Mer de Chine méridionale : Sous Trump, une augmentation considérable du nombre de Porte-avions et de Destroyers américains

      En 2020, l’administration Trump a considérablement augmenté le nombre de missions de démonstration de force, rapporte Ann Wright.

Un F/A-18E est catapulté de l’USS Ronald Reagan, en mer de Chine méridionale, le 15 octobre 2020, dans le cadre de ce que le Commandement Indo-Pacifique des États-Unis a appelé des opérations au nom des intérêts maritimes collectifs des alliés et partenaires régionaux des États-Unis. (US Navy, Codie L. Soule)

Au cours des deux dernières années, les États-Unis ont considérablement augmenté le nombre de porte-avions et de destroyers de la Navy envoyés en mer de Chine méridionale dans le cadre de missions de démonstration de liberté de navigation pour rappeler au gouvernement chinois que les États-Unis considèrent le Pacifique occidental et la mer de Chine méridionale comme faisant partie des océans de l’Amérique et de ses alliés.

De plus, en 2020, l’administration Trump a fait monter les tensions avec la Chine en envoyant à Taiwan les plus hauts responsables américains depuis plus de 40 ans. Le gouvernement chinois a réagi en organisant les plus grands exercices navals de son histoire et en envoyant 18 avions à la limite de la zone de défense aérienne de Taïwan.

Les actions américaines à Taïwan

La Chine considère Taïwan comme une province rebelle qu’elle finira par absorber. En 1979, alors que le président Jimmy Carter rompait les liens diplomatiques officiels avec Taïwan et reconnaissait officiellement la République populaire de Chine, le Congrès américain a adopté la loi sur les relations avec Taïwan, qui constitue la base des relations de Washington avec Taipei. Cette loi prévoit la vente d’armes militaires pour la légitime défense de Taïwan. La loi n’oblige pas les États-Unis à défendre Taïwan si la Chine attaque, mais elle ne l’exclut pas non plus – une politique connue sous le nom d’ambiguïté stratégique.

À la colère du gouvernement chinois, l’administration Trump a multiplié les contacts avec Taïwan de diverses manières. Après l’élection de 2016, le président Donald Trump s’est entretenu par téléphone avec le président taïwanais Tsai Ing-wen, ce qui semble être la première fois qu’un président élu ou un président des États-Unis s’adresse directement à un dirigeant taïwanais depuis au moins 1979.

En outre, au cours des deux derniers mois, les États-Unis ont intensifié leur confrontation avec la Chine en effectuant des visites officielles de haut niveau à Taïwan. Pour la première fois depuis plus de quatre décennies, un fonctionnaire américain de haut niveau s’est rendu à Taïwan lorsque le ministre de la Santé et des Services sociaux Alex Azar s’y est rendu en août 2020, une visite que certains considèrent comme une attaque de l’administration Trump contre la Chine pour ne pas avoir fourni d’informations sur le virus Corona.

Plus récemment, le 17 septembre, le sous-secrétaire d’État aux affaires économiques Keith Krach s’est rendu à Taïwan pour une visite de trois jours, le plus haut responsable du département d’État à se rendre à Taïwan depuis quatre décennies.

Le secrétaire américain à la Santé, Alex Azar, rencontre le président taïwanais Tsai Ing-wen, le 10 août 2020. (CC BY 2.0, Wikimedia Commons)

En réponse à la visite du sous-secrétaire d’État Krach, le 18 septembre, le gouvernement chinois a fait voler 18 avions militaires à la limite de la zone d’identification de la défense aérienne de Taïwan.

Un jour plus tard, le 19 septembre, le gouvernement chinois a envoyé une armada de 19 avions composée de 12 chasseurs J-16, deux chasseurs J-10, deux chasseurs J-11, deux bombardiers H-6 et un avion anti-sous-marin Y-8. Certains ont traversé la ligne médiane du détroit de Taiwan et d’autres ont pénétré dans la zone d’identification de la défense aérienne de Taiwan au large de sa côte sud-ouest. Le gouvernement taïwanais a fait décoller des chasseurs F-16 et a déployé son système de missiles de défense aérienne.

