jeudi, 28 mars 2024

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Etats-Unis : Joe Biden rendra-t-il à l’Amérique son «AURA*» d’antan ?

As a nation, we face one of the most difficult moments in our history…Four historic crises all at the same time. The worst pandemic in a hundred years…the worst economic crisis since the Great Depression…Emboldened white supremacy unseen since the 60s, and a reckoning on race that’s long overdue. And undeniable acceleration…of climate change on our planet…” (Joe Biden).

Par Arezki Ighemat,         

Avant d’entrer dans le vif du sujet, un mot sur le titre, notamment le mot « AURA».
Ce mot signifie en général « prestige » ou « grandeur ». Ici, nous lui donnons un sens un peu particulier : AURA pourrait être interprété par : America « United » and « Respected » Again) (L’Amérique « Unie » et « Respectée » à nouveau). Nous avons choisi cette expression ou ce slogan — qui résume tout ce que nous allons dire dans la suite de cet article — pour l’opposer aux deux slogans-phares combinés de Trump. Le premier, MEGA (Make America Great Again : Rendre l’Amérique Grande à nouveau) est utilisé au niveau national et le deuxième, « America First «  (l’Amérique d’Abord) qu’il voulait appliquer au niveau international. Comme nous le verrons plus loin, Trump a plutôt réalisé le contraire de ces deux slogans. On pourrait dire qu’au niveau national, il a plutôt appliqué le slogan « Make America « Worse » Again » (Rendre l’Amérique Pire à nouveau) et au niveau international, il a plutôt mis en œuvre le slogan « America Isolated » (l’Amérique isolée).

Le slogan « AURA »–qui comprend deux mots-clès : « United » (Unifié) et « Respected » (Respecté) qui résument à eux seuls les défis astronomiques auxquels Biden aura à faire face — pourrait effectivement être le slogan du nouveau Président. En effet, le Président Trump a mené toute sa campagne électorale et a gouverné pendant les quatre années de son premier et dernier mandat sous ces deux bannières. A la fin des quatre années passées à la Maison Blanche, une grande partie des experts politiques s’accordent à reconnaître que Trump a échoué sur les deux plans. Au lieu de rendre, comme il le prétendait, l’Amérique « Grande » à nouveau — comme elle l’était avant son règne — il l’a faite entrer dans des crises multiples qui l’ont plutôt fait retourner aux années de la Grande Dépression.

Sur le plan international, son « America First » a conduit à l’isolement total des Etats-Unis du reste du monde. Pour quelqu’un qui prétend être un « leader », un « manager », un « deal maker » et surtout un « winner », ce double échec est désastreux pour lui et, et plus grave encore, désastreux pour le pays. C’est d’ailleurs ce double échec — ainsi que sa manière autocratique de gouverner — qui a conduit à sa défaite électorale le 3 novembre dernier et à l’élection de son rival démocrate Joe Biden, l’ancien Vice-Président de Barak Obama. L’élection de Joe Biden a été une grande délivrance pour la majorité des Américains — qui en étaient arrivés à ne plus supporter de le voir à la télévision, d’entendre sa voix qu’ils trouvent désagréable et dédaigneuse, et de lire ses tweets qui tombent comme une pluie sur les Américains quotidiennement — et pour la communauté internationale qui avait l’habitude de voir les Etats-Unis jouer le rôle de chef d’orchestre sur la scène internationale.

La question que se posent aussi bien les Américains que les peuples du monde après l’élection du 3 novembre est la suivante : « Compte tenu de l’héritage très lourd que lui aura laissé Trump — héritage comportant de nombreuses crises aussi graves l’une que l’autre et qui s’autoalimentent — Joe Biden sera-t-il en mesure de résoudre toutes ces crises dont la plus urgente est, sans aucun doute, la pandémie du Covid-19. Résumée autrement, cette question revient à se demander si Biden pourra réussir à réunifier le pays à l’intérieur et à lui faire retrouver son « AURA » d’antan au plan international. Biden résumera lui-même ces différentes crises : « En tant que nation, nous faisons face au moment le plus difficile de notre histoire… Quatre crises toutes en même temps.

