USA / Le crime de Minneapolis

04.06.2020

par Salim Metref

La mort cruelle infligée à George Floyd, cet Américain de 46 ans, par des policiers racistes et restés sourds devant ses supplications aura été la goutte qui a fait déborder le vase. Cette tragédie renseigne en tous les cas sur la situation de la communauté noire aux Etats-Unis aux prises avec une montée fulgurante du racisme notamment au sein des institutions censées protégées les biens et les personnes.

  Minneapolis est pourtant une ville qui n’est pas connue pour être pauvre. Ville du Minnesota et de cette riche région du Midwest, terre nourricière des Etats-Unis, les populations noires y subissent pourtant autant qu’ailleurs la ségrégation comme dans cet Etat de Louisiane dont l’immense pauvreté des populations de couleur a été révélée à la face du monde par l’ouragan dévastateur Katrina. Comment expliquer cette flambée de violence dans un Etat dirigé par le parti démocrate, adversaire résolu du Président Trump pour les prochaines échéances électorales américaines. Nul ne le sait ! Alors que beaucoup attendaient qu’elle provienne plutôt du Sud, où le racisme se conjugue souvent avec une pauvreté endémique, la déflagration s’est produite ailleurs. Elle se propage désormais vite et oblige de nombreux Etats à décréter le couvre-feu. Le péril est en la demeure et les Etats-Unis brûlent.

Pourtant qui se souvient des promesses du Président Trump qui s’adressant à l’Amérique, des banlieues de Detroit aux plaines du Nebraska, promettait de ne satisfaire désormais que les aspirations de l’Amérique profonde. Plus grand monde ne semble y croire! Manipulant les concepts les plus dangereux, usant de propos ambigus, encourageant la délation, le Président Trump a réussi à inoculer sans le savoir ce sentiment d’impunité chez de nombreuses personnes notamment au sein d’une police qui se croit au-dessus des lois et qui était déjà réputée pour ses méthodes expéditives.

Méthodes par ailleurs déjà utilisées en Israël et qui inspirent désormais certaines polices d’Europe. Qui peut croire enfin en la sincérité d’un président qui prétend vouloir détruire l’état profond étasunien, Wall Street, et les différents lobbies réunis, et qui en fait en est l’émanation la plus dangereuse.

Trump restera en tous les cas et pour le monde musulman celui qui aura combattu le plus la cause du peuple palestinien en faisant notamment des concessions inouïes à Israël, concessions que n’espéraient même pas la droite la plus haineuse de l’entité sioniste. Il récolte aujourd’hui une violence qui se propage aux Etats-Unis et qui risque d’hypothéquer sérieusement sa réélection puisque le vote de la communauté noire lui sera certainement hostile à l’avenir. L’affaire George Floyd aura en tous les cas eu un impact considérable dans le monde puisque de nombreuses manifestations se déroulent présentement dans de nombreux pays. Les segments suprémacistes blancs de la population des Etats-Unis comprendront désormais que la vie d’un Noir vaut autant que la leur !


  >> « George Floyd / Trump : l’Amérique s’embrase »


>> Idriss Aberkane : Voilà maintenant plus d’une semaine que les USA se sont embrasés suite à la mort de George Floyd. Je n’ai pas voulu réagir immédiatement afin de prendre un peu de recul pour vous délivrer la meilleure analyse possible de la situation. Les États-Unis se dirigent-ils vers une guerre civile ? C’est ce que nous allons essayer de voir dans cette vidéo.


  >> Violente Amérique !

par Rabah Toubal*

L’histoire des Etats-Unis d’Amérique est émaillée de périodes, plus ou moins longues, où la violence, pratiquée à grande échelle, régnait sur le pays.

Cette violence endémique structurelle avait marqué profondément et durablement la société et le système politique américains. Ainsi, de la conquête du continent américain par l’Espagne et la Grande-Bretagne notamment et des migrants venus de plusieurs pays d’Europe, et les horribles génocides commis contre les populations autochtones démographiquement et militairement faibles et leurs cultures, à la traite des Noirs, massivement importés d’Afrique pour accroître la production des plantations de sucre, de coton et d’huile, entre autres produits agricoles, et le bien-être de la nouvelle Amérique libérale et expansionniste, entraînée dans un développement effréné, dont la principale victime était la main-d’œuvre africaine et sud-américaine, dont les descendants constituent aujourd’hui l’essentiel des classes précaires.

C’est le prix du rêve américain !

Génocides, esclavagisme, racisme, mafias, criminalité élevée, guerre civile, guerres contre des pays et peuples étrangers (comme au Japon avec les deux bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki, au Viêt Nam, en Somalie, en Irak et en Afghanistan notamment), victimes de l’insatiable appétit morbide de la superpuissance militaire américaine mue par le profit et un dangereux instinct de domination du monde. Et, aussi, compétition féroce, entre les individus, les entreprises, les différentes communautés et Etats de la fédération. L’Amérique veut être toujours plus riche, plus forte, plus puissante, sans se soucier des inquiétudes et critiques fondées suscitées sur les plans interne et externe. C’est cela l’Amérique, impitoyable avec ses propres enfants défavorisés par le système politique, économique et social choisi par les pères fondateurs de l’Union et impérialement arrogante et dominatrice dans ses relations avec les autres pays. L’Amérique, version Ronald Trump, aggrave ces caractéristiques peu flatteuses, qui la rendent de plus en plus invivable et insupportable et valent à cet Etat, autoproclamé «gendarme du monde», d’être, ces dix dernières années, régulièrement remis à sa place par des puissances comme la Russie et la Chine, contrairement à l’Union européenne qui lui est quasi totalement inféodée, au nom d’un atlantisme caduc et désuet.

Paix à l’âme de George Floyd, la énième victime noire du racisme incurable d’une partie de la police américaine, qui pourrait faire imploser les Etats-Unis d’Amérique, dont la pandémie du Covid-19, qu’ils ont mal gérée, a montré les limites objectives et qui pourrait provoquer la chute de l’incorrigible Ronald Trump, que la procédure constitutionnelle de l’empeachement, mise en œuvre par le Parti démocrate, il y a quelques mois, n’est pas parvenue à faire tomber. Pour cacher les défaillances criardes du système de santé de son pays, le président américain, relayé par des chefs d’Etat et de gouvernement alliés, n’a pas trouvé mieux que de s’en prendre à la Chine en la rendant responsable de la propagation du coronavirus dans le monde, et en ordonnant des sanctions contre le géant asiatique, comme il ne cesse de le faire à l’encontre des pays qui résistent à l’hégémonie de Washington. L’ère de l’Amérique, en particulier, et de l’Occident, en général, empêtrés dans des contradictions sociales insolubles et des crises successives graves, approche-t-elle de sa fin ? De nombreux indices forts militent pour cette thèse de plus en plus plausible, qui inquiète au plus haut point l’establishment américain, sérieusement déstabilisé par l’avènement à la tête du pays du populiste et incontrôlable homme d’affaires-président, Ronald Trump, à quelques mois d’une élection présidentielle capitale pour l’avenir des Etats-Unis.

*Diplomate à la retraite, écrivain


>> Un déni français

par Akram Belkaïd

Il ne pouvait en être autrement. Dès les premières manifestations aux Etats-Unis en protestation contre l’assassinat, par un policier, de George Floyd, un afro-américain de Minneapolis (Minnesota), les médias français ont été pris de leur habituelle empathie à l’égard des combats antiracistes que connaît l’Amérique depuis si longtemps. Toutes les grandes chaînes d’information en continu mais aussi les radios et les principaux quotidiens ont consacré une large place à cet énième épisode de violence policière débouchant sur la mort d’un être humain.

Les informations et les analyses concernant ce drame et les impressionnantes marches populaires qui ont suivi offrent une image plutôt fidèle de la réalité américaine. On citera en exemple les articles consacrés à la ville de Minneapolis, dirigée par un démocrate, dont l’image « progressiste » ne parvient pas à faire oublier des décennies d’inégalités et d’impossibilité pour la population noire d’accéder à la propriété immobilière. Les provocations et surenchères du président Donald Trump, appelant à mater les protestataires et menaçant de déployer l’armée, ajoutent à l’intérêt des médias français qui peuvent gloser à l’infini sur le racisme et la violence intrinsèques des forces de l’ordre américaines.

Ironie de l’histoire, quelques jours auparavant, la France a connu une polémique sur le même sujet. Camélia Jordana, chanteuse et actrice née en France et de grands-parents algériens, a provoqué le tumulte avec deux déclarations prononcées dans une émission de grande écoute sur France 2 : « Il y a des hommes et des femmes qui se font massacrer quotidiennement en France, tous les jours, pour nulle autre raison que leur couleur de peau. », a-t-elle ainsi déclaré avant de préciser :« Il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic, et j’en fais partie ».

On regrettera l’usage du verbe « massacrer » pris au premier degré par de nombreux commentateurs trop heureux de discréditer le propos de l’artiste. Mais pour le reste ? Qu’a-t-elle dit pour mériter un tel torrent de critiques et de haine avec, à la clé, des menaces de poursuites judiciaires proférées par des syndicats de policiers ? En France, une bonne partie des élites vit dans le déni d’une réalité sordide. Celle de la violence policière structurelle, pour ne pas dire systémique, infligée aux minorités et aux classes populaires. Même les violences subies par les Gilets jaunes – qui ont découvert en 2018 ce qu’enduraient depuis longtemps les jeunes des quartiers – n’ont pas modifié la donne.

La peur du flic est une réalité. Le seul changement, c’est qu’elle s’est étendue à d’autres catégories de la population. Aujourd’hui, les gens vont aux manifestations avec la peur au ventre parce qu’en face, c’est buffet ouvert. Recours à la stratégie de la nasse, usages intensifs de gaz lacrymogènes alors que les cortèges sont calmes, tirs aux lanceurs de balles de défense (LBD) sont devenus des actes courants symbolisés par les outrances du préfet de Paris Didier Lallement. Ebranlé par la crise des gilets jaunes, discrédité par son impréparation et sa désinvolture face à l’épidémie de coronovirus, le gouvernement français semble craindre sa police. A chaque bavure, le message est toujours le même. Il n’y a rien eu ou s’il y a eu quelque chose, il faut faire preuve de compréhension.

Il est très probable que l’on ne sache jamais qui est le policier qui a tiré une grenade lacrymogène dans le visage de feu Zineb Redouane. Ce sujet qui devrait constituer une indignation nationale n’a jamais fait la une des journaux. Il est vite évoqué et on passe à autre chose. L’affaire Adama est encore plus symbolique. En juillet prochain, cela fera quatre ans que la famille d’Adama Traoré, mort à 24 ans dans une gendarmerie, réclame justice. Et cela fait quatre ans qu’une conspiration du silence vise à relativiser l’importance des mobilisations. Mardi 2 juin, d’impressionnantes manifestations ont eu lieu à Paris et Marseille pour réclamer la vérité. Le soir, les grands journaux télévisés ont consacré des dizaines de minutes à la situation américaine mais presque rien pour le rassemblement à la mémoire d’Adama Traoré. L’évitement, toujours et encore… L’incapacité à reconnaître qu’il y a un vrai problème de violences policières en France.

Il y a bientôt quinze ans (misère…), je consacrais une chronique à ce qui fut le prélude aux émeutes de l’automne 2005 (*). Je faisais le lien entre ces violences et le passé colonial qui a façonné bien plus qu’on ne le croit la police. J’y racontais comment on peut habiter le très chic septième arrondissement de Paris, avoir une situation confortable dans la finance et avoir peur d’entrer seul dans un commissariat pour y déclarer le vol de son scooter, tout cela parce que l’on a un nom et un faciès maghrébin. J’ai revu cette personne il n’y a pas longtemps. Nous avons reparlé de cette affaire. Elle m’a déclaré que cette peur n’avait pas disparu, bien au contraire. Dans cette même chronique, j’évoquais les contrôles d’identité musclés de la Brigade anti-criminalité (BAC). Le tutoiement, les gifles qui fusent et l’impossibilité de protester sous peine d’être embarqué pour le bien commode motif de rébellion. A dire vrai, rien de tout cela n’a changé. Et le déni demeure.

(*) Après Clichy-sous-Bois, 5 novembre 2005. Chronique reprise par Courrier International, le 12 novembre 2005… (précision qui sera peut-être utile pour les exégètes de ma dernière chronique).



>>> Éric Zemmour pris en flagrant délire raciste sur CNews  

Éric Zemmour pris en flagrant délire raciste sur CNews

« 80 % des Blancs sont tués par des Noirs aux États-Unis. » C’est l’infâme sottise prononcée par le polémiste d’extrême droite Éric Zemmour sur le plateau de CNews, lundi soir. Ce dernier voulait sous-entendre que la population afro-américaine serait coupable plus que victime, alors que les États-Unis se sont embrasés après que George Floyd, un Noir de 46 ans, a été tué par un policier blanc.Or, sa prétendue statistique est complètement fausse, comme l’a souligné l’AFP en s’appuyant sur les données du FBI. Celles-ci démontrent que, en 2018, 80 % des Américains blancs ont été tués par des Blancs, dans un pays où les homicides se déroulent d’abord au sein d’une même communauté.

Zemmour affirmait aussi que « les Blancs aux États-Unis ont deux fois plus de chances d’être tués que les Noirs ». Tout faux là encore : selon le FBI, 7 407 Afro-Américains ont été tués en 2018, contre 6 088 Blancs.


>> Moscou soutient les troubles aux USA? L’ambassadeur rétorque aux allégations


>> La vague de manifestations anti-racistes atteint l’Espagne et l’Italie


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