Avant la survenue de cette crise à Taïwan, le 16 septembre, Kelly Craft, l’ambassadrice des États-Unis aux Nations Unies, a déjeuné avec le plus haut responsable de Taïwan à New York, une rencontre qu’elle a qualifiée d’historique et d’étape supplémentaire dans la campagne de l’administration Trump pour renforcer les relations avec Taïwan.

À la mi-août, l’ambassadeur américain de facto à Taïwan, Brent Christensen, est devenu le premier responsable américain à participer aux commémorations des attaques chinoises sur l’île taïwanaise de Quemoy.

Taïwan est l’un des principaux importateurs d’armes américaines. Les États-Unis vendent des équipements militaires à Taïwan depuis 1979. Le président Barack Obama a signé deux importants contrats d’armement totalisant environ 12 milliards de dollars. Le président George W. Bush a approuvé neuf contrats d’armes, d’une valeur d’environ 5 milliards de dollars, au cours de son premier mandat.

Trump a annoncé deux ventes militaires majeures à Taïwan. La première, approuvée en juin 2017, était d’une valeur de 1,4 milliard de dollars et comprenait des missiles et des torpilles de dernière technologie. Il a également fourni un soutien technique pour un système de radar d’alerte précoce.

En octobre 2018, un second contrat d’armes, d’une valeur estimée à 330 millions de dollars, a été approuvé. De plus, en 2018, les États-Unis par leur ambassade de facto à Taipei, ont révélé des améliorations d’une valeur de 250 millions de dollars, malgré les objections de la Chine.

Le 13 octobre 2020, Reuters a rapporté que les États-Unis prévoient de vendre jusqu’à sept systèmes d’armes majeurs, dont des mines, des missiles de croisière et des drones, à Taïwan, car l’administration Trump accentue la pression sur la Chine.

Le Congrès américain est également impliqué dans le soutien de l’administration à Taïwan qui vise à accroître les tensions avec la Chine. Le 1er octobre 2020, 50 sénateurs américains des deux partis ont envoyé au négociateur commercial américain Robert Lighthizer une lettre l’exhortant à entamer le processus officiel de négociation d’un pacte commercial avec Taïwan. Une telle démarche risque de mettre en colère Pékin, qui considère certains partenariats avec Taïwan comme un affront à la souveraineté de la Chine.

L’armée américaine dans le Pacifique

Navires de la marine américaine en mer des Philippines pendant l’opération « Bouclier Vaillant 2020 », le 28 septembre 2020.  (US Navy, Oswald Felix Jr.)

Outre la pression exercée sur la Chine par ses actions avec Taïwan, au cours des six derniers mois, la confrontation et la concurrence entre les marines américaine et chinoise ont augmenté de façon spectaculaire. En réponse à l’augmentation des opérations militaires américaines dans le Pacifique occidental, la Chine a augmenté sa pression sur les questions relatives à la mer de Chine méridionale, à la mer de Chine orientale, à Hong Kong et à Taïwan.

Dans la région du Pacifique, les États-Unis ont une très forte présence :

121 bases militaires au Japon ; 83 bases en Corée du Sud ; 4 bases à Guam ; 5 bases à Oahu, Hawaii, y compris le siège du Commandement Indo-Pacifique ; une des plus grandes zones d’entraînement aux Etats-Unis. sur Big Island, un champ de tir de missiles à Kauai ; un champ de tir de missiles à Kwajelein, dans les îles Marshall ; une base dans les Mariannes du Nord, à Saipan et Tinian ; une base en Australie ; et des accords de défense avec les îles Marshall, les États fédérés de Micronésie et Palau par le biais du Pacte de libre association qui couvre une vaste zone du Pacifique, plus grande que la surface terrestre des États-Unis continentaux.

Le commandement américain dans l’Indo-Pacifique est responsable des opérations militaires américaines sur plus de 52 % de la surface de la Terre, dans 36 pays comptant plus de la moitié de la population mondiale et 3 200 langues différentes, ainsi que de cinq des sept traités de défense collective des États-Unis. Le commandement indo-pacifique compte 375 000 militaires et civils américains.

La flotte indo-pacifique américaine compte 200 navires, dont cinq groupes de frappe de porte-avions, 1 100 avions et 130 000 marins et civils. Les forces du corps des Marines des États-Unis dans le Pacifique comptent deux forces expéditionnaires de la marine, 86 000 personnes et 640 avions.

L’armée de l’Air américaine dans le Pacifique compte 46 000 aviateurs et civils et 420 avions. L’armée américaine du Pacifique compte 106 000 personnes dans un corps et deux divisions, 300 avions et cinq navires. Le Commandement Indo-Pacifique compte 1 200 membres des opérations spéciales.

Les États-Unis mènent de nombreux exercices terrestres et maritimes dans la région du Pacifique. L’un des exercices les plus conflictuels est celui des opérations de liberté de navigation (FONOP) qui visent à contester « les revendications excessives des États côtiers sur les océans du monde, comme le reflète la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ».

Les directives du ministère de la Défense stipulent que les États-Unis « exerceront et feront valoir leurs droits, leurs libertés et leurs utilisations de la mer sur une base mondiale d’une manière qui soit compatible avec l’équilibre des intérêts ».

Les opérations américaines de liberté de navigation en mer de Chine méridionale remettent en question la construction par la Chine de bases militaires sur des atolls contestés.

Au cours des sept dernières années, depuis 2013, le gouvernement chinois, afin de projeter la puissance sur la route maritime de la mer de Chine méridionale par laquelle transitent chaque année des milliards de dollars de commerce mondial, a construit des fortifications militaires sur plus de 1200 hectares de sol dragués sur sept atolls qui abritent maintenant des réseaux de capteurs à longue portée, des installations portuaires, des pistes, des héliports et des bunkers renforcés pour le carburant et les armes.

Ces récifs sont nommés en anglais Fiery Cross, Subi, Mischief, McKennan, Johnson South, Gaven et Cuarteron. Ce sont les seules bases militaires chinoises en dehors de la Chine continentale, à l’exception d’une base militaire chinoise construite à Dijbouti dans la Corne de l’Afrique et à l’entrée de la mer Rouge. Dijbouti possède maintenant des bases militaires des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni, du Japon, de l’Arabie Saoudite et de la Chine.

Récif des îles Spratly en cours de construction d’une île artificielle, 2015. (US Navy, Wikimedia Commons)

En 2015, l’administration Obama a autorisé deux opérations de liberté de navigation (FONOP) et trois FONOP ont été autorisées en 2016.

Au printemps 2017, l’administration Trump a arrêté les FONOP en mer de Chine méridionale, espérant que la Chine augmenterait sa pression sur la Corée du Nord pour qu’elle mette fin aux essais de missiles. Mais à l’été 2017, les États-Unis les ont relancés avec six FONOP en 2017 et cinq opérations en 2018. Un nombre record de FONOP américains en mer de Chine méridionale, avec un total de neuf opérations de liberté de navigation, a été mené en 2019.

En 2020, l’administration Trump a considérablement augmenté le nombre de missions de liberté de navigation. Le premier FONOP de 2020 a eu lieu le 25 janvier, avec le navire de combat côtier USS Montgomery qui a passé outre les revendications chinoises dans les îles Spratly. Au cours de cette opération, la Chine a répondu en envoyant deux chasseurs-bombardiers pour évoluer à proximité de l’USS Montgomery.

En avril 2020, durant deux jours consécutifs de missions FONOP, le destroyer lance-missiles guidés USS Barry a traversé les îles Paracel et le croiseur lance-missiles guidés USS Bunker Hill a navigué dans l’archipel des îles Spratly, en mer de Chine méridionale.

Début juillet 2020, les États-Unis ont envoyé deux groupes d’attaque de porte-avions, les USS Nimitz et USS Ronald Reagan, pour mener des opérations embarquées conjointes en mer de Chine méridionale.

Un groupe d’attaque de porte-avions est composé d’environ 7 500 personnes, d’un porte-avions, d’au moins un croiseur, d’une flottille de destroyers d’au moins deux torpilleurs ou frégates, et d’une escadre de porte-avions composée de 65 à 70 appareils. Un groupe d’attaque de porte-avions peut également comprendre des sous-marins, des navires logistiques et un navire de ravitaillement.

Dans le cadre d’un autre grand exercice de démonstration de force navale dans le Pacifique, les États-Unis ont organisé en août 2020 leur exercice de guerre navale Rim of the Pacific (RIMPAC), traditionnellement la plus grande manœuvre de guerre maritime au monde avec 25 000 personnes, 200 navires de 25 pays.

Cette année, les préoccupations de Covid-19 ont réduit le RIMPAC à 20 navires et les forces navales de 10 pays : Corée du Sud, Canada, Australie, Japon, Philippines, Singapour, Nouvelle-Zélande, Brunei, France et États-Unis. L’exercice de guerre d’un mois a été réduit à deux semaines.

Suite à l’exercice de guerre navale du RIMPAC, en septembre 2020, les États-Unis et trois autres pays, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud ont mené des opérations navales au large de Guam pour « renforcer nos engagements communs en faveur de la stabilité régionale et d’un Indo Pacifique libre et ouvert grâce à une formation et une coopération intégrées ».

Ces exercices ont été suivis à la mi-septembre par des manœuvres militaires américaines conjointes au large de Guam et des îles Mariannes baptisées Valiant Shield (Bouclier vaillant). Les plus grands navires de guerre américains, le porte-avions USS Ronald Regan, le navire d’assaut USS America et les navires de guerre amphibies USS New Orleans et USS Germantown avec 100 avions et 11 000 soldats se sont exercés à défendre le territoire américain de Guam, la Chine ayant déclaré qu’elle était « militairement et moralement prête pour la guerre » en réponse à la présence navale américaine accrue dans la région.

L’exercice Valiant Shield se tient tous les deux ans, avec 11 000 personnes de toutes les forces – armée de Terre, armée de l’Air, marine et corps des Marines – et organise un exercice de tirs de missile opérationnels impliquant des armes lancées en surface, par air et par sous-marin.

Plus tôt dans l’année, en mars 2020, alors qu’il menait des opérations dans le Pacifique occidental, le porte-avions américain USS Theodore Roosevelt a connu une épidémie massive de Covid-19 au cours de laquelle plus de 1 000 marins ont été testés positifs sur les 4 900 membres d’équipage.

Le virus a laissé le porte-avions avec des effectifs si réduits qu’il a été mis hors service et son capitaine a été relevé de son commandement en raison de son appel public au Pentagone pour qu’il l’aide à gérer l’épidémie. Plus de 4 000 marins ont été mis en quarantaine dans des hôtels de Guamand, sur des bases militaires de l’île.

Le USS Theodore Roosevelt a été ancré à Guam pendant deux mois jusqu’à ce que la marine le ramène à son port d’attache de San Diego en mai.

La réponse de la Chine

La marine chinoise n’a pas laissé sans réponse les pratiques de guerre américaines dans le Pacifique occidental et en mer de Chine méridionale. En avril 2020, le gouvernement chinois a envoyé le porte-avions Liaoning et son groupe d’attaque composé de cinq navires de guerre, dont deux destroyers, deux frégates et un navire de soutien au combat, à travers le détroit de Miyako, large de 250 km, entre les îles japonaises d’Okinawa et de Miyako, et l’est de Taïwan.

Le détroit est une voie de navigation internationale. La marine de Taïwan a envoyé des navires pour surveiller le groupe d’attaque lors de son passage.

Le détroit de Miyako est situé entre Miyako et Okinawa. (Wikimedia Commons)

En réponse au passage du groupe de navires chinois près de Taïwan, les États-Unis ont demandé à l’armée de l’Air américaine de faire sa propre démonstration de force sur la base aérienne d’Andersen, sur l’île de Guam, en faisant effectuer par des bombardiers, dont des B-52, une « marche de l’éléphant », une formation rapprochée d’avions avant le décollage, qui « montre leur engagement à assurer la stabilité régionale dans l’ensemble de l’Indo-Pacifique ».

La marine chinoise a également organisé des exercices navals en juillet en réponse à l’augmentation des opérations de liberté de navigation des États-Unis en mer de Chine méridionale.

Au même moment, à la mi-août, alors que les États-Unis menaient les exercices de guerre RIMPAC au large d’Hawaï, la Chine avait ses propres manœuvres navales de démonstration de force, l’exercice naval le plus complet et le plus étendu sur quatre zones maritimes, la mer Jaune, le golfe de Bohai, la mer de Chine orientale et la mer de Chine méridionale.

La Chine possède aujourd’hui la plus grande marine du monde avec 350 navires et sous-marins, contre 293 pour la marine américaine. Toutefois, les États-Unis ont le plus grand tonnage avec 11 porte-avions, contre 2 porte-avions en Chine, et un troisième est en cours de construction. Le premier, le Liaoning, a été mis en service en 2012, tandis que le second, le Shandong, a été mis en service en décembre 2019.

L’armée américaine est préoccupée par la puissance et la portée croissantes de l’armée chinoise. Le rapport annuel de 200 pages du ministère américain de la Défense au Congrès fait état de la puissance militaire chinoise en 2020 :

« La République populaire de Chine (RPC) a mobilisé les ressources, la technologie et la volonté politique au cours des deux dernières décennies pour renforcer et moderniser l’Armée de libération du peuple à presque tous les égards… et la Chine est déjà en avance sur les États-Unis dans certains domaines tels que :

« La construction navale : la RPC possède la plus grande marine du monde, avec une force de combat globale d’environ 350 navires et sous-marins, dont plus de 130 grands navires de surface. En comparaison, la force de combat de la marine américaine est d’environ 293 navires au début de l’année 2020.

Le porte-avions chinois Liaoning dans les eaux de Hong Kong, juillet 2017. (Baycrest, CC BY-SA 2.5, Wikimedia Commons)

Les missiles balistiques et de croisière conventionnels basés à terre : la RPC dispose de plus de 1 250 missiles balistiques lancés du sol (GLBM) et de missiles de croisière lancés du sol (GLCM) d’une portée comprise entre 500 et 5 500 km. Les États-Unis produisent actuellement un type de GLBM conventionnel d’une portée de 70 à 300 km, mais pas de GLCM.

Les systèmes intégrés de défense aérienne : la RPC dispose de l’une des plus grandes forces au monde de systèmes sol-air longue portée avancés – y compris des S-400, S-300 et des systèmes de production nationale de conception russe – qui font partie de son architecture d’un système de défense aérienne intégré robuste et redondant ».

Le rapport du DOD (Department of Defense) prévoit également que la Chine augmentera le nombre de sites logistiques militaires à l’extérieur du pays :

« Au-delà de sa base actuelle à Djibouti, il est très probable que la RPC envisage et planifie déjà des installations logistiques militaires supplémentaires à l’étranger pour soutenir les forces navales, aériennes et terrestres. La RPC a probablement envisagé des sites pour les installations logistiques militaires de l’Armée de libération du peuple au Myanmar, en Thaïlande, à Singapour, en Indonésie, au Pakistan, au Sri Lanka, aux Émirats arabes unis, au Kenya, aux Seychelles, en Tanzanie, en Angola et au Tadjikistan ».

Une file d’avions effectuent une « marche de l’éléphant » sur la base aérienne d’Andersen, Guam, le 13 avril 2020. (US Air Force, Divine Cox)

Dans le cadre de son vaste projet économique « Une ceinture, une route », la Chine a multiplié les acquisitions de ports civils d’outre-mer afin de construire un réseau mondial de ports et de terminaux logistiques dans des endroits stratégiques de l’Union européenne, d’Amérique latine, d’Afrique et de l’océan Indien.

COSCO Shipping Holdings Co. est le troisième plus grand réseau de conteneurs au monde et a investi dans 61 terminaux portuaires à travers le monde. Une autre société liée à l’État chinois, China Merchants, gère 36 ports dans 18 pays.

En 2015, le gouvernement pakistanais a loué son énorme port en eau profonde de Gwadar à la Chinese Overseas Port Holding Company pour 43 ans, jusqu’en 2059. Le port de Gwadar est relié à la Chine par route et chemin de fer, ce qui constitue un élément clé du projet de corridor économique Chine-Pakistan (CPEC). Ce port permet aux marchandises chinoises de contourner par la route le point d’étranglement maritime entre la péninsule malaise et l’île de Sumatra qui pourrait être fermé par la marine indienne. Gwadar est considéré comme une future base possible pour la marine chinoise.

Vue de la ville de Gwadar, Pakistan. (Shayhaq Baloch, CC BY-SA 4.0, Wikimedia Commons)

Au cours des dix dernières années, les entreprises chinoises ont pris des participations dans 13 ports européens, notamment en Grèce, en Espagne et en Belgique, selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Ces ports gèrent environ 10 % de la capacité européenne de transport par conteneurs.

En 2015, la ville de Darwin, en Australie, a loué son port pour 99 ans au Shangdong Landbridge Group. Toujours en 2015, la société publique chinoise Shanghai International Port Group Co. a remporté un contrat pour la gestion d’un port à Haïfa, en Israël, pour une durée de 25 ans à partir de 2021. En octobre 2020, la même société soumissionne pour la gestion d’une deuxième installation portuaire à Haïfa, alors que le gouvernement américain fait pression sur Israël pour qu’il renonce car la marine américaine utilise ce port.

En 2016, COSCO a pris le contrôle de l’Autorité portuaire du Pirée SA, société cotée en bourse créée par l’État grec pour superviser le port. Elle a remporté l’appel d’offres pour l’exploitation et le développement du port pendant 40 ans en échange d’une redevance annuelle de 2 % des revenus bruts du port et de plus de 550 millions de dollars de nouveaux investissements dans les installations portuaires. En 2018, la plus grande compagnie maritime chinoise, Cosco Shipping Holdings Co. a racheté le contrôle d’un important terminal commercial américain dans le port de Long Beach, en Californie.

En 2017, des entreprises chinoises ont annoncé leur intention d’acheter ou d’investir dans neuf ports étrangers dans le cadre de projets évalués à 20 milliards de dollars.

Exercices militaires terrestres américains

Scénario de tir réel pendant l’exercice Pacific Defender 2020 au Centre d’entraînement régional du Pacifique près de la base aérienne d’Andersen, Guam, 11 février 2020. (US Air Force, Zade Vadnais)

A la pratique de guerre navale américaine dans le Pacifique s’ajoutent des exercices militaires terrestres. Defender 2020 Pacific, le principal exercice de l’armée américaine sur le théâtre d’opérations indo-pacifique, a débuté en août 2020 avec le déploiement de forces conjointes à Guam et sur l’île de Palau, dans le Pacifique, sur un scénario en mer de Chine méridionale, dans le cadre d’une « démonstration d’assurance à nos alliés et partenaires dans la région ».

Defender 2020 Pacifique est un exercice conjoint qui démontre « l’état de préparation stratégique en déployant des forces de combat crédibles sur le théâtre d’opérations indo-pacifique contribuant à un Pacifique libre et ouvert ».

Selon Defense News, l’exercice Defender 2020 a été conçu pour contrer la Chine, décrite dans la stratégie de défense nationale (NDS pour National Defense Strategy) comme un concurrent stratégique à long terme des États-Unis. La NDS présente un monde où la compétition entre les grandes puissances plutôt que l’anti-terrorisme sera le moteur de la prise de décision et de la structure des forces du ministère de la Défense.

Dans une deuxième partie de Défense 2020, début septembre 2020, le 1er Corps de l’armée américaine et la 7e Division d’infanterie ont projeté leurs centres d’opérations tactiques pour assurer le commandement et le contrôle des exercices conjoints d’entrée en force à travers l’Alaska et dans les îles Aléoutiennes.

En outre, le Commandement Indo-Pacifique étend ses exercices Pacific Pathways menés tout au long de l’année civile. Il est prévu de prolonger la durée de présence des unités de l’armée américaine dans les pays hôtes. L’armée américaine dispose de 85 000 soldats stationnés en permanence dans la région indo-pacifique, mais s’exerce également à un déploiement rapide depuis le continent américain vers le Pacifique.

Le président de Palau veut des installations américaines

En août 2020, lors d’une visite de Mark Esper, le secrétaire américain à la Défense, le président de la nation insulaire du Pacifique de Palau a offert aux États-Unis des terres pour construire des installations militaires – un port maritime et un aérodrome. Esper était en tournée dans le Pacifique, il en a profiter pour accuser Pékin d’avoir une « influence malveillante » et de mener des « activités déstabilisatrices continues » dans la région. Palau est une nation indépendante, mais elle n’a pas d’armée.

Les États-Unis sont responsables de la défense de Palau et de sa zone maritime environnante, de la taille de l’Espagne, en vertu d’un accord de libre association qui donne aux 20 000 citoyens de Palau le droit de voyager, de vivre et de travailler aux États-Unis. Le pacte actuel expire en 2024 et sera renégocié cette année. Palau est l’une des quatre seules nations du Pacifique qui reconnaissent encore Taïwan, après que les îles Salomon et Kiribati aient transféré la reconnaissance diplomatique à Pékin l’année dernière.

La Corée du Nord et du Sud

En juin 2018, après sa première rencontre avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, Trump a unilatéralement suspendu l’entraînement sur le terrain à grande échelle avec la Corée du Sud, apparemment d’accord avec la Corée du Nord qui considère ces exercices comme « provocateurs » et une perte d’argent.

Les Etats-Unis et la Corée du Sud continuent de mener des simulations informatisées, la dernière en date étant les exercices militaires conjoints annuels du 18 au 28 août 2020. L’entraînement au poste de commandement combiné s’est concentré sur des simulations informatisées visant à préparer les deux armées à divers scénarios de combat, comme une attaque surprise de la Corée du Nord.

Une épidémie de coronavirus a forcé à réduire un programme de formation déjà modeste. La Corée du Nord considère les exercices informatiques comme des répétitions d’invasion et a menacé d’abandonner les négociations nucléaires bloquées si Washington persiste dans ce qu’elle perçoit comme des « politiques hostiles » envers Pyongyang. Les militaires américains et sud-coréens ont annulé leurs exercices de printemps à la suite de l’extension de la pandémie de Covid-19 dans la ville de Daegu, au sud du pays.

Les exercices de 2020 ont offert à la Corée du Sud l’occasion de prendre le contrôle opérationnel de la deuxième des trois évaluations de préparation des forces sud-coréennes en temps de guerre. Les Etats-Unis ont accepté de passer le contrôle à condition que la Corée du Sud ait sécurisé des capacités militaires clés pour mener le dispositif de défense combiné et contrer efficacement les menaces nucléaires et de missiles de la Corée du Nord, et qu’il y ait un environnement de sécurité propice à un transfert.

Toutefois, le général d’armée à la retraite Vincent Brooks, l’ancien commandant militaire américain en Corée du Sud, a déclaré le 2 octobre dernier, lors de la conférence virtuelle du Conseil atlantique sur la Corée, que continuer à interrompre les exercices militaires à grande échelle « n’est plus possible » en tant qu’outil de négociation avec la Corée du Nord comme levier pour les pourparlers de dénucléarisation.

Il a déclaré que la pause de deux ans des exercices d’entraînement majeurs entre les forces sud-coréennes et américaines « ne semble pas avoir cédé la place à la voie diplomatique » pour faire avancer les négociations sur les programmes d’armes nucléaires et de missiles de la Corée du Nord.

Durant d’autres événements régionaux récents, lors d’une réunion à Tokyo le 6 octobre 2020 du groupe quadrilatéral composé des États-Unis, du Japon, de l’Inde et de l’Australie, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a dénoncé « l’exploitation, la corruption et la coercition » de la Chine. Il a parlé de la frustration régionale croissante face au manque de transparence de la Chine sur l’épidémie de coronavirus et de son affirmation de soi accrue vis-à-vis de ses voisins.

D’autres membres de la Quadrilatérale étaient plus réticents à critiquer la Chine en raison de ses liens économiques étroits. Ils continuent de caractériser la Quad comme un « mécanisme de sécurité consultatif entre des démocraties partageant les mêmes idées ».

La Corée du Sud ne fait pas partie de la Quadrilatérale. Le ministre sud-coréen des affaires étrangères, Kang Kyung-wha, a déclaré : « Nous ne pensons pas que quelque chose qui exclut automatiquement et systématiquement les intérêts des autres est une bonne idée. Si c’est une alliance structurée, nous réfléchirons certainement très sérieusement à la question de savoir si elle sert nos intérêts en matière de sécurité. » Les États-Unis et la Corée du Sud sont en désaccord sur le coût du maintien de 28 500 militaires américains en Corée du Sud.

Le 10 octobre, la Corée du Nord a célébré le 75e anniversaire du Parti des travailleurs. Le défilé militaire nocturne a mis en vedette le plus gros missile ICBM de Corée du Nord, monté sur un lanceur à 11 essieux, également vu pour la première fois.

Le défilé militaire a été suivi 24 heures plus tard par un événement de divertissement de masse pour des dizaines de milliers de personnes le 11 octobre. Dans son discours pour les célébrations, le président Kim Jung Un n’a pas fustigé la Corée du Sud ou les États-Unis, mais au lieu de cela a parlé des typhons, des inondations et du virus de la Covid partout dans le monde, bien que la Corée du Nord affirme n’avoir eu aucun cas.

Le Nord n’a pas recommencé ses essais d’ICBM (Missile Balistique Inter Continental), le dernier ayant eu lieu le 28 novembre 2017, il y a presque trois ans, et le dernier essai d’armes nucléaires de la Corée du Nord a eu lieu il y a trois ans, le 3 septembre 2017.

Ann Wright est vétérante de la réserve de l’armée américaine, elle a servi durant 29 ans et a pris sa retraite en tant que colonelle et ancienne diplomate américaine qui a démissionné en mars 2003 pour marquer son opposition à la guerre contre l’Irak. Elle a servi au Nicaragua, à la Grenade, en Somalie, en Ouzbékistan, au Kirghizistan, en Sierra Leone, en Micronésie et en Mongolie. En décembre 2001, elle a fait partie de la petite équipe qui a réouvert l’ambassade américaine à Kaboul. Elle est la co-autrice du livre « Dissent : Voices of Conscience » (Dissidents : les voix de la conscience).


Source : Consortium News, Ann Wright, 16-10-2020
Traduit par les lecteurs du site Les Crises


 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *