Le projet de révision de la constitution : Le système politique algérien est-il indéfinissable ?

par Mohamed Yousfi

Les deux questions primordiales qu’il convient de se poser maintenant et que, du point de vue juridique, quel type de régime politique la révision de la Constitution proposée compte établir ?

Et est-ce que ce changement conduit à une modification de la nature juridique du régime politique algérien ? Selon la classification traditionnelle des régimes juridiques établie par une partie de la doctrine, il existe quatre types de régimes politiques. Il y a d’abord les régimes de collaboration des pouvoirs dont l’exemple type est représenté par le système parlementaire britannique.

Il y a les régimes de confusion de pouvoirs représentés par les régimes autrefois qualifiés de socialistes, tels que ceux des démocraties populaires d’Europe de l’Est à parti unique. Il y a ensuite les régimes présidentiels, c’est-à-dire les régimes de séparation de pouvoirs dans lesquels les pouvoirs sont séparés d’une façon rigide.

Le système américain est le régime présidentiel type. Il y a enfin les régimes semi-présidentiels, ces régimes opèrent un amalgame et parfois procèdent à des combinaisons plus ou moins réussies entre deux logiques, celle du régime parlementaire et celle du régime présidentiel.

Ces régimes, bien entendu, présentent de grandes disparités entre eux. Pour de nombreux auteurs, ces régimes semi-présidentiels ne sont juridiquement que des régimes parlementaires.

Certes, d’un type nouveau, pour d’autres, ces régimes où le chef de l’Etat ne jouit pas seulement de pouvoirs honorifiques, comme c’est le cas dans le système parlementaire classique tel que le système britannique où le souverain règne et ne gouverne pas.

Il est en quelque sorte une machine à signer, qui ne peut pas refuser sa signature. S’il n’est pas d’accord avec le gouvernement, il ne peut pas se soumettre, à moins de se démettre, bien que la démission d’un chef d’Etat parlementaire soit un acte grave, qui reste tout à fait exceptionnel.

Le chef de l’Etat dans un régime semi-présidentiel détient des pouvoirs politiques réels, bien qu’il n’intervienne pas directement dans la gestion quotidienne des affaires intérieures du pays, mission dévolue au chef du gouvernement.

Dans certains régimes semi-présidentiels, le président de la République bien qu’il soit au-dessous du gouvernement ne peut mettre fin aux fonctions du chef du gouvernement qui est le Premier ministre ou le chancelier, il ne peut que lui demander ou l’inciter indirectement à présenter sa démission.

La raison en est que dans ces pays il existe des partis politiques qui s’affrontent par des moyens légaux et se disputent le pouvoir et qu’en cas de victoire de l’un des partis aux élections législatives par laquelle il parvient à détenir la majorité au Parlement, le président ne fera que désigner à la tête du gouvernement le leader du parti vainqueur.

Il convient, selon d’autres auteurs, de les qualifier de régimes parlementaires dualistes (comme c’est le cas en France) ou de parlementaristes monistes (comme c’est le cas en Irlande et en Islande ).

Mais dans le fond, ils demeurent toujours des régimes parlementaires, du moment qu’ils établissent un équilibre entre les pouvoirs par la technique des poids et contrepoids, c’est-à-dire qu’ils prévoient des mécanismes d’actions réciproques et de neutralisation mutuelle entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Il y a lieu de souligner que la séparation des pouvoirs selon qu’elle soit souple, relative ou rigide donne naissance soit à un régime parlementaire, c’est-à-dire de collaboration des pouvoirs, soit à un régime présidentiel, c’est-à-dire de séparation rigide de pouvoirs, bien que la notion de séparation tranchée de pouvoirs n’exclut aucunement dans la pratique une collaboration et un contrôle réciproque des pouvoirs.

Il ne fait aucun doute que l’isolement et le manque d’interférence total rendraient tout gouvernement impossible. Dans un régime semi-présidentiel, le président peut selon le rôle assumé par les partis jouer un rôle très important et exercer des pouvoirs parfois considérables.

Comme il peut jouer un rôle effacé. En d’autres termes, le système des partis, ainsi que le système électoral peuvent favoriser l’émergence d’une majorité parlementaire stable et homogène, mais le régime semi-présidentiel peut coïncider avec un parlementarisme non majoritaire.

Dans le premier cas, la bipolarisation politique qui se manifeste à l’occasion de l’élection du président de la République contribue à coaguler les partis en deux grandes coalitions et à pousser la société au bipartisme.

Dans ce cas, le régime fonctionne bien, il est relativement à l’abri des crises gouvernementales, car il repose sur la concordance de la majorité présidentielle avec la majorité parlementaire.

Dans le deuxième cas, c’est celui de la non-coïncidence de la majorité présidentielle avec la majorité parlementaire, phénomène provoqué par le décalage entre les élections législatives et l’élection présidentielle.

C’est le cas de la cohabitation en politique qui prend le plus souvent la forme d’une coexistence d’un chef de l’Etat et d’un chef de gouvernement appartenant à une majorité parlementaire qui lui est opposée politiquement. Le système politique français actuel, issu de la Constitution de la Ve République, est l’exemple le plus remarquable de la cohabitation.

En effet, en période de concordance majoritaire, le président de la République est entièrement libre du choix du Premier ministre du fait de ses pouvoirs propres. Investi de la légitimité démocratique et de son pouvoir de révocation, il peut imposer ses vues et donner des directions au gouvernement.

Dans la pratique, il est le véritable chef de l’Exécutif et le Premier ministre joue, comme nous l’avons déjà souligné, le rôle de bouclier pour le chef de l’Etat.

Celui-ci par le programme politique sur lequel il s’est fait élire ou le caractère original qu’il entend imprimer à sa politique, il oriente le travail législatif. Il est en quelque sorte la clef de voûte du système et le véritable chef de l’Exécutif et le gouvernement qu’il nomme fixe d’habitude l’orientation générale de la politique qu’il entend mener.

Il prend toutes les décisions et fait réaliser toutes les actions nécessaires au bon fonctionnement de l’Etat. Tandis qu’en période de cohabitation, c’est-à-dire de non-concordance de la majorité présidentielle avec la majorité parlementaire, il doit tenir compte, dans la désignation du Premier ministre, de la majorité à l’Assemblée nationale.

Dans ce cas, le Premier ministre qui est le chef du gouvernement, conformément à l’article 21 de la Constitution française, jouit de pouvoirs considérables. C’est lui qui dirige l’action du gouvernement, il est responsable de la défense nationale. Il assure l’exécution des lois, sous réserve des dispositions de l’article 13. Il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.

Bien que n’ayant pas un pouvoir hiérarchique au sens strict sur les ministres, la primauté du Premier ministre est incontestée, puisque le choix politique de la composition du gouvernement revient au seul Premier ministre. La nomination des ministres n’est que formellement partagée avec le président de la République.

Il y a lieu de remarquer, à ce propos, que dans un système politique semi- présidentiel, tel que le système français, où le président de la République est élu au suffrage universel et dont le rôle dans la prise de décision politique est prépondérant, il peut arriver qu’après une élection législative, il ne dispose plus du soutien de la majorité parlementaire, si celle-ci est d’un bord politique opposé à la majorité présidentielle.

Si malgré cela il persiste à vouloir se maintenir à son poste, d’autant que le Parlement ne peut le destituer, puisque élu au suffrage universel, il risque de voir son rôle devenir nettement effacé face au Premier ministre.

Des conflits résultant de désaccords sur la manière de gérer les affaires économiques peuvent surgir et même prendre une ampleur et une gravité telles que l’on est obligé de recourir à l’arbitrage des électeurs, comme dans le cas où le président de la République déciderait la révocation d’un ministre ou plusieurs ou la réorganisation des structures gouvernementales contre la volonté du chef du gouvernement soutenu par une forte majorité parlementaire.

Cela pourrait conduire à une situation d’instabilité politique, si le président par l’intermédiaire de son Premier ministre n’infléchit pas sa politique en faisant des concessions et en acceptant la constitution d’une coalition nationale composée des différents partis siégeant au Parlement et susceptibles de se mettre d’accord sur une politique commune.

Parfois, le président s’appuie sur des formations de différentes tendances et sensibilités politiques pour former un gouvernement par l’intermédiaire de son Premier ministre, tantôt à droite tantôt à gauche. C’est ce que certains appellent des majorités alternatives ou à géométrie variable.

Dans de telles situations, on voit bien que le président joue un rôle d’arbitre, de régulateur du fonctionnement des pouvoirs et des institutions de l’Etat, il incarne l’unité de la nation et assure la continuité de l’Etat. Comme on le voit, ses pouvoirs ne sont pas symboliques, comparés à ceux d’un chef d’Etat dans une monarchie constitutionnelle.

Quant au chef du gouvernement, il constitue d’habitude un bouclier pour le président contre les critiques et les attaques que pourrait mener une partie du corps législatif contre la politique poursuivie par le gouvernement sous la supervision du chef de l’Etat et qui est normalement soutenue et prise en charge par l’ensemble de l’Exécutif.

