Organiser les élections au Mali en février 2022 : «Cette tâche n’a rien de facile»

     
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Au Mali, une mission de la sous-région ouest-africaine, qui vient de boucler son évaluation du processus de transition, qualifie d’insuffisants les actes posés pour les élections prévues en février 2022. Elle rappelle aux autorités l’importance de respecter le délai prévu.

Elle a quitté Bamako insatisfaite. La mission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), venue évaluer le processus de transition en cours au Mali, s’est dite «préoccupée par l’insuffisance d’actions concrètes» dans le cadre de la préparation du double scrutin -présidentiel et législatif- prévu en février 2022.

Ces élections sont prévues par la feuille de route du gouvernement malien de transition, mais aussi, conformément au délai accordé, en septembre 2020 par la Cédéao aux putschistes qui ont renversé le Président Ibrahim Boubacar Keïta, un mois plus tôt. Leur tenue devrait marquer la fin de la transition en cours dans le pays et le retour des civils au pouvoir.

 

Mais à six mois de ce délai, l’horizon ne semble pas plus clair, d’après les observations faites par la mission de la Cédéao suite à trois jours d’évaluation et de consultations des différentes parties prenantes.

Cette mission était conduite par Goodluck Jonathan, l’ancien Président du Nigéria et médiateur de la Cédéao dans la crise malienne. La mission a rencontré le colonel Assimi Goita, Président de transition, son Premier ministre Choguel Maiga, , différents acteurs politiques et diverses organisations de la société civile.

La crédibilité du processus de transition en jeu

Le document récapitulant les conclusions de la visite des émissaires de la Cédéao affirme que la mission a rappelé aux différentes parties prenantes «l’importance du respect de la date des élections annoncée, afin de montrer la crédibilité du processus de transition».

«Elle a encouragé le Gouvernement de transition à présenter rapidement un chronogramme détaillant le calendrier, les réformes et actions prioritaires qu’il est urgent d’entreprendre pour la tenue des élections présidentielles et législatives», précise par ailleurs ce communiqué.

 

En guise d’actions prioritaires, la mission  recommande la nécessité d’atteindre un «consensus sur le cadre légal devant servir aux élections, la préparation de la liste électorale, et le choix de l’organe ou des organes devant conduire les élections». Elle demande d’ailleurs aux acteurs sociopolitiques de «travailler ensemble» afin de garantir la réussite du processus.

Préoccupation partagée

La préoccupation soulevée par la mission de la Cédéao est aussi partagée par la Mission multidimensionnelle pour la Stabilisation au Mali (Minusma). Le chef de cette opération onusienne, El-Ghassim Wane, est également le président du Comité local de suivi de la transition, composé de représentants de l’Union africaine, de la Cédéao et de la Minusma.

Lors de son point de presse hebdomadaire, le porte-parole de la Minusma, Olivier Salgado, a affirmé à Sputnik que «la MINUSMA ne peut qu’encourager les autorités de transition à intensifier leurs efforts de préparation des élections, sachant que cette tâche n’a rien de facile».

Pour atteindre cet objectif, les autorités de transition maliennes peuvent compter sur l’appui de la Minusma, assure Olivier Salgado.

«La Minusma est déterminée à continuer à travailler étroitement avec les autorités de la transition, pour que les objectifs qu’elles se sont fixés en ce qui concerne la conduite de la transition soient atteints. La Minusma a aussi un mandat d’appui aux opérations électorales et je vous assure qu’elle jouera pleinement son rôle dans ce sens», a-t-il conclu.


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Au Mali, des voix se sont élevées ces dernières semaines pour appeler au prolongement de la transition. Elle devrait finir en février 2022 avec les élections législatives et présidentielles. À plusieurs reprises le Président de transition a promis de respecter ce calendrier. Il pourra compter sur l’appui de la Minusma pour des avancées rapides.

Depuis quelques semaines, au Mali, des organisations de la société civile et quelques leaders religieux montent au créneau, appelant à un prolongement de la durée de la transition.

Cette période, engagée dans le pays depuis que l’ex-Président Ibrahim Boubakar Kéita a été déchu en août 2020 par une junte militaire, devait durer 18 mois. Un délai acté dans la Charte de transition issue d’une concertation nationale tenue les 10, 11 et 12 septembre 2020 sous la supervision de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

Un deuxième putsch a, le 24 mai 2021, visé les autorités de la première transition. Le colonel Assimi Goïta a pris la tête du pays.

 

À sa prise de fonction le 7 juin 2021, Goïta a promis de respecter le délai de la transition initiale, devant prendre fin le 27 février 2022, avec la tenue d’élections législatives et présidentielles. Une échéance que de plus en plus de voix appellent à repousser.

Prolonger la transition

Le dernier appel en date remonte au 13 août 2021. Il a été lancé par le collectif des Jeunes patriotes du Mali, un regroupement de plusieurs associations et mouvements de la société civile malienne. Lors d’un meeting populaire qui a rassemblé plusieurs centaines de personnes à Bamako où l’on pouvait lire sur les pancartes les slogans suivants: «Pour éviter les élections bâclées, prolongeons la transition», «Pour la stabilité et la quiétude du Mali, demandons la prolongation de la transition» relevait Maliactu, un média local.

«Nous nous sommes tous levés contre le régime d’IBK et nous l’avons combattu. Maintenant les militaires sont en train de rendre à notre pays sa dignité. Nous devons prolonger la durée de la transition pour que le travail du Président Assimi Goïta et ses hommes soit achevé, c’est-à-dire le redressement de notre pays», déclarait Issaka Bengaly, président de l’association pour le développement de N’Tabacoro, cité par Maliweb, un autre média local.

L’appel de ce collectif a été précédé, le 7 août 2021, de celui d’un autre regroupement d’organisations de la société civile malienne, le mouvement Mali Espoir. On peut également citer ceux issus des leaders religieux du pays. Le chérif de Nioro, Mouhamedou Ould Cheikh Hamahoullah, dit Bouyé, particulièrement écouté, s’est aussi prononcé en faveur de ce prolongement.

«Si vous voulez qu’on avance, donnons-nous du temps», a-t-il affirmé dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux le 20 juillet 2020.

Ambiguïté

Ces appels font-ils le jeu du pouvoir malien? Celui-ci pourrait-il être à la manœuvre? Tout ce qu’il est permis d’affirmer, pour l’heure, c’est que le pouvoir malien semble rassurant sur le respect de ce délai de février 2022, même s’il donne l’impression par moments, qu’il n’y est pas attaché mordicus.

Interrogé sur le respect du calendrier électoral de la transition ce 11 août 2021 sur la radio locale des Nations unies au Mali, Mikado FM, le lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale a laissé entendre qu’«il ne faudrait pas voir ce calendrier comme étant une loi. Un calendrier, c’est des estimations, des prévisions».

Quoiqu’il en soit, les appels à prolonger la transition ne sont pas partagés par une grande partie de la classe politique malienne.

 

Dans une déclaration commune rendue publique fin juillet 2021, plus de 20 partis politiques du pays -au rang desquels figurent les plus grandes formations comme l’Alliance pour la démocratie au Mali (l’Adéma)- ont exigé «au nom de la paix», le respect des dates prévues.

«Nous (…) affirmons sans ambiguïté notre attachement au respect scrupuleux de la période de la transition et donc de la date retenue pour les prochaines élections générales (présidentielles et législatives), à savoir le 27 février 2022. [Nous] demandons aux autorités de la transition de confirmer leur engagement à respecter ces échéances par la publication d’un chronogramme détaillé de tâches allant dans ce sens et par l’abandon de tout projet susceptible de mettre en cause ce délai», est-il possible de lire dans cette déclaration commune.

Que dit l’Onu?

Parmi les parties favorables au respect du délai initial de la transition, figurent en bonne place la Cédéao et les Nations unies qui ont sur place, une mission de soutien à la paix, la Minusma.

Dans sa résolution 2584 de juillet 2021 prorogeant pour une année supplémentaire le mandat de la Minusma au Mali, soit jusqu’au 30 juin 2022, le Conseil de sécurité des Nations unies «a réaffirmé le calendrier électoral annoncé qui prévoit que les élections présidentielles et législatives doivent avoir lieu le 27 février 2022».

«Nous saluons donc la réaffirmation par les autorités maliennes de leur détermination à atteindre cet objectif», a déclaré ce jeudi 26 août 2021, lors de son point de presse hebdomadaire, Olivier Salgado, porte-parole de la Minusma en réponse à une question posée par Sputnik.

«L’appui de la Minusma à ce processus de transition reste résolu pour permettre des avancées plus rapides et répondre à la forte aspiration à la paix du peuple malien», a rassuré Salgado.


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