LIVRES / OUVRAGES 2019 : MON TOP 10

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

1. L’HOMME – CARREFOUR ET AUTRES HISTOIRES D’UN PAYS IMPOSSIBLE. Nouvelles de Hakim Laâlam. Editions Frantz Fanon, Tizi Ouzou 2019, 198 pages, 600 dinars

En neuf nouvelles, l’auteur, fin observateur de la société dont il est très proche (chroniqueur de talent…, d’abord à la radio puis au ‘Soir d’Algérie’) a fait le tour de la question ô combien cruciale de l’homo-algerianus, qu’il soit simple citoyen, cadre ou dirigeant. Bien sûr, comme tout journaliste du réel voulant capter l’attention du lecteur (normalement une qualité «obsessionnelle» chez tout journaliste qui se respecte), il le fait avec son style, désormais, bien connu (et qui respecte son outil de travail et le public… ce qui n’est pas généralement le cas chez beaucoup de ses confrères, hélas) chargé d’humour mais assez caustique sans être méchant… On sent même qu’il est malheureux, quelque part, de constater des situations déplorables.

L’Auteur: Journaliste né en 1962. Après un passage à la Radio publique «Chaîne III», il est devenu journaliste chroniqueur dans le quotidien «Le Soir d’Algérie».Ecrivain, déjà auteur de plusieurs ouvrages

Avis : Pour de bonnes nouvelles, ce sont de bonnes nouvelles !Il y en a même qui flirtent (plus que ça !) avec le grand art de l’écriture et de la pensée. A vous de les découvrir. Il faut seulement tout lire. Mais attention ! Plaisir de rire ou de sourire mais risque… de pleurer en découvrant le ridicule de situations… tuantes.

Citation : «Tout le monde, de ce monde-là qui se taisait, était content et soudé autour du Consensus construit par Chafik 1er et ses 22 sages. Une soudure établie sur un système qui n’était pas sorcier, compliqué et difficile à décortiquer. Non ! Il reposait tout entier sur la gratification, elle-même assise confortablement sur la sacro-sainte règle du silence» (p 169)

2. ALGER, CAPITALE DE LA RÉVOLUTION DE FANON AUX BLACK PANTHERS. Mémoires d’Elaine Mokhtefi. Editions Barzakh, Alger 2019, 279 pages, 800 dinars.

A vingt-trois ans, en décembre 1951, elle (la militante de gauche anti-raciste, socialiste et anticolonialiste et membre très active de la branche étudiante des United World Federalists (sorte de militants pour un «gouvernement mondial» assimilé au «communisme» par la droite et ne supportant plus, entre autres, le Mc Carthysme) quitte les States (Newport News) et se rend en Europe, dans un petit bateau transatlantique néerlandais. Paris ! Maîtrisant de plus en plus le français, elle arrive à se faire embaucher comme interprète ou traductrice et participe à pas mal de réunions internationales organisées par l’Unesco, la Fao, Association des juridiques démocrates… payée souvent par les délégations (en 1953, le gouvernement Eisenhower avait introduit un «serment de fidélité» pour tout employé des Nations Unies. Aucun Américain ne pouvait être embauché, de quelque façon que ce soit – ni pour une heure ni pour une journée- par une agence spécialisée de l’Onu sans présenter un document connu sous le titre de «clearance». Elle n’a jamais pu l’avoir… le FBI veillant au grain. C’était le temps de la guerre froide… et de la décolonisation accompagné de luttes armées ! Elle s’implique à fond. A Accra, elle rencontre, au début de la guerre d’Algérie, Mohamed Sahnoun et Franz Fanon…

L’Auteure : Elaine Mokhtefi, née Klein à New York en 1928 est issue d’une famille juive (non pratiquante) très modeste. Sa participation à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie (à partir de New-York et de la France) va l’amener à Alger en 1962. Interprète, traductrice, médiatrice, journaliste (APS et RTA), enseignante universitaire (Ecole de Journalisme d’Alger), elle a côtoyé les plus grands. Elle a vécu douze années en Algérie (et durant les années 60, elle a été la seule Américaine à travailler dans l’Administration algérienne)… avant d’être expulsée. Elle n’y est plus revenue (jusqu’en 2019 pour le Sila et la sortie de son ouvrage), bien que «non rancunière». Mariée à Mokhtar Mokhtefi, un moudjahid (décédé en 2015)

Avis : Absolument fascinant !

