Algérie / Le religieux marocain Ahmed Raissouni a appelé à marcher sur Tindouf : Sous le tapis du prédicateur, l e grand malaise marocain

        Le grand malaise marocain

Les propos de M. Raissouni, qui incitent à la «guerre entre musulmans», selon un chef de parti algérien, ont été rejetés par l’Union internationale des savants musulmans à laquelle il appartient. A les analyser, ils dévoilent un discours de nervosité et de diversion par rapport à la situation interne au royaume…

PAR NAZIM BRAHIMI


Le prédicateur marocain, Ahmed Raissouni, par ailleurs président de l’Union internationale des Savants Musulmans (UISM), vient de se distinguer par des propos dangereux et d’une extrême gravité en déclarant que le roi Mohamed VI et le «peuple marocain» sont prêts à «marcher» sur Tindouf et Laâyoune dans le territoire occupé du Sahara Occidental.
«Le peuple marocain est prêt à marcher sur Laâyoune et Tindouf. Il est prêt à y rester des semaines entières», a lancé le prédicateur qui se revendique, par la même occasion, discipline d’Allal El Fassi, tout en provoquant l’autre voisin du royaume chérifien, la Mauritanie, considérant que «le Maroc doit redevenir comme il était avant l’invasion européenne, quand la Mauritanie faisait partie de son territoire».

L’on peut noter que l’appel belliqueux du religieux marocain est frappé d’anachronisme qui nous renvoie à près de 60 ans en arrière, précisément aux premières années de l’Indépendance de l’Algérie quand éclatait «la guerre des sables» du 25 septembre 1963 au 20 février 1964 après le cessez-le-feu acté par les deux parties sous l’égide de la naissante Organisation de l’unité africaine (OUA). Un temps révolu, mais dont l’évocation par un prédicateur proche du palais royal indique que ce dernier n’a pas encore soldé ses vieux démons expansionnistes et de remise en cause sur l’intangibilité des frontières des états indépendants de la tutelle coloniale, au prétexte d’une ancienneté de la royauté au Maroc.

Des observateurs incitent cependant à la réflexion sur le fait de cibler Tindouf. Elle procède selon eux d’une rhétorique révélatrice de l’inquiétude de l’establishment marocain et de son obstination à résumer ses difficultés par la seule désignation du «responsable algérien». Elle est en rapport, expliquent certains d’entre eux, avec l’obsession des réfugiés sahraouis qui, selon le Palais, sont des otages aux mains du Front du Polisario avec l’aide, selon le discours de la partie marocaine, de l’Algérie. Une perception de la question sahraouie pour le moins contraire à la réalité du conflit qu’elle représente et que Rabat cherche à étouffer à l’intérieur même du territoire sahraoui qu’il contrôle en pratiquant la répression systématique de toutes les initiatives et les voix qui rappellent et revendiquent les spécificités culturelles et identitaires des Sahraouis, en faisant la chasse aux militants indépendantistes.

Le fond, sinon l’enjeu, de cette séquence d’hostilité renouvelée envers l’Algérie et ses positions sur le conflit, n’est dès lors pas sans lien avec les difficultés du Royaume aux Nations unies et ses peines à convaincre les diplomates onusiens et les envoyés spéciaux du secrétaire général, M. Guterres, de la justesse de ses thèses. C’est ce qui s’est passé tout récemment lors de la tournée de l’envoyé spécial, Staffan De Mistura. Ce diplomate chevronné a refusé d’aller à Laâyoune après avoir compris qu’il n’avait pas sa liberté de mouvement et qu’il ne devait rencontrer que les seuls notables locaux acquis au Palais. Devant cette situation, l’envoyé spécial fu chef des Nations unies a tout simplement annulé son déplacement. Un échec pour Rabat et des questions sur la morale des jeux de puissance et d’influence de grands pays occidentaux et arabes en faveur du Maroc et de sa domination d’un territoire légalement programmé pour un référendum d’autodétermination.

Le fond, c’est également le contexte sociopolitique visiblement explosif au Maroc avec un pouvoir d’achat en chute libre créant une tension sociale aux conséquences imprévisibles. Il y a aussi un malaise qui s’est installé dans le pays à la suite de la normalisation avec Israël notamment après les récentes frappes contre la bande de Gaza en Palestine occupée. Il semblerait, sur un autre registre, que le palais est dans une situation de pré-succession avec la maladie de Mohamed VI qui est manifestement accompagnée par la mise en avant de plus en plus fréquente du jeune Hassan III.
Une succession qui ne sera pas, selon toute vraisemblance, une simple formalité aussi bien pour des considérations internes au Palais que pour le rôle que tente de jouer Rabat sur l’échiquier régional notamment depuis qu’il a trouvé en l’entité sioniste le véritable allié.

Tout ça préfigure d’une situation d’incitation à occuper l’opinion marocaine épuisée en désignant Tindouf et l’«ennemi algérien», parfait bouc-émissaire en temps de crise.
A titre illustratif, le taux de chômage chez les jeunes notamment diplômés de l’enseignement supérieur au Maroc dépasse des niveaux records. Le Haut-commissariat au plan (HCP) indique également que près de 5 millions de jeunes marocains âgés de 15 à 24 ans sont en dehors du marché du travail, relevant que la hausse du taux de chômage est plus accentuée en milieu urbain et parmi les jeunes femmes.
Le chômage concerne 31,8% des jeunes âgés de 15 à 24 ans, contre 13,7% pour les personnes âgées de 25 à 44 ans et 3,8% pour les plus de 45 ans, selon le même organisme public.

Le dérapage du prédicateur marocain a suscité une large désapprobation de diverses représentations en Algérie, à l’image de l’Association des oulémas musulmans algériens, qui par la voix de son président, Abderrezak Guessoum, a «appelé» Ahmed Raissouni à «s’excuser auprès du peuple algérien» au risque de voir l’Algérie lui retirer sa confiance et quitter l’Union internationale des Savants Musulmans (UISM).
Pour sa part, le président du MSP, Abderrezak Makri, a plaidé pour le «renvoi» de Raissouni de la tête de l’organisation évoquant «un appel à la guerre entre deux pays musulmans». <


          Algérie – Maroc : le grave dérapage d’un prédicateur marocain

 

Le président de l’Union mondiale des savants musulmans, le Marocain Ahmed Raissouni, a franchi dangereusement la ligne rouge.

Dans un dérapage d’une gravité extrême, il a incité publiquement le roi Mohamed VI à appeler le peuple marocain à marcher sur Tindouf en Algérie et Laâyoune, dans les territoires occupés du Sahara occidental.

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« Le peuple marocain est prêt à marcher sur Laayoune et Tindouf. Il est prêt à y rester des semaines entières », a-t-il dit, en réponse à une question sur la question du Sahara occidental.

Dans la foulée, Ahmed Rouissi, qui se revendique comme un disciple d’Allal el Fassi, a provoqué la Mauritanie dont il a qualifié l’existence d’erreur. « Le Maroc doit redevenir comme avant l’invasion européenne, dont la Mauritanie faisait partie », a-t-il dit.

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Pour Ahmed Rouissi, la question du Sahara est une « fabrication de la colonisation, tout comme la Mauritanie ». Et de feindre de s’indigner que le gouvernement marocain ait misé sur son rapprochement avec Israël au détriment du peuple marocain pour le règlement de la question du Sahara occidental.

La mise en garde d’un diplomate algérien

L’homme de religion a affirmé que le peuple marocain, les savants et les prédicateurs du Maroc étaient prêts à se « sacrifier » et à « se mobiliser » pour « marcher par millions sur Laayoune et Tindouf, si le roi le demande. »

Les propos choquants et dangereux d’Ahmed Raissouni n’ont pas tardé à provoquer des réactions en Algérie. « Cet hurluberlu est un faussaire doublé d’un dangereux aventuriste qui est visiblement gavé et intoxiqué par la propagande expansionniste du Makhzen en général et par celle du parti de l’Istiqlal en particulier (thèse cocasse du grand Maroc de « Tanger jusqu’à Saint-Louis du Sénégal ») », a déclaré à TSA, un diplomate algérien proche du dossier.

Pour le diplomate algérien, ce « grave dérapage remet en cause l’indépendance et la souveraineté d’un pays frère et voisin, qui est la Mauritanie, et que le Maroc a mis neuf ans avant de reconnaître formellement tout en s’accrochant au rêve désespéré de colonisation du territoire du Sahara Occidental ».

En tenant des propos aussi dangereux à l’égard de deux pays voisins, Ahmed Raissouni porte un coup dur à l’image du Maroc qui cherche à soigner son image de pays pacifique tout en essayant de diaboliser l’Algérie. En réalité, le royaume multiplie les actes belliqueux à l’égard de ses voisins.

« Ce savant de pacotille confirme que le référent aux « frontières authentiques » du Maroc (article 42 de la constitution) est la matrice officiellement assumée et glorifiée de cet expansionnisme rampant et déstabilisateur qui sape profondément la notion de bon voisinage et alimente, dans l’esprit des illuminés formatés par la propagande, de vaines prétentions territoriales qui exposeront tout acte belliciste envers notre intégrité territoriale à des conséquences incalculables », met en garde le diplomate algérien.

En octobre 2021, Dahou Ould Kablia, ancien ministre algérien de l’Intérieur, a rappelé la doctrine expansionniste d’Allal el Fassi, le défunt président du parti nationaliste marocain « Istiqlal ». « Pour lui (Allal el Fassi, NDLR), les frontières du Maroc s’étendent de Saint-Louis au Sénégal jusqu’à Saidia, en passant par Béchar, Adrar, Tindouf et même la Mauritanie », a détaillé l’ancien ministre de l’Intérieur.


                               En Algérie, les appels à destituer Ahmed Raïssouni se multiplient

Les appels à destituer le président de l’Union internationale des oulémas musulmans (UIOM), le Marocain Ahmed Raissouni, se multiplient après ses propos graves sur l’Algérie, la Mauritanie et le Sahara occidental.

Dans un entretien à Awras TV, le prédicateur marocain a dit que le peuple marocain était prêt à marcher sur Tindouf en Algérie et Laâyoune, dans les territoires occupés du Sahara occidental.

Lire aussi : Algérie – Maroc : le grave dérapage d’un prédicateur marocain

Une source diplomatique algérienne a qualifié lundi Ahmed Raissouni de « faussaire » doublé « d’un dangereux aventuriste qui est visiblement gavé » et « intoxiqué par la propagande expansionniste du Makhzen ».

La ligue algérienne des droits de l’Homme (LADH) a dénoncé ce mardi 16 août avec force l’ « inacceptable dérapage » d’Ahmed Raissouni, à travers ses déclarations sur l’Algérie, le Sahara occidental et la Mauritanie.

« Ce disciple du père de la propagande expansionniste marocaine Allal el Fassi a, à travers son appel à marcher sur Laâyoune occupée et Tindouf, tout en niant l’existence d’un autre pays voisin, à savoir la Mauritanie, est sorti de ses prérogatives de président de l’Union mondiale des savants musulmans », affirmé mardi 16 août, la LADH dans un communiqué.

A travers sa déclaration « ubuesque », l’actuel président de l’Union mondiale des oulémas musulmans dont les « buts et les objectifs sa création sont de prôner le vivre-ensemble et les véritables valeurs de l’Islam, de fédérer les savants musulmans, mais aussi et surtout de rassembler et d’unir les pays musulmans dont l’Algérie, le Sahara occidental, la Mauritanie et le Maroc,  tente de détourner l’organisation de ses objectifs afin de l’exploiter à des fins politiciennes », a accusé l’ONG.

Discrédit

« L’animosité, la haine et l’allégeance de Ahmed Raissouni à un système colonialiste et aux ambitions expansionnistes démesurées pratiquant une politique d’apartheid dans les territoires occupés du Sahara occidental le discréditent en tant que président de l’Union mondiale des savants musulmans », pointe la LADH.

Elle appelle le conseil d’administration et le secrétariat général de l’Union à organiser, « dans les plus brefs délais », une assemblée générale afin de destituer Ahmed Raïssouni de son poste de président de cette organisation. Pour la Ligue algérienne des droits de l’homme, le prédicateur marocain «  enfreint l’ensemble des principes et objectifs de l’organisation. »

L’association des Oulémas musulmans algériens a elle aussi réagi par la voix de son président.  Abderrazak Guessoum a qualifié les propos de Raissouni de belliqueux. Dans des déclarations au site Sabq Press, Guessoum a estimé que le communiqué publié par l’UIOM était timoré, invitant Raissouni soit à retirer ses propos ou à démissionner.

Dans le cas contraire, Guessoum affirme que toutes les possibilités sont ouvertes en soulignant que l’association des oulémas musulmans algériens qu’il préside est prête à se retirer de l’UIOM. « Nous allons tenir une réunion de concertation entre les oulémas membres de l’UIOM en vue de prendre une position par rapport aux propos graves de Raissouni », a indiqué Guessoum.

La classe politique algérienne continue de réagir au grave dérapage du prédicateur marocain. Le MSP, le mouvement Al Bina et le FLN ont appelé Raissouni à inciter plutôt les Marocains à se soulever pour réclamer les deux enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, au lieu de lancer un appel à marcher sur Tindouf.

Le président du Front El Moustakbal, Abdelaziz Belaïd, a dénoncé l’atteinte de Raissouni à l’intégrité territoriale de l’Algérie. Pour Belaid, la sortie du prédicateur marocain est un appel au terrorisme.

Deux figures médiatiques algériennes, Hafid Derradji et Khadidja Benguenna, ont également dénoncé la sortie de Ahmed Raissouni.


 

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