Mohamed Laïchoubi, politologue : « La Libye, un enjeu stratégique pour l’Algérie » (+vidéo)

par Z. Mehdaoui

«La Libye est un double verrou qui influence directe ment les politiques algériennes, qu’elles soient économiques, sécuritaires ou géostratégiques », a déclaré hier le politologue, Mohamed Laïchoubi.

S’exprimant sur les ondes de la radio Chaîne 3, M. Laïchoubi explique que la stabilisation de la Libye constitue un enjeu immédiat pour les pays du Sahel et euro-méditerranéens. La Libye, rappelle le politologue, est, à la fois, « la première entrée vers le Sahel» et « un pays méditerranéen en face de la Sicile, l’une des plus grandes bases maritimes de l’OTAN ».

En plus de ce problème sécuritaire, l’invité de la Chaine 3 revient sur la position géographique de la Libye qui représente un couloir du transit international. « Vous avez à votre droite l’Egypte et Suez et en face le prolongement de la mer Noire», dit-il en expliquant que ce couloir offre un accès aux grandes puissances de l’Est comme la Russie et permet le transit de nombreux transferts gaziers. Il faut savoir que depuis l’élection du Président Tebboune, l’Algérie a repris en main le dossier libyen. Les autorités algériennes multiplient les initiatives pour trouver une issue pacifique à ce conflit fratricide qui a déjà fait des milliers de victimes. En ce sens le 8ème Sommet du Comité de haut niveau de l’Union africaine (UA) sur la Libye, auquel prendront part plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que les parties en conflit en Libye, se tiendra jeudi à Brazzaville (Congo).

Le Sommet a pour objectif d’étudier l’évolution de la situation en Libye, avant le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA prévu, en février prochain, à Addis-Abeba, en Ethiopie. La rencontre, qui intervient quelques jours seulement après une réunion à Berlin, en Allemagne (au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement) et une autre à Alger (au niveau des ministres des Affaires étrangères), consacrées à la situation en Libye, sera marquée par la présence des acteurs du conflit et autres représentants d’organisations continentales et internationales, pour tenter de trouver une solution politique à cette crise. Le représentant spécial et chef de la mission d’appui des Nations Unies pour la Libye, Ghassan Salamé, et le secrétaire exécutif de la Communauté des Etats sahélo-sahariens, Ibrahim Sani Abani, sont attendus à cette rencontre. Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, le président en exercice de l’UA, Abdel Fattah al-Sissi, et le Commissaire à la paix et à la sécurité de la Commission de l’UA, Ismaël Chergui, seront également présents à ce sommet. La partie libyenne sera représentée par les deux principaux protagonistes, le président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’union nationale (GNA), Fayez Mustapha Al-Sarraj, et le maréchal Khalifa Haftar, ainsi que par le président du haut conseil d’Etat, Khaled Al-Michri et le président du Parlement, Aguila Saleh Issa. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, est aussi attendu à cette réunion en qualité de représentant d’un pays ayant organisé une réunion, le 19 janvier dernier à Berlin, pour relancer le processus de paix en Libye. Pour rappel, lors de la conférence internationale sur la Libye tenue à Berlin, à laquelle a pris part le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, les participants ont convenu de la mise en place d’un comité devant assurer le suivi de la mise en œuvre des décisions de la conférence, et ce, sous l’égide de l’ONU, une démarche tendant à « consolider » la trêve et le cessez-le-feu entre les forces du Gouvernement d’union nationale et celles du Maréchal Haftar. A Alger, la réunion sur la Libye des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de ce pays (Algérie, Tunisie, Egypte, Soudan, Tchad et Niger), ainsi que le Mali, au vu des retombées de la crise libyenne sur ce pays de la région, a mis en avant la nécessité d’accompagner les Libyens dans la dynamisation du processus de règlement politique de la crise à travers un dialogue inclusif.


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8ème sommet du Comité de haut niveau aujourd’hui à Brazzaville

L’Union africaine au chevet de la Libye

Le 8ème sommet du Comité de haut niveau de l’Union africaine (UA) sur la Libye, auquel doivent prendre part plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que les parties au conflit en Libye, s’ouvre, aujourd’hui, à Brazzaville (Congo), afin d’examiner la situation qui prévaut dans ce pays en crise et d’en tirer les conclusions et les recommandations utiles qui seront soumises à l’examen du prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’organisation continentale, prévu en février, à Addis Abeba ( Ethiopie ).
Cette réunion à laquelle avait appelé le président du Comité, le chef de l’Etat congolais Denis Sassou N’Guesso, à la veille de la tenue de la conférence de Berlin, intervient, quelques jours à peine, après les recommandations des participants à cette initiative sous l’égide de l’ONU et la rencontre qui s’est déroulée à Alger, où les ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye ont débattu des mesures nécessaires pour rétablir le processus politique de règlement de la crise.La réunion de Brazzaville aura comme objectif la recherche des voies et moyens de parvenir à cette solution politique, d’autant qu’y seront présents les principaux protagonistes, aux côtés des représentants des organisations continentale et internationale.
On sait en effet que le représentant spécial et chef de la mission d’appui des Nations unies pour la Libye, Ghassan Salamé, et le secrétaire exécutif de la communauté des Etats sahélo-sahariens, Ibrahim Sani Abani, seront présents à cette rencontre qui verra, en outre, la participation du président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, du président en exercice de l’UA, Abdel Fattah al-Sissi, et du commissaire à la paix et à la sécurité de la Commission de l’UA, Ismaël Chergui.
Côté libyen, on y attend les deux parties au conflit que sont le président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’union nationale (GNA), Fayez Mustapha al Serraj, et le maréchal Khalifa Haftar, accompagnés par le président du haut conseil d’Etat, Khaled Al-Mechri, pour le premier, et le président du Parlement, Saleh Issa Aguila, pour le second. Il est à noter que le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, est lui aussi invité à cette rencontre, après la tenue de la conférence de Berlin qui a permis une large concordance de vues entre les pays participants, notamment les membres permanents du Conseil de sécurité, sur la nécessité de faire respecter le cessez-le-feu arraché à Moscou et de sanctionner toute atteinte à l’embargo sur les armes décrété par l’ONU. Cela sans préjuger des mesures visant à relancer le mécanisme du dialogue politique, unanimement reconnu comme la seule solution pertinente à la crise qui secoue le pays depuis neuf ans.
A cette occasion, les dirigeants présents, dont le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune, ont convenu de mettre en place un comité de suivi des décisions prises pour consolider la trêve conclue à Moscou et faire avancer le processus de dialogue politique entre les belligérants. Des objectifs qui ont également été soulignés à Alger par les ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye (Algérie, Tunisie, Egypte, Soudan, Tchad et Niger), ainsi que du mali impacté par la crise libyenne, preuve d’un large consensus quant à la seule voie de rétablissement du processus de règlement politique du conflit par le biais d’un dialogue inclusif. / Chaabane BENSACI


30.01.2020

Les affrontements reprennent en Libye – La médiation d’Alger face à l’entêtement des «parrains»

par Karim Aimeur

Toute démarche algérienne a peu de chance de réussir en Libye en raison de « la divergence totale entre les différents parrains de deux factions (GNA et Haftar), qui sont des acteurs majeurs de la scène internationale (Russie, France, Turquie, EAU, Arabie Saoudite, Qatar).
Karim Aimeur – Alger (Le Soir) – Comme affirmé par des analystes, le cessez-le-feu en Libye entre les forces du maréchal Khalifa Haftar et le Gouvernement d’union nationale (GNA) et l’embargo sur les armes décrété à la conférence de Berlin ont fait long feu.
Les combats ont repris entre les deux parties et les observateurs s’interrogent désormais ouvertement sur le rôle des Émirats arabes unis, dont le ministre des Affaires étrangères s’est rendu, il y a quelques jours à Alger, dans l’aggravation de la situation sécuritaire en Libye.
Selon plusieurs sources, les Émirats arabes unis ont acheminé environ 2 700 tonnes d’armement pour venir en renfort des forces de l’Est libyen du maréchal Haftar et ce, au lendemain de l’engagement fait à Berlin de couper l’approvisionnement en armes des deux parties en conflit, violant ainsi cet accord.
Ainsi, ils semble que la Conférence de Berlin du 19 janvier et la réunion d’Alger qui a regroupé le 26 janvier les chefs de diplomatie des pays voisins n’ont pas eu les effets escomptés.
Ce mardi, les affrontements ont repris à Tripoli dont Haftar veut, semble-t-il, s’emparer à tout prix, avec l’aide de ses parrains étrangers. Trois enfants ont été tués et un autre a été blessé dans la chute d’une roquette près d’une école au sud de la capitale libyenne, malgré le cessez-le-feu en vigueur depuis le 12 janvier, a rapporté l’AFP qui signale qu’une deuxième roquette a frappé de plein fouet une maison proche, sans faire de victime. Les forces du GNA ont accusé les troupes du maréchal Khalifa Haftar d’être derrière l’attaque. Les pro-GNA avaient annoncé plus tôt mardi avoir abattu un drone émirati des forces du maréchal Haftar dans l’ouest du pays.
La Mission des Nations-Unies en Libye (Manul) avait déjà regretté la poursuite des violations flagrantes de l’embargo sur les armes en Libye. Cela, au moment où le Conseil de sécurité de l’ONU discutait d’un projet de résolution réclamant « un cessez-le-feu permanent » dans le pays.
Si l’Algérie est exposée aux conséquences d’une guerre totale en Libye, en raison de sa proximité géographique avec ce pays, quel serait l’intérêt des EAU dans la région et quel est leur rôle, eux qui vont apparemment s’offrir le pays en soutenant Haftar et en violant les accords internationaux ? Et quelle sera la réaction de la Turquie qui a affiché son soutien au GNA pour contrer l’invasion de Tripoli par les forces de Haftar ?
Pour Djalil Lounnas, spécialiste des relations internationales et de la sécurité régionale au Sahel, qui prévoyait déjà le non-respect des accords de Berlin, la Conférence de l’Allemagne n’était finalement qu’un interlude, affirmant que les « parrains » du GNA et de Haftar n’avaient pas l’intention de résoudre politiquement la crise.
« La Conférence de Berlin n’a été qu’un interlude pour permettre aux deux factions de se repositionner, se réapprovisionner et se renforcer. Ils avaient besoin d’un répit, surtout Haftar qui est en position de force, et c’est à cela que cette trêvea servi », a-t-il soutenu dans une déclaration au Soir d’Algérie.
Selon lui, depuis deux semaines, l’embargo sur les armes a été violé et les deux parties ont reçu des armes et du matériel, notamment le GNA , puisque les arrivés de mercenaires syriens n’ont pas cessé, on parle même de chars d’assaut.
Notre interlocuteur affirme que comme pour la Conférence de Berlin, la médiation algérienne n’avait de chance de réussir qu’à la condition que les acteurs, en particulier les parrains des deux factions, soient sur la même ligne.
« Ce qui n’est pas le cas et ne l’a jamais été. Les visites de Le Drian et d’Erdogan à Alger sur la question le montrent bien, au-delà des simples déclarations diplomatiques, les différends demeuraient. Il est vrai que l’Algérie et la Turquie sur la question libyenne sont sur la même ligne, à savoir un soutien au GNA, mais pas nécessairement sur les moyens », a-t-il expliqué. Et de préciser que toute démarche algérienne a peu de chance de réussir en raison de « la divergence totale entre les différents parrains des deux factions, et au demeurant des acteurs majeurs de la scène internationale (Russie, France, Turquie, EAU, Arabie Saoudite, Qatar)./
K. A.


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