Le Caire propose un cessez-le-feu, dès demain, en Libye : Il faut sauver le soldat Haftar

07.06.2020

par Chaabane BENSACI

A peine ont-elles fini de chasser les troupes de Haftar des environs de Tripoli et de la base stratégique de Tarhouna, voilà que les forces loyales au Gouvernement libyen d’union nationale (GNA) engagent une offensive pour reprendre la ville de Syrte tombée aux mains du maréchal libyen. Cette nouvelle opération intervient au lendemain d’une série de succès qui leur ont permis de reprendre le contrôle de plusieurs villes comme Sourman et Sabratha ou la base aérienne d’al Watiya. «L’armée de l’air à mené cinq frappes dans la périphérie de Syrte», une ville côtière distante de 450 km, à l’est de la capitale Tripoli, selon le communiqué publié par le porte-parole des forces combattantes du GNA, Mohamed Gnounou.
Syrte qui fut le siège d’un combat féroce entre Tripoli et Daesh, en 2016, avant que l’Etat islamique n’en soit chassé, représente un verrou des plus stratégiques sur la carte libyenne puisqu’il constitue le dernier rempart de l’Ouest, face aux appétits de l’Est et de Haftar. Ce dernier qui se trouvait au Caire, vendredi, alors que son rival Fayez al Serraj rencontrait, quant à lui, le président turc Erdogan, à Ankara, vient d’annoncer qu’il «soutient» un cessez-le-feu à partir de lundi, au terme d’un entretien avec le président-maréchal Abdel Fattah al-Sissi. Le chef de l’Etat égyptien a appelé, dans une conférence de presse, à «plus d’efforts pour respecter les efforts internationaux et proposer un cessez-le feu, à partir de 06h00 locales, le lundi 8 juin 2020». Ceci en présence du maréchal Haftar qui a «accepté cette initiative», alors que ses troupes accumulent les revers et n’ont pratiquement plus pied dans la Tripolitaine.
Le Caire semble, dans cette conjoncture, n’avoir plus qu’un seul souci, celui de sauver le soldat Haftar !
Ainsi, la visite d’al Serraj en Turquie, jeudi, ne doit-elle rien au hasard: le chef du Gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par les Nations unies, et dont les forces loyales ont assommé l’Armée nationale libyenne autoproclamée de Haftar, chassé de Tarhouna, son ultime base logistique, aura voulu, sans aucun doute, exprimer ses vifs remerciements au chef de l’Etat turc, Recep Tayyip Erdogan, qui a joué un rôle déterminant dans le renversement de situation au profit de Tripoli. Que Haftar et ses soutiens tentent, désormais, de sauver les meubles, en appelant à un cessez-le-feu qu’ils rejetaient, lors des conférences de Paris, Palerme, Berlin, Moscou et Genève ne peut convaincre la partie adverse, forte des succès remportés.
Le dernier revers subi par Haftar intervient au moment où l’ONU annonce une reprise des pourparlers entre les belligérants. Mais à la veille de la visite de Fayez al Serraj à Ankara, Ahmed Miitig, membre du Conseil présidentiel libyen et le ministre des AE (GNA), Mohamed Syala, se trouvaient à Moscou. Le MAE russe Sergueï Lavrov a mis l’accent, à cette occasion, sur la «nécessité d’une reprise des pourparlers» entre les deux camps. Une reprise dont le président Erdogan ne veut pas entendre parler, pour l’instant. «Nous ne nous assiérons pas à la table des négociations avec Haftar», a ­ t ­ il averti, jeudi soir, traitant le maréchal libyen de «putschiste», et pressant l’ONU d’interdire la «vente illégale» de pétrole sur les marchés internationaux, à laquelle s’adonnent les autorités de l’Est qui contrôlent le croissant pétrolier libyen.


>> Libye : L’échec de Haftar consommé  

Libye : L’échec de Haftar consommé

Confirmation voilée de l’annonce par les forces loyales au GNA de la reconquête totale de la capitale, après de violents combats, les troupes du maréchal Khalifa Haftar ont confirmé un «redéploiement» qui signifie, en réalité, une retraite devenue prévisible depuis plusieurs jours déjà, avec la multiplication des échecs et la perte de plusieurs places fortes comme Sorman, Sabratha et d’autres villes.

Jeudi, le Gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU, a indiqué que toute la région de Tripoli est désormais sous son contrôle: «Nous annonçons le redéploiement de nos forces hors de Tripoli, sous condition que l’autre partie respecte un cessez-le-feu. En cas de non-respect, nous reprendrons nos opérations militaires et suspendrons notre participation aux négociations du comité militaire», a pour sa part expliqué le général Ahmad al Mesmari, porte- parole de l’Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée du maréchal Haftar, qui a justifié cette décision par «l’acceptation du commandement militaire de participer au comité militaire sous l’égide de l’ONU». à l’en croire, il s’agirait ainsi d’«une initiative humanitaire destinée à arrêter l’effusion du sang du peuple libyen».

De fait, mercredi dernier, la Mission des Nations unies en Libye (Manul) a confirmé la reprise à Genève des discussions-interrompues en février dernier- du comité militaire (5+5), entre les cinq représentants des forces du GNA et les cinq mandatés par Haftar pour rechercher les bases d’un cessez-le-feu durable à un conflit qui s’est aggravé en avril 2019 avec l’offensive lancée contre Tripoli. à ce jour, plusieurs tentatives pour restaurer la paix et le retour à la table du dialogue politique se sont avérées vaines. Comme nous l’avions annoncé dans notre édition de mercredi dernier, l’ANL va d’échec en échec, depuis plusieurs semaines déjà, et Haftar n’a pas d’autre choix que de tabler sur une reprise immédiate des négociations. En témoigne la chute de sa base principale, Tarhouna, dont se sont emparées, ces dernières 48 heures, les forces du GNA, marquant un tournant majeur dans le déroulement du bras de fer qui oppose Fayez al Serraj à Khalifa Haftar et les autorités de Tripoli à celles de l’Est libyen qui perdent ainsi leur ultime fief dans l’ouest du pays. «Nos forces héroïques ont étendu leur contrôle sur toute la ville de Tarhouna après avoir anéanti les milices terroristes de Haftar», à 80 km au sud de la capitale Tripoli, a proclamé le porte-parole des forces du GNA, Mohamad Gnounou, dans un communiqué.

Cet enième échec de Haftar signe aussi la déconvenue des pays qui le soutiennent dans sa tentative de s’emparer de la capitale et d’asseoir ainsi son autorité sur l’ensemble de la Libye, un pays aux immenses richesses pétrolières et gazières qui suscite bien des convoitises. Les ingérences étrangères ont compliqué la donne et rendu aléatoire la démarche onusienne d’une solution politique basée sur le dialogue inclusif que défendent l’Algérie et la Tunisie et, plus largement, l’Union africaine.

En reprenant Tarhouna et l’aéroport international de Mitiga, en banlieue tripolitaine, le GNA appuyé par la Turquie marque des points décisifs mais la question de la paix tant attendue par le peuple libyen reste plus que jamais incertaine.


>> Crise libyenne :

«La Tunisie ne sera pas un front pour une quelconque partie»

Le président tunisien, Kaïs Saïed, a affirmé, que la Tunisie «ne sera en aucun cas le front de quelconque partie en relation avec la crise en Libye». M. Saïed a ainsi réagi lors d’une conversation téléphonique, vendredi, avec son homologue français, Emmanuel Macron, a-t-on appris auprès de la présidence de la République tunisienne. D’après la même source, les deux chefs d’Etats ont évoqué la situation en Libye. Le président Saïed a souligné la position de son pays qui défend une résolution purement libyenne sans aucune interférence extérieure.
M. Saïed a également affirmé que la Tunisie «qui adhère à sa souveraineté, tout comme elle adhère à la souveraineté de la Libye, ne sera un front pour aucune partie ou encore un acteur contribuant à quiconque conflit ou division en Libye». Lors de cet appel téléphonique, «les relations distinguées entre les deux pays, et les moyens de coopération entre eux dans cette circonstance particulière, ont été discutés et de nouveaux horizons ont été ouverts par les deux présidents», peut-on lire dans un communiqué. Le président tunisien Kaïs Saïed a, par ailleurs, affirmé que le monde entier «est entré dans une nouvelle étape de l’histoire qui a besoin d’idées, de concepts et de nouveaux mécanismes».


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