La pire des pandémies depuis un siècle… La pire crise économique depuis la Grande Dépression…Une suprématie blanche enhardie jamais vue depuis les années 60 et un racisme encouragé persistant…Et une indéniable accélération du changement climatique sur notre planète… » (Joe Biden, Discours devant la DNC (Convention Démocratique Nationale), 17-20 Août 2020. Nous analyserons dans cet article les défis auxquels aura à faire face le nouveau Président : la pandémie du Covid-19, la crise économique, le racisme résurgent, les inégalités sociales, la crise climatique et l’érosion démocratique.

Le premier défi : la pandémie du Covid-19

C’est, de loin, le défi le plus important pour deux raisons principales : d’abord parce qu’elle a des conséquences humaines et économiques désastreuses et ensuite parce que sa résolution rendrait plus facile la résolution des autres crises. Les conséquences les plus graves sont, sans aucun doute, celles sur la population. A la date du 21 novembre 2020, le nombre de cas de Covid-19 aux Etats-Unis était de 12 591 163 et le nombre de décès était de 259 925. Ces chiffres—qui ne cessent d’augmenter de jour en jour—placent les Etats-Unis au premier rang des pays affectés par la pandémie dans le monde, ainsi que le montre le tableau suivant :

Pays         Nbre de cas     Nbre de décès
1 USA      12 591 163          259 925
2 Inde        9 222 216         134 699
3 Brésil      6 118 708         170 115
4 France    2 154 097          49 902
5 Russie    2 120 836          36 675

Source : Pablo Gutierrez and Sean Clarke, Covid World map Which countries have the most coronavirus cases and deaths? The Guardian, November 25, 2020.

Par comparaison au nombre de cas dans le monde (59 681 456) et au total mondial des décès (1 402 510), les Etats-Unis représentent respectivement environ 20% et 18%. Les Américains et le monde se posent la question : comment le pays le plus riche du monde économiquement et le plus développé scientifiquement et technologiquement a pu être aussi affecté ? Joe Biden aura donc la tâche très délicate d’arrêter cette hémorragie humaine. La bonne nouvelle est que trois vaccins ont été récemment découverts par les laboratoires Pfizer, Moderna et AstraZeneca et les experts espèrent qu’ils pourront être expérimentés dans les semaines qui viennent. Les questions qui restent posées sont : (1) quel est le pourcentage de la population qui bénéficiera de ces vaccins et (2) quand ces vaccins seront-ils effectifs ? Les experts pensent que pour que la plus grande partie de la population américaine puisse être vaccinée et pour que le vaccin commence à être effectif, il faudra quelques mois à une année ou deux.

Entre temps, les seuls moyens de réduire l’expansion du virus demeurent : le port du masque, la distanciation sociale et l’hygiène des mains. Par conséquent, il est possible qu’on ne voie pas de réduction drastique du nombre de cas et de décès avant le milieu ou la fin de 2021. La tâche du nouveau Président américain sera d’autant plus difficile qu’après presque une année de cette pandémie, la population américaine commence à être fatiguée de ne pas pouvoir s’adonner à toutes les activités auxquelles elle était habituée : sports, loisirs, restaurants, etc.

Le deuxième défi : la crise économique et ses conséquences

Le deuxième challenge que Biden aura à affronter est la crise économique et sociale dans laquelle se débat le peuple américain et qui est, dans une large mesure, une conséquence de la pandémie du Covid-19. Par son ampleur, la crise économique actuelle a été comparée par les économistes à la Grande Dépression de 1929-31. Ses conséquences sont nombreuses et variées, mais les plus notables sont : baisse drastique de la croissance économique, un chômage sans précédent, et une plus grande pauvreté et précarité. La première conséquence de la pandémie du Covid-19 est la chute libre de l’activité économique.

En raison des risques de contraction du virus posés par la présence collective des travailleurs dans leurs lieux de travail, de nombreuses entreprises ont dû soit baisser leurs rideaux, soit réduire au strict minimum leur production et distribution de produits et services. Rouvrir les entreprises qui ont fermé ou en créer de nouvelles est le premier défi économique du nouveau Président. Cependant, pour pouvoir rouvrir l’économie graduellement, il faudrait que les conditions de sécurité et de prévention sanitaire soient prises sur les lieux de travail, les moyens de transports, etc. La deuxième conséquence de la crise économique est l’accroissement du chômage.

