Libye / L’offensive diplomatique d’Alger

21.06.20

La déroute des milices de Haftar aux portes de Tripoli vaincues par l’armée libyenne rattachée au gouvernement d’entente nationale (GNA) soutenu par la Turquie, est-il le dernier acte d’une guerre atroce qui dure depuis la chute d’El Gueddafi en 2011? Même si le GNA refuse l’initiative d’un cessez-le-feu proposée par l’Egypte, il y a des chances pour la paix dans ce pays voisin meurtri.

  La visite à Alger, le 13 juin dernier du substitut de Khalifa Haftar, le président du Parlement libyen Aguila Saleh, suivie par l’arrivée, hier, du chef du Gouvernement libyen d’union nationale (GNA), Fayez al Serraj, ouvrent grandes les portes à une médiation algérienne qui mettrait fin à ce conflit dont les coûts sont incommensurables aux plans social, économique et sécuritaire. L’Algérie, qui s’est toujours située à équidistance des parties en conflit, reprend la main dans ce dossier épineux. Affirmant que dans le dossier libyen «rien ne se fera sans l’Algérie», le président Abdelmadjid Tebboune a fait de la crise libyenne une question prioritaire.
Aussi s’approche-t-on, d’une médiation algérienne que de nombreux observateurs, qualifient d’«incontournable» devant le refus de Tripoli de l’initiative égyptienne pour un cessez-le-feu. Le Caire ne vise, selon le GNA, qu’«à geler le front pour éviter une nouvelle défaite à Khalifa Haftar».
Alger a toujours prôné une politique de dialogue inclusif et de rapprochement entre les parties en conflit. C’est un principe fondamental dans sa politique étrangère. Depuis le début de cette guerre, l’Algérie a opté pour une solution pacifique et un règlement politique à la crise libyenne loin des interférences étrangères, en maintenant la souveraineté et l’unité du pays. Ce principe a été réitéré par le président Tebboune aussi bien à la Conférence internationale de Berlin qu’à ces hôtes libyens qu’il a reçus et à chaque fois, exprimé son entière disponibilité pour accueillir des pourparlers inter-libyens.
Le conflit en Libye a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes, entraîné une instabilité dans toute l’Afrique du Nord et le Sahel et est devenu un enjeu géostratégique de plus en plus important, propre à exacerber les rivalités internationales.
Dans un bilan établi par la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul), estime que 231000 civils environ se trouvent sur la ligne de front et 380000 habitent dans des régions directement frappées par le conflit. On estime que plus de 370000 personnes se sont déplacées au sein du pays pour fuir les violences et que des centaines de civils ont été tués depuis l’assaut lancé en avril 2019 par le général Haftar.


Le président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’union nationale (GNA) libyen, Fayez Al-Sarraj, était hier à Alger pour une visite d’une journée.
Il a été accueilli à l’aéroport international Houari Boumediene par le Premier ministre Abdelaziz Djerad, le ministre des Affaires étrangères Sabri Boukadoum et celui de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Kamel Beldjoud.
A la tête d’une importante délégation, Fayez Al-Sarraj a été reçu par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Un communiqué de la présidence de la République indique que cette visite s’inscrit dans le cadre «des efforts intenses consentis par l’Algérie visant la reprise du dialogue entre les frères libyens en vue de trouver une solution politique à la crise libyenne, une solution basée sur le respect de la volonté du peuple frère et la garantie de son intégrité territoriale et de sa souveraineté nationale loin de toute intervention militaire étrangère».
Par ailleurs, selon une dépêche AFP, le Gouvernement libyen d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU, a annoncé qu’il ne participerait pas à une prochaine réunion de la Ligue arabe sur le conflit qui l’oppose depuis plus d’un an aux forces du maréchal Khalifa Haftar. La Libye a «rejeté l’invitation de l’Egypte à tenir une réunion d’urgence du conseil de la Ligue (arabe) en vidéoconférence la semaine prochaine», selon la même sourceLa Ligue arabe avait annoncé plus tôt la tenue prochaine d’une réunion ministérielle sur le conflit entre forces rivales en Libye. Cette rencontre virtuelle a été convoquée à la demande de l’Egypte, soutien du maréchal Haftar dont les forces ont subi plusieurs revers dans le conflit contre le GNA, basé à Tripoli et soutenu militairement par la Turquie. L’Egypte a poussé en faveur d’un cessez-le-feu après que les forces du maréchal Haftar ont été chassées ces dernières semaines du nord-ouest de la Libye, signant l’échec de leur offensive sur Tripoli lancée en avril 2019.
Le GNA et la Turquie ont fait part de leur scepticisme au sujet de l’initiative égyptienne, considérée comme une manière de faire gagner du temps au maréchal Haftar, soutenu également par les Emirats arabes unis et la Russie. «Une réunion par visioconférence n’est pas appropriée pour évoquer des dossiers épineux qui nécessitent des discussions et des échanges approfondis», a déclaré le chef de la diplomatie libyenne, Mohamad al-Taher Siala, lors d’un entretien téléphonique vendredi avec l’actuel président de la Ligue arabe, l’Omanais Youssef ben Alaoui ben Abdallah.Préalable pour un cessez-le-feuL’instauration d’un cessez-le-feu durable en Libye passe par le retrait de la ville stratégique de Syrte des forces de l’homme fort de l’Est, Khalifa Haftar, a affirmé samedi le porte-parole de la présidence en Turquie, principal soutien du gouvernement de Tripoli. Dans une interview à l’AFP, le porte-parole, Ibrahim Kalin, estime qu’un «cessez-le-feu doit être viable, ce qui veut dire que l’autre partie, la LNA (l’Armée nationale libyenne) de Haftar, ne doit plus se trouver dans une position lui permettant de lancer quand elle veut une nouvelle attaque contre le gouvernement légitime». «A ce stade, le GNA estime, et nous le soutenons en cela, que toutes les parties doivent retourner à leurs positions de 2015 lorsque l’accord politique libyen de Skhirat a été signé, ce qui veut dire que les forces de Haftar doivent se retirer de Syrte et d’al-Joufra», plus au sud, a-t-il ajouté. Ankara et Moscou discutent actuellement pour tenter de parvenir à un cessez-le-feu en Libye, en dépit de l’annulation à la mi-juin en raison d’apparentes divergences d’une visite à Istanbul de deux ministres russes.

20.06.20

  Crise libyenne : Ces femmes qui risquent leur vie pour changer la Libye

C’est le sort terrible qui a été réservé à l’avocate et militante des droits de l’homme et figure emblématique de l’opposition libyenne, Salwa Bougaïghis. Connue pour ses positions anti-islamistes et son combat contre les milices, elle a été assassinée à Benghazi le 25 juin 2014. Des droits des Libyennes, l’avocate en avait fait son combat. En janvier 2013, elle affirmait à la télévision : «C’est la femme [libyenne] qui a déclenché cette révolution. Non en réponse à une demande masculine, mais en tant qu’initiatrice du mouvement.

C’est elle qui a donné de la voix, elle qui a lancé ‘‘Lève-toi Ô Benghazi, ce que tu attendais est enfin arrivé’’.» Il est possible aussi de citer le cas de Siham Sarguiwa, la députée de Benghazi qui a été kidnappée de chez elle le 18 juillet 2019. Avant elles, l’avocate Hamida Al Asfar a été retrouvée étranglée 23 août 2013. La journaliste Nassib Miloud Karfana a, quant à elle, été égorgée à Sabha en mai 2014. La députée démissionnaire, Fariha Al-Barkawi, a été tuée aussi en juillet 2014. Les crimes ne se sont pas arrêtés.

La militante des droits de l’homme Intissar Al Hassairi a également été retrouvée assassinée le 24 février 2015, en compagnie de sa tante dans le coffre de leur voiture. Zyneb Abdelkarim avait été assassinée 3 jours avant. Les trois sœurs Hourouda, kidnappées courant avril dernier, ont été retrouvées dans l’un des huit charniers découverts à Tarhouna dans le courant de la semaine dernière. Et bien d’autres personnalités et anonymes qui ont été sacrifiées.

Les Libyennes se battent au péril de leur vie

Bien décidées à s’affirmer et se faire une place dans la Libye de demain, elles ont accepté de revenir pour nous sur leurs combats respectifs et de nous faire part de leurs lectures de la situation libyenne. Pugnacité, charisme et prestance, ces Libyennes n’en manquent pas. Elles se refusent au rôle de figurantes. Encore plus, à celui de caution d’une fausse ouverture sociopolitique.

Elles sont journaliste, députée, médecin, juriste, enseignante et activiste de la société civile à se battre pour une citoyenneté pleine et effective. Nos cinq interlocutrices, Sana Elmansouri, Hajer Sharif, Hilana Al Koni, Hind Shouba et Rabiâ Abourasne ne sont que quelques exemples de ces nombreuses Libyennes qui se battent au quotidien dans une Libye où tout reste à faire et à reconstruite.

Assia Bakir, Universitaire à Paris 8. Diplômée en relations euro-méditerranéennes et monde maghrébin


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