La Méditerranée orientale, un terrain de lutte multilatéral ?

par Gilles Munier

La situation dans la Méditerranée orientale ne cesse d’évoluer opposant la Turquie et le gouvernement d’union nationale libyenne (GNA) à d’autres parties ambitieuses à savoir l’Égypte, la Grèce, Chypre et le gouvernement libyen basé à Tobrouk (partisan du Khalifa Haftar).L’existence de ressources gazières dans la région qui est devenue le théâtre d’un conflit d’intérêts turco-égyptien a donné aux événements une dimension plus complexe. S’y ajoutent les tensions gazières opposant Ankara à Tel-Aviv, qui attisent encore le feu de la crise dans la Méditerranée orientale.

Réagissant à ces évolutions, le quotidien Al-Quds Al-Arabi publié à Londres a écrit que la sécurité nationale des pays arabes est menacée par un nouveau défi cette fois-ci depuis « la porte orientale de la Méditerranée ».

Selon l’analyste égyptien Ibrahim Nawar, la sécurité nationale du monde arabe dans les années 1950 avait été définie sur la base du conflit avec l’ennemi israélien. Dans les années 1980, certains États d’obédience nationaliste, ainsi que des régimes rétrogrades du sud du golfe Persique, sont arrivés à cette conclusion illusoire que la principale menace pour le monde arabe était l’Iran et non pas Israël. Ils ont donc développé leur politique d’hostilité envers l’Iran en gaspillant des ressources financières des pétromonarchies du golfe Persique.

Mais on a affaire aujourd’hui à un monde arabe qui fait face à un nouveau phénomène et cela en Méditerranée orientale, prévient l’analyste égyptien. Une région qui s’est transformée en théâtre des interventions multipartites et des conflits d’intérêts divers faisant penser à une question fort cruciale : « À quoi la sécurité nationale arabe ressemblera-t-elle au 21e siècle ? », s’interroge l’analyste.

Pour Ibrahim Nawar, les grandes lignes de la sécurité nationale du monde arabe sont désormais redéfinies au rythme des priorités fixées par les monarchies arabes riveraines du golfe Persique. Ces mêmes pays qui restent les principales sources de financement des pays défaillants du monde arabe.

« Les gouvernements faibles et fragiles dépendent fortement de l’aide économique des pays riches du golfe Persique pour leur survie et n’ont qu’à définir leur stratégie de sécurité nationale en suivant leurs parrains sur la base de l’hostilité envers l’Iran », a-t-il ajouté.

L’auteur a souligné que pour ces pays l’orientation de la stratégie de la sécurité nationale se déplace maintenant du golfe Persique vers la Méditerranée orientale où les ressources gazières deviennent un enjeu important au centre des conflits entre les États arabes et non arabes. Il s’agit là d’un groupe de pays qui adhèrent chacun à des coalitions différentes et qui poursuivent des intérêts contradictoires et conflictuels.

Les acteurs en sont quatre pays arabes (Égypte, Syrie, Liban et Libye) et trois pays non arabes (Turquie, Israël et Grèce). La Turquie et la Grèce sont membres de l’OTAN, mais d’autres pays sont membres des petites coalitions formées de manière conjoncturelle.

Aux yeux d’Ibrahim Nawar, la conclusion d’un accord globale dans cette région entre les différentes parties s’avère très improbable, étant donné la multiplicité des acteurs et la diversité de leurs intérêts.

À cela s’ajoute un autre défi, c’est-à-dire l’intolérance et les préjugés issus du nationalisme arabe face aux pays non arabes, ce qui rendrait la situation encore plus compliquée.

Dans ce sens, les évolutions actuelles présagent plutôt un avenir lourd de menaces et non pas la perspective qu’un avenir prometteur basé sur la coopération.

Les affrontements se manifestent davantage avec la signature d’un accord militaire et sécuritaire entre Ankara et le gouvernement libyen de Tripoli. Ces dernières semaines, la région a également connu des tensions entre d’une part la marine turque et les plates-formes de forage de la société gazière italienne ENI, et de l’autre des navires de forage et de cartographie israéliens au large de Chypre.

