France / François Asselineau : «Macron a tout cédé» sur le plan européen de relance

Salué par les pro-européens, le plan de relance de 750 milliards d’euros de l’UE est dénoncé par les eurosceptiques. François Asselineau, président de l’UPR, est persuadé que la France en est la grande perdante. Entretien.

L’accord européen de relance est «historique» selon Emmanuel Macron, qui a annoncé que la France serait le troisième bénéficiaire de ce plan de relance, après l’Italie et l’Espagne, recevant ainsi 40 milliards. Et «ce n’est pas le contribuable français» qui remboursera ce plan, mais bien la création de nouvelles taxes européennes.

© Photo. Antoine Harrewyn

Interrogé par Sputnik, François Asselineau, président de l’Union populaire républicaine (UPR), n’y croit guère, rappelant la règle de l’unanimité pour la mise en place de taxes à l’échelle européenne. D’où la question: «qui va payer, quand et de quelle façon?». Le partisan assumé du Frexit pense avoir la réponse:

«La France va payer beaucoup plus que ce qu’elle va recevoir.»

Ainsi, pour le président du mouvement qui prône le Frexit, «c’est un accord qui a été obtenu parce que Macron a tout cédé» à l’Allemagne et aux pays «frugaux».

Retrouvez cet entretien en vidéo sur YouTube


Lire aussi :

Plan de relance : la solidarité européenne à l’épreuve

Par
                                                           Photo : John Thys/AFP

Après quatre jours et nuits de débats, les 27 États membres de l’UE ont finalement abouti à un accord le 21 juillet pour un plan de relance de leurs économies frappées par la pandémie. Le compromis trouvé interroge la solidarité européenne.

Les 27 chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne ont donc mis quatre jours et quatre nuits à Bruxelles, pour trouver, ce mardi 21 juillet, un accord sur un plan de relance destiné à soutenir des économies frappées de plein fouet par les conséquences de la pandémie et de la crise sanitaire.

« Avec un budget 2021-2027 de 1,074 milliard et un plan de relance de 750 milliards, jamais l’Union européenne n’avait décidé d’investir de manière aussi ambitieuse dans l’avenir », selon la Première ministre belge, Sophie Wilmès, citée par l’AFP. C’est pourtant à l’issue d’un bras de fer sur le principe d’une dette commune, son montant et les conditions imposées ou non aux pays les plus durement touchés par la crise qu’un accord a finalement pu être dégagé.


        Juges allemands et BCE, quelle solidarité européenne ?

Par Patrick Chesnet

Photo: Uli Deck/dpa

Les juges de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe

La France et l’Allemagne ont proposé lundi 18 mai un plan de relance européen de 500 milliards d’euros pour l’économie. Mais en s’attaquant à la politique de la BCE, la Cour constitutionnelle allemande cherche avant tout à protéger les avoirs des petits épargnants allemands. Bien loin d’une solidarité entre pays de l’Union pourtant nécessaire.

La belle unité affichée, lundi 18 mai, par le couple franco-allemand proposant un plan de relance de 500 milliards d’euros pour l’économie européenne, plan qualifié d’historique puisqu’il ouvre les portes d’une mutualisation de la dette au niveau européen, suffira-t-elle pour redorer l’image d’une Europe et surtout d’une Banque centrale dont les politiques sont aujourd’hui remises en cause ? Rien n’est moins sûr.

Depuis le 5 mai, la BCE est, en effet, sommée par la Cour constitutionnelle allemande de s’expliquer sur ses rachats de dettes publiques, lesquels ne seraient pas faits de manière
« objective ». « Il y a la raison officielle et ce qui peut n’être qu’un prétexte », explique Victorien Pâté, conseiller au pôle économique de la CGT. « La première repose sur le fait que la BCE n’a pas de mandat démocratique puisque ses membres ne sont pas élus. La Cour constitutionnelle allemande considère donc que, de par ses actions, la BCE fait de la politique alors qu’elle n’a reçu aucun mandat pour cela. »

Une explication qui peut s’entendre d’un point de vue juridique, mais est vite balayée par le « prétexte » sous-jacent à cet ultimatum allemand. « Les Allemands consomment peu et épargnent énormément, notamment pour préparer le vieillissement de leur population. Les mesures de la Banque centrale européenne, qui visent à sauver, entre autres, les économies de la France, de l’Italie et de l’Espagne en faisant baisser les taux d’intérêt, bénéficient à ceux qui empruntent. À l’inverse, elles portent atteinte aux épargnants. Plus la BCE rachète d’actifs, plus elle émet d’euros et plus il y a d’euros en circulation, moins il vaut cher. Ce qui selon la Cour constitutionnelle allemande porte atteinte aux intérêts de l’État, des fonds de placement ou même des épargnants individuels allemands. » CQFD.