Citations : «(A propos du discours populiste et du système du parti unique du FLN).On ne voulait pas entendre que ce n’était guère là le chemin de la démocratie. Malheureusement, la gloire d’être devenue une nation souveraine ne suffisait pas à renverser un système mis en place pendant la guerre de Libération par des individus versés dans l’intrigue et la machination, et parvenus au pouvoir sur le dos de l’armée du peuple» (p 87)

3. LES PETITS DE DÉCEMBRE. Roman de Kaouther Adimi, Barzakh Editions. Alger, août 2019, 248 pages, 800 dinars

Une petite cité, presque résidentielle (car il ya bien mieux), du côté de Dely Brahim (Alger-ouest)… Le tout premier village colon français. Quelques villas presque toutes occupées par des familles de militaires, pour la plupart des officiers supérieurs à la retraite ou décédés (colonels, généraux) Une cité assez tristounette avec son entrée défoncée, non goudronnée, non totalement terminée comme bien d’autres… et au milieu, un terrain encore «vague» que les jeunes du quartier utilisent comme terrain de foot. Le seul lieu de rencontres et en sécurité.

Les habitants sont quelque peu déprimés en raison de destins parfois brisés, souvent contrariés (la carrière militaire est farcie de chances, de malheurs… et de mauvaises humeurs… des plus gradés). Il y a, aussi, une ancienne moudjahida connue pour son engagement et son franc-parler et qui va servir de «bouclier» contre… Entre autres contre des généraux (deux) en exercice… bien placés dans les «services»… qui, certainement, sentant la retraite approcher (et donc être «abandonnés» par les privilèges liés aux fonctions, dont le logement et les avantages d’accompagnement… comme le logement et le véhicule de service ) et qui viennent tout simplement, papiers en mains, occuper le terrain vague port y construire leur future «villa de retraite».

Le décor est planté. Reste le sujet central… Trois enfants puis des dizaines et des dizaines contre tout un système ? Quarante enfants qui humilient deux généraux. Ça ne pouvait que mal se terminer.

L’Auteure : Née en 1986. Etudes de littérature. Vit et travaille à Paris. Déjà auteur de quatre romans dont le remarquable «Nos richesses» (Prix Renaudot des Lycéens, Prix du Style et Prix Beur Fm, en 2017)

Avis : Un joli roman qui se lit d’un seul trait tant l’histoire annonciatrice d’une autre plus large. Prenante (et d’actualité) Il nous plonge dans un micro mouvement (populaire). Il est vrai que ce roman a dû être écrit juste après février 2019.

Citations : «Ils (les généraux) ont aussi parfois les hommes de l’ombre qui n’apparaissent sur aucun organigramme officiel, qui n’ont aucune fonction publique… Eux, possèdent souvent plus de pouvoir que des généraux et des ministres. Ce sont des hommes d’affaires, des proches du président, des faiseurs de rois ou de fous» (p 79, «Les différences de grade se gomment difficilement même une fois revenu à la vie civile» (p 102)

4. LA FAILLE. Roman de Mohamed-Chérif Lachichi, Editions L’Harmattan Algérie, Oran 2018, 800 DA, 283 pages.

Témoignage, récit, pamphlet, réalités, fiction, reportage, commentaire et analyse… tout un (heureux) mélange. Un genre que l’on retrouve beaucoup dans le monde de nos écrivains, tout particulièrement chez les nouveaux et les jeunes. Tout démarre dans une prison. Un journaliste incarcéré… injustement, cela va de soi… Un séisme… une rencontre avec un «parrain»… un gros, un très, très gros parrain… qui, à l’ombre de sa résidence au Club des Pins (décidemment !) fait et défait les carrières de presque tout ce qui vit et commerce sur la terre d’Algérie… tout en fumant de gros cigares, et dirigeant dans l’ombre.

L’Auteur : Né à Annaba. Après un passage dans le secteur économique, il entame, dès les années 90, une carrière de journaliste (grand reporter) dans la presse écrite algérienne (entre autres Liberté).Premier roman.

Avis : De la fiction ? Pas sûr. Une histoire qui a très bien démarré, qui ne s’est pas trop mal déroulée… mais qui s’est terminée banalement… Sauf s’il y a une suite !

Citation : «Tchipa, comme c’est mignon, voilà une des merveilles de la langue des Algériens d’aujourd’hui qui permet, sous ce nom si gracieux, de commettre quelque chose d’immoral et de très nocif, et ce, sans avoir jamais l’air d’y toucher. Tchipa, tout le monde la dénonce, mais rares sont ceux qui la refusent» (p.54)

5. CASA DEL MOURADIA. Roman de Mohamed Benchicou. Koukou Editions, Alger 219, 146 pages, 600 dinars

Déjà bien des livres édités portant sur le mouvement populaire du 22 février 2019 (le «Hirak») ! Ecrits, pour la plupart, par des journalistes qui ont essayé de retranscrire les évènements tout en tentant de les expliquer. Une très bonne chose que la réactivité éditoriale… encore que, peut-être, il fallait laisser «le temps au temps», c’est-à dire laisser le mouvement suivre son cours normal, bien l’observer, le laisser se décanter puis, enfin l’analyser. Une façon de participer à l’écriture de l’histoire «immédiate» comme une autre. On a déjà la photographie, l’humour et les slogans, les témoignages…

De l’or en barre pour les chercheurs de l’Université qui auront bien du «pain sur la planche». Tant mieux. Jusqu’ici, seuls Octobre 88 et le Printemps berbère ont connu un pareil intérêt… des journalistes et autres «observateurs sociaux». Mohamed Benchicou, lui, désormais plus écrivain – journaliste que journaliste-écrivain, a choisi une autre approche qui lui paraissait certainement bien plus convaincante. Il écrit donc le premier roman sur le «Hirak». Il fallait y penser… Il fallait pouvoir le faire. Bien et rapidement. Ne voulant pas s’empêtrer dans des personnages d’actualité, il s’en est allé loin, bien loin… En 2079. Soixante années après la «Révolution». Deux générations d’individus.

L’Auteur : Auteur de nombreux essais (dont le très fameux «Bouteflika, une imposture algérienne»… en 2004) et romans («La parfumeuse» en 2012 et «La mission» en 2014), d’un journal de ses deux années de prison («Les Geôles d’Alger»… en 2009), d’une pièce de théâtre («Le dernier soir du dictateur»… en 2010) et d’un recueil de poèmes («Je pardonnerai. Poèmes de prison»… en 2008) publiés en Algérie et à l’étranger. Il anime, aussi, un journal électronique d’informations (son journal «le Matin» a fait l’objet d’une «saisie-vente»).

Avis : De la fiction ? Non de la réalité bien vraie… romancée, et racontée… en 2079. Et, une larme d’humour… pour décrire une situation pourtant dramatique.

Citations : «La politique sourit avant tout à ceux qui savent l’exercer avec cynisme» (p 72), «Les conneries, c’est comme les impôts, on finit toujours par les payer. Et puis, il faut dire que ce soit la révolution ou le couscous, rien de ce qui est algérien n’est simple» (p 107)

6. LES AMANTS DE THÉVESTE. Roman historique de Abderrazek Bensalah, Casbah Editions, Alger 2018, 339 pages, 900 dinars

C’était le temps de la Berbérie byzantine… et deux années à peine avant l’invasion arabe en 647. Une histoire bien méconnue et qui deviendra, par la suite, plus obscure et plus incertaine… Le Maghreb était, alors, durant environ deux siècles, occupé par les Grecs, succédant aux Vandales. La monarchie byzantine avait su s’allier aux Berbères et avait créé une remarquable vitalité… Le décor est planté :

Théveste (aujourd’hui Tébessa), en 645 après J.C… et en l’An 23 de l’Hégire. Une région dominée par l’Eglise chrétienne, et par des grandes familles grecques, mais au bord de l’implosion. Des schismes à n’en plus finir ! Les donatistes, les monophysites, des moines et des nonnes venus (en réfugiés) d’Egypte… Et, des tribus aux rites souvent païens, toujours prêtes à lutter contre le pouvoir central et à changer de roi ! Lui, c’est Massil, un jeune garçon «charmant aux larges épaules», catholique, descendant des tribus des Aurès, toutes petits propriétaires de terrains agricoles et d’oliveraies. Ses parents s’étaient sacrifiés pour la réussite de ses études de médecine. Trente ans d’âge à peine et plus rien à perdre. Il quitte Madaure à peine pubère, seize ans d’âge. Il y revient en musulman. Il ne le cache pas bien que cela était très mal vu (pour la bourgeoisie et l’aristocratie grecques, ses principaux clients, il était un «renégat»), sachant bien que son art, exercé avec talent et humilité, rendant service aux pauvres et aux démunis, allait faire la différence… la foi faisant le reste.

Elle, c’est Mélanie, la fille du duc Jean. Ses parents appartenaient à une vieille famille grecque installée en Ifriquia depuis plus d’un siècle. Massil en est immédiatement amoureux fou. Ils arriveront à se marier et à vivre quasi-clandestinement leur amour. Mais les Arabes sont aux portes de la cité.

L’Auteur : Né à Annaba, médecin (Faculté d’Alger), spécialiste en ORL (Lyon), installé à Annaba. Passionné de littérature et d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, en majorité des romans historiques.

Avis : Une histoire d’amour passionnante (et compliquée) sur fond d’une Histoire du pays qui l’est encore beaucoup plus (passionnante et compliquée) En fin d’ouvrage, une brève mais intéressante chronologie des diverses occupations de la Berbérie.

Citations : «L’amitié peut remplacer l’amour lorsqu’une personne fait à une autre la grâce de sa présence» (p116), «L’histoire de ce pays (la Berbérie) est un éternel recommencement» (p 146).

7. LE DÉSORDRE COLONIAL. L’ALGÉRIE A L’ÉPREUVE DE LA COLONISATION DE PEUPLEMENT. Essai de Hosni Kitouni (préface de William Gallois). Casbah Editions, Alger 2018, 950 dinars, 378 pages

Un livre qui se limite seulement à la période 1830-1900, mais qui suffit amplement à montrer et à démontrer l’ampleur des désastres auxquels ont abouti 70 années de guerre, de dépossessions et de fiscalité prédatrice. Des causes importantes (bien qu’elles ne soient pas les seules) du chaos absolu. Résultat : la création de deux «castes», celle des «colons» et celle des «indigènes» (la plupart du temps classés par la suite sous des termes génériques : les «pieds noirs» et les «Arabes») ; deux castes dont l’une, la première citée, ne pouvait vivre et prospérer qu’aux dépens de l’autre «comme une sangsue de sa bête»… et ce durant plus de 130 ans. Et, au final, deux peuples irréconciliables constitutifs d’une impossible société nourrie de violence, de racisme et d’exclusion politique. Le trauma colonial est tel qu’aujourd’hui encore, il «occupe» la sphère mentale des Algériens, y compris bien des jeunes, secoués par le récit des «pères»…. et se sentant incompris par une «histoire de la colonisation» (mis à part quelques exceptions à saluer) osant vanter ses «bienfaits».

L’Auteur : Chercheur indépendant en histoire du fait colonial. Déjà auteur d’une monographie sur la Kabylie orientale dans l’histoire (2013) et de plusieurs études consacrées à la violence et aux changements induits par les dépossessions massives au cours du XIXème siècle

Avis : On en apprend des choses… que même les historiens académiciens n’avaient pu déceler. De plus, les mots utilisés sont justes et forts car dépourvues de la froide rigueur du scientifique. D’où, un livre sans ressentiment complètement utile.

Citations : «En raison des désastres humains dont elle a été la cause, la colonisation de peuplement est devenue synonyme de barbarie et de génocide» (p 17),

8. LES AILES DE DAOUYA roman de Rabia Djelti (traduit de l’arabe par Mohamed Sehaba), Editions Barzakh, Alger 2019, 201 pages, 800 dinars.

Elle est jeune, elle est belle, elle est riche, elle est généreuse… si jeune, si belle, si riche (très à l’aise matériellement), si généreuse… qu’il se met à lui pousser des ailes. Et pourtant, sa grand-mère Hanna Nouha, l’avait moult fois mise en garde : «La beauté est à la fois, une bénédiction et un châtiment»… «La beauté fatigue, même si elle possède des ailes»… «Quand Dieu veut châtier une fourmi, IL lui fait pousser des ailes»… Paroles prémonitoires que celle-ci, car Daouya, la bien-nommée avait bel et bien des ailes qui lui poussaient. Sans savoir, au départ, le pourquoi du phénomène physique qui lui paraissait assez handicapant au départ. D’où sa manie de toujours s’envelopper d’un manteau marron. Elle voyage beaucoup à partir de sa ville natale, Oran. Alger… Damas surtout. Heureusement, il y a Ibrahim… rencontré par «hasard» lors d’un voyage, dont elle tombe assez vite amoureuse. Enfin ! Mais hasard, dites-vous ? En fait, Daouya fait partie des «Ailés».

L’Auteure : Née en août 1954 à Bouaânani (et épouse de l’écrivain Amin Zaoui… Etudes primaires au Maroc, secondaires à Oran, universitaires à Oran (littérature arabe)… Magister et Doctorat d’Etat à Damas. Enseignante universitaire. Poétesse, romancière et traductrice, auteure de plusieurs œuvres… et Prix de la Création littéraire arabe pour l’ensemble de son œuvre (Abu Dhabi, 2002). Elle est l’épouse d’Amin Zaoui.

Avis : Roman du réel, roman d’anticipation, un savant mélange que l’écriture que l’on ressent délicate, musicale même – surtout si on se met à la penser, parallèlement, en arabe- (l’âme est profondément poétique) rend aisé à lire. Prenant jusqu’à la dernière ligne.

Citations : «La beauté est à la fois une bénédiction et un châtiment. Elle est souffrance et jouissance. Toute femme, aussi belle fut-elle, verra, avec le temps, la vérité dans son miroir. Elle se verra, nue. Tel sera alors le lot de son apparence»» (p 13),, «Toutes les guerres sont sales : il n’y a pas de guerre sans coupables et sans victimes» (p 64), «L’immobilisme invite à la destruction, aux malversations, aux atteintes physiques, à la barbarie, à la tuerie, en un mot, à la négation de tout ce qui réfère à la civilisation humaine» (p 124), «Le temps chez les Arabes est comme un vieux gardien d’immeuble à la vue basse. Sa présence est de pure forme. Il dort la bouche ouverte…» (p 170)

9. JEUX DE POUVOIRS EN ALGÉRIE. PLUMES REBELLES. Essai de Mohamed Koursi. Editions Médias Index, Alger 2019, 454 pages, 800 dinars

L’histoire de la presse nationale et du journalisme a, certes, commencé depuis assez longtemps, avec ses travaux de recherche universitaire ou de simples écrits mémoriels et des auteurs désormais connus…

Mais, l’histoire de la presse nationale contemporaine (poste-62) restait encore à (par-) faire… Il manquait, cependant, quelque chose. Son histoire racontée de l’intérieur par un journaliste – enseignant universitaire de surcroît – qui y a vécu assez longtemps et qui y a pratiqué ; une histoire des (grands et petits) faits et des (grands et petits) hommes ainsi que des (larges ou restreints) contextes; ceci pour mieux comprendre (accepter ou rejeter) les attitudes (politiques surtout) et les comportements dans le traitement de la nouvelle. En temps de paix comme en temps de crise. C’est désormais fait… et le titre, «Jeux de pouvoirs… plumes rebelles», annonce d’emblée les «couleurs». Un ouvrage qui traverse le temps.

L’Auteur : Sociologue de formation, enseignant universitaire et journaliste. Son ouvrage, «Journalistes en Algérie : Destins individuels, histoire collective» a reçu le Prix Essai à la Journée du manuscrit francophone (Paris, 2018)… Il l’a revu et augmenté, tenant compte de la «révolution du 22 février 2019»

Avis : Une grande «biographie de l’absence» qui rappelle à la mémoire des lecteurs et auditeurs de presse, toujours rapidement oublieux, les existences d’hommes et de femmes d’Algérie ayant fait la légende d’un métier dur, mais à la vie trépidante et endiablée ; d’hommes et de femmes qui ont construit l’information nationale face aux multiples pouvoirs toujours se voulant dominateurs. Plus qu’utile… Absolument nécessaire aux futurs journalistes. Trop nostalgiques, s’abstenir !

Citation: «Ce système (régime Bouteflika ) qui se nourrit d’une matière et d’une croyance est adossé à une architecture sociale segmentaire : la rente énergétique, la rente symbolique et le ciment népotique…Trois rentes qui ont causé un désordre moral, historique, social, technique et politique» (p 449)

10. LIBERTéS, DIGNITé, ALGÉRIANITé. AVANT ET PENDANT LE «HIRAK». Essai de Mohamed Mebtoul, Koukou Editions, Cheraga Alger 2019, 222 pages, 800 dinars.

Un ouvrage qui s’est construit à partir d’une chronologie des événements socio-politiques majeurs qui ont eu lieu durant six mois en Algérie. Un ouvrage structuré en quatre parties. Un mode, nous dit l’auteur, qui rend compte de la temporalité politique à l’origine d’événements saillants avant et après le 22 février 2019 : Conclusion : «Il est impossible, quelle que soit l’issue des événements ultérieurs, de faire abstraction du mouvement populaire qui a émergé de façon inédite, le vendredi 22 février 2019»…

L’Auteur : Professeur de sociologie (Université Oran II), chercheur associé au Gras (Unité de recherche en Sciences sociales et Santé), auteur de plusieurs ouvrages (auteur dont le tout dernier, présenté déjà en Mediatic, «La citoyenneté impossible ?», Koukou 2018/ direction/collectifs)

Avis : De la real-sociologie, toute chaude, comme on voudrait en consommer tous les jours… pour mieux supporter (ou se révolter) notre quotidien.

Citations : «La violence du politique a profondément structuré la société algérienne. Elle s’incruste dans les différentes institutions nationales et locales fabriquées par le politique» (p 16), «Le pouvoir est comme une tumeur, il faut une chimiothérapie «chaque vendredi» (une jeune fille lors des marches, citée p 88), «Mes rêves seront vos pires cauchemars. Nos chants vos pires réveils» (un slogan lors des marches du Vendredi, cité p 89), «La réussite sociale éteint la colère comme les bons repas assouvissent les appétits. Il faut de la vertu pour cultiver de la colère» ( Garrigou A. «Un jeune homme en colère», Paris 2005, Ed. du Croquant, cité p 125).


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