Le Maroc, l’Occident et Israël

    La reconnaissance unilatérale du Sahara marocain – par le président sortant des États-Unis, Donald Trump, le 10 décembre 2020 – consécutive au lobbying des réseaux pro-israéliens, en contrepartie de la normalisation israélo-marocaine, est un événement important, mais il n’est que l’écume des choses.

 

Le présent dossier retracera à grands traits l’histoire ethnique, territoriale et géopolitique de l’empire marocain, avant de se focaliser sur l’époque contemporaine qui se caractérise, à partir du début du XIXe siècle, par une chute de puissance, une décadence politique, un dépeçage par les puissances coloniales et une amputation par ces dernières d’une partie des territoires historiques du Maroc.

Les alliances du royaume chérifien, que l’on peut juger comme étant contre nature, sont l’héritage de cette histoire précoloniale, coloniale et post coloniale, ainsi que de la période de guerre froide.

Ce sont ces évolutions historiques des XIXe et XXe siècles qui permettent également de saisir la nature complexe, fraternelle et conflictuelle de la relation algéro-marocaine.

La seconde partie du dossier analysera la stratégie et le comportement des israéliens – et de leurs relais – vis-à-vis du Maroc et du reste du monde arabo-musulman. Nous verrons que la reconnaissance, par Donald Trump, du Sahara marocain, obtenue par le lobby pro-israélien, risque d’être éphémère, et que ceux qui la remettent d’ores et déjà en question sont également de fidèles serviteurs d’Israël au Sénat et dans l’appareil d’État américain. Cela n’est guère surprenant lorsque l’on connaît la vision du monde, les valeurs et les méthodes du lobby juif sioniste, coutumier du double jeu, ce que le Maroc pourrait apprendre à ses dépends.

Plan :

Partie I – Sahara marocain, décolonisation et création du Polisario

  • Sahara marocain, Maroc sahraoui : une histoire millénaire
  • La décadence politique du Maroc (XIXe-XXe siècles) et la perte du Sahara
  • Décoloniser en opposant Maroc et Algérie
  • Le Maroc et l’Algérie au temps de la guerre froide : contexte idéologique et géopolitique
  • La question du Sahara marocain

Partie II – Le Maroc dans la géopolitique occidentale et israélienne

  • Le Sahara occidental et les droits de l’homme : les éternels leviers de pression sur le Maroc
  • Le Maroc se tourne vers la Russie et la Chine
  • Le roi Mohamed VI : « il y a un complot qui vise la stabilité du monde arabe »
  • Le cerveau de ce « complot » contre le monde arabo-musulman : Israël

– Normalisation des relations israélo-marocaines en échange de la reconnaissance du Sahara marocain par Donald Trump

  • Le rabbinat et le lobby juif pro-israélien à la manœuvre
  • Que vaut la reconnaissance du Sahara marocain par Trump ?
  • Reconnaître Israël en échange d’un « plat de lentilles »

– Enseignement de la culture juive, lutte contre l’antisionisme et l’antisémitisme au Maroc

– Conclusion et enseignements à tirer de l’histoire récente

  • Premier exemple historique : Israël et les chrétiens du Liban
  • Deuxième exemple : le Shah d’Iran

 

Partie I

Sahara marocain, décolonisation et création du Polisario

 

Sahara marocain, Maroc sahraoui : une histoire millénaire

Les liens historiques et ethniques qui lient le Maroc actuel au Sahara occidental sont antiques. Le royaume antique de Maurétanie (le pays des Maures), ancêtre du royaume du Maroc, qui a été fondé entre le VIe et le IVe siècle avant J.-C, s’est composé progressivement de différentes tribus et confédérations de tribus berbères (Amazigh), dont les Sanhaja du Sahara. Ces imazighen du Sahara, les Sanhaja, sont une des composantes importantes du peuple marocain. Ce que les archives historiques marocaines mettent en évidence, comme l’a rapporté le Lieutenant de la Chapelle dans son ouvrage Le Sultan Moulay Isma’il et les Berbères Sanhaja du Maroc central (1931) :

« Les Sanhaja sont depuis des siècles dans le Moyen Atlas, le Haut Atlas central et le Sahara occidental. Longtemps leurs mouvements de transhumance les ont fait osciller entre ces régions complémentaires et les ont entrainés sans doute au delà, jusqu’aux plaines atlantiques, par ce mouvement instinctif qui a constamment porté du désert à la Méditerranée les tribus nomades de l’Afrique du nord… L’établissement au Maroc de la dynastie des almoravides (1055), qui sortait d’une de leurs fractions de Mauritanie, dut favoriser quelque temps leur extension…

Les Sanhaja occupent aujourd’hui une longue bande de territoire, sensiblement orientée nord-sud, qui a son unité linguistique et s’étend de Rabat, de Meknès et de Fès jusqu’au Sahara : c’est le pays des Zemmour, des Gerwan, des Zayyan, des Aït Mgild, auxquels il faut peut-être ajouter les Zaer et les Aït Ndjir (ou Beni Mtir) ; les confédérations du Moyen Atlas central et occidental et Haut Altas central, Aït Oumalou et Aït Yafelman, en font partie ainsi que certaines tribus vivant au nord, au sud et à l’est de Sefrou, jusque dans les montagnes des Aït Warain, au sud de Taza. Tout cet ensemble est prolongé vers le sud par la grande confédération des Aït Atta qui a son centre dans le Jbel Saghro et qui participe à la fois à la vie des grands nomades du désert et à celle des transhumants de la montagne. »[1]

C’est du Sahara d’où sont issue les Almoravides (« Imrabden » en berbère, « Al-Mourabitoun » en arabe). Dès cette époque – depuis 1000 ans – ainsi qu’on le voit sur la carte ci-dessous, le Sahara occidental fait partie intégrante du territoire marocain.

Sous la dynastie alaouite (qui règne depuis le milieu du XVIIe siècle), les frontières du Maroc englobaient le Sahara avant que l’Espagne ne se l’accapare en 1860 :

La décadence politique du Maroc (XIXe-XXe siècles) et la perte du Sahara

Au XIXe siècle, le colonialisme européen entamera l’intégrité territoriale du Maroc et accélérera sa décadence politique – dès le début du XIXe siècle, le pouvoir royal, affaibli, est remis en question par nombre de tribus en révolte[2]. D’ailleurs, ces révoltes et contestations de la légitimité des sultans dureront jusqu’au début du XXe siècle avec l’intervention française qui assurera la stabilité de la monarchie vacillante.

Rappelons au passage que durant la conquête française de l’Algérie, qui commence en 1830, le Maroc, par son sultan Moulay Abd ar-Rahman (1822-1859), soutient, par des armes et des vivres, l’émir  algérien Abdelkader ibn Muhieddine. Après sa défaite, en mai 1843, Abdelkader se réfugia au Maroc.

Le 8 mai 1844, une troupe marocaine attaqua une unité militaire française. Ce soutient du Maroc à l’Algérie entraina alors une guerre franco-marocaine, aussi appelée « l’expédition du Maroc ». Ce fut là le prétexte pour la France d’intervenir au Maroc et d’en prendre le contrôle progressivement.

Après l’Algérie colonisée par la France, c’est le royaume chérifien qui sera la cible des puissances occidentales qui se partageront son territoire ; partage officialisé lors de la conférence de Madrid de 1880 à laquelle ont participé la France, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Belgique, l’Espagne, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède, la Norvège, le Danemark et le Maroc.

En 1863, la France obtient des privilèges douaniers analogues à ceux de l’Angleterre. Le Maroc abandonne une bonne partie de sa souveraineté en matière douanière, fiscale et judiciaire.[3]

Le pays est sous pression. Privé d’une partie de ses ressources traditionnelles, le Maroc s’endette auprès des banques britanniques, notamment pour payer à l’Espagne une indemnité de guerre (celle de 1859-1860) qui s’élève à plusieurs millions de livres sterling.

En 1860, le Maroc perd son Sahara au profit de l’Espagne. Une des clauses du traité de paix de Ceuta (26 avril 1860), signé par le sultan, donna à l’Espagne le Sahara marocain :

« Sa Majesté marocaine s’engage à concéder à perpétuité à sa Majesté Catholique, sur la côte de l’Océan, près de Santa-Cruz la Pequeña, le territoire suffisant pour la formation d’un établissement de pêcherie, comme celui que l’Espagne y posséda autrefois… »[4]

Le XXe siècle marocain commence par le partage du pays entre la France et l’Espagne. Le 7 avril 1906, l’Acte d’Algésiras reconnaissait formellement l’indépendance du Maroc, mais dans les faits, le pays était dépecé. La France prend le contrôle de Rabat, Mazagan, Safi et Mogador ; tandis que Tanger et Casablanca étaient partagés avec l’Espagne qui obtenait Tétouan et Larache. La France était également majoritaire dans la banque d’État du Maroc, maitrisant ainsi les finances et donc la politique du pays.

En 1900, un traité franco-espagnol octroya à la France la région comprise entre Rio de Oro et le Sénégal, à savoir ce que la France créa et appela, en 1960, « République islamique de Mauritanie ». Une région qui appartenait au Maroc. Xavier Coppolani (1866-1905), premier commissaire français dans la région, en avait pleine conscience :

« J’espère que vous n’avez pas oublié que la Mauritanie était le prolongement naturel du Maroc, d’où, autant que partout ailleurs, il nous est possible de participer à l’œuvre entreprise…

Nous avons aujourd’hui franchi la barre du Sénégal et si vous le vouliez, nous, nous pourrions êtres au contact de ce ‘‘bled el maghzen’’ (NDA : pays de l’État marocain) par l’intermédiaire des personnages religieux de l’Adrar (NDA : la « montagne » en berbère) dont l’action s’exerce dans les principaux centres chérifiens. »

(Coppolani, lettre au Ministre des Colonies, août 1904)[5]

Le 30 mars 1912 à Fès, la République française et le Sultan Moulay Abd El Hafid concluent le traité franco-marocain appelé officiellement Protectorat français dans l’Empire chérifien[6].

Ce traité ne laissait au sultan qu’un pouvoir symbolique et spirituel. Il n’avait en réalité pas le pouvoir réel (législatif, exécutif et judiciaire).

Le 27 septembre 1912, le traité de protectorat espagnol sur la zone côtière du nord marocain fut signé par les Espagnols et les Français sans consultation du sultan. L’Espagne a ainsi en sa possession le Sahara marocain et la côte nord du pays (voir la carte ci-dessous).

Carte du Maroc en 1912

En 1956 le protectorat prend fin. Le 2 mars 1956, la France reconnaît l’indépendance du Maroc, et le 7 avril, l’Espagne signe avec le sultan Mohammed ben Youssef (Mohammed V) une déclaration dans laquelle elle renonce à la souveraineté qu’elle exerçait sur la partie septentrionale du Maroc.

Mais l’Espagne conserva l’enclave de Sidi Ifni, la zone de Tarfaya, et le Sahara occidental.

Décoloniser en opposant Maroc et Algérie

Un des dirigeants du Parti marocain Istiqlal (l’indépendance), Allal el Fassi, déclara le 27 mars 1956 :

« Tant que Tanger ne sera pas dégagé de son statut international, tant que les territoires espagnols du sud, tant que le Sahara de Tindouf à Atar, tant que les confins algéro-marocains ne seront pas dégagés de leur tutelle, notre indépendance demeurera boiteuse et notre premier devoir sera de poursuivre l’action pour libérer la patrie et l’unifier. Car notre indépendance ne sera complète qu’avec le Sahara ! »[7]

Nous avons évoqué plus haut le cas de l’État mauritanien créé arbitrairement en 1960 par la France en amputant le Maroc de son territoire historique. La Mauritanie, qui venait de naître et voulait se prémunir des revendications marocaines, fut favorable à la création d’un État sahraoui faisant tampon entre elle et le Maroc. Pour empêcher cela, la monarchie chérifienne reconnut l’indépendance de la Mauritanie en 1969 dans le but d’obtenir de cette dernière un soutien dans la récupération du Sahara marocain encore sous contrôle espagnol.

En outre, la Mauritanie va s’appuyer sur l’Algérie dont l’armée, présente au sud du Dra, fait rempart entre le territoire marocain et mauritanien.

Pour sa part, la France jouait la carte de la division entre le Maroc et l’Algérie qui était à la veille de son indépendance. Ainsi, lors d’une conférence de presse, le 5 septembre 1961, le général de Gaulle parla pour la première fois du « caractère algérien du Sahara »[8].

Dès lors, l’on comprend que le conflit territorial et politique entre le Maroc et l’Algérie, est l’héritage du conflit ayant opposé le Maroc et la France, laquelle a amputé l’empire chérifien au profit de l’Algérie française ; territoire dont héritera l’Algérie indépendante et qu’elle gardera.

Le Maroc, qui revendiquait une grande partie de l’ouest algérien et la Mauritanie, est alors isolé. Les puissances coloniales, la France au premier chef, ont décolonisé mais en s’assurant de mettre en place les conditions nécessaires pour opposer durablement l’Algérie et le Maroc. Ces deux pays, quant à eux, n’auront jamais réussi à surmonter ce conflit territorial consécutif à l’amputation du Maroc.

Pourtant, le 2 mars 1956, lors de la déclaration commune proclamant l’indépendance du Maroc, le gouvernement français avait affirmé sa volonté de respecter l’intégrité territoriale du Royaume, garantie par les traités internationaux, dont certains apportaient des arguments favorables à la marocanité des territoires du Sahara[9]. En 1956, le contentieux territorial franco-marocain fut étudié par une commission mixte d’experts qui devait déterminer le tracé de la frontière méridionale.

Le roi Mohammed V avait répondu à l’ambassadeur de France, Alexandre Parodi, qu’il attendrait que l’Algérie soit indépendante pour régler avec elle le contentieux frontalier :

« Toute négociation qui s’engagerait avec le gouvernement français actuellement en ce qui concerne les prétentions et les droits du Maroc sera considérée comme un coup de poignard dans le dos de nos amis algériens qui combattent, et je préfère attendre l’indépendance de l’Algérie pour poser à mes frères algériens le contentieux frontaliers. »

Le 6 juillet 1961, le Maroc, sous Hassan II,  signe avec le gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) un accord stipulant que les questions frontalières seraient réglées après négociation dès que l’Algérie serait indépendante :

« Protocole d’accord entre le gouvernement de Sa Majesté le Roi du Maroc et le G.P.R.A. (6 juillet 1961) Gouvernement Provisoire de la République Algérienne.

Le Gouvernement de Sa Majesté le Roi du Maroc et le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne, animés par les sentiments de solidarité et de fraternité maghrébines, conscients de leur destin africain et désireux de concrétiser les aspirations communes de leurs peuples, ont convenu ce qui suit :

Fidèles à l’esprit de la Conférence de Tanger du mois d’avril 1958 et fermement attachés à la charte et aux résolutions adoptées par la Conférence de Casablanca, les deux gouvernements décident d’entreprendre l’édification du Maghreb Arabe sur la base d’une fraternelle association notamment dans le domaine politique et économique.

Le Gouvernement de Sa Majesté le Roi du Maroc réaffirme son soutien inconditionnel au peuple algérien dans sa lutte pour son indépendance et son unité nationales. Il proclame son appui sans réserve au gouvernement provisoire de la République Algérienne dans ses négociations avec la France sur la base du respect de l’intégrité du territoire algérien. Le Gouvernement de Sa Majesté le Roi du Maroc s’opposera par tous les moyens à toute tentative de partage ou d’amputation du territoire algérien.

Le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne reconnaît pour sa part que le problème territorial posé par la délimitation imposée arbitrairement par la France entre les deux pays trouvera sa résolution dans les négociations entre le Gouvernement du royaume du Maroc et le Gouvernement de l’Algérie indépendante.

À cette fin, les deux gouvernements décident la création d’une commission algéro-marocaine qui se réunira dans les meilleurs délais pour procéder à l’étude et à la solution de ce problème dans un esprit de fraternité et d’unité maghrébines.

De ce fait, le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne réaffirme que les accords qui pourront intervenir à la suite des négociations franco-algériennes ne sauraient être opposables au Maroc quant aux délimitations territoriales algéro-marocaines.

Sa Majesté Hassan ISon Excellence Ferhat Abbas
Roi du Maroc
Président du G.P.R.A. »
Rabat, le 6 juillet 1961

 

Cette convention a été rendue publique par le gouvernement marocain deux ans plus tard, le 22 octobre 1963, via une dépêche de l’AFP de Rabat. En Algérie, le journal du FLN, El Moudjahid, l’a publié sans attendre, le 19 juillet 1961, en soulignant :

« Son Excellence Ferhat Abbas, président du G.P.R.A, exprime au nom du peuple algérien et de son gouvernement à Sa Majesté le Roi et au peuple marocain leur gratitude pour l’appui constant que l’Algérie a toujours trouvé auprès du Maroc. »[10]

Un acteur militaire et politique de l’époque, le général Édouard Méric (1901-1973), analyse ainsi, en 1965, la situation et évoque un manque de prudence du Maroc :

« En soutenant le G.P.R.A pour rester fidèle à son idéal de fraternité arabe et d’unité maghrébine, et en acceptant de s’en remettre au bon vouloir de l’Algérie, l’indépendance venue, sans demander de gage, le Maroc faisait preuve de générosité et même d’abnégation si l’on tient compte des graves inconvénients que présentait pour lui la forme insolite du territoire algérien au Sud du Dra. Celle-ci résultait de la pénétration française à partir de bases algériennes et du désir des autorités françaises de placer le maximum de territoires sous la souveraineté de la France. Les frontières administratives fixées par la France avaient permis à l’Algérie de lancer vers l’océan Atlantique un véritable pseudopode. Elles aboutissaient à faire du Maroc un territoire encerclé par l’Algérie, avec les risques que cela comportait d’action politique ou militaire dans des régions excentriques difficiles à contrôler, parcourues par des tribus habituées de longue date à jouer sur les conflits de souveraineté entre les États limitrophes. »[11]

En attendant, le Maroc fait occuper, en juillet 1962, le poste de Zegdou sur l’axe Colomb Béchar – Tindouf, et parallèlement, le 6 juillet, le royaume envoie une délégation auprès de Ben Khedda et de Farès, président du gouvernement provisoire, pour leur rappeler les engagements pris par Ferhat Abbas, notamment la création de la Commission algéro-marocaine en charge de la délimitation territoriale. Mais « cela n’avait pas empêché les troupes algériennes, le 9 octobre 1962, d’occuper Tindouf et de chasser par la force les représentants locaux du gouvernement marocain qui refusaient de s’en aller, faisant des morts et des blessés. Dès cette heure-là, le conflit prend un caractère aigu. Le Maroc temporise. En Algérie le pouvoir n’est pas encore assis. Des fractions opposées se le disputent. Dès que la situation s’éclaircit, le gouvernement marocain tente une nouvelle démarche. Une délégation conduite par le prince Abdallah, frère du roi, se rend à Alger du 5 au 10 mars 1963, pour préparer la visite du roi Hassan II. Celle-ci a lieu le 14 mars, mais la création de la Commission de délimitation prévue n’est toujours pas décidée. »

D’après E. Méric :

« L’essentiel du conflit est là. À tort ou à raison, le Maroc a le sentiment que l’Algérie ne tient pas ses engagements et qu’il est joué. Il veut sa revanche et la situation ira s’aggravant jusqu’aux évènements d’octobre 1963. »[12]

En effet, le 8 octobre 1963, une attaque surprise est lancée par l’armée algérienne contre des garnisons marocaines à Hassi-Beida, Tinjoub et Tinfouchy (que reprendra l’armée marocaine). L’armée algérienne tente ensuite de prendre Figuig.

L’armée marocaine contre-attaque, progresse, et à proximité de Tindouf, s’arrête sur ordre de Hassan II. Le général Kettani était prêt à poursuivre l’offensive dans le Sahara afin de récupérer les territoires marocains que la France lui avait pris au profit de l’Algérie alors française, mais le roi du Maroc refusa, au motif que :

« Ça ne servira à rien, moi je pars du principe, peut-être cynique, que lorsqu’on fait la guerre à quelqu’un c’est pour avoir la paix pendant au moins une génération. Si on n’est pas assuré de la tranquillité pendant trente ans après avoir mis au tapis son adversaire, il vaut mieux éviter de lancer une opération militaire, parce qu’on défigure le présent, compromet l’avenir, on tue des hommes, on dépense de l’argent, pour recommencer quatre ou cinq années après. »[13]

Le Maroc et l’Algérie au temps de la guerre froide : contexte idéologique et géopolitique

Outre les questions territoriales, il y a une dimension importante qui explique l’opposition entre le Maroc et l’Algérie, à savoir le contexte géopolitico-idéologique de l’époque.

Nous sommes en période de guerre froide, opposant l’Ouest capitaliste et l’Est communiste. Le monde arabo-musulman, a vu se succéder une série de coup d’État, faisant tomber plusieurs monarchies et instaurant des régimes socialistes – L’Égypte en 1952,  l’Irak en 1958, la Syrie en 1963, la Libye en 1969…

Dans ce contexte, la monarchie chérifienne – à la tête d’un État vieux de plus de 1200 ans, se réclamant de la famille du prophète, dont la légitimité reposait essentiellement sur la religion – n’avait d’autre choix que le bloc occidental. Le bloc soviétique et tiers-mondiste, étant ontologiquement opposé aux régimes traditionnels, le rapprochement du Maroc aurait eu pour conséquence la « contamination » révolutionnaire socialo-communiste et la déstabilisation voire le renversement de la monarchie.

L’Algérie, quant à elle, est née de la guerre révolutionnaire du FLN marxiste. Elle s’est donc naturellement rapprochée du bloc communiste.

Le Maroc et l’Algérie, deux pays frères et voisins, se sont vus éloignés plus encore par l’opposition idéologique mondiale.

Ainsi que l’écrivait Édouard Méric à cette époque :

« L’aspect idéologique du conflit est né de l’appui que les révolutionnaires algériens ont paru donner aux opposants marocains ou que ceux-ci sont allés chercher auprès d’eux.

Par les articles de presse et les déclarations d’hommes politiques algériens, le Maroc a pu penser que la révolution qui se produisait en Algérie ne s’arrêterait pas aux frontières. La Royauté s’est sentie menacée. En mars 1963, le colonel Boumédiène a déclaré dans une interview au journal égyptien Al Ahram que la révolution algérienne ne saurait se limiter aux frontières de l’Algérie. »[14]

Deux mois après cette déclaration de Boumédiène, le 2 mai 1963, l’Algérie demande l’ajournement de la Conférence du groupe de Casablanca (Ghana, Guinée, la République arabe unie, Maroc, Algérie).

Le 3 mai, le président égyptien Nasser décline une invitation du roi du Maroc tandis qu’il se rendait à Alger les 6, 7 et 8 mai 1963.

La question du Sahara marocain

En mars 1956 est tenue le congrès de la Saquia el Hamra où des milliers de représentants des tribus sahraouis – Ouled Delim, Aït Lahcen, Izraguiyine, Ahl-Cheikh, Laroussiyine, Ma el Aimin, Filali, Ouled Tidrarine, Tubalte, Bouihate, Mejjat, Lemnasser, et Yougoute – « proclament leur marocanité et leur attachement au trône alaouite. Au mois de juin 1956, les Rguibat prirent les armes et en 1957, des éléments de l’Armée de libération marocaine opérèrent un mouvement tournant et prenant à revers les garnisons espagnoles du Sahara occidental, ils parvinrent jusque dans l’Adrar mauritanien. Smara fut évacuée par le détachement espagnol qui défendait la ville et au mois de novembre 1957, une grande partie du Sahara espagnol fut sous contrôle de l’ALN… »[15]

S’en suit une opération conjointe de la France et de l’Espagne contre le FLN algérien et l’ALN marocain afin de reprendre le contrôle des territoires sahraouis.

Nous avons vu précédemment que le Sahara occidental est historiquement une appartenance marocaine, et que l’Espagne se l’est accaparé en 1860.

Après l’indépendance du Maroc, l’Espagne a refusé de rendre au Maroc son Sahara. En conséquence, en 1962, Hassan II a demandé au Comité de décolonisation des Nations unies de mettre Ifni et le Sahara occidental dans la liste des territoires à décoloniser.

L’Assemblée générale des Nations unies demanda à l’Espagne, par la résolution de l’ONU n° 2072 du 16 décembre 1965, de décoloniser le territoire. Le 20 décembre 1966, l’ONU demande à l’Espagne de restituer Sidi Ifni au Maroc et d’organiser un referendum au Sahara occidental. L’Espagne restitue Sidi Ifni en 1969, mais la question du Sahara occidental n’est pas réglée.[16]

Le 23 juillet 1973, la question du Sahara occidental est discutée à Agadir par le roi Hassan II, le président algérien Boumedienne et le président mauritanien Ould Daddah.

Le Maroc propose alors un referendum posé comme suit : le retour du Sahara au Maroc ou le maintien du statu quo espagnol.

Quant à l’Algérie, elle était partisane de la création d’un État sahraoui, ce qui lui offrirait, entre autres choses, un débouché sur l’Atlantique.

Initialement, le mouvement de libération du Sahara espagnol était le FLU (Front de Libération et de l’Unité), créé en 1968 avec comme visé la réintégration au territoire marocain. En 1969, il fut rebaptisé Morehob (Mouvement révolutionnaire des Hommes bleus). En 1972, le mouvement s’installe à Alger jusqu’à ce que « le fondateur et président (Édouard Moha) de ce mouvement se rendit compte des manœuvres du Gouvernement algérien qui voulait l’utiliser dans le but de créer des difficultés au Maroc en s’opposant à ses revendications et en réclamant l’indépendance du Sahara occidental, il quitta Alger, s’installa quelque temps à Bruxelles et à Paris avant de rejoindre Rabat en 1975. Il opta, alors, définitivement pour le retour du Sahara sous la souveraineté marocaine. »[17]

L’Algérie apporta ensuite son soutien au Polisario (Front populaire pour la libération de la Saquia el Hamra et du Rio de Oro), une organisation de type révolutionnaire marxiste créée en Mauritanie le 20 juillet 1973 par El Ouali Mustapha Sayed (un Rguibat).

Manifestement, l’installation du Polisario dans le Sahara s’est fait avec le consentement de l’Espagne, puisqu’elle contrôlait encore la région. De son côté, l’armée algérienne apporta au Polisario l’encadrement et la logistique.

Le 16 octobre 1975, la Cour Internationale de Justice reconnut :

« Le Sahara occidental (Rio de Oro et Sakiet El Hamra) n’était pas un territoire sans maître (terra nullius) au moment de la colonisation par l’Espagne…

Le territoire avait, avec le Royaume du Maroc, des liens juridiques d’allégeance entre le sultan du Maroc et certaines tribus vivant sur le territoire du Sahara occidental. »

Mais, ajoute la Cour Internationale de Justice, malgré les preuves légales et historiques :

« En revanche, la Cour conclut que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n’établissent l’existence d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental d’une part, le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien d’autre part. »[18]

Le Maroc sera ainsi sans cesse balloté par les organisations internationales sous pilotage occidental (UE et USA).

Le 14 novembre 1975 à Madrid, le Maroc, la Mauritanie et l’Espagne signent un accord en vue de l’établissement d’une administration commune de la région du Sahara jusqu’au départ effectif de l’Espagne fixé à la fin février 1976, suivi du partage du Sahara entre le Maroc et la Mauritanie. La partie nord revenant au Maroc et le sud à la Mauritanie.

Mais le Polisario, fixé à l’est du Sahara occidental, tenta d’empêcher l’armée marocaine de s’implanter. Des combats éclatent alors entre le 29 janvier et le 15 février 1976.

Soutenu par l’Algérie, la République arabe sahraouie démocratique (RASD) est proclamée en février 1976.

Le 5 août 1979 à Alger, en présence de quatre ministres algériens, la Mauritanie signe un accord par lequel elle abandonne sa souveraineté sur la partie du Sahara qui lui revenait. En conséquence, le Maroc, arguant que ce territoire abandonné est historiquement marocain, le récupéra militairement. Le 14 août de la même année, les tribus sahraouies d’Oued ad Dahab se rendent à Rabat pour prêter allégeance au roi Hassan II.

Le Polisario continua de lancer des raids sur le Sahara marocain à partir de l’Algérie, et le Maroc prit la décision, en 1980, de construire un mur de 2 700km pour s’en prémunir.

Le 19 avril 1991, le Conseil de sécurité de l’ONU (la résolution 690) mit en place la Minurso (Mission des Nations unies pour l’organisation du Sahara occidentale). Le 6 septembre 1991 un cessez-le-feu entre en vigueur.[19]

La Minurso existe toujours aujourd’hui – elle comprenait 413 personnes déployées en novembre 2020[20].

Les effectifs du Polisario se sont réduits comme peau de chagrin, il n’est reconnu que par une trentaine d’États à l’échelle mondiale et quatorze pays africains dont l’Algérie.[21]

Le Sahara indépendant est une fiction qui est maintenue, notamment par les puissances occidentales, afin de garder un levier de pression sur le Maroc. C’est la continuité de la politique occidentale vis-à-vis de l’ancien empire chérifien depuis le XIXe siècle.

Le contexte historique, géopolitique et idéologique étant posé, nous pouvons aborder les relations israélo-marocaines et le jeu sioniste dans les complexes rapports occidentalo-marocains.

Partie II

Le Maroc dans la géopolitique occidentale et israélienne

Avant d’aborder l’officialisation de la normalisation des relations israélo-marocaine – relations qui ne datent pas d’hier –, nous allons analyser la stratégie des États et organisations internationales occidentales pour maintenir l’ancien empire chérifien dans son orbite (alors que ce dernier se rapproche depuis 2016 de la Russie et de la Chine), et analyser la façon dont le lobby pro-israélien, profitant de l’occasion, a amené le Maroc à officialiser ses rapports avec l’État hébreu.

Le Sahara occidental et les droits de l’homme : les éternels leviers de pression sur le Maroc

En février 2014, une ONG française, l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), a demandé aux autorités françaises d’entendre le patron du contre-espionnage marocain, Abellatif Hammouchi, alors de passage à Paris, dans le cadre d’accusations de « complicité de torture ».

Monsieur Hammouchi accompagnait alors le ministre marocain de l’Intérieur, Mohamed Hassad pour une rencontre avec ses homologues français, espagnol et portugais. L’hebdomadaire Jeune Afrique rapporte ainsi :

« Dans la foulée de cette demande, et sans passer par les canaux diplomatiques, sept policiers se sont rendus à Neuilly-sur-Seine, dans la banlieue parisienne, à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris, pour notifier à M. Hammouchi une convocation émanant d’un juge d’instruction.
Qualifiant l’affaire d’ 
‘‘incident rare et inédit’’ dans les relations avec la France, premier partenaire économique du Maroc, Rabat a convoqué vendredi soir l’ambassadeur de France, Charles Fries, ‘‘pour lui signifier la protestation vigoureuse du royaume’’…

Le Maroc a par ailleurs ajouté samedi exiger ‘‘avec insistance que des explications urgentes et précises soient données à cette démarche inadmissible et que les responsabilités soient identifiées’’.

Un communiqué de l’ambassade du Maroc en France avait dans un premier temps exprimé ‘‘son étonnement face à l’absurdité de cette affaire, aussi bien au niveau de la procédure adoptée qu’au niveau des cas judiciaires évoqués’’. Elle avait en outre estimé que ‘‘la violation des règles et usages diplomatiques universels et le non-respect des conventions entre les deux pays suscitent de nombreuses interrogations sur les motivations réelles de cette affaire et ses véritables commanditaires.’’ »[22]

Entre 2015 et 2016, les États-Unis et l’Union européenne ont exercé une pression forte sur le Maroc avec la question du Sahara occidental.

Le 10 décembre 2015, le tribunal  de l’Union européenne avait annulé une partie de l’accord agricole euro-marocain en accédant à une plainte déposée en 2012 par le Front Polisario qui estimait inéquitable la distribution des revenus des exportations agricoles tirées des provinces du sud du Maroc et destinées à l’UE. En conséquence, le Maroc a suspendu ses contacts avec Bruxelles.

Le 19 février 2016, le Conseil européen, jouant le rôle du « bon flic », a fait appel de cette décision devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le « méchant flic ». Le Maroc ayant compris le but de la manœuvre, s’est exprimé, le 25 février 2016, à l’issue de la réunion ministérielle, par la voix de Mustapha El Khalfi, le porte-parole du gouvernement marocain :

« Le gouvernement exprime sa profonde déception à l’égard de la gestion opaque que certains services de l’UE ont fait de cette question. […] Le Maroc ne saurait accepter d’être traité en simple objet d’une procédure judiciaire, ni d’être ballotté entre les différents services et institutions de l’UE. »[23]

Dans la même période, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon (en poste du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2016), a parlé, durant sa visite au Maghreb (aux camps de Tindouf et à Alger) du 5 au 7 mars 2016, du Sahara « occupé » par le Maroc et a proposé un « référendum sur l’autodétermination ».

Le Maroc a réagi en précisant que « l’utilisation de ce terme », en plus d’être une insulte envers « le peuple marocain », est « une ineptie juridique et une erreur grave », rappelant qu’« aucune résolution du Conseil de sécurité n’a utilisé une telle terminologie »[24].

De toute évidence, le secrétaire général est piloté par les États-Unis. Sa déclaration depuis Alger avait notamment pour objectif d’exacerber plus encore les tensions entre le Maroc et l’Algérie. Le site d’information Yabiladi expliquait dans un article du 16 mars 2016 :

« Sur la question du Sahara, c’est Washington qui tire les ficelles. C’est elle qui donne en effet le tempo politique à ce différend territorial, vieux de quatre décennies. Le rôle de l’ONU et des secrétaires généraux qui se sont succédés depuis, se limitent à accompagner la vision des responsables américains qui manœuvrent sur le terrain du Sahara grâce aux leviers des ‘‘Envoyés personnels’’.

Etrange coïncidence, sur les trois diplomates nommés à ce poste deux sont américains : James Baker et Christopher Ross. Et même lorsque le Maroc avait retiré sa confiance en Ross en 2012, c’est le nom de Colin Powell qui était pressenti pour le remplacer. C’est dire l’importance stratégique pour les États-Unis de rester le seul et unique acteur majeur sur le dossier du Sahara occidental. Face à une Union européenne affaiblie par son manque de cohésion, Washington a su imposer sa politique, soutenue en cela par Londres.

Les deux capitales préparaient d’ailleurs un projet, une sorte de troisième voie qui serait plus que l’autonomie, moins que l’indépendance. Une solution portant la signature de Christopher Ross qui pourrait prendre la forme d’un fédéralisme plus ambitieux. Seulement le Maroc refuse catégoriquement cette option. »

D’ailleurs, la déclaration de Ban Ki-moon intervenait un mois après le voyage de l’ambassadrice des États-Unis à Alger, dans les camps de Tindouf. Cette dernière était accompagnée par Margarette Mckelvey, responsable Afrique auprès du Département d’État US.

Et Yabiladi rappelle qu’en avril 2013, « les services de John Kerry avaient soumis au Conseil de sécurité un projet de résolution proposant d’élargir le mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme au Sahara. Une manœuvre que le Maroc a réussi à déjouer grâce aux concours de ses relais au Pentagone, le lobby juif aux États-Unis, l’Arabie saoudite, l’Espagne et la Russie. »[25]

Le Maroc se tourne vers la Russie et la Chine

Dans un contexte multipolaire, ces manœuvres contre le Maroc ont conduit naturellement le roi Mohamed VI à se rapprocher de la Russie. Il s’est rendu officiellement à Moscou le 13 mars 2016 pour rencontrer Vladimir Poutine (le 15 mars). À l’issue de la rencontre, s’agissant du Sahara, le président Poutine a déclaré : « la Russie prend dûment compte de la position du Maroc concernant le règlement de ce problème. »[26]

Entre 2016 et 2020 le Maroc et la Russie ont signé plus d’une vingtaine d’accords dans les domaines de la défense, de l’énergie, de l’agriculture, de la pêche, de la diplomatie, du commerce, de la culture…[27]

Deux mois après sa visite en Russie, le roi Mohamed VI se rendit en Chine, en mai 2016. À cette occasion, il rencontra le président chinois Xi Jinping. Les deux chefs d’États signèrent des documents de coopération dans les domaines judiciaire, économique, financier, industriel, culturel, touristique, énergétique, des infrastructures et consulaires[28]. Depuis, le Maroc et la Chine n’ont cessé de renforcer leur coopération.[29]

Ce type de virage géopolitique porte ses fruits sur la durée, à condition que la nation en question, ici le Maroc, développe une relative autonomie géostratégique, laquelle dépend de sa puissance propre et non seulement de la puissance de ses alliés.

Et pour l’heure les conditions nécessaires ne sont pas réunies pour désengager le Maroc de ses liens de vassalité envers l’Occident. Au fond, le Maroc ne s’est jamais totalement relevé depuis sa perte de puissance au début du XIXe siècle.

Quoi qu’il en soit, ce virage pris par le roi Mohamed VI est également motivé par un danger qu’il sentait imminent, et qu’il a évoqué en avril 2016 à Riyad.

Le roi Mohamed VI : « il y a un complot qui vise la stabilité du monde arabe »

Au lendemain de sa vite en Russie et à la veille de son voyage en Chine, lors du premier sommet Maroc-Pays du Golf à Riyad, le 20 avril 2020, le roi du Maroc a déclaré durant son discours :

« La situation est dangereuse, la stabilité des pays arabes est menacée. Nous faisons face à un complot qui vise notre sécurité commune. Après la fragmentation du Machreq, c’est désormais le tour du Maghreb. Le complot contre notre intégrité territoriale en est la preuve. »

En guise d’illustration de son propos, le roi du Maroc a fait référence aux « agissements » du secrétaire général de l’ONU sur le Sahara occidental.[30]

Il y a effectivement un complot contre le monde arabo-musulman, et le cerveau de ce complot n’est autre que l’État d’Israël.

Le cerveau de ce « complot » contre le monde arabo-musulman : Israël

En 1982, un stratège ayant pour pseudonyme Oded Yinon, a mis à l’écrit un plan stratégique pour le ministère israélien des affaires étrangères intitulé « Une stratégie pour Israël dans les années quatre-vingt »[31].

Ce plan israélien sera repris et actualisé par les États-Unis, sous l’administration de George W. Bush en 2003. Un plan de redécoupage débuté avec la guerre contre l’Irak, et les interventions successives des puissances occidentales en Libye et en Syrie, sous l’influence du lobby pro-israélien[32].

Le plan de redécoupage israélo-américain a été baptisé « Greater Middle East Initiative ». Le 26 février 2003, le président George W. Bush présente le plan qu’il décrit explicitement comme le « remodelage du Grand Moyen Orient » (du Maroc au Pakistan) dans un discours devant le think tank néoconservateur (l’autre mot désignant le judaïsme sioniste) American Enterprise Institute[33], puis le 9 mai 2003 à l’Université de Caroline du Sud[34].

Le plan Oded Yinon ne se limite pas à une stratégie visant à élargir les frontières israéliennes après la destruction du monde musulman (à commencer par les proches voisins de l’État juif) en opposant les communautés les unes aux autres ; il offre, dans l’introduction, une analyse réaliste, profonde et globale de l’Histoire, des idéologies modernes et de l’économie, avant d’entrer dans les perspectives géopolitiques. Le stratège israélien dessine donc en 1982 le plan pour le Proche-Orient et le Maghreb :

« À long terme le monde musulman arabe ne pourra exister dans son cadre actuel dans nos environs sans avoir à passer par de véritables changements révolutionnaires.

Le monde musulman a été construit par des étrangers (Français et Britanniques dans les années 1920) comme un château de cartes éphémère, sans que les souhaits et les désirs des populations aient été pris en compte. Il a été divisé arbitrairement en 19 États, tous constitués de combinaisons de minorités et de groupes ethniques hostiles les uns aux autres (NDA : il exagère ici à dessein pour les besoins de sa stratégie), de sorte que, de nos jours, chaque État musulman arabe fait face à une destruction sociale ethnique de l’intérieur, et en quelque sorte la guerre civile fait déjà rage.

Outre l’Egypte, tous les États du Maghreb sont composés d’un mélange d’Arabes et de Berbères non-ArabesEn Algérie, il y a déjà une guerre civile qui fait rage dans les montagnes Kabyles entre les deux nations du paysLe Maroc et l’Algérie sont en guerre l’un contre l’autre sur la question du Sahara espagnol, en plus de la lutte interne dans chacun des deux pays. »

Ensuite il recommande l’activation de conflits entre toutes les minorités du monde musulman dans le but de détruire les États musulmans, du Maroc au Pakistan, incluant l’Arabie saoudite.

D’ailleurs, depuis 2012, l’agent israélien Bernard-Henri Lévy appelle de ses vœux un Printemps algérien. Il déclarait publiquement en 2011 que « Le Printemps arabe c’est bon pour Israël ! »[35], ou encore, le 20 novembre 2011 devant une assemblée du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), fier d’avoir contribué à détruire la Libye :

« Ce que j’ai fait en Libye je l’ai fait en tant que juif. J’ai porté en étendard ma fidélité à mon nom et ma fidélité au sionisme et à Israël. »[36]

Au Maghreb, deux pays ont su échapper, par des voies et des stratégies distinctes, à la vague déferlante du Printemps arabes, c’est le Maroc et l’Algérie.

Le Printemps arabe et les tentatives terroristes successives n’ont pu déstabiliser l’Algérie. Alors, ses ennemis ont tenté d’activer l’indépendantisme kabyle, conformément au plan israélien Oded Yinon. Le MAK (Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie), dont le président est un proche de BHL, n’a eu aucun écho dans la population algérienne kabyle.

Au Maroc, le Rif (région nord du Maroc) a connu en 2017 des soulèvements motivés initialement par des revendications sociales qui se sont transformées pour partie en revendications identitaires et sécessionnistes pouvant provoquer un conflit identitaire opposant, comme le suggérait, là encore, le plan israélien Oded Yinon (1982), Arabes et Imazighen (Berbères).

D’après des sources proches du dossier des militants du mouvement sociale Haraka, des pressions énormes auraient été exercées sur son leader, Nasser Zefzafi, pour qu’il transforme les manifestations en mouvement indépendantiste. Les mêmes sources affirment que des milieux basés à l’étranger lui auraient proposé des sommes importantes afin qu’il abandonne les revendications sociales au profits de slogans séparatistes ; ce que Zefzafi aurait refusé[37].

Arrêtés par les autorités marocaines, les meneurs du mouvement ont été jugés en juin 2018. Nasser Zefzafi, Nabil Hamjiq, Ouassim Boustati et Samir Ighid ont été condamnés à vingt ans de prison ferme pour « complot visant à porter atteinte à la sécurité de l’État ».

Le 29 juin 2018, le média israélien Europe-Israël (appartenant à E.I. Network, anciennement Kadima Network, basé à Tel Aviv) publiait un article virulent contre le Maroc. L’article titré « Procès des amazigh au Maroc : 20 ans de prison ferme pour avoir réclamé une vie digne » est une charge contre le Maroc et en faveur de son éclatement. L’article, fidèle à la stratégie israélienne et au discours judéo-sioniste, donne une coloration ethnique à des problème sociaux :

« 20 ans de prison pour avoir manifesté leur désespoir. Les cinquante autres accusés amazigh ont quant à eux été condamnés à des peines allant de 15 à 1 an de prison. Aussitôt annoncés, ces peines ont provoqué la colère d’internautes et de militants… La justice marocaine a eu la main lourde, très lourde dans l’affaire du Rif, au risque d’abîmer une image déjà bien entachée… Singulier paradoxe s’il en est, aux allures de cas de conscience : à l’écoute du verdict on se surprendrait presque à réclamer une justice expressément dépendante afin qu’elle puisse rendre des comptes sur la manière de dire le droit…

Les détenus amazigh ont milité avec ferveur pour un Maroc meilleur, pour plus d’égalité.

Le régime monarchique, rétrograde et despotique de Rabat détient aussi l’épouse du prisonnier Naâma Asfari, privé de sa liberté par le Makhzen.

L’épouse de l’opposant marocain, Claude Mangin, observe une grève de la faim sans que les autorités françaises réagissent pour venir en aide à leur concitoyenne. Le président français, Emmanuel Macron, préfère faire le sourd face aux appels de sa compatriote que de provoquer la colère de celui que la France maintient sur le trône pour défendre les intérêts des lobbies et des puissances de l’argent. »

Et l’article du média israélien se poursuit avec un discours favorable à l’indépendance du Sahara :

« Naâma Asfari est un militant qui se bat pour l’indépendance du Sahara occidental et qui a subi le même sort que les opposants politiques marocains jetés en prison par le père de l’actuel souverain dans les geôles de Tazmamart où Abraham Serfaty et d’autres prisonniers ont passé près de vingt ans de réclusion.

Claude Mangin a non seulement été interdite de voir son mari, mais a été expulsé du Maroc manu militari quatre fois de suite…

‘‘Je veux obtenir mon droit de visite’’, a insisté cette courageuse dame devant Pierre Richard, un grand artiste qui mène un combat pour l’autodétermination du peuple sahraoui et qui s’est rendu à plusieurs reprises au Sahara occidental, rappelle les média régionaux français.

‘‘Je connais depuis plusieurs années la cause de ce peuple qui ne veut absolument pas se coucher malgré toutes les horreurs qu’on lui fait subir’’, a affirmé Pierre Richard, qui a fustigé le mauvais comportement de Rabat. »[38]

Normalisation des relations israélo-marocaines en échange de la reconnaissance du Sahara marocain par Donald Trump

Le Maroc a normalisé officiellement ses relations avec l’État juif dans le cadre des accords « Abraham ».

À l’occasion de ces accords, lors d’une interview accordée à la télévision émiratie Sky News Arabia[39] le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahou a affirmé que « les Emirats Arabes Unis ne seraient pas le dernier pays arabe à faire la paix avec Israël », annonçant que « d’autres nations suivraient ses pas. »[40]

Le 10 décembre 2020, Donald Trump a annoncé que le Maroc serait le quatrième État « arabe » à normaliser ses relations diplomatiques avec Israël.

En échange de cette normalisation, Donald Trump, a reconnu le Sahara occidental en tant que territoire marocain.[41]

Dans un communiqué du 10 décembre 2020 la Maison Blanche a déclaré :

« Les États-Unis estiment qu’un État sahraoui indépendant n’est pas une option réaliste pour résoudre le conflit et qu’une véritable autonomie sous souveraineté marocaine est la seule solution réalisable. Nous exhortons les parties à engager des discussions sans délai, en utilisant le plan d’autonomie du Maroc comme seul cadre pour négocier une solution mutuellement acceptable. Pour faciliter les progrès vers cet objectif, les États-Unis encourageront le développement économique et social avec le Maroc, y compris dans le territoire du Sahara occidental, et à cette fin ouvriront un consulat dans le territoire du Sahara occidental, à Dakhla, afin de promouvoir les opportunités économiques et commerciales pour la région.

Par conséquent, moi, DONALD J. TRUMP, Président des États-Unis d’Amérique, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par la Constitution et les lois des États-Unis, proclame par la présente que les États-Unis reconnaissent que l’ensemble du territoire du Sahara occidental fait partie du Royaume du Maroc. »[42]

Le Maroc avait interrompu ses relations diplomatiques avec Israël pendant 20 ans, mais a maintenu les rapports officieux. Ce que Nasser Bourita, le ministre marocain des Affaires étrangères, a confirmé lors d’un entretien accordé au quotidien israélien Yediot Aharonot le 13 décembre 2020 :

« De notre point de vue, nous ne parlons pas de normalisation parce que les relations étaient déjà normales – nous parlons de rétablir les relations entre les deux pays comme elles l’étaient – car il y a toujours eu des relations. Elles n’ont jamais cessé. »

Et le ministre du Royaume du Maroc d’ajouter : « Les relations entre Israël et le Maroc sont spéciales et ne peuvent être comparées aux relations qu’Israël entretient avec aucun autre pays arabe. Le Maroc a une histoire importante avec la communauté juive, une histoire particulière dans le monde arabe. Le roi (…) et les rois précédents, dont Hassan II, respectaient les juifs et les protégeaient. »[43]

Le rabbinat et le lobby juif pro-israélien à la manœuvre

Au cœur des négociations entre le Maroc, Israël et la présidence américaine, un des représentant du lobby pro-israélien à la Maison Blanche ; Jared Kushner, le gendre juif loubavitch de Donald Trump, qui a pour maître spirituel le rabbin David Pinto, d’origine marocaine et vivant en Israël.

Interviewé par Médias 24 le 16 décembre 2020, le rabbin Pinto évoque le rôle qu’il a joué avant et pendant la visite de Jared Kushner au Maroc en mai 2018 et dans les négociations qui ont débouché sur l’accord signé en décembre 2020 :

« La seule fois où j’ai accompagné Jared avec sa délégation américaine, c’était pour mon pays qui est le Maroc.

Une fois arrivés au Maroc, nous nous sommes d’abord rendus ensemble pour un pèlerinage au cimetière de Casablanca qui accueille mon défunt père avant d’entamer une longue discussion qui a duré plusieurs heures…

Après que Jared ait rencontré Sa Majesté, je l’ai rejoint à Rabat où il m’a annoncé que les choses avançaient bien et aujourd’hui, nous en récoltons les fruits.

Je vais vous faire un aveu, lorsque Donald Trump est devenu président, la première chose que j’ai faite a été de dire à Jared qui est mon élève spirituel depuis des décennies, de ne pas oublier le Maroc… J’ai d’ailleurs plusieurs courriers, datant de 2016, qui prouvent mon engagement pour un rapprochement entre le Maroc et Israël. »[44]

Le 22 décembre 2020, le roi Mohamed VI a reçu au Maroc une délégation israélo-américaine conduite par Jared Kushner. Avec du côté américain, Avi Berkowitz[45] – juif orthodoxe ayant étudié dans des Yeshivot (écoles talmudiques) – assistant spécial du président Trump et représentant spécial pour les affaires internationales, et côté israélien, Meir Ben Shabbat, conseiller à la sécurité nationale d’Israël et chef d’état-major pour la sécurité nationale.

Sous l’égide du roi du Maroc, une déclaration commune a été signée par le chef du gouvernement marocain, Saâdeddine El Othmani, Jared Kushner et Meir Ben Shabbat.

« La Déclaration conjointe, signée devant Sa Majesté, fera office de feuille de route sur laquelle les trois pays travailleront aux niveaux de la question du Sahara marocain, des relations maroco-israéliennes et de l’instauration de la paix et la stabilité dans le Moyen-Orient », a déclaré le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, lors du point presse qui s’est tenu à l’issue de cette signature.[46]

Que vaut la reconnaissance du Sahara marocain par Trump ?

Le président américain a promis l’ouverture d’un consulat à Dakhla (Sahara marocain) et un investissement de trois milliards de dollars dans la région.

Mais la reconnaissance du Sahara marocain par Trump, président sortant, n’engage que lui. Pour preuve, l’Allemagne a immédiatement réagi en convoquant d’urgence une réunion à huis clos du Conseil de sécurité de l’ONU qui s’est tenue le 21 décembre 2020.

Le 27 décembre, Mike Pompeo, le secrétaire d’État américain ouvertement pro-israélien, s’exprimant sur l’ouverture d’un consulat dans le Sahara marocain, a parlé de la nécessité « d’un dialogue politique entre les différentes parties ».

Le journaliste d’investigation marocain et directeur du programme des relations internationales à l’Institut américain universitaire d’Aix-en-Provence, Aboubakr Jamaï, explique que ce rétropédalage américain est lié « à la réunion du Conseil de sécurité,  lundi dernier, à la demande de l’Allemagne qui, loin d’entériner la nouvelle position américaine au sujet du Sahara occidental, a plutôt réaffirmé la position du Conseil par rapport au problème. Une position en faveur du règlement du conflit dans le cadre des résolutions de l’Onu et dans un cadre concerté et de négociations entre les différentes parties. »[47]

Reconnaître Israël en échange d’un « plat de lentilles »

Autre fait « troublant » – pour ceux qui ne sont pas familiers des manœuvres israéliennes – John Bolton, néoconservateur et homme des israéliens[48], conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump (de 2018 à 2019), a demandé au futur président Joe Biden d’abroger la reconnaissance du Sahara marocain. Aux côtés de John Bolton, le républicain James Baker, ancien envoyé personnel au Sahara occidental du secrétaire général de l’ONU (de 1997 à 2004), qui s’est aussi opposé à la reconnaissance du Sahara marocain.

John Bolton, qui ne peut s’exprimer sur un accord impliquant Israël sans l’autorisation de ce dernier et son lobby, a ainsi déclaré :

« Du point de vue de la politique américaine, le meilleur résultat serait que Biden, une fois en poste, revienne sur la décision de Trump concernant la souveraineté marocaine. Cela ne sera pas facile, étant donné les attentes – aussi erronées soient-elles – déjà suscitées à Rabat et à Jérusalem. Si M. Biden veut faire un virage à 180 degrés, il devrait le faire dès son entrée en fonction, ce qui minimiserait les dégâts. »

John Bolton a également affirmé qu’un revirement de la politique américaine, par rapport aux décisions de Trump, serait dans le meilleur intérêt tant de Biden, qui pourrait collaborer avec les sénateurs républicains opposés à cette mesure, en tant qu’exemple de bipartisme, que du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Et d’ajouter :

« Accepter gracieusement ce que dit la nouvelle administration Biden…. pourrait, essentiellement sans frais pour Israël – pour lequel le Sahara occidental n’est pas un problème – ajouter à son capital politique avec Biden pour des questions qui comptent vraiment, comme la prise en charge de la menace posée par l’Iran. »

James Baker confirme que ce revirement sur le dossier du Sahara marocain ne remettrait pas en cause la normalisation israélo-marocaine :

« L’association des accords d’Abraham au conflit du Sahara occidental, qui est clairement et sans équivoque une question d’autodétermination, ne renforcera ni n’élargira les accords. Revenir sur la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental ne mettrait pas en danger les liens nouvellement établis entre Israël et le Maroc. »

Le sénateur Jim Inhofe, pro-israélien inconditionnel et amoureux du peuple juif[49], président républicain de la commission sénatoriale des services armés, a condamné les actions « choquantes et profondément décevantes » de Trump, ajoutant qu’il était « attristé que les droits du peuple du Sahara occidental aient été sacrifiés ».

Inhofe a également déclaré qu’il « fera tout son possible pour s’assurer que nous reviendrons à la politique que nous avions ».[50]

En résumé, le Maroc a officialisé sa relation avec Israël en échange d’une reconnaissance du Sahara marocain qui risque d’être temporaire, voire de très courte durée. Si Joe Biden revient sur la décision unilatérale de Donald Trump, le Maroc sera humilié sur la scène internationale, et se sera discrédité auprès des populations musulmanes pour avoir reconnu Israël en échange d’un « plat de lentilles » – Le plat de lentilles renvoie au récit de la Torah d’après lequel Jacob (le père d’Israël) aurait obtenu le droit d’ainesse de son frère Esaü (Edom), affamé ce jour-là, en échange d’un plat de lentilles. Jacob aurait ainsi profité du moment de faiblesse de son frère pour obtenir de lui son héritage en échange d’un repas qui a momentanément apaisé sa faim.

Enseignement de la culture juive, lutte contre l’antisionisme et l’antisémitisme au Maroc

À la veille de la normalisation des relations israélo-marocaines, le royaume chérifien a lancé une réforme scolaire intégrant l’enseignement de l’histoire et de la culture juive. De nouveaux chapitres apparaîtront dans le cursus des élèves du lycée, sans oublier l’école primaire. Le secrétaire général du Conseil de la communauté israélite du royaume s’est ainsi réjouit :

« Cette introduction est une première dans le monde arabe ; elle fait l’effet d’un tsunami. »[51]

Le 15 janvier 2021, une association marocaine Mimouna, soutenue par le gouvernement, a signé un accord avec le Département d’État américain pour lutter contre l’antisémitisme et l’antisionisme. Le Maroc est le deuxième pays musulman à signer ce type d’accord, à la suite du Bahreïn en octobre dernier.

Le média israélien i24News rapporte ainsi :

« L’accord, signé par le président de l’Association Mimouna, El Mehdi Boudra, et Elan Carr, le représentant du département d’État pour la lutte contre l’antisémitisme, symbolise l’ambition des accords d’Abraham de l’administration Trump, de normaliser l’acceptation non seulement d’Israël, mais aussi du sionisme, au sein des populations arabes. »

Le texte stipule que les parties « entendent travailler ensemble pour partager et promouvoir les meilleures pratiques afin de combattre toutes les formes d’antisémitisme, y compris l’antisionisme et la délégitimisation de l’État d’Israël pour combattre d’autres types d’intolérance et de haine, à l’instar de l’islamophobie. »[52]

C’est l’aboutissement du Projet Aladin[53] fondé en 2009 par la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Le Projet Aladin est présidé par Leah Pisar – ancienne collaboratrice de Madeleine Albright (sous l’administration Clinton) qui a déclaré que tuer 500 000 enfants irakiens « en valait la peine »[54] – et son vice-président est Eric de Rothschild.

Le Projet Aladin, parrainé par l’UNESCO, vise à diffuser dans les pays musulmans l’histoire de la Shoah, du judaïsme et des relations entre juifs et musulmans. Un des principaux objectifs du Projet Aladin est de combattre « le négationnisme dans le monde musulman »[55]

Site internet du Projet Aladin disponible en cinq langues (arabe, turc, persan, allemand, anglais, français)

Après avoir promu le mythe du « judéo-christianisme » en parallèle d’un discours virulemment antimusulman en Occident, les élites rabbiniques et le lobby juif sioniste inventent et promeuvent dans le monde musulman « l’islamo-judaïsme ».

Conclusion et enseignements à tirer de l’histoire récente

Pour l’édification du lecteur ou des éventuels responsables marocains qui liraient ce texte, il convient de revenir sur l’histoire récente des élites juives, sionistes et israéliennes. Une introduction à la pensée stratégique du judaïsme politique devrait s’imposer à tout analyste ou conseiller du Prince ; d’autant plus que ces derniers commettent l’erreur de considérer Israël comme un acteur géopolitique semblable à n’importe quelle autre nation.

Or, il ne l’est pas, et ce à plusieurs titres. D’abord, parce que la puissance d’Israël ne réside pas en son sein, mais dans les réseaux diasporiques de la communauté juive en Europe et aux États-Unis. Des réseaux et puissances d’argent qui ont su instrumenter la Grande-Bretagne et les États-Unis pour créer le Foyer national juif puis l’État d’Israël, et mener, pour le compte de ce dernier, des guerres contre ses ennemis.[56]

Ensuite, l’essentiel de la vision du monde, des doctrines et des stratégies qui ont inspiré les élites juives – et les dirigeants sionistes – à travers les siècles et les millénaires, se trouvent dans la Bible hébraïque (et également dans le Talmud et les traités kabbalistiques).

Par conséquent, dès lors qu’un acteur politique ou géopolitique décide de s’engager dans une relation, qu’elle soit amicale ou conflictuelle, avec les élites juives et Israël, il lui est vital d’avoir une connaissance pointue de leur logiciel fondé sur la Bible hébraïque et autres textes fondateurs du judaïsme (je renvoie à mes deux ouvrages : Occident et Islam Tomes 1 et 2[57]).

J’ai exposé précédemment le plan israélien (Oded Yinon, 1982) pour le monde musulman en général et pour le Maroc en particulier. La finalité de ce plan sans cesse actualisé est la destruction de tous les pays musulmans, et le Maroc n’en est pas exclu.

L’idée fondamentale qu’il faut retenir est la suivante : Israël et son lobby n’ont pas d’allié, ils n’ont que des instruments. En outre, les élites juives et sionistes, maîtresses dans l’art de la duplicité, sont coutumières des renversements d’alliances brusques, pour ne pas parler de trahison. Afin d’illustrer mon propos je donnerai deux exemples historiques récents (parmi des dizaines[58]).

Premier exemple historique : Israël et les chrétiens du Liban

À partir des années 1950, les Israéliens ont tendu une main amicale aux chrétiens libanais dans la perspective stratégique de détruire leur pays.

Le principal artisan de cette stratégie, qui sera prolongée par le plan Oded Yinon en 1982, est David Ben Gourion (Premier ministre de l’État hébreu du 17 mai 1948 au 26 janvier 1954, puis du 3 novembre 1955 au 26 juin 1963).

Dans une lettre datée du 27 février 1954 – restée secrète jusqu’à ce que son fils la publie dans les mémoires posthumes de Ben Gourion en 1979 – à Moshe Sharett qui l’a temporairement remplacé au poste de Premier ministre, Ben Gourion écrit :

« Il est clair que le Liban est le maillon le plus faible dans la chaîne de la Ligue arabe. Hormis les coptes, toutes les autres minorités du monde arabe sont musulmanes. Mais l’Égypte est le pays le plus compact et le plus solidement établi de tous les États arabes, la très large majorité y constitue un bloc très solide, véritablement de même race, de même religion et de même langue. La minorité chrétienne ne peut réellement y remettre en cause l’entité politique et la nation. Cela n’est pas le cas des chrétiens du Liban. Ils représentent la majorité dans le Liban historique, et cette majorité a une tradition et une culture radicalement différentes de celles des autres populations de la Ligue. Même dans ses frontières élargies (et c’est bien la plus grave des fautes qu’ait commises la France que d’avoir élargi les frontières du Liban), les musulmans ne sont pas libres de leurs mouvements par peur des chrétiens, bien qu’étant peut-être majoritaires (et je ne sais pas s’ils le sont). La constitution d’un État chrétien est dans ces conditions quelque chose de naturel. Il aurait des racines historiques, et serait soutenu par des forces importantes dans le monde chrétien, aussi bien catholiques que protestantes. En temps normal, c’est quelque chose de presque impossible à réaliser, avant tout à cause de l’absence d’initiative et de courage des chrétiens. Mais dans des situations de confusion, de troubles, de révolution ou de guerre civile, les choses changent, et le faible peut se prendre pour un héros. Il est possible (en politique, il n’y a jamais de certitude) que maintenant le moment soit favorable pour provoquer la création d’un Etat chrétien à nos côtés. Sans notre initiative et notre aide, la chose n’aura pas lieu. Je pense qu’actuellement c’est notre tâche essentielle ou tout du moins l’une des tâches essentielles de notre politique extérieure, et il faut investir des moyens, du temps, de l’énergie, et agir par tous les moyens de nature à entraîner un changement fondamental au Liban… »

Ben Gourion évoque la possibilité de déclencher une guerre civile au Liban, et ce vingt ans avant qu’elle n’éclate effectivement. L’on pourrait y voir seulement une anticipation si ce document ne nous révélait pas qu’Israël, sous l’impulsion de Ben Gourion, a activement participé à la préparation de cette guerre civile :

« Il faut mobiliser Eliahou Sasson et tous nos arabisants. S’il y a besoin d’argent, il ne faut pas compter les dollars, même s’il se révèle que l’argent aura été dépensé à fonds perdus. Il faut se concentrer de toutes nos forces sur cet objectif. Pour cela, peut-être faut-il faire immédiatement venir Reouven Shiloah. Manquer cette occasion historique ne serait pas pardonnable. Il n’y a de notre part aucune provocation à l’égard des Grands de ce monde. De toute manière, nous ne devons jamais agir « au nom » de quiconque. Et il faut, selon moi, agir rapidement, à toute vapeur.

Sans un rétrécissement des frontières du Liban, cela n’est bien entendu pas réalisable. Mais, si l’on trouve des gens et des éléments au Liban qui se mobilisent pour la création d’un État maronite, ils n’ont pas besoin de larges frontières ni d’une population musulmane importante, et ce n’est pas cela qui sera gênant.

Je ne sais pas si nous avons des gens au Liban, mais il y a toutes sortes de moyens pour réaliser la tentative que je propose. »[59]

Le 16 mai 1954, à la suite d’une réunion des responsables de la défense et des affaires étrangères, Sharett écrivait, parlant du chef d’état-major, Moshe Dayan :

« Selon lui, il serait seulement nécessaire de trouver un officier, fût-ce un simple major. Nous pourrions gagner sa sympathie ou l’acheter pour l’inciter à se proclamer sauveur des maronites. Alors, l’armée israélienne entrerait au Liban, occuperait le territoire nécessaire et installerait un régime chrétien qui s’allierait à Israël. Les territoires au sud du Litani seraient totalement annexés par Israël et tout irait pour le mieux. »

Le 28 mai 1954, le premier ministre israélien écrivait :

« Le chef d’état-major a soutenu un plan visant à soudoyer un officier (libanais) qui accepterait de servir de marionnette afin que l’armée israélienne paraisse répondre à un appel pour la libération du Liban de ses oppresseurs musulmans. »[60]

En 1975, la guerre civile éclate au Liban avec l’affrontement de diverses milices chrétiennes et musulmanes. Les Palestiniens chassés par les Israéliens, et dont une grande partie s’est réfugiée au Liban (où ils étaient mal vus), ont été utilisés comme levier de déclenchement de la guerre civile.

Selon le témoignage du colonel Roger Akl – haut gradé de l’armée libanaise alors attaché militaire à l’ambassade du Liban à Washington – tous les juifs du Liban ont quitté le pays un an avant que démarre la guerre civile. Par ailleurs, ajoute-t-il, les États-Unis (CIA), qui armaient les différentes milices pour envenimer la situation, refusaient catégoriquement de livrer la moindre arme au gouvernement libanais.[61]

Dans son livre Rise and Kill First : The Secret History of Israel’s Targeted Assassinations, traduit en français sous le titre Lève-toi et tue le premier (Grasset, février 2020), le chroniqueur militaire israélien Ronen Bergman a révélé que dans les années 1979-1982, legouvernement israélien a créé au Liban une organisation qui a commis de très nombreux attentats terroristes.

Un agent du Mossad, cité dans l’ouvrage de Ronen Bergman, raconte :

«  Des choses terribles ont été faites avec le soutien de Sharon. J’ai soutenu et même participé à quelques-unes des opérations d’assassinats effectuées par Israël. Mais là nous parlons d’extermination de masse, juste pour tuer et pour semer le chaos et l’effroi chez les civils. Depuis quand envoyons-nous des ânes chargés de bombes dans des marchés pour qu’ils explosent ? »[62]

Dans un article du New York Times paru le 23 janvier 2018[63], Ronen Bergman rapporte que de très hauts responsables israéliens menèrent une campagne à large échelle d’attentats à la voiture piégée qui tua des centaines de Palestiniens et de Libanais, civils pour la plupart. Un des objectifs de cette opération secrète était de pousser l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) à recourir à des actes de « terrorisme » pour justifier une invasion israélienne du Liban. Ces informations, rapportées en détails dans le livre de Bergman, sont tirées de témoignages des responsables israéliens directement impliqués dans l’opération et d’autres qui en ont été informés.

En 1979, raconte Ronen Bergman, le général Rafael Eitan, alors chef d’état-major, lança avec le général commandant de la région nord Avigdor Ben-Gal, la mise en place d’un groupe dont le rôle serait de mener des opérations terroristes en territoire libanais. Avec l’accord d’Eitan, Ben-Gal recruta le général Meir Dagan, « le plus grand expert en opérations spéciales » d’Israël (et futur chef du Mossad), et « tous les trois mirent en place le Front pour la libération du Liban des étrangers [FLLE] ».

Le général David Agmon, qui fait partie des responsables israéliens informés de l’opération, dévoile l’objectif :

« Le but était de créer le chaos parmi les Palestiniens et les Syriens au Liban, sans laisser d’empreinte israélienne, pour leur donner l’impression qu’ils étaient constamment sous attaque et leur instiller un sentiment d’insécurité. »

Pour y parvenir, Eitan, Ben-Gal et Dagan « recrutèrent des locaux libanais, druzes, chrétiens et musulmans chiites, qui n’aimaient pas les Palestiniens et souhaitaient qu’ils quittent le Liban. » Entre 1979 et 1983, « le Front a tué des centaines de personnes. »

Bergman précise que l’opération utilisait surtout « des explosifs cachés dans des bidons d’huile ou des boîtes de conserve » fabriqués dans un atelier de tôlerie du kibboutz Mahanayim où résidait Ben-Gal. Ces « petits barils » passaient ensuite au Liban. Rapidement, poursuit l’auteur, des bombes ont commencé à exploser dans les maisons de collaborateurs de l’OLP au Sud-Liban, tuant toutes les personnes qui s’y trouvaient, ou dans les bureaux de l’OLP, à Tyr, à Sidon et dans les camps de réfugiés palestiniens alentour, causant des dommages et des victimes en masse.

Bergman relate ainsi les faits : « dès la mi-septembre 1981, des voitures piégées explosaient régulièrement dans les quartiers palestiniens de Beyrouth et d’autres villes du Liban ».

L’auteur mentionne ensuite précisément des attentats à Beyrouth et à Sidon début octobre, et relève que « rien qu’en décembre 1981, dix-huit bombes dans des voitures ou sur des motos, des bicyclettes et des ânes explosèrent près des bureaux de l’OLP ou dans des lieux à forte concentration palestinienne, provoquant un grand nombre de morts ». Il ajoute qu’« une organisation inconnue s’appelant le Front pour la libération du Liban des étrangers (FLLE) revendiqua la responsabilité de tous ces incidents ».

Ariel Sharon, alors ministre de la Défense de l’État juif, espérait que ces opérations pousseraient Yasser Arafat à attaquer Israël, lequel répondrait alors en envahissant le Liban et/ou inciteraient l’OLP à des représailles contre la Phalange, ce qui permettrait en définitive à Israël de se poser en défenseur et allié des chrétiens. Une stratégie correspondant très précisément à ce qu’écrivait le Premier ministre israélien Moshe Sharett en 1954 (supra).

Deuxième exemple : le Shah d’Iran

Le Shâh d’Iran, Mohammed Reza Pahlavi (qui a régné de 1941 à 1979) était un allié des États-Unis et d’Israël, mais cela n’a pas empêché ces derniers d’élaborer un plan d’éclatement de l’Iran et de l’abandonner lors de la Révolution islamique de 1979 (qui débute le 7 janvier 1978 et se termine le 11 février 1979)[64].

Durant le règne du Shâh, dans les années 1970, les stratèges israélo-américains planifiaient l’éclatement du pays de leur « ami », l’Iran, par l’instrumentation des différentes ethnies[65]. L’historien et géopolitologue juif pro-israélien, concepteur du choc des civilisations entre chrétienté et islam, Bernard Lewis (détenteur des nationalités israélienne, britannique et étasunienne), a élaboré avec Zbigniew Brzezinski, alors conseiller à la sécurité nationale des États-Unis (de 1977 à 1981), une stratégie baptisée Arc de crise (Crescent of Crisis[66]) qui prévoyait notamment la séparation du Baloutchistan du reste de l’Iran.

Couverture du Time Magazine, « Crescent of Crisis, Troubles Beyond Iran » (Croissant de crise, troubles au-delà de l’Iran), 15 janvier 1979

Pourtant, Israël et l’Iran du Shâh entretenaient de bonnes relations, depuis les années 1950 jusqu’à la fin de son règne. Dans les années 1950, Tel-Aviv et Téhéran, opposés au nationalisme arabe (tout particulièrement à l’Irak et à l’Égypte), conclurent un pacte stratégique qui se transforma en coopération militaire – le Shâh envoya ses généraux en Israël pour s’inspirer de leurs méthodes d’instruction et discuter des modalités d’un soutien militaire israélien à l’Iran[67]. D’ailleurs, la police politique du Shâh, la SAVAK, a été créée en 1957 sous les auspices du Mossad[68]. La coopération entre Israël et l’Iran du Shâh s’est poursuivie jusque dans les années 1970 ; décennie qui s’est conclue par la révolution qui l’a renversé.

L’on peut dresser ici un parallèle entre l’Iran du Shâh et le Maroc qui entretient depuis plusieurs décennies des relations étroites avec Israël et ses services secrets. En effet, à l’occasion de la normalisation israélo-marocaine, de grands journaux juifs américaines et israéliens ont publié des articles relatant des épisodes d’étroites collaborations du Mossad et du Maroc.

Des révélations qui tombent à point nommé comme pour compromettre le royaume. Ainsi le New York Times publiait le 10 décembre 2020 un article titré « Israel-Morocco Deal Follows History of Cooperation on Arms and Spying »[69] (L’accord israélo-marocain, suite de l’histoire d’une coopération en matière d’armes et d’espionnage). Sept jours plus tard, le 17 décembre 2020, on pouvait lire dans le journal israélien central, Haaretz, un article titré « Assassination, Bribes and Smuggling Jews : Inside the Israeli Mossad’s Long Secret Alliance With Morocco »[70] (Assassinat, pots-de-vin et contrebande de Juifs : L’ancienne alliance secrète du Mossad israélien avec le Maroc).

Depuis sa chute de puissance et sa décadence politique au début du XIXe siècle, l’empire marocain, successivement dépecé, colonisé, amputé, est devenu un pays ayant perdu son autonomie et sa souveraineté. Balloté par les puissances et les institutions occidentales, lié à Israël et ses relais, le Maroc est l’allié et l’objet de ses ennemis historiques. Tel est son malheur.

Pour se sortir de cette ornière, le royaume chérifien doit, dans les décennies à venir, se doter de ce qui lui manque cruellement : les moyens de sa souveraineté réelle, de son indépendance et d’une vision géostratégique.

Youssef Hindi

Le 22 janvier 2021


 

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