En pleine crise sanitaire

Reste que cette attaque tombe au plus mauvais des moments, en pleine crise du coronavirus. Certes, la Commission européenne et la Cour de justice européenne ont immédiatement répondu. Taclant sévèrement la Cour allemande et réaffirmant l’indépendance de la BCE. Mais le principe de « solidarité européenne », déjà fortement mis à mal lors de la gestion européenne de la crise du Covid-19, en prend un nouveau coup.

« Si l’on sort de la question économique pour aller sur celle de la construction européenne, c’est sûr que cela risque d’ouvrir des brèches pour des pays ouvertement eurosceptiques puisqu’il y a là l’idée que le droit allemand prime sur le droit européen », constate Victorien. « Et si cela devait faire jurisprudence pour la suite, c’est tout simplement le début de l’effondrement de l’Europe. »

Une menace que va devoir gérer la chancelière allemande Angela Merkel dont le pays va, au 1er juillet prochain, assurer la présidence du Conseil de l’Union européenne. « Cela va être une prise de pouvoir et un mandat assez particuliers. Avec des institutions internes qui montrent autant de défiance vis-à-vis de l’Union européenne, ils vont devoir marcher sur des œufs », prévient Victorien Pâté. La future présidence ne sera d’ailleurs pas la seule. « Il y a maintenant cette épée de Damoclès au-dessus de la tête Christine Lagarde et de la BCE. La Banque centrale pourrait se montrer frileuse et y réfléchir à deux fois avant d’annoncer de prochaines mesures. »


Subventions : 390 milliards d’euros

La possibilité et le montant éventuel d’une dette commune européenne, proposés principalement par la France, l’Allemagne et la Commission européenne se sont en effet heurtés à l’opposition ferme de pays dits « frugaux » (Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suède rejoints par la Finlande).

Pour parvenir à un accord, Charles Michel, président du Conseil européen, a dû proposer et faire accepter des concessions. Le plan prévoit aujourd’hui un fonds de 750 milliards d’euros, qui pourront être empruntés par la Commission sur les marchés. De ce fond, 390 milliards représentent des subventions censées renflouer l’économie des États les plus frappés par la pandémie (en particulier l’Espagne et l’Italie) dans le cadre d’une dette commune à rembourser par les 27.

C’est précisément ce que sur quoi ont bataillé les pays « frugaux » qui préfèrent des prêts aux subventions et souhaitaient conditionner celles-ci à des réformes économiques. Une ligne défendue jusqu’au bout par Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais. Ces pays ont finalement obtenu une réduction du montant initialement proposé de 500 milliards, ainsi que d’importants rabais sur leurs contributions nettes au budget de l’UE.

Outre ces subventions, le plan prévoit aussi 360 milliards d’euros de prêts remboursables par les pays demandeurs. Le total s’adosse à un budget à long terme de l’UE (2021-2027),qui prévoit une dotation de 154 milliards d’euros par an.

L’état de droit en question

En jeu également, le conditionnement de l’aide au respect de l’état de droit. Une proposition contre laquelle se sont élevées en particulier la Pologne et la Hongrie, alors que les deux pays font l’objet d’une procédure à leur encontre, lancée par la Commission et du Parlement européen, pour violations de l’état de droit, qui pourrait déboucher sur des sanctions.

Ils ont tous deux menacé d’user de leur droit de véto contre le plan si ce projet était maintenu, l’accord sur le budget pluriannuel de l’UE devant être approuvé à l’unanimité des États membres et ratifié par le Parlement européen.

Le plan adopté constitue donc un pas important, mais le compromis trouvé met à l’épreuve tant la solidarité européenne que la capacité de l’UE à faire respecter par ses membres l’état de droit.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *