LIVRES / TOUT UN CINEMA !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres 

Le cinéma à son âge d’or. Cinquante ans d’écriture au service du septième art. Recueils d’articles de Ahmed Bedjaoui, Chihab Editions, Alger 2018, 1000 dinars, 273 pages 

Premier article sur le cinéma… en 1963 dans le quotidien «Alger Républicain». Encore lycéen, préparant le concours d’entrée à l’Idhec de Paris. Un article – sur le film suédois d’Ingmar Bergman, «La Source» – dont il n’a gardé aucune trace. 

1966 : Intégration dans l’équipe de la toute nouvelle Cinémathèque algérienne… L’heure de gloire du cinéma. Il y avait alors, en Algérie, 400 à 450 salles en activité et des millions de spectateurs. Et, à «El Moudjahid», le nouveau quotidien, créé après juin 1965…il y avait Halim Chergui (Guy Hennebelle) … Halim Mokdad (alors chef de la rubrique culturelle) et d’autres… La rubrique programmation cinématographique des journaux tenait en place de choix… et les salles fonctionnaient parfois en continu… au grand bonheur des familles, des étudiants… et des amoureux (en tout bien, tout honneur, qu’on se le dise !). 

1967 : Collaborateur (comme on n’aimait pas du tout, à l’époque, les «cumulards», il signait du pseudo de Reda Koussim…un nom emprunté au footballeur sétifien encore étudiant mais déjà célèbre pour sa «force de frappe») d’ «El Moudjahid». 

Après 1967, on a des émissions à la radio (67-69), la collaboration hebdomadaire dans «El Moudjahid» (une présentation critique des films de la semaine… à voir)… puis dans «Les deux Ecrans» (dirigé par Abdou B.), puis «Télé-ciné-club» à la télé… et des articles par dizaines. Tout en se préparant à une carrière d’universitaire (encore aujourd’hui au sein de la Faculté des sciences de l’Information, Alger 3). Et, cela dure encore. Monsieur Cinéma, toujours sur le front ! Il a vu, critiqué et présenté les plus beaux films et connu les plus grands cinéastes et acteurs (et actrices)… Et, toujours pas découragé par la non-tenue de la promesse gouvernementale, en 1968, d’ouvrir dans l’année, une cité du cinéma et des laboratoires de traitement de films (alors que les budgets étaient dégagés et inscrits… ce qui a laissé supposer qu’il y avait, selon moi, déjà, «anguille sous roche», les travaux à l’étranger rapportant bien plus et bien mieux aux dirigeants… ceci dit, par moi, pour montrer que le phénomène de la «corruption» ne date pas des années 2000), par la descente aux enfers du cinéma national qui a suivi avec la transfert des salles aux APC et la nationalisation de l’importation et la distribution (seuls les «copains» et quelques coquins échapperont au rouleau compresseur du «socialiste algérien» ), lui, «qui ne s’est considéré comme critique que lorsqu’il regardait dans une salle obscure au sein d’un public qui paie son ticket d’entrée». Certainement, et heureusement, pour compenser -les conférences-débat et les séances de dédicaces ne suffisant pas à atténuer la peine – il a déjà produit plusieurs ouvrages de référence… sur le cinéma. Et, une dernière sortie remarquée à Ouagadougou en tant que président de jury au Fespaco. 

Donc, un grand nombre d’articles classés en trois parties : Cinéma arabe, cinémas du Sud (avec un magnifique entretien (quand ? et publié où ?) avec Farouk Beloufa –un réalisateur fabuleux laminé par le «système»- qui venait de prendre une part active à la production du film de Y. Chahine, «Le retour de l’enfant prodigue») / Cinéma africain/ Cinéma algérien (avec un article sur «La nuit a peur du soleil» de Mustapha Badie, une œuvre «impressionnante, aujourd’hui, par sa classe et par son niveau technique», mais film alors boudé non par le public mais par le secteur cinématographique algérien naissant / Cinéma de femmes, femmes au cinéma/ Cinéma mondial/ Littérature et cinéma/ et, des Hommages (Azzedine Meddour, Hassen El Hassani, Momo, Abderrahmane Bouguermouh, Djamel-Eddine Chanderli, Youssef Chahine, Jacques Panijel, Boualem Bessaih, Anderrahmane Laghouati, René Vauthier, Stevan Labudovic, Cécile Decugis) 

L’Auteur : Titulaire d’un Doctorat en littérature américaine. Professeur des Universités et de la Faculté de communication de l’Université Alger 3, Directeur artistique du film engagé d’Alger. Auteur de quatre ouvrages sur le cinéma, tous parus chez Chihab. Médaille Frederico Fellini (Unesco), en 2015), pour services rendus à la culture cinématographique à travers le monde. 

Extraits : «Il est vrai que les Algériens vont moins au cinéma puisque les salles qui doivent les recevoir restent fermées. Mais il est faux de dire qu’ils regardent moins de films. Ils en consomment plus que jamais, mais sur des supports nouveaux» (p 15), «Le secteur cinéma s’est engagé pendant dix ans dans une surenchère schizophrénique avec Hollywood comme modèle et le rêve socialiste pour contenu» (p 265, El Khabar, juillet 2012), «Aujourd’hui, privé de son public et dépourvu de toute base industrielle ou commerciale, le cinéma algérien se meurt en découvrant que l’argent seul, même coulant à flots, ne suffit pas à le faire exister» (p 269, El Khabar, juillet 2012 

Avis : Nostalgie, nostalgie! Dans les yeux de l’auteur bien plus que dans ceux des Algériennes et des Algériens. Bedjaoui sera-t-il compris par les accro’ du «tech-cinéma» consommé en dehors de toute salle…et, souvent, en solitaire … Pas sûr ! La consommation filmique aujourd’hui ? Toujours recherchée et prisée. Mais, un autre monde et sous d’autres formes et avec d’autres moyens. Quant à l’ «industrie» cinématographique nationale (a-t-elle réellement existé ?), il n’est pas certain qu’elle revive… En tout cas, pas comme on l’a vécue par le (lointain) passé. 

Citations : «Le cinéma vit toujours dans les souvenirs. Cette image exprime à la fois la nostalgie d’une Algérie brillant par son cinéma et la détresse d’un secteur condamné à vivoter» (p 13), «Par sa capacité à placer dans une salle obscure l’individu au centre d’un groupe pour partager des émotions, le cinéma libère l’imagination du spectateur et son goût pour la liberté ( p 272, El Watan, mars 2005) 


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