France / Tous surveillés…même à l’Élysée ?

      On a appris hier soir qu’une grande partie de la classe politique française, y compris le chef de l’État, figure dans la liste du logiciel Pegasus qui espionne les téléphones à distance. Israël vend ce « mouchard » à des États, officiellement pour lutter contre le terrorisme. Mais, une enquête de médias du monde entier et d’Amnesty international a révélé ces derniers jours que 50 000 numéros avaient été visés par Pegasus. Et qu’un service de sécurité marocain aurait ciblé un des numéros de téléphone du président de la République mais aussi celui d’Édouard Philippe, de quatorze ministres, de députés, de conseillers du président et de journalistes.

Près d’un millier de Français sont en effet sur cette liste ciblée par Pegasus. Mais comment fonctionne ce logiciel espion ? Est-il possible qu’Emmanuel Macron ainsi qu’une bonne partie de l’exécutif aient pu être écoutés sans que nos services de renseignement s’en aperçoivent ? Le chef de l’État utilise-t-il le téléphone qui a été ciblé ? Président ultra connecté, Emmanuel Macron possède plusieurs téléphones, sur lesquels il a installé des applications de messagerie comme Telegram, pour échanger avec ses proches ou des journalistes. Parmi ces téléphones se trouve le numéro entré dans le logiciel espion. Un numéro qui, même s’il avait « fuité » entre les deux tours de la présidentielle de 2017 avec les « Macronleaks », continuait à être utilisé encore récemment par Emmanuel Macron. A-t-il pu servir de « mouchard » pour espionner le sommet de l’État français ? Impossible pour l’instant de savoir si le téléphone du chef de l’État a vraiment été piraté mais l’enjeu est de taille car lorsque le logiciel Pegasus s’infiltre il permet de voir les messages, y compris ceux sur les applications WhatsApp et Telegram, l’agenda, les photos, les mails, mais aussi d’activer à distance le micro pour écouter ce qui se dit. Lors des Conseils des ministres et des Conseils de défense, les membres du gouvernement doivent laisser leur téléphone dans une boîte à l’entrée. Mais la procédure n’est pas toujours respectée. À chaque élection et nomination les dirigeants français reçoivent également des consignes pour protéger leurs communications. Ils ont notamment des téléphones Teorem ou Cryptosmart avec des lignes sécurisées. Mais ces téléphones sont plus contraignants, alors la prudence ne semble pas toujours de rigueur à l’Élysée.

Par le passé, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient été écoutés par les renseignements américains. Les révélations avaient été faites par Wikileaks en 2015. Mais Pegasus, ce n’est pas que des écoutes, cela peut vous espionner. « Si ces faits sont avérés, ils sont très graves. Toute la lumière sera faite sur ces révélations » a fait savoir hier le palais présidentiel alors que plusieurs plaintes ont déjà été déposées en France. Que nous révèle l’affaire Pegasus ? La sécurité informatique de l’Élysée est-elle à la hauteur ? Sommes-nous tous espionnés ? Enfin à l’heure de l’entrée en vigueur du pass sanitaire, les QR codes sont-ils vraiment sécurisés ?

Invités :   – Pascal Boniface, directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS)   – Frédéric Says, ournaliste politique à France Culture   – Gérome Billois, expert en cybersécurité au Cabinet Wavestone   – Sandrine Rigaud, journaliste d’investigation et rédactrice en chef de Forbidden Stories.


  Espagne, Allemagne, France… Rabat est-il en train de se mettre toute l’Europe à dos?

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Les soupçons d’espionnage qui pèsent sur Rabat dans l’affaire Pegasus ont encore tendu les relations entre le Maroc et des pays européens. Le royaume chérifien semble de plus en plus isolé diplomatiquement sur le Vieux Continent.

Alors que plusieurs médias ont révélé une possible utilisation du logiciel espion Pegasus par le Maroc, visant notamment des dirigeants français, la position diplomatique de Rabat en Europe ne cesse de se fragiliser.

Si la France reste un allié historique du royaume chérifien, le gouvernement n’en prend pas moins ces soupçons d’espionnage au sérieux et a ouvert des investigations. Devant l’Assemblée nationale, Jean Castex a dénoncé des faits «d’une très grande gravité», s’ils venaient à se vérifier.

L’affaire Pegasus pourrait donc faire souffler une légère brise sur les relations franco-marocaines, même si la plupart des observateurs doutent d’une rupture brutale, au vu des intérêts de Paris sur place.

«Il pourrait s’agir de remontrances polies à travers des canaux privés, mais les réactions n’iront pas plus loin. Les intérêts stratégiques de la France au Maroc sont tellement importants que Paris fera contre mauvaise fortune bon cœur», explique ainsi à Libération Kader Abderrahim, enseignant à Sciences Po.

Le Maroc a pour l’heure nié toute implication dans l’affaire Pegasus, accusant les médias qui ont relayé l’affaire d’«attaques haineuses». Le parquet général marocain a d’ailleurs déclaré vouloir enquêter sur ce qu’il a décrit comme des «accusations infondées».

Reste que ces soupçons ne risquent pas d’arranger les affaires de Rabat en Europe, déjà minées par des contentieux avec plusieurs États membres.

Crise avec l’Espagne

La diplomatie marocaine est d’abord en proie aux difficultés avec l’Espagne. Le feu qui couvait sous la cendre s’est réveillé en mars, avec les propos de Saad Eddine El Othmani, chef de l’exécutif marocain, qui avait déclaré que les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla «étaient marocaines au même titre que le Sahara». Ce qui avait entraîné la convocation de l’ambassadeur marocain à Madrid.

L’escalade diplomatique avait continué fin avril, après l’hospitalisation près de Bilbao de Brahim Ghali, chef du Front Polisario, en lutte contre le Maroc pour l’indépendance du Sahara occidental. La crise avait culminé avec l’afflux de milliers de migrants venus du Maroc aux portes de Ceuta et Melilla, un mois plus tard. Certains y avaient alors vu la main de Rabat, accusant le royaume chérifien d’avoir ouvert les vannes pour exercer un chantage migratoire vis-à-vis de Madrid.

Au-delà de l’Espagne, cet épisode avait altéré les relations du Maroc avec Bruxelles. Le Parlement européen avait en effet voté une résolution condamnant «l’utilisation par le Maroc des contrôles aux frontières et de la migration» comme moyen de pression politique.

Berlin fulmine aussi

Rabat a également dû ferrailler avec l’Allemagne ces derniers mois, sur la question du Sahara occidental. La reconnaissance par Washington de la souveraineté marocaine sur la région, en décembre, avait en effet ému du côté de Berlin. Le Maroc avait même fini par rappeler son ambassadeur en mai, dénonçant «l’activisme antagonique» de l’Allemagne sur le sujet.

La non-invitation à Berlin du Maroc pour une conférence internationale sur la Libye avait déjà jeté un froid entre les deux pays, en janvier 2020. Le ministre marocain des Affaires étrangères avait alors manifesté son «profond étonnement» et accusé l’Allemagne de jouer avec la crise libyenne comme d’un «instrument de promotion de ses intérêts nationaux».

Début juin, Berlin avait finalement décidé de geler son fonds d’aide au développement, de plus d’un milliard de dollars, à destination du Maroc.

De l’autre côté de la Méditerranée, le Maroc s’est aussi récemment mis en délicatesse avec son voisin algérien, sur la question de l’autodétermination kabyle. Ce 18 juillet, Alger a fini par rappeler son ambassadeur à Rabat pour consultation.


 

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