Selon l’auteur, ces conditions conflictuelles exigent que la pomme de discorde principale, à savoir les ressources gazières en Méditerranée orientale, devienne l’objet d’une « coopération régionale ».
(25.12.2019)

Géopolitique du gaz en méditerranée orientale (01.01.2018):

La Méditerranée orientale, un terrain de lutte multilatéral ?

Revue de presse : Le blog de Comaguer (27/12/17)*

Pendant que les médias et les gouvernements se gargarisent de transition énergétique de COP n+1 n+2 …. de sourdes batailles stratégiques se livrent dans le champ des énergies non renouvelables. L’immense potentiel des fonds sous-marins de la Méditerranée Orientale pour l’extraction de gaz naturel était connu depuis plusieurs années, mais l’annonce de la mise en exploitation du gisement égyptien de Zhorg vient d’en apporter une éclatante confirmation.

Découvert il y a seulement deux ans le gisement de Zohr est exploité par l’ENI et le russe NOVATEK. Avec des réserves estimées 30 000 milliards de m3 Zohr serait un gisement géant. L’Egypte qui grâce à l’exploitation de petits gisements au large du delta du Nil était devenue au début des années 2000 exportateur de GNL était très vite redevenue importatrice.

Cette situation avait souri à Israël qui en mettant en exploitation en 2013 le gisement sous-marin de TAMAR vendait du gaz à l’Egypte après lui en avoir acheté. Il avait pour faire fait fonctionner en sens inverse – technique parfaitement maîtrisée par les professionnels du secteur – un gazoduc existant. Les réserves de TAMAR sont 10 à 15 fois plus petites que celles de Zohr. Israël a prévu que son second gisement dans la zone Léviathan viendrait le moment venu prendre la relève de TAMAR.

Avec Zohr l’Egypte va pouvoir satisfaire ses besoins nationaux pour une très longue période. Par ailleurs l’ENI ayant cédé au printemps 2017 des parts du gisement au russe Rosneft celui-ci se trouve dés à présent en position d’exportateur en Méditerranée. Israël doit donc tout faire pour trouver des débouchés et s’y emploie. L’objectif est le principal marché consommateur : l’Europe occidentale. Pour l’atteindre une action politique concertée est menée par Israël, Chypre, la Grèce et l’Union Européenne visant à la construction d’un gazoduc sous-marin partant de TAMAR passant par les eaux territoriales chypriote, grecque et/ou albanaise, italienne pour aboutir au sud de l’UE. Cette action était déjà en cours sous Hollande via son ministre de l’économie – un certain Emmanuel Macron. (voir notre bulletin n°…) et se poursuit dans le cadre de la stratégie énergétique antirusse de Bruxelles.

Un nouveau venu va encore transformer la situation : Le Liban. En effet l’évolution de la situation régionale et l’échec de la guerre occidentalo-terroriste en Syrie a conduit le Liban à s’affirmer face à son envahissant voisin : Israël et un des gestes forts de cette affirmation de souveraineté est l’attribution de permis de recherche dans le même large bassin sous- marin qui comprend Zohr, Tamar et Léviathan. Parmi les attributaires de ces permis de recherche le français TOTAL qui prend en toute connaissance de cause le risque de forer dans une zone sous-marine contestée par le Liban et Israël ( bloc 9 – voir carte) les spécialistes de droit international vont se trouver face à un très joli cas d’école : arbitrer entre un Etat qui n’adhère pas à la Convention internationale du droit de la mer, qui ne définit pas ses propres frontières : Israël et un autre le Liban en règle avec le droit international.

Nul doute que ceux qui s’entêtent à prolonger la guerre en Syrie : Israël, Arabie et Etats-Unis en tête cauchemardent quand ils pensent aux futurs très possibles gisements de gaz naturel sous-marins dans les eaux syriennes venant s’ajouter aux gisements terrestres exploités dans l’extrême nord-est du pays précisément là où les ennemis de la Syrie continuent en ce moment même la guerre.

Source : Press TV
Source : Le blog de Comaguer

http://www.france-irak-actualite.com/2019/12/la-mediterranee-orientale-un-terrain-de-lutte-multilateral.html


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