Le chef du gouvernement constitue en quelque sorte un fusible qui sautera en cas d’augmentation de la tension sociale et de recrudescence des contestations, des critiques et des protestations formulées par les institutions élues et l’opinion publique. La catégorie des régimes semi- présidentiels s’inscrit dans le cadre du système dit de séparation souple des pouvoirs.

De tout ceci, on peut dire que le régime politique algérien, tel qu’il ressort de la Constitution du 22 novembre 1976, était un régime à la fois présidentiel et parlementaire, mais seulement en ce qui concerne les pouvoirs du chef de l’Etat.

L’Exécutif, que ce soit aux termes des dispositions de la Constitution de 1976 ou celle de 1989, était monocéphale, c’est en vain que l’on chercherait, dans les deux précédents textes, une délimitation précise des compétences et des prérogatives du chef du gouvernement par rapport à celles du président de la République.

Cette absence de ligne de démarcation des frontières entre les pouvoirs du président de la République et ceux du chef du gouvernement est une lacune et peut être même la source de graves conflits, surtout si le chef du gouvernement qui a le droit légitime de chercher à choisir des responsables administratifs compétents, tient à ce que soit exécuté efficacement son programme économique pour lequel il est responsable devant l’Assemblée nationale et devant le chef de l’Etat. De toute évidence, la réforme institutionnelle vise à rationaliser le travail au sein du pouvoir exécutif.

Il y a lieu de noter, à ce propos, que la réorganisation de l’Exécutif qui était au centre de la première révision constitutionnelle de 3 novembre 1988 a introduit, en effet, deux modifications majeures qui consacrent les deux principes fondamentaux sur lesquels repose un système parlementaire, à savoir le dualisme de l’Exécutif et la responsabilité du chef du gouvernement devant l’Assemblée nationale.

Il est utile de noter à ce propos que ce dualisme n’existait pas dans la Constitution de 1976, dont l’article 104 dispose que «la direction de la fonction exécutive est assumée par le président de la République, chef de l’Etat» et de ce fait, il dispose du pouvoir de nommer le chef du gouvernement et de mettre fin à ses fonctions.

En effet, et en raison de la prépondérance, voire de l’omnipotence des pouvoirs conférés par la Constitution de 1989 au président de la République, et compte tenu de la complexité et même de la fragilité ayant caractérisé les relations qui s’étaient instaurées entre les deux hommes, la mesure d’éviction prise à l’encontre du premier chef de gouvernement constitué sous l’empire de la Constitution de 1989 a donné lieu à de vives interrogations à propos de la constitutionnalité d’une telle mesure. Il s’agit, en fait, du gouvernement de Kasdi Merbah.

A la lumière des éléments que l’on vient de développer, il convient de parler de bicéphalisme, puisqu’un nouveau schéma se dessinait, dans lequel le chef du gouvernement dispose du droit de former un gouvernement dont il présente les membres, aux fins de nomination, au président de la République. Il dispose également du droit d’élaborer un programme dont il est supposé assumer seul la responsabilité devant l’Assemblée.

Il ne fait aucun doute que la responsabilité du chef de gouvernement devant cette dernière est explicite, et ce, aux termes de la Constitution, mais celui-ci assume également une responsabilité implicite envers le président de la République. Ce bicéphalisme se traduit aussi sur le plan organique par l’instauration de deux organes qui constituent le pouvoir exécutif ; le Conseil des ministres et le Conseil du gouvernement.

Enfin, ce bicéphalisme se concrétise à travers un partage technique du pouvoir exécutif entre le président de la République et le chef du gouvernement, fondé sur la typologie classique entre pouvoir réglementaire autonome et pouvoir d’exécution des lois. Le premier pouvoir est exercé exclusivement par le président de la République par voie de décrets dits présidentiels. Le second est exercé par le chef du gouvernement par voie de décrets dits exécutifs.

On ne manquera pas de rappeler à ce propos que dans la Constitution du 23 février 1989, exception faite de ce qui concerne la Défense nationale et les Affaires étrangères qu’elle réserve au président de la République, comporte une confusion notable entre le pouvoir de nomination de ce dernier et celui du chef du gouvernement, à tel point qu’il s’est avéré à maintes reprises difficile de distinguer entre les deux ; lequel est habilité juridiquement à choisir et nommer tels titulaires à telles fonctions dans l’administration, à l’exception des fonctions militaires et civiles qui sont l’apanage du président de la République.

Le décret présidentiel n°89 44 du 10 avril 1989 relatif à la nomination aux emplois civils et militaires était assez explicite sur la question.

Et l’autonomisation du président de la République à laquelle on a assisté par la suite fut induite par la séparation du parti unique, en l’occurrence le FLN et l’Etat, ce qui a abouti à la disqualification du FLN.

Evidemment, cette séparation était l’aboutissement logique de la crise politique qui s’est cristallisée dans les divergences qui ont opposé l’appareil du parti à celui de l’Etat. La mise en œuvre des deux principes précédemment évoqués a conduit à la disqualification et à la marginalisation du parti FLN et à affaiblir son emprise sur les institutions de l’Etat.

En d’autres termes, l’entreprise de séparation du parti de l’Etat initiée par le président de l’époque visait en premier lieu et de manière claire à rompre avec la conception de l’Etat-partisan, dont les pouvoirs étaient concentrés entre les mains d’une seule personne qui est le président de la république.

Certains qualifient ce genre de régime, comme nous l’avons souligné plus haut, de régime présidentialiste en raison de la primauté et de la prépondérance de l’Exécutif et des pouvoirs exorbitants dévolus au président de la République, de telle façon que rien ne peut se faire en dehors de lui. L’étendue et la prépondérance de ses pouvoirs et prérogatives étaient telles que l’on est en droit de se demander si la Constitution elle-même n’était pas faite pour lui et autour de lui.

Certains auteurs vont plus loin et voient en cela l’instauration d’une dictature constitutionnelle. En tout cas, cette tendance à renforcer les pouvoirs de chef de l’Etat est générale dans presque tous les systèmes politiques, mais dans les pays en voie de développement, ce phénomène est particulièrement accentué et il est imputable au phénomène de personnalisation du pouvoir politique.

Cette personnalisation est le résultat d’un état d’esprit collectif, elle consiste à assimiler le pouvoir au chef, à croire en l’homme providentiel, sauveur de la nation. L’arriération de la culture politique et l’emprise de l’idée fataliste sur les esprits, la survivance de mythes et de superstitions aidant, ce phénomène contribue dans certains pays du tiers-monde à amplifier la concentration du pouvoir.

Evidemment, dans ces pays, beaucoup de facteurs d’ordre social et juridique favorisent le développement de ce phénomène, tels que les systèmes électoraux, les systèmes de partis, le rôle joué par les mass media et la non-limitation des mandats présidentiels de telle manière que le président de la République soit rééligible indéfiniment.

Dans ces pays sont instaurées des Constitutions conçues comme autant d’instruments de domestication des consciences, de mystification du réel et de programmation de la pensée des individus, inspirés de régimes oligarchiques, voire autocratiques qui ont servi de modèle à des dirigeants politiques obsédés par le pouvoir, des documents idéologiques en quelque sorte.

Ainsi, beaucoup de chefs d’Etat des pays du tiers-monde, notamment des pays africains, où il y a le plus grand nombre de dirigeants politiques qui détiennent le record de longévité au pouvoir, ces dirigeants pensent, évidemment, qu’ils sont investis d’une mission presque divine, ils veulent absolument se maintenir au pouvoir aussi longtemps que possible en dépit de l’opposition de leur peuple, et au détriment de sa stabilité et de son intérêt suprême. Ils réussissent à se faire réélire en changeant la Constitution, autant de fois qu’ils le désirent, grâce à l’appui de l’armée.

C’est l’option de la présidence à vie. Il est à noter à ce propos que les deux principaux maux qui rongent les pays arabo-musulmans et les pays africains et ceux du tiers-monde en général, à quelques exceptions près, sont l’absence d’alternance au pouvoir qui altère leur émancipation démocratique et sclérose leur développement économique et social.

Ce qui compromet, bien entendu, tout espoir de sortie de crise. Des Constitutions n’ayant pas été élaborées en fonction de la physionomie sociologique et culturelle de ces pays et du génie créateur de leur peuple.

Concernant les systèmes de partis, – les expériences démocratiques dans certains pays l’ont démontré clairement –, les régimes parlementaires modernes et notamment semi- présidentiels fonctionnent de façon différente suivant les systèmes de partis, lesquels modifient profondément les rapports entre le Parlement et le gouvernement.

Les pouvoirs juridiques, c’est-à dire théoriques attribués à l’Exécutif et à ses représentants, reçoivent dans la pratique une portée sensiblement différente.

Le président peut, selon le rôle assumé par les partis, jouer un rôle très important et exercer des pouvoirs considérables, comme il peut jouer un rôle effacé. En d’autres termes, le système des partis peut favoriser, comme il peut ne pas favoriser l’émergence d’une majorité stable et homogène.

Il ne fait aucun doute que les principes, les mécanismes et les procédures dont on vient de parler ne peuvent se concevoir logiquement et s’appliquer avec cohérence et efficacité que par des régimes multipartistes ou au moins bipartites, c’est-à-dire l’existence sur la scène politique de deux grands partis dominants à défaut de plusieurs, qui se disputent le pouvoir et arrivent à gouverner par alternance.

En d’autres termes, sans la mise en œuvre effective des mécanismes du multipartisme nécessitant l’organisation d’élections pluralistes, libres, honnêtes et transparentes, on ne peut absolument pas parler de démocratie ni d’Etat de droit.

La voie référendaire

L’option référendaire aurait imposé un débat trop contraignant, alors autant perdre en légitimité ce que l’on peut gagner en simplicité procédurale. Comment écarter les citoyens du processus de révision de la Constitution au profit d’un Parlement dont la crédibilité est émoussée ?

La constitution-programme

L’absence apparente de normativité des prescriptions remplit souvent de multiples fonctions. Une seconde faiblesse provient de l’insuffisance de forces contraignantes de certaines dispositions.

L’énoncé qui constate une situation, affirme des évidences, favorise, encourage, ou encore exprime des vœux, des recommandations, est dépourvu de tout effet juridique, sa charge juridique étant nulle, restant simple déclaration d’intention.

Le caractère circonstanciel

Ce dernier provoque l’instabilité constitutionnelle et est source de fragilité car il devient un alibi politique pour changer la Constitution ou justifier sa violation.

La limitation des mandats présidentiels

C’est à ce prix que l’on peut faire voter, avec pratiquement le même personnel parlementaire et avec le même enthousiasme, aussi bien l’abrogation de la limitation des mandats présidentiels que son rétablissement quelques années plus tard. Et même si on leur demandera quelques années plus tard de voter l’abrogation de la limitation des mandats, des députés dénués de convictions politiques le feront sans aucun souci.

En 2008, lorsque le président Bouteflika décida de ne pas quitter le pouvoir, il s’est taillé une Constitution sur mesure pour enchaîner un troisième mandat en 2009, puis un quatrième en 2014, alors que la Constitution en vigueur promulguée en 1996 sous le président Zeroual n’autorisait qu’une seule réélection pour un mandat de cinq ans.

Le même président du Parlement qui a fait voter l’abrogation du principe d’alternance au pouvoir et de la limitation des mandats présidentiels a présidé le congrès qui a voté la résurgence de la même règle de restriction du nombre de mandats et beaucoup de députés et sénateurs auront participé à la dénonciation d’un principe démocratique, puis à sa réhabilitation sans état d’âme et pour contenter l’attente d’une autorité absolue dont les desseins ne doivent souffrir aucune contestation.

Le Conseil constitutionnel, censé veiller sur la constitutionnalité des lois et la légalité des actes officiels, a rendu un verdict attestant que le projet qui lui a été soumis «ne porte aucunement atteinte aux principes généraux régissant la société algérienne, aux droits et libertés de l’homme et du citoyen, n’affecte ni d’aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions constitutionnelles».

Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un changement, mais d’un retour à quelque chose qui a déjà existé dans un passé tout récent.

En l’occurrence en 1996, le président Liamine Zeroual qui, pour l’histoire, est le premier président algérien à avoir fait accomplir à notre pays cette avancée démocratique remarquable en limitant le nombre des mandats présidentiels à deux quinquennats.

L’article 51

L’article 29 pose sans ambages le sacro-saint principe d’égalité de tous les citoyens devant la loi. Aussitôt dit, sitôt contredit par l’alinéa 2 de l’article 51 : «la nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions politiques».

L’Algérie risque de se trouver en défaut par rapport à ses engagements internationaux puisqu’elle a ratifié le pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui énonce que tout citoyen a le droit d’accéder aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions politiques».

Au lieu de lever l’équivoque qui va en grandissant, cette institution de la République a donc validé un projet constitutionnel qui vient consacrer définitivement une discrimination entre citoyens du même pays ; les résidents, les non-résidents et les binationaux.

Pourtant, l’article 29 du même projet de Constitution est on ne peut plus explicite sur la question puisqu’il stipule clairement que «les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale».

Le Conseil constitutionnel, un appendice du pouvoir exécutif, réside dans son mode de désignation, la nomination des membres des Cours constitutionnelles par les autorités politiques a fait l’objet de nombreuses critiques.

Le danger qui guette le Conseil constitutionnel est son incapacité à m’émanciper du pouvoir politique et de rendre des décisions complaisantes. Il ne dispose pas de l’indépendance requise pour assurer son office. En d’autres termes, l’élargissement des prérogatives du Conseil constitutionnel et la valeur contraignante de ses décisions vont-ils protéger les citoyens ?


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