MERCOSUR : TRENTE ANS DU MARCHÉ COMMUN DU SUD

Par : FELIPE SOLÁ
MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DU COMMERCE    INTERNATIONAL DE LA RÉPUBLIQUE D’ARGENTINE

Le monde connaît une reconfiguration de la structure du pouvoir global ainsi qu’une crise des institutions internationales qui nous gouvernent depuis soixante-dix ans. Face à ces défis et incertitudes, nous sommes convaincus que l’intégration de nos pays restera le meilleur moyen pour dynamiser notre développement, préserver notre souveraineté, promouvoir le bonheur de nos peuples et nous intégrer dans le monde.”

Le  Marché  commun  du  Sud (Mercosur)  est  né  en  1991 avec  le  Traité d’Asunción signé par l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Conçu pour surmonter la logique de rivalité entre les pays et établir une dynamique de coopération, le marché commun est une réussite historique dans la région ainsi que l’un des jalons fondamentaux de l’intégration économique latino-américaine.

Avec près de 300 millions d’habitants et une superficie de près de 15 millions de kilomètres carrés (50% plus grand que le continent européen et presque la taille de la Russie), le Mercosur est connu pour son grand potentiel en termes de ressources naturelles et de produits alimentaires. Le bloc exporte 63% du soja mondial et il est également, au niveau mondial, le premier exportateur de viande bovine, de viande aviaire, de maïs, de café et de fer, ainsi que le huitième producteur d’automobiles. Son PIB a atteint 4,467 billions de dollars américains en 2019 (mesuré en termes de parité de pouvoir d’achat), ce qui le place, dans son ensemble, au cinquième rang des économies mondiales. Bien que les objectifs établis au moment de sa création aient été économiques et commerciaux, le Mercosur a un rôle important dans la consolidation de la démocratie et l’élimination des conflits. La paix étant une condition nécessaire au développement, l’intégration régionale a toujours été un instrument-clé pour consolider notre région en tant que zone de paix et de coopération, sans conflits armés.

Nous avons commencé en 1991 par la création d’une zone de libre-échange pour que nos biens et services circulent sans restriction, et aussi un tarif extérieur commun qui nous permet de gérer les échanges avec le reste du monde. Cela a conduit à un développement vigoureux de notre commerce multilatéral. Nous avons également réussi à favoriser l’échange de produits à valeur ajoutée entre les quatre pays membres, dynamisant les activités d’exportation non traditionnelles qui ont créé des emplois à forte valeur ajoutée dans les secteurs des biocarburants, la chimie et la pétrochimie, les plastiques, la pharmacie, la sidérurgie et l’automobile, entre autres.

Ainsi, alors que le Mercosur est un exportateur traditionnel et reconnu de produits primaires, une grande partie du commerce entre les pays membres porte sur des produits industrialisés, dont il faut noter, par exemple, le commerce automobile qui représente près de 50% du commerce mondial entre l’Argentine et le Brésil. En même temps, nous travaillons à l’harmonisation des règlements techniques, afin qu’ils garantissent la sécurité de la production et des consommateurs sans entraver inutilement les échanges. Dans le domaine de la santé publique, la coordination entre nos pays a toujours été importante, surtout pendant la pandémie actuelle de Covid-19. Nos citoyens peuvent également s’installer dans un autre pays du bloc pour y travailler librement, ce qui n’est pas courant dans le reste du monde. En 2004, nous avons créé le Fonds de convergence structurelle du Mercosur qui, jusqu’à présent, a investi plus d’un milliard de dollars dans des prêts non remboursables pour des projets d’infrastructure et de développement productif, entre autres, ce qui a accru la compétitivité de nos économies dans les zones les moins développées de la région.

En outre, dès ses premières années, le Mercosur a négocié et signé des accords commerciaux avec la plupart des pays de la région latino-américaine, ce qui a favorisé la création d’une zone de libre-échange qui comprend aujourd’hui la plupart des pays de la région. De même, nous avons négocié des accords commerciaux avec l’Union européenne, l’AELE, Israël, l’Égypte, l’Inde et les pays d’Afrique australe, entre autres. Le Mercosur n’est pas un bloc fermé au commerce extérieur, mais une plateforme de projection sur le reste du monde.

Par ailleurs, la coopération au sein du Mercosur s’étend à de nombreux domaines, tels que la culture, l’éducation, la science et la technologie, la construction d’une citoyenneté commune, la coordination des politiques sociales et économiques, entre autres. Ces domaines de travail, multiples et variés, évoluent au fur et à mesure que les changements du contexte international et de celui de nos pays l’exigent.

Malgré toutes ces réalisations au cours des trois dernières décennies, il y a évidemment une série de défis à relever. Par conséquent, notre agenda stratégique nous oblige à travailler pour définir des politiques communes et coordonnées pour le développement productif, élargir notre capacité de production de biens et de services, créer des économies d’échelle et de spécialisation, et nous insérer d’une manière plus intelligente dans les chaînes de valeurs globales et dans les flux d’investissement mondiaux. En même temps, le Mercosur doit jouer un rôle sur la scène internationale. Tant au G20 qu’à l’OMC, à la FAO et dans d’autres organisations internationales, l’union de nos pays contribue à la défense de nos positions sur l’agenda mondial. Face à un scénario international de plus en plus complexe et fragmenté, la coordination des positions au sein du Mercosur devient à chaque jour plus pertinente.

Nous sommes de l’avis que l’objectif de l’intégration est celui de rechercher des accords, tout en respectant la diversité de nos pays, inspirés par la volonté politique de vouloir nous intégrer. Le Mercosur promeut un régionalisme solidaire en matière politique, économique et sociale car nous savons que l’union nous rend plus forts face aux difficultés.
Le Mercosur est pour nos pays l’instrument de politique extérieure le plus important des trente dernières années. C’est une politique d’État qui a été maintenue au-delà des changements de gouvernement. Au cours de ces trente années, nous nous sommes mis d’accord sur de nombreuses questions, telles que l’engagement en faveur de la démocratie comme condition fondamentale de la vie de nos peuples ; le respect des droits de l’homme en tant que valeur essentielle et inaliénable de la coexistence sociale ; la reconnaissance de notre diversité et la coordination de nos politiques de croissance pour intégrer nos structures productives. Le monde connaît une reconfiguration de la structure du pouvoir global ainsi qu’une crise des institutions internationales qui nous gouvernent depuis soixante-dix ans. Face à ces défis et incertitudes, nous sommes convaincus que l’intégration de nos pays restera le meilleur moyen pour dynamiser notre développement, préserver notre souveraineté, promouvoir le bonheur de nos peuples et nous intégrer dans le monde.


 

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