verrons plus loin comment il compte sur la Cour Suprême pour le faire. De son côté, Joe Biden promet, s’il était élu, de conserver Obama-Care tout en y apportant quelques aménagements qui supprimeraient les inconvénients du système actuel dans le cadre de ce qui s’appellerait Biden-Care. Trum promet aussi de privatiser le système actuel de Sécurité sociale qui comprend principalement Medicare et Medicaid, bien que dans sa campagne électorale il rassure en disant qu’il va conserver ces deux composantes dans leur état actuel. Le quatrième enjeu de cette élection est le racisme et la division de la société américaine en deux camps antagonistes comme jamais auparavant : les Républicains (dont une partie importante est constituée de blancs suprémacistes) et les Démocrates (incluant les gens de couleur et autres couches marginalisées de la société). Depuis que Trump est au pouvoir, le racisme s’est accru à un rythme jamais égalé dans l’histoire des cinquante dernières années en Amérique.

L’assassinat de Noirs Américains s’est largement banalisé : il n’y a pas un mois où un Afro-Américain n’est pas tué. Selon les experts politiques et les historiens américains, le racisme s’est accentué considérablement depuis l’avènement du Président Trump. En effet, ce dernier n’a jamais condamné clairement ces assassinats. Au contraire, en raison de sa stratégie basée sur la devise « Divide to Conquer » (diviser pour conquérir), Trump s’est toujours aligné du côté des policiers qui commettent généralement ces crimes racistes sous prétexte d’assurer le « law and order » (la loi et l’ordre). Et lorsque les Noirs (ainsi que certains Blancs solidaires) manifestent contre ces assassinats —comme le mouvement appelé « Black Lives Matter » (les vies des Noirs comptent)— Trump les traite de tous les noms : « looters » (cambrioleurs), « thugs » (voyous), etc. Beaucoup d’experts politiques et historiens américains pensent que jamais l’Amérique n’a pu être aussi divisée que sous le règne de Trump. Biden, quant à lui, condamne ce racisme et cette division et promet d’être « The President of All Americans, those who voted for me or against me » (Le Président de tous les Américains, ceux qui ont voté pour moi et ceux qui ont voté contre moi). Son slogan de campagne est celui que nous avons évoqué tout en haut de cet article : « This campaign isn’t just about winning votes. It’s about winning the heart and, yes, the soul of America » (Cette campagne n’est pas seulement une question de vote. Elle consiste à regagner le cœur, et oui, l’âme de l’Amérique). Le cinquième enjeu de l’élection est la composition de la Cour Suprême américaine. Il faut rappeler que la Cour Suprême est l’instance qui règle les conflits qui interviennent entre les Cours aux échelons inférieurs de l’Etat américain.

Il faut rappeler aussi que les juges de la Cour Suprême sont élus à vie et qu’ils ne peuvent être révoqués par aucune instance, y compris le Président. Ils ne sont remplacés qu’en cas de décès, comme cela était le cas il y a quelques jours de la juge Ruth Bader Ginsburg, décédée des suites d’un cancer du pancréas. Par exemple, ainsi que nous l’avons évoqué plus haut, c’est la Cour Suprême qui déciderait en dernier ressort des résultats de l’élection présidentielle prochaine au cas où un des candidats contesterait la régularité du processus électoral. Il faut aussi souligner que sur les neuf juges qui composent la Cour Suprême, Trump dispose désormais de la majorité : cinq juges sur neuf sont, en effet, des Républicains (Brett Kavanah, Neil Gorsuch, et Amy Conney Barrett), cette dernière ayant été nommée il y a seulement quelques jours à la suite du décès de Ruth Ginsburg. Ce que beaucoup d’experts politiques et de constitutionnalistes craignent, c’est que Trump, dans le cas où il perdrait l’élection, pourrait déclarer que l’élection est « rigged » (frauduleuse) et intenter une action en justice contre les Démocrates. Et, dans le cas où les Cours locales qui statuent sur ce conflit décident que Trump est effectivement le perdant, ce dernier pourrait faire appel auprès de la Cour Suprême où il est assuré que celle-ci statuerait en sa faveur. C’est pour cette raison que Biden, et les Démocrates en général, proposent une réforme de la Cour Suprême consistant, entre autres, à élargir sa composition, réviser son fonctionnement et, éventuellement, revoir le système de l’élection à vie de ses membres.

Les enjeux de l’élection dans le domaine de la politique étrangère


Le premier enjeu, ou principe général de l’élection dans le domaine de la politique extérieure américaine, est le slogan de campagne de Trump qui postule « America First » (L’Amérique d’abord). Comme le slogan l’indique, Trump veut que, dans les relations internationales, les intérêts des Etats-Unis doivent recevoir la primauté sur ceux de ses partenaires économiques, selon le principe du « Win-Lose » (gagnant-perdant). En adoptant ce principe, Trump considère les Etats-Unis comme un îlot vivant en vase clos qui n’a pas besoin des autres pays pour son développement. Par ce principe, Trump veut mettre fin à plus d’un demi-siècle de globalisation qui prône, au contraire, le multilatéralisme et le « Win-Win » (gagnant-gagnant) dans les relations entre pays. En appliquant ce principe, Trump fait retourner les Etats-Unis à l’ère de l’isolationnisme, du nationalisme et du protectionnisme.

A l’heure où les entreprises —qui se trouvent curieusement être en grande majorité américaines— sont devenues multinationales, où les travailleurs sont libres d’émigrer vers les pays qui leur offrent de meilleurs avantages (paradoxalement les Etats-Unis) et où les produits de tous les pays circulent dans le monde entier, Trump veut rapatrier les entreprises américaines implantées à l’étranger (sous prétexte de faire revenir les emplois perdus et de faire du « Made in USA ») sa marque de fabrique. Une telle stratégie est simplement contraire au libéralisme que prônent les « Founding Fathers » (les Pères Fondateurs) américains et les théoriciens du libéralisme comme l’économiste anglais Sir Adam Smith, et tant d’autres économistes actuels.

Biden, à l’opposé, propose un retour au multilatéralisme, à l’intérêt réciproque et à l’équilibre dans les relations internationales. Il promet de sortir l’Amérique de son « confinement économique » volontariste et de la réinsérer dans le concert des nations. Il voudrait que les Etats-Unis jouent le rôle majeur qu’ils ont toujours joué sur la scène internationale —celui d’un modèle de développement économique et d’un exemple de démocratie politique pour les autres pays— mais plus jamais en tant que « gendarme du monde ». Le second enjeu dans cette élection est constitué par les accords et traités internationaux passés par les Etats-Unis et le reste du monde. En effet, depuis qu’il est arrivé au pouvoir, Trump a démantelé un grand nombre de ces accords, notamment ceux passés par son prédécesseur, Barak Obama, dont il veut effacer toutes les traces, y compris, rappelons-le, nier son lieu de naissance (il avait, depuis longtemps, avant-même d’être président, soutenu la thèse, fausse bien sûr, qu’Obama est né au Kenya, alors qu’il est né à Honolulu, Hawaï, d’une mère américaine, Ann Dunham, et d’un père Kenyan devenu Américain). Deux de ces accords sont particulièrement importants à souligner.

Le premier est l’accord signé entre l’Iran et le groupe P5+1 (Royaume-Uni, Russie, France, Chine, Allemagne et USA) en 2015, appelé aussi « Joint Comprehensive Plan of Action » (JCPOA) ou « Iranian Nuclear Deal ». Cet accord prévoit que l’Iran révise, convertisse et réduise ses facilités de production nucléaires en échange de la levée des sanctions qui lui étaient imposées auparavant, notamment par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Cet accord avait mis fin à plusieurs décennies de tensions entre l’Iran et les pays occidentaux, notamment les Etats-Unis. Le 8 mai 2018, Trump a décidé unilatéralement, sans consulter les cinq autres partenaires à l’accord, de se retirer du Deal et a imposé de nouvelles sanctions contre l’Iran, retournant ainsi à l’ère de l’hostilité et de la guerre froide et ouvrant la porte à de nouvelles tentatives de l’Iran de reprendre les activités nucléaires auxquelles le pays avait renoncé à la suite de l’accord. Joe Biden a promis, lors de sa campagne électorale, de renouer avec cet accord s’il était élu président, tout en y apportant quelques aménagements tenant compte de l’évolution des relations entre les Etats-Unis et l’Iran.

Le second accord est celui sur le changement climatique signé à Paris le 22 avril 2015 et devant entrer en vigueur le 4 novembre 2016. Cet accord, contracté également sous la présidence d’Obama, qui a été signé par 196 pays lors de la 21e Conférence de l’United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC), concerne la réduction des effets de serre et des émissions de gaz carbonique. Le 1er Juin 2017, Trump a pris la décision, encore une fois unilatéralement, de se retirer de cet accord conformément à sa promesse de campagne au cours de laquelle il avait déclaré « In order to fulfill my solemn duty to protect the United States and its citizens, the United States will withdraw from the Paris climate accord…The bottom line is that the Paris accord is very unfair at the highest level to the United States » (En vue de réaliser mon devoir solennel de protéger les Etats-Unis et leurs citoyens, les Etats-Unis se retireront de l’accord de Paris sur le climat… La raison essentielle étant que l’accord de Paris est très injuste au plus haut niveau à l’égard des Etats-Unis).

Trump ajoute que cet accord « undermine our economy, hamstring our workers and effectively decapitate our coal industry » (Cet accord met en danger notre économie, handicape nos travailleurs et décapite en fait notre industrie charbonnière). En se retirant de cet accord, Trump nie les effets du changement climatique sur la nature et les personnes et considère que l’accord est néfaste à l’économie et au monde des affaires dont il est lui-même partie intégrante. Pour Biden, à l’opposé, ce retrait nie la réalité du changement climatique dont les scientifiques du monde entier soulignent le danger pour l’avenir de notre planète. Comme il compte le faire pour l’accord sur le nucléaire iranien, Biden envisage de réintégrer l’accord de Paris et d’appliquer son plan intitulé « Clean Energy Revolution » (appelé encore « Green New Deal ») qui, au contraire de Trump, considère que l’économie et l’environnement sont inter-reliés et ne sont pas, comme le prétend Trump, des ennemis.

Le troisième enjeu de l’élection sur le plan de la politique extérieure américaine est l’engagement traditionnel des Etats-Unis au sein des organisations internationales, avec à leur tête les Nations unies. Depuis qu’il est à la Maison-Blanche, Trump s’est retiré d’un certain nombre d’organisations internationales dont les principales sont l’Unesco, l’UNHRC (United Nations Human Rights Council) desquelles Trump s’est retiré en octobre 2017 et juin 2018 respectivement). Trump propose aussi de se retirer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 6 juillet 2021 alors que le monde entier est plongé dans une pandémie des plus dévastatrices. Trump a, par ailleurs, affaibli l’Organisation mondiale du commerce (WTO), l’UNRWA (United Nations Relief and Work Organization) dont il a réduit le financement en août 2018, sous prétexte, pour cette dernière, d’avoir un biais contre Israël et en faveur des Palestiniens. Trump a également affaibli l’Otan en déclarant qu’il n’adhère pas à l’article 5 de la Charte de cette Organisation qui prévoit que « An attack on one member of NATO is an attack on all its members » (Une attaque contre un membre de l’Otan est une attaque contre tous ses membres). Dans sa campagne présidentielle, Joe Biden a promis de renverser la politique de Trump et de réintégrer toutes ces organisations.

Le quatrième enjeu de l’élection est la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient, et spécialement sa position et son rôle dans la résolution du conflit historique entre Israël et l’Autorité Palestinienne. Dans sa campagne électorale, Trump avait promis qu’il trouverait une solution au conflit Israélo-Palestinien. Au lieu de cela, Trump a décidé, une fois de plus unilatéralement, sans même consulter les Palestiniens qui sont les premiers concernés, le 6 décembre 2017, de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël à la place de Tel-Aviv et a ordonné le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, allant, se faisant, contre l’avis des Nations unies et des leaders et des peuples des pays musulmans. La Grande-Bretagne, la France, la Suède, l’Italie et le Japon —pays non musulmans—sont parmi les pays qui ont critiqué la décision unilatérale du Président américain.

Trump a aussi constitué une alliance de certains pays arabes pour contrecarrer toute velléité de règlement bilatéral du conflit Israélo-Palestinien. Pour cela, il a poussé certains pays arabes à passer des accords de réconciliation avec Israël. Ces tout derniers mois, deux pays ont exécuté son vœu. Le premier est représenté par les Emirats arabes unis —qui ont signé le « Treaty of Peace, Diplomatic Relations and Full Normalization Between the United Arab Emirates and the State of Israel » le 13 août 2020, traité appelé plus communément « The Abraham Accords ». Bahrain est le deuxième pays à avoir passé, le 15 septembre 2020, un accord avec Israël, toujours sous le parapluie de Donald Trump et de son beau-fils Jared Kushner, son conseiller principal pour les affaires du Moyen-Orient. Trump espère et fait tout pour que d’autres pays arabes suivent l’exemple des EAU et de Bahrain, l’intention étant de créer une coalition favorable à Israël et hostile aux Palestiniens. Biden a déclaré, comme il est dans la tradition des leaders américains, qui sont tous, sans distinction, pro-Israël, qu’il est favorable à ces accords, mais n’a pas donné son avis concernant la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël. Il est cependant pour un règlement du conflit Israélo-Palestinien et pour la solution à deux Etats, Israël et la Palestine.

Le cinquième enjeu de cette élection est l’allégation d’une interférence de la Russie dans l’élection présidentielle de 2020, comme d’ailleurs il y a eu une allégation que la Russie est intervenue dans l’élection américaine de 2016, où la Russie aurait favorisé Trump contre sa concurrente Hillary Clinton. En dépit des informations provenant des services de sécurité américains (FBI, NSA, CIA, etc.), indiquant que la Russie est effectivement intervenue dans l’élection présidentielle de 2016 et qu’elle envisage d’intervenir dans l’élection de 2020, Trump ne veut prendre aucune sanction contre Poutine. Ce qui fait dire à certains milieux que Trump et Poutine ont des intérêts communs —notamment dans la fameuse Trump Tower que Trump devait construire à Moscou, mais aussi dans d’autres affaires— et que cela est la raison pour laquelle il ne veut pas prendre de sanctions contre Poutine.

Il faut dire aussi que Trump entretient des relations bizarrement privilégiées avec certains leaders considérés comme autocrates et qu’il semble « adorer », Kim Jong Un, leader de la Corée du Nord, et Xi Jinping, Président chinois, mais pour d’autres raisons, selon les experts en relations internationales comme l’ancien conseiller de Trump à la Sécurité nationale, John Bolton. Biden a déclaré que s’il était élu Président en novembre, il durcirait les relations avec Vladimir Poutine et les autres leaders autocrates et prendrait certaines sanctions contre les abus de droits de l’homme commis par ces pays.

Conclusion


Nous avons vu, tout au long de cet article, que les enjeux de l’élection présidentielle de novembre sont cruciaux —voire existentiels—aussi bien pour les Etats-Unis que pour le monde dans son ensemble. Le risque que les Américains et une grande partie du monde craignent, c’est que si Trump était réélu, non seulement il poursuivrait sa politique anti-démocratique et divisionniste au niveau national et sa stratégie isolationniste, nationaliste et protectionniste au niveau international, mais qu’il pousserait ces politiques intérieure et extérieure à leur limite. Certains craignent, en effet, que si ces politiques —notamment sa politique étrangère fondée sur le slogan « America First »- étaient poursuivies, Trump se mettrait encore plus en quarantaine contre le reste du monde au moment où une pandémie mondiale est en train de sévir et risque probablement de s’aggraver au cours de l’hiver prochain et à un moment, où le monde devrait plutôt unir ses efforts pour éradiquer la pandémie, réduire, voire arrêter l’infection et le décès de millions de personnes.

Les sondages américains semblent indiquer que Joe Biden est le candidat qui a le plus de chance d’être élu en raison de son expérience en tant que vice-Président de 2008 à 2016 et surtout en raison des politiques divisionniste, raciste et isolationniste que Trump a appliquées au cours de son premier mandat. Un autre élément qui pourrait compter, au moins dans une certaine mesure, est le caractère des deux candidats. Trump a un caractère impulsif et est même considéré comme inapte par certains de ses collaborateurs et sa propre sœur Ann Mary Trump. Biden est considéré comme plus calculateur et plus présidentiel.

Cependant, considérant le fait que Trump a réussi à échapper à plusieurs enquêtes judiciaires menées contre lui par le FBI, les services de sécurité, le fameux rapport Robert Muller, et même « l’impeachment » où il a été accusé d’abus de pouvoir et d’abus de justice par la « House of Representatives » du Congrès américain, certains milieux pensent qu’il pourrait —au cas où il perdrait l’élection— faire valoir que l’élection est « rigged » (frauduleuse) et compter sur la Cour Suprême (maintenant que la majorité de ses juges sont de son côté) pour prendre position en sa faveur. Il faut rappeler que Trump a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne quitterait pas la Maison-Blanche s’il pense que l’élection n’est pas « fair » (équitable). En conséquence, plusieurs scénarios sont possibles en novembre prochain. En attendant, les Américains et le monde entier retiennent leur souffle.

  • Ph. D en économie, Master of Francophone Literature (Purdue University, USA)

         Interdit d’interdire – Et si on faisait le bilan de Trump ? 

    Source : Russia Today France, Interdit d’interdire

    Frédéric Taddeï reçoit :

    – Jean-Luc Hees, journaliste

    – Nicolas Goetzmann, responsable de la recherche et de la stratégie macroéconomique à la Financière de la Cité

    – Didier Combeau, politologue spécialiste des Etats-Unis, chercheur associé à l’Institut des Amériques

    – Edouard Husson, historien

    Source : Russia Today France, Interdit d’interdire, 28-10-2020


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