Cette conséquence est elle-même en grande partie le résultat direct de la fermeture d’entreprises et de leur baisse d’activité. Les économistes ont estimé que le nombre de chômeurs aux Etats-Unis a atteint en octobre 2020 entre 30 et 40 millions et que le taux de chômage avoisine les 15%. C’est donc à ce type de challenge que Joe Biden aura à faire face. En effet, si ce chômage croissant mois après mois n’est pas réduit de façon notable dans les prochains mois, il y aura d’autres conséquences imprévisibles : révoltes sociales, accroissement de la criminalité, augmentation du niveau de précarité, etc.

La troisième conséquence de la crise économique actuelle est l’augmentation substantielle du niveau de pauvreté. Depuis deux ou trois mois, les Américains font la chaîne tous les jours par milliers devant les « food banks » (les banques alimentaires) pour recevoir des dons de nourriture pour eux et leurs enfants. C’est un spectacle que les Américains avaient l’habitude de voir à la télévision mais qui concerne les Africains, Asiatiques ou Latino-Américains. Ceci est d’autant plus dur à supporter pour eux qu’ils doivent apparaître en public—souvent à la télévision—lorsque des journalistes les interrogent. On estime en effet que, en raison de cette crise, 1 sur 4 Américains ne ratent un repas sur trois ou dépendent des banques alimentaires pour leur survie.

Il faut souligner que Trump avait promis un « stimulus package » (une somme en cash) pour chaque Américain touché par le chômage ou la fermeture d’entreprise. Malheureusement cette promesse n’a pas été tenue, ce qui accroît encore plus l’anxiété déjà très grande des Américains qui ont rejoint le seuil de pauvreté. Il faut souligner que la pauvreté n’est pas un phénomène nouveau aux Etats-Unis. En 2014, un rapport du Washington Post avait estimé que 46 millions d’Américains dépendaient des banques alimentaires. L’ONG américaine « Feeding America » , quant à elle, a estimé que 35 millions d’Américains étaient touchés par la pauvreté alimentaire en 2019 et que quelques 17 millions l’ont été en raison de la pandémie du Covid-19. Ces deux chiffres ensemble montrent que plus de 50 millions d’Américains nécessiteraient une assistance alimentaire en 2020 et 2021. Sur ce total, 40% sont de nouveaux demandeurs d’aide alimentaire. C’est dire tout ce qui attend le nouveau Président américain.

C’est pourquoi Joe Biden ne perd pas de temps et commence déjà—même si le Président Trump lui met les bâtons dans les roues en l’empêchant d’accéder aux services officiels d’information de la Maison Blanche—à se préparer à ces défis. Il a déjà désigné un certain nombre de membres de son cabinet gouvernemental qui, chacun de son côté, s’attèle dores et déjà à la besogne.

Le troisième défi : le racisme latent et résurgent

Le racisme n’est pas un phénomène nouveau aux Etats-Unis. Ce ne serait pas faux de dire qu’il constitue un élément intégrant de la société américaine. Le racisme à l’égard des noirs remonte en effet à la création des Etats-Unis. Il a connu des hauts et des bas selon les administrations, voire même un certain plateau ces deux dernières décennies. Cependant, c’est surtout avec l’arrivée de Donald Trump en 2016 que le racisme a connu une recrudescence. Cela a commencé par le fait que le cabinet gouvernemental de Trump est composé presque en totalité de blancs à l’exception d’un seul noir : le Docteur Ben Carson, nommé au poste de « Secretary of Housing and Urban Development » (Secrétariat à l’Habitat et au Développement Urbain), un poste considéré comme non stratégique. Par ailleurs, Trump non seulement ne condamne jamais les meurtres de noirs commis par la police américaine, mais il donne souvent raison aux policiers, même lorsque l’évidence de ces meurtres est clairement indiquée par les cameras des policiers eux-mêmes ou les « cameras-amateurs ».

Le cas le plus typique est celui de George Floyd, un Afro-Américain tué le 25 mai 2020 par Derek Chauvin, un policier qui a fait pression de son genou sur le coup de Floyd pendant presque 9 minutes, provoquant la mort de ce dernier par strangulation. Plusieurs caméras ont, en effet, montré « live » ce décès prémédité et surtout le fameux cri—devenu le slogan du mouvement « Black Lives Matter » (Les vies des noirs comptent) : « I can’t breathe, I can’t breathe » (Je ne peux pas respirer, Je ne peux pas respirer) prononcé par Floyd avant de mourir. Tout ce que Trump trouvera à dire est : « I feel very, very badly…That’s a very shocking sight” (Je me sens très, très mal…C’est une vue très choquante). Malheureusement, le cas de George Floyd n’est qu’un parmi une dizaine de noirs tués rien que pendant les années 2019 et 2020.

Le racisme encouragé—ou tout au moins toléré—par Trump ne s’arrête pas aux seuls Afro-Américains. Il concerne aussi les Latinos, notamment les Mexicains, que Trump a traités de tous les noms : « rapers » (violeurs), « drog-dealers » (vendeurs de drogues). Il faut rappeler que son racisme dépasse les frontières américaines comme par exemple lorsqu’il a traité certains pays d’Afrique et des Caraïbes et de « shit-holes » (de pays de merde). Et lorsque les Américains de couleur—notamment le mouvement « Black Lives Matter »–organisent des manifestations contre ce racisme recrudescent, Trump ne trouve pas mieux que d’envoyer des renforts de policiers, voire de l’armée, pour les réprimer. Joe Biden aura donc la difficile tâche de réaliser des réformes du système policier et judiciaire dans le but d’arrêter cette flambée raciste et de rétablir une certaine justice au sein de la société américaine.

Ce ne sera pas son « piece of cake » (une tâche facile), comme disent les Américains, car si ces réformes sont une condition nécessaire, elles ne sont pas suffisantes. L’Amérique a besoin d’une réflexion de fond sur le « vivre ensemble » entre ses différentes ethnies, une réflexion qui exige d’aller aux « roots » (racines) du mal, seul moyen de résorber le racisme à moyen-long terme. Biden semble être conscient de l’importance et de l’urgence de ce problème en commençant par nommer comme sa Vice-Présidente, Kamala Harris, une femme d’origine noire et indienne.

Ensuite, sur les 7 membres de son gouvernement nommés jusqu’à présent, Biden a désigné trois femmes dont une Afro-Américaine, qui occupent des postes hyper-stratégiques : Janet Yellen, ancienne Présidente de la Federal Reserve, occupe le poste de Treasury Secretary ; Linda Thomas Greenfield, Afro-Américaine, occupe le poste de « Ambassador to the United Nations » ; et Avril Haines, le poste de « Director of National Intelligence ». Biden a aussi mis comme « Secretary of Homeland Security » (Secrétariat à la Sécurité Intérieure) Alexandro Mayorkas, un homme d’origine latino-américaine, indiquant par ce geste sa volonté d’inclure aussi les immigrés aux postes gouvernementaux.

Il reste bien entendu à savoir quelles seront les politiques qu’il mettra en application dans chacun de ces domaines, mais ces nominations semblent déjà être le signal d’une Amérique plus inclusive et non plus exclusive comme avec Trump.

Le quatrième défi : réduire les inégalités sociales

Comme le racisme, les inégalités sociales ne sont pas une réalité nouvelle aux Etats-Unis. L’Amérique a toujours été—et l’est encore plus aujourd’hui avec Trump—un pays de « Haves » (de riches) et de « Have not » (pauvres). Les économistes américains distinguent plusieurs types d’inégalités sociales : inégalités salariales, inégalités raciales, inégalités selon le sexe, inégalités selon l’âge, inégalités régionales, etc. Ces inégalités ont été exacerbées par la pandémie du Covid-19.

Parmi ces inégalités, la plus notable est celle entre les races, en particulier vis-à-vis des Afro-Américains. Les économistes comme les épidémiologistes sont unanimes à reconnaître que les noirs sont plus touchés par la pandémie. Nancy Krieger, professeure en épidémiologie sociale à Harvard University School of Public Health a recensé plusieurs causes de cette inégalité à l’égard des noirs. La première est qu’ils sont plus à même de vivre dans des communautés surpeuplées, de travailler dans les services qui les obligent à côtoyer d’autres citoyens, d’être personnellement présents sur les lieux de travail (n’étant pas autorisés à faire du télétravail), de prendre les moyens publics de transport, et de manquer de moyens de protection contre le Covid-19.

Les gens de couleur sont aussi statistiquement plus susceptibles d’avoir des maladies préexistantes qui les prédisposent au Covid-19. Dernière raison, mais pas la moindre : Ils n’ont pas accès aux soins médicaux et n’ont souvent pas d’assurance médicale. Une étude a montré que le Covid-19 a aggravé les inégalités qui existaient déjà aux Etats-Unis : « In the 40 states reporting deaths by race and identity, the mortality rate for African-Americans is 2.4 times as high as the rate for whites” (dans les 40 Etats qui recensent les décès selon les races et l’identité, le taux de mortalité chez les Afro-Américains est de 2,4 fois plus élevé que chez les blancs). Même constatation pour les Latinos : « Another study found that Latinos are more than 2 times likely to die than whites” (Une autre étude a trouvé que les Latinos ont 2 fois plus de chance de mourir que les blancs) (voir COVID-19 and Health Disparities in the United States, IDSA, June 16, 2020).

Le Président Trump a aggravé ces inégalités en mettant fin à un des programmes sociaux-phares de l’administration précédente : ObamaCare. Ce programme avait permis à plus de 30 millions d’Américains d’avoir une assurance-maladie à un prix raisonnable. Par ailleurs, le fait que Trump n’ait pas tenu sa promesse de fournir une aide financière aux couches les plus démunies pendant cette pandémie a aussi jeté une portion importante des citoyens dans la pauvreté et la précarité.

Le nouveau Président aura donc pour tâche difficile de réduire toutes ces inégalités, notamment celles dues à la race ou à l’origine géographique. Dans sa campagne électorale, Biden avait promis de rétablir ObamaCare tout en l’améliorant. Il a aussi promis de prendre en mains l’éradication de la pandémie, notamment en assurant la vaccination des populations à risques, incluant les démunis, et en renforçant les mesures préventives (port du masque, distanciation sociale, télétravail, etc). Il a également promis une augmentation des salaires qui devrait passer du SMIG actuel de 7,25 dollars à 15 dollars l’heure.

Le cinquième défi : la crise du changement climatique

La crise climatique n’est pas une crise spécifiquement américaine mais elle touche tous les pays de la planète, qu’ils soient développés, émergents ou en voie de développement. Cependant, en raison des investissements économiques massifs qu’ils ont effectués à l’intérieur et de leur implication dans les projets de développement de plusieurs pays, les Etats-Unis sont responsables pour une grande partie de la crise climatique mondiale. Il a été estimé que les 20 plus grandes entreprises américaines sont responsables de 33% des émissions mondiales de carbone. Les Etats-Unis sont le 2è pays le plus pollueur du monde ainsi que le montre le tableau suivant :

Pays            Emissions de CO2
1 Chine        10.06 Giga tonnes (GT)
2 U.S.A          5.41 GT
3 Inde            2.65 GT
4 Russie        1.71 GT

Source : Elliot Hyman, Harvardpolitics,
January 2, 2020

En 2016, les Etats-Unis — en grande partie en raison de leur rôle comme pollueur mondial majeur—sous l’impulsion du Président Obama, ont signé l’accord international de Paris sur le changement climatique appelé encore « United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC) dont l’objectif principal est de maintenir l’accroissement global moyen de la température au-dessous de 2 degrés celsius, voire-même la maintenir à un niveau de 1,5 degrés celsius.

A ce jour, l’accord a été signé par 195 pays. Donald Trump a décidé unilatéralement de retirer les Etats-Unis de cet accord lorsqu’il a déclaré le 17 juin 2017 : «…In order to fulfill my solemn duty to protect America and its citizens, the United States will withdraw from the Paris Climate Accord…The Paris Climate Accord is simply the latest example of Washington entering into an agreement that disadvantages the United States to the exclusive benefit of other countries” (Dans le but de réaliser mon devoir solennel de protéger les Etats-Unis et ses citoyens, les Etats-Unis se retireront de l’Accord de Paris sur le Climat…

L’Accord de Paris est simplement le dernier exemple par Washington de contracter un accord qui désavantage les Etats-Unis en faveur exclusivement des autres pays) (voir Statement by President Trump on the Paris Climate Accord, June 1, 2020). Le nouveau Président a promis, de son côté, de faire réintégrer les Etats-Unis dans cet accord dans les 77 jours de son arrivée à la Maison Blanche. Tout à fait à l’opposé de Trump, Biden considère que la crise climatique est existentielle pour l’Amérique et le monde dans son ensemble. Parlant du changement climatique, Biden dira qu’il est le : « Number One issue facing humanity. And it’s the number one issue for me” (C’est le problème numéro 1 auquel fait face l’humanité.

Et c’est le problème numéro 1 pour moi). Pour affronter ce problème, Biden a mis en place un plan de « Green and Clean Energy » et d’infrastructure de 2 trillions de dollars avec un objectif de zéro-émissions aux environs de 2050. Biden promet aussi de passer d’une économie basée sur la production et la consommation d’hydrocarbures à une économie basée sur les énergies nouvelles : eau, vent, soleil, nucléaire, etc. Il est conscient que cette transition n’est pas facile et ne se fera pas en un terme présidentiel ou même deux, mais il dit que la transition doit être engagée aujourd’hui, pas demain. Il croit que les énergies nouvelles vont créer des emplois durables et propres et vont mettre fin à une crise climatique qui est latente mais catastrophique pour notre planète.

Le sixième défi : l’érosion (ou régression) démocratique

Le sixième défi de Joe Biden—et pas des moindres—est l’érosion, voire la disparition-même de la démocratie au pays de la « Statue of Liberty ». La division de la société américaine est à la fois une cause et une conséquence de cette érosion. Dans leur ouvrage « How to Save Constitutional Democracy » et dans leur essai « How to Lose Constitutional Democracy », Aziz Z. Huq et Tom Ginsburg rappellent que l’Amérique a été pendant longtemps considérée par une grande majorité des pays, et bien sûr par les Américains, comme l’exemple le plus élevé de la démocratie libérale et comme un Etat gouverné par son peuple (« We the People ») qui met l’accent sur les droits et libertés individuelles (voir Aziz Z. Huq and Tom Ginsburg, How to Save Constitutional Democracy, University of Chicago Press, 2018 et « How to Lose Constitutional Democracy, University of California, Los Angeles Law Review, 65, pp.1-76).

Au même moment, ces auteurs soulignent que la démocratie américaine subit, notamment depuis l’arrivée de Trump, une série de « courants corrosifs croisés et multidimensionnels ». Huq et Ginsburg citent deux séries de causes majeures de cette corrosion. Le premier groupe de causes est le traitement réservé aux médias, l’utilisation du mensonge comme moyen de gouvernance et l’attaque constante et virulente contre le Parti d’opposition (le Parti Démocrate). Trump est allé jusqu’à traiter la presse de « enemy of the people ». Selon le Washington Post, pendant les trois premières années de son mandat, Trump a prononcé, par le biais de ses tweets ou dans ses rallies de campagne, quelque chose comme 16 241 mensonges.

Il a aussi interdit à certains reporters (notamment de la chaine de télévision CNN) l’accès aux conférences de presse hebdomadaires de la Maison Blanche. La deuxième cause de l’érosion démocratique est le fait que Trump ne croit pas en l’expertise des conseillers qu’il recrute lui-même. Tout ce qu’il leur demande, c’est d’être loyaux envers lui, peu importe qu’ils soient compétents ou pas. Il n’hésite pas à licencier le premier d’entre eux qui sort de sa ligne idéologique, souvent par simple tweet.

L’exemple est le recrutement du Dr. Ben Carson, un neurochirurgien Afro-Américain, qui occupe un poste—Secrétaire à l’Habitat et au Développement Urbain—où il n’a aucune expertise. Le plus récent indicateur de cette érosion démocratique est la déclaration de Trump selon laquelle l’élection présidentielle du 3 novembre 2020 est « rigged » (truquée) alors que son gouvernement est censé superviser le processus électoral et tout faire pour que l’élection soit « free and fair » (libre et équitable). Par ailleurs, en dépit de l’élection de Joe Biden par un nombre écrasant d’Américains jamais égalé dans l’histoire électorale américaine, Trump continue d’affirmer qu’il est le gagnant de cette élection. « We were getting ready to win the election, frankly, we did win this election…As far as I am concerned, we already have won it” (Nous nous apprêtons à gagner l’élection…Franchement, nous avons bien gagné cette élection…

En ce qui me concerne, nous avons déjà gagné l’élection) (voir Brooke Singman, Trump Claims Victory with many states still undeclared, hints at possible Supreme Court case, Fox News, November 4, 2020). Ces exemples, parmi d’autres, montrent, on ne peut mieux, que sous le règne de Trump, la démocratie américaine a subi ce que certains appellent une « Constitutional regression » (une régression constitutionnelle). Le nouveau Président aura la mission presque impossible de faire que les Américains retrouvent le « trust » (la confiance) qu’ils avaient dans leur système institutionnel et constitutionnel, en particulier le processus électoral.

Répondant aux accusations de Trump selon lesquelles ceux qui ont voté pour Biden—principalement les Démocrates, mais pas seulement—ne sont pas des patriotes, Biden dira : « They are not our enemies. They are Americans…I will work to be a President who seeks not to divide but unify” (Ce ne sont pas nos ennemis. Ce sont des Américains…Je travaillerai pour être un Président qui ne cherche pas à diviser mais à unifier) (Voir Chrstina Wilkie, Joe Biden, in his first speech as President elect wages unity : Time to Heal in America, CNBCm November 9, 2020).

Conclusion

Les défis que Joe Biden aura à affronter sont immenses et ne peuvent pas se restreindre aux six évoqués ci-dessus. Ils sont mieux résumés dans le mot clé du titre de cet article : « AURA », qui signifie, comme indiqué dans l’introduction : America United and Respected Again » (L’Amérique Unifiée et Respectée à nouveau). En effet, la tâche de Biden sera de réunifier le pays à l’intérieur après que Trump l’ait divisé et de le faire respecter à nouveau à l’extérieur. Au niveau national, Biden parle de ressouder la société américaine et de lui faire retrouve en quelque sorte sa « soul » (son âme).

Au niveau international, il s’agit de lui faire retrouver le respect après le schisme profond « Etats-Unis/Reste » du monde créé par Trump par sa politique « America First » qui a entièrement isolé les Etats-Unis du reste du monde. En d’autres termes, Trump a dressé un double mur—le mot mur (Wall) lui est effectivement cher—entre l’Amérique blanche suprémaciste et l’Amérique colorée d’une part et entre les Etats-Unis et le reste du monde d’autre part. Biden aura donc la tâche quasi herculiènne consistant à briser ces deux murs et à bâtir à leur place des « bridges » (ponts) dans le but de réconcilier les Américains entre eux et avec le reste du monde. Il aura, en d’autres termes, à remplacer le slogan de Trump « MEGA (Make America Great Again)—qui, comme nous l’avons vu, a en réalité « Made America Worse Again » (Rendu l’Amérique Pire à nouveau)—par celui de « AURA » (America United and Respected Again) (L’Amérique Unifiée et Respectée à nouveau), tel que nous l’avons expliqué en introduction.

Biden a d’ailleurs bien résumé la tâche gigantesque qui l’attend lorsqu’il a déclaré : « Let us begin you and I together, One Nation under God, United in our love for America, United in our love for each other. For love is more powerful than hate. Hope is more powerful than fear, and light is more powerful than dark. This is our moment. This is our mission” (Commençons, vous et moi, ensemble, Une Nation devant Dieu, unie dans notre amour pour l’Amérique, unie dans notre amour les uns pour les autres. Car l’amour est plus puissant que la haine. L’espoir est plus puissant que la peur, et la lumière plus puissante que l’obscurité.

Ceci est notre moment. Ceci est notre mission) (Voir Joe Biden, discours à la Convention Démocratique Nationale, 20 août 2020). Le nouveau Président a donc devant lui un chantier semé d’obstacles que lui aura laissés Trump aussi bien au niveau national qu’international. Réussira-t-il à franchir ces obstacles en quatre ou même huit ans ? That is the Question.


Ph.D en économie. Master of Francophone Literature (Purdue University